Estrella.iona
[D'Angers à Saumur.]
Une légère poussière émanait de sous les sabots du cheval de Trella. Légère, car la cadence de l'animal était légèrement... Ralentie. En effet, la jeune fille n'était pas au mieux de sa forme, et étant donné qu'en ce moment tout mouvement trop brusque ou toute allure trop soutenue lui faisait rendre son déjeuner, elle avait préféré prévenir que guérir en allant au pas. Sûr que la route semblerait plus longue, mais elle avait de quoi s'occuper le cerveau avec toutes sortes de questions auxquelles elle se devait de trouver réponse : quoi dire à Maleus, écouter ou non son opposition au mariage, trouver un moyen d'arrêter ses perpétuelles nausées, trouver un moyen d'arrêter de se goinfrer de gateaux, et tant d'autres choses existentielles, comme l'excommunication qui planait au dessus des têtes des membres du conseil.
C'est donc tout doucement que le cheval et Trella entrèrent dans Saumur. Cette dernière, perdue dans ses réflexions, regardait vaguement le chemin, faisant confiance à la monture. Lorsque soudain, le cheval s'arrêta net. Quelque chose avait dû l'effrayer, puisqu'il refusait d'avancer, malgré les injonctions de la brunette. Bon, que se passait il ? Le jour commençait à se lever tout doucement. Elle regarda aux alentours, avant de se rendre compte que l'endroit où le cheval avait choisi de s'arrêter ne lui était pas inconnu.
Rien n'avait changé... Ou plutôt si. La forge de feu son père, abandonnée depuis quelques années maintenant, était sans un sale état. Et la maison attenante n'était pas guère mieux. Il régnait une atmosphère opressante, étrange. Trella frissonna, pas de froid, vu la chaleur matinale. Cependant, une curiosité pointue l'envahit subitement.
Elle n'avait jamais pris la peine de revenir ici, depuis son retour en Anjou. Elle était passée devant quelques fois, mais avait continué son chemin, comme si les souvenirs étaient trop poignants. Poignants, ou blessants... Ou les deux.
Mais cette fois ci, c'était différent. Laissant le cheval là où il était, elle s'approcha lentement de la petite maisonnette où elle avait passé quelques années.
La porte était fermée. Elle ne semblait pas avoir été fracturée, étrange cela aussi, après toutes ces années inhabitée, des pilleurs auraient pu venir voir... Mais non. Elle semblait intacte, mais fragile. Ni une ni deux, elle s'appuya contre la porte pour la faire céder. Nul besoin d'un grand effort, elle s'ouvrit quasi instantanément.
La pièce était sombre, et poussièreuse, aussi en entrant la brunette fut prise d'une quinte de toux dont elle mit quelques secondes à se remettre. Puis elle regarda autour.
Rien n'avait changé. Depuis son départ en Touraine, il y a une dizaine d'années, tout était resté tel qu'elle l'avait connu. Normal, après tout.. On lui avait raconté que sa mère avait beaucoup voyagé, donc normal qu'elle n'ait pas éprouvé le besoin de changer les affaires de place si elle n'était pas souvent là.
Tu vois... C'est là que j'ai vécu !
Non, Trella ne se parle pas toute seule. Enfin c'est ce qu'un spectateur non avisé pourrait croire, mais non, elle n'est pas folle, du moins pas encore. Elle avait juste pris la résolution de parler au petit être qui s'était établi en elle. Après tout, puisqu'il était là, elle pouvait bien lui parler, peut etre qu'il entendrait... Et puis, il la faisait tellement souffrir parfois qu'elle pouvait bien se permettre de lui adresser la parole de temps à autres !
Cependant, elle cessa de faire la conversation et son regard fut attiré par un coin de la pièce duquel émanait de vieux souvenirs... Ses jouets ! Se précipitant dans le dit coin, comme une enfant avide de gamineries, elle les comptabilisa : ils étaient tous là. Lolita la poupée borgne, Martine et Zor les ours, Leo, les animaux en bois...
