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[RP] La mer c’est le pied…’fin quand on sait naviguer

Aure
Rp ouvert à tous bien sûr !

Voualaaaa ! Elle avait enfin réussi à remplir son estomac gargouillant la gamine. Après un réveil au milieu de l’odeur de poisson du port marseillais et des souvenirs qui étaient venus la gratouiller, ses petits petons de mioche de dix ans l’avaient menée directement au marché. Sauf qu’en se sauvant du bordel de la tante Aurèle, elle n’avait pu embarquer d’écus sonnants et trébuchants pour faire ses emplettes en bonne et due forme.
Alors elle avait joué du sourire, des quenottes encore blanches, d’un air candide, pour détourner l’attention du boulanger. Boulanger que la gamine, depuis cette matinée où la daronne lui avait tout appris sur le « comment qu’on fait les bébés », regardait d’un drôle d’air à chaque fois qu’elle devait rapporter du pain dans la maisonnée. Oh, elle aurait très bien pu lui demander s’il avait pas besoin d’un coup de main pour gagner sa pitance, sauf qu’en vrai, elle en avait aucune envie. A part passer un ptit coup de balai dans la minuscule pièce où elle passait ses nuits pour pas croiser les clients du bouge, elle ne connaissait pas grand chose des tâches ménagères ou d’un quelconque boulot. Et franchement, la Aure avait aucune envie de se forcer.

« Travailler c'est trop dur, et voler c'est pas beau » comme on dit… ben tant pis, il fallait bien choisir l’une des deux solutions, et pour la fillette, c’était tout vu. La brunette n’avait pas passé dix années à traîner dans un bordel avec sa mère pour pas voir comment les dames réussissaient à embobiner les gars qui venaient traîner leurs chausses dans la ruelle. De sa fenêtre, la vue était imprenable sur celle-ci, et chaque nuit c’était le même ballet. Alors, elle en avait appris beaucoup la Aure. Beaucoup sur l’être humain et certaines de ses faiblesses, d’autant plus qu’elle avait eu droit au cours magistral de la mère. Bon, il lui restait encore pas mal de choses à vraiment comprendre, à assimiler, à percevoir. Mais une chose était sûre, elle savait que les hommes étaient attirés par le corps des femmes.
Sauf qu’elle, ben c’est encore qu’une gamine, malgré les petits formes qui se dessinent sous sa robe. Et donc, elles ne combat pas avec les mêmes armes que les filles de joie. Alors fallait jouer la carte de la malignité. De toute façon, dès qu’elle avait posé un pied hors du bouge la veille, elle avait tout de suite compris qu’il faudrait apprendre à se débrouiller seule pour grailler et pour dormir.

Baladant sa frimousse à travers les étals, elle avait zieuté les marchands, pour voir à qui elle pourrait faire le coup du : « oh regardez là-bas, un bateau qui vole ! ». Même si ça pouvait pas être vrai, c’était obligégatoire que les gens tournent la tête. Elle même obnubilée par les bateaux, elle aurait regardé, étoiles plein les mirettes, rêvant déjà de se trouver sur un rafiot qui plane dans les airs. Bref, elle allait devoir feinter quoi…
Et c’est sur le boulanger qu’elle avait jeté son dévolu. Papillonnant des yeux, comme la Gertrude à la robe verte beaucoup trop courte qui essayait d’appâter le client, elle avait ensuite baladé sa petite menotte sur le bord de la grande table en bois où se trouvaient les marchandises. Un bienveillant regard s’était posé sur elle. Le boulanger, ça faisait quelques années qu’il la voyait traîner dans le coin, la Aure. Sauf que d’habitude, elle lui achetait toujours deux ou trois miches de pain, accompagnée de sa grande blonde de mère. Mais là, elle était seule.
Les opales de la gamine s’étaient posées sur lui, sourire candide aux lèvres, donc.


Dis moua mosieur… T’aimes bien les bateaux ?