Elle les avait laissés à son départ en Touraine, pensant que de toutes manières, elle les reverrait un jour, et vu que Fab n'était pas d'accord pour faire le porteur de jouets, elle avait dû se résoudre à les abandonner... Mais elle était loin de se douter, à l'époque, qu'elle les reverrait dix ans plus tard. Ils étaient couverts de poussière, et Trella renonça à souffler dessus pour l'éliminer : pas envie de subir une nouvelle quinte de toux.
Elle les ramassa un par un, bien déterminée à remporter ses trouvailles à Blou, là où elle vivait avec Leandre. Mais son inspection n'était pas finie : elle avisa les coffres où auparavant étaient rangés les habits, ceux de ses parents, et les siens. Deux coffres, l'un assez grand, l'autre plus petit.
Elle s'en approcha, délaissant les jouets dans un coin, et s'agenouilla auprès du plus grand. C'était celui où étaient rangés les effets de ses parents. Logiquement, il devrait être vide : sa mère avait dû emporter ses affaires lors de ses voyages, quand aux effets de son père, elle présuma qu'il les avait emportés avec lui à Loches. Elle souleva le couvercle, qui grinça monstrueusement. Effectivement, il était vide.
Elle se tourna alors vers le plus petit coffre. Lorsqu'elle était partie, elle n'avait rien emporté, ou quasiment rien. Si elle suivait toujours sa logique, il devait être plein, à moins que sa mère se soit débarrassée de ses affaires... Trella plissa le nez avant de l'ouvrir.
Mais non, il était toujours plein. Ses affaires de petite fille, ses petites chemises, et même les petites robes qu'elle avait eu l'occasion de porter il fut un temps étaient soigneusement pliées. Les couleurs avaient perdu de leur éclat, et puis il faisait sombre, et surement que des bêtes avaient commencé à trouer le tissu, mais peu importe. Revoir ses effets remplissait Trella d'une joie nostalgique.
Elle ramassa les jouets et les jeta dans le coffre. Elle allait tout emporter, hors de question de laisser ses souvenirs à l'abandon un jour de plus ! Après avoir trainé le coffre, qui était assez lourd quand même, jusqu'à la porte, elle referma soigneusement celle ci, du moins, elle la referma du mieux qu'elle put.
Le cheval était toujours à sa place. Cependant, un problème allait se poser : comment faire tenir le coffre sur son dos ?
Trella soupira. Encore un souci ! Décidément. Elle avait décidé de se mettre à réfléchit - oui, il faut préalablement qu'elle décide de se mettre à réfléchir avant de le faire réellement... Compliquée la fille ? Si peu ! - lorsqu'un genre de couinement vint troubler sa réflexion. Elle regarda autour d'elle, perplexe. Le bruit semblait venir d'un côté de la maison. Vu qu'elle n'en était pas à une surprise près, elle prit le parti d'aller voir la cause de ce bruit étrange. Un rat, peut être. Ca tombait bien, Calyce en voulait. Elle l'attraperait et le lui offrirait, on a jamais trop de rats, c'est bien connu.
Le couinement s'intensifiait au fur et à mesure qu'elle avançait. C'est qu'elle était sur le bon chemin. Cependant, ce n'était surement pas des rats. Les rats font un drole de bruit vous savez, on les reconnaitrait entre mille, et là, ça n'était pas des rats. Des loups peut être ! Des chats, des animaux quelconques...
En réalité, c'était... Des chiens. Ou plutôt un chien, un chiot même, un chiot à l'air gentil, et si Trella avait eu quelques connaissances au niveau canin, elle aurait su que c'était une espèce de labrador, ou une race y ressemblant.
Ce que ce chiot faisait dans un buisson attenant à une maison abandonnée, lui seul devait le savoir.
Et il faut préciser qu'en temps normal, Trella n'aurait nullement été émue par cette petite boule de poil noire aux jolis yeux brillants. Nullement. Mais les hormones aidant, elle se trouvait sensible aux petites choses de la vie, et se choquait elle même souvent en s'émerveillant de faits insignifiants. Tout comme le sort du chiot.
Ooooh qu'il est mignon ! T'as vu comme il est mignon !
Cette dernière réplique étant une fois de plus adressée au bébé, même s'il était évident que celui ci ne voyait rien du tout.
Ils sont où tes parents, p'tit chien ? Humpf.
C'est qu'elle parlait à un chien. D'un air niais, en plus. Et pour une mercenaire, hormones ou pas, ça ne se fait pas. Se redressant pour se donner une contenance, et espérant que personne n'avait rien vu, elle attrapa le chien sans hésitation. Heureusement pour elle, celui ci semblait docile, pour rien au monde elle n'aurait souhaité avoir les bras striés de griffures canines... Les blessures de guerre, ça c'est chouette, mais les griffures de chien le sont nettement moins.
Elle savait déjà ce qu'elle allait faire du chien. Depuis le temps qu'elle en cherchait un, en plus ! C'était une aubaine inespérée. Et même s'il n'avait pas la taille requise par son futur maitre, il grandirait !
Le jour s'était levé tout à fait pendant son exploration. Il n'était plus question de trainer : elle souleva le coffre dans un effort surhumain et le place en équilibre sur le dos du canasson. Tant pis, elle allait tenir le chargement jusqu'à Blou, ça n'était pas dramatique.
Le chiot sous le bras, l'autre bras tenant le coffre, elle s'éloigna de la maison de son enfance en se promettant d'y revenir.
Un jour.
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Une légère poussière émanait de sous les sabots du cheval de Trella. Légère, car la cadence de l'animal était légèrement... Ralentie. En effet, la jeune fille n'était pas au mieux de sa forme, et étant donné qu'en ce moment tout mouvement trop brusque ou toute allure trop soutenue lui faisait rendre son déjeuner, elle avait préféré prévenir que guérir en allant au pas. Sûr que la route semblerait plus longue, mais elle avait de quoi s'occuper le cerveau avec toutes sortes de questions auxquelles elle se devait de trouver réponse : quoi dire à Maleus, écouter ou non son opposition au mariage, trouver un moyen d'arrêter ses perpétuelles nausées, trouver un moyen d'arrêter de se goinfrer de gateaux, et tant d'autres choses existentielles, comme l'excommunication qui planait au dessus des têtes des membres du conseil.
C'est donc tout doucement que le cheval et Trella entrèrent dans Saumur. Cette dernière, perdue dans ses réflexions, regardait vaguement le chemin, faisant confiance à la monture. Lorsque soudain, le cheval s'arrêta net. Quelque chose avait dû l'effrayer, puisqu'il refusait d'avancer, malgré les injonctions de la brunette. Bon, que se passait il ? Le jour commençait à se lever tout doucement. Elle regarda aux alentours, avant de se rendre compte que l'endroit où le cheval avait choisi de s'arrêter ne lui était pas inconnu.
Rien n'avait changé... Ou plutôt si. La forge de feu son père, abandonnée depuis quelques années maintenant, était sans un sale état. Et la maison attenante n'était pas guère mieux. Il régnait une atmosphère opressante, étrange. Trella frissonna, pas de froid, vu la chaleur matinale. Cependant, une curiosité pointue l'envahit subitement.
Elle n'avait jamais pris la peine de revenir ici, depuis son retour en Anjou. Elle était passée devant quelques fois, mais avait continué son chemin, comme si les souvenirs étaient trop poignants. Poignants, ou blessants... Ou les deux.
Mais cette fois ci, c'était différent. Laissant le cheval là où il était, elle s'approcha lentement de la petite maisonnette où elle avait passé quelques années.
La porte était fermée. Elle ne semblait pas avoir été fracturée, étrange cela aussi, après toutes ces années inhabitée, des pilleurs auraient pu venir voir... Mais non. Elle semblait intacte, mais fragile. Ni une ni deux, elle s'appuya contre la porte pour la faire céder. Nul besoin d'un grand effort, elle s'ouvrit quasi instantanément.