Voilà comment elle avait engagé la conversation. Toute façon, c’était son sujet de prédilection à la brunette. Sa mère avait été saoulée des années durant avec les barques, la mer, l’océan, les poissons, les coquillages. D’ailleurs, Aure avait toujours une tripotée de coquillages morts dans son sac. C’est super les coquillages, on peut faire tout plein de formes avec. Des bateaux, des barques, des poissons… Pis surtout, on peut entendre la mer quand on colle son oreille sur un gros.
S’en était suivi une série de :


T’as une barque toi mosieur ?
Et t’aimes bien la mer ?
Moi j’aime bien les coquillages.
Un jour je sera marin et j’irai dans l’océan, même que.


Et des :

Ooooh

Ou encore des :

Pourquoi ?

Bref, elle l’avait tenu pendant plusieurs minutes, lorgnant de temps en temps les miches de pain dont l’odeur venait lui chatouiller les narines. Et pis enfin, était venu le coup fatal. Son index s’était levé droit vers le ciel et elle avait crié.

Dis mosieur, c’est quoi ? Des gonélands ou des mouettes ?

Et hop, ça avait pas loupé, le vioc s’était laissé pigeonné tout bien comme il faut. Son regard s’était tourné vers le ciel, laissant le temps à la gamine d’enfourner une miche de pain dans son sac et de le refermer illico, ni vu ni connu j’t’embrouille.
Le cœur battant, parce que c’était quand même la première fois qu’elle tentait une telle expérience, elle avait ensuite continué à dispenser de grands sourires avant de filer droit vers la plage avec son butin.

La journée s’était ensuite déroulée tranquillement, entre ramassage de coquillages et observation des bateaux. Même qu’elle avait poussé pour la première fois la porte d’une taverne, où se trouvait un géant avec deux dames. L’avantage quand on est môme, c’est qu’en général les gens sont plutôt gentils avec eux, si tant est qu’on leur fasse de jolis sourires. La Aure avait parlé bateau, mer et coquillages, et une des dames, blonde comme sa mère, lui avait même offert des gâteaux. Même qu’un des hommes qui était rentré avait eu pas moins de trois barques ! Sauf qu’il leur avait pas donné de nom. Plus tard, quand elle aurait son bateau à elle, elle l’appellerait « Océan », elle le savait déjà. En tout cas, c’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde que l’homme avait une barque sur la plage, c’est donc vers là que la gamine s’était rendue en fin de journée.

Et voilà où elle en était maintenant de sa journée, déjà bien remplie pour la première passée seule dans les rues de Marseille. Assise dans le sable, elle regarde les derniers pêcheurs qui remontent vers la ville, laissant leur embarcation sur la plage. Mentalement, elle compte : une miche de pain, une poignée de gâteaux, une gourde d’eau.


Ouais, avec ça j’peux tiendre plusieurs jours, même que je vais pêcher.

Une des dames en taverne lui avait dit que c’était bien d’avoir des rêves. Ben là, elle allait les réaliser. Se remettant droite sur ses gambettes, elle s’adresse à la mer.

Même que je vais deviendre un vrai marin !

Sûre d’elle, elle se dirige vers une des barques posée sur le sable, attrapant le bois. La Aure se met à tirer, et tirer tant et plus, mais force est de constater qu’il lui est impossible de faire bouger cette foutue barque pour la ramener à la mer. Mais bon, hors de question de se laisser abattre. Sac sur les épaules, elle continue son chemin sur la plage, essayant de repérer une barque qui aurait été laissée en mer. Rien à l’horizon, jusqu’à ce que ses petons la ramènent sur les quais. Et là, bingo. Une série de barques alignées, mais simplement attachées par une corde. Un peu d’acharnement plus tard, zieutant que personne ne l’aperçoive, la mioche peut enfin embarquer dans le mini rafiot, qui se fait rapidement emporter par le reflux des vagues.
C’est avec un immense sourire aux lèvres que la Aure regarde l’horizon, se disant qu’il va falloir quand même faire bien attention si elle veut pas tomber au bout.

Le port marseillais diminue peu à peu, l’embarcation se laissant porter par les flots bleus de cette fin de journée. Aure chope une des rames, persuadée qu’elle arrive à faire avancer la barque. Un sentiment de fierté s’empare d’elle, ça y’est, elle est marin, et même qu’elle va aller jusqu'au bout du monde…
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