La pièce était sombre, et poussièreuse, aussi en entrant la brunette fut prise d'une quinte de toux dont elle mit quelques secondes à se remettre. Puis elle regarda autour.
Rien n'avait changé. Depuis son départ en Touraine, il y a une dizaine d'années, tout était resté tel qu'elle l'avait connu. Normal, après tout.. On lui avait raconté que sa mère avait beaucoup voyagé, donc normal qu'elle n'ait pas éprouvé le besoin de changer les affaires de place si elle n'était pas souvent là.
Tu vois... C'est là que j'ai vécu !
Non, Trella ne se parle pas toute seule. Enfin c'est ce qu'un spectateur non avisé pourrait croire, mais non, elle n'est pas folle, du moins pas encore. Elle avait juste pris la résolution de parler au petit être qui s'était établi en elle. Après tout, puisqu'il était là, elle pouvait bien lui parler, peut etre qu'il entendrait... Et puis, il la faisait tellement souffrir parfois qu'elle pouvait bien se permettre de lui adresser la parole de temps à autres !
Cependant, elle cessa de faire la conversation et son regard fut attiré par un coin de la pièce duquel émanait de vieux souvenirs... Ses jouets ! Se précipitant dans le dit coin, comme une enfant avide de gamineries, elle les comptabilisa : ils étaient tous là. Lolita la poupée borgne, Martine et Zor les ours, Leo, les animaux en bois...
Elle les avait laissés à son départ en Touraine, pensant que de toutes manières, elle les reverrait un jour, et vu que Fab n'était pas d'accord pour faire le porteur de jouets, elle avait dû se résoudre à les abandonner... Mais elle était loin de se douter, à l'époque, qu'elle les reverrait dix ans plus tard. Ils étaient couverts de poussière, et Trella renonça à souffler dessus pour l'éliminer : pas envie de subir une nouvelle quinte de toux.
Elle les ramassa un par un, bien déterminée à remporter ses trouvailles à Blou, là où elle vivait avec Leandre. Mais son inspection n'était pas finie : elle avisa les coffres où auparavant étaient rangés les habits, ceux de ses parents, et les siens. Deux coffres, l'un assez grand, l'autre plus petit.
Elle s'en approcha, délaissant les jouets dans un coin, et s'agenouilla auprès du plus grand. C'était celui où étaient rangés les effets de ses parents. Logiquement, il devrait être vide : sa mère avait dû emporter ses affaires lors de ses voyages, quand aux effets de son père, elle présuma qu'il les avait emportés avec lui à Loches. Elle souleva le couvercle, qui grinça monstrueusement. Effectivement, il était vide.
Elle se tourna alors vers le plus petit coffre. Lorsqu'elle était partie, elle n'avait rien emporté, ou quasiment rien. Si elle suivait toujours sa logique, il devait être plein, à moins que sa mère se soit débarrassée de ses affaires... Trella plissa le nez avant de l'ouvrir.
Mais non, il était toujours plein. Ses affaires de petite fille, ses petites chemises, et même les petites robes qu'elle avait eu l'occasion de porter il fut un temps étaient soigneusement pliées. Les couleurs avaient perdu de leur éclat, et puis il faisait sombre, et surement que des bêtes avaient commencé à trouer le tissu, mais peu importe. Revoir ses effets remplissait Trella d'une joie nostalgique.
Elle ramassa les jouets et les jeta dans le coffre. Elle allait tout emporter, hors de question de laisser ses souvenirs à l'abandon un jour de plus ! Après avoir trainé le coffre, qui était assez lourd quand même, jusqu'à la porte, elle referma soigneusement celle ci, du moins, elle la referma du mieux qu'elle put.
Le cheval était toujours à sa place. Cependant, un problème allait se poser : comment faire tenir le coffre sur son dos ?
Trella soupira. Encore un souci ! Décidément. Elle avait décidé de se mettre à réfléchit - oui, il faut préalablement qu'elle décide de se mettre à réfléchir avant de le faire réellement... Compliquée la fille ? Si peu ! - lorsqu'un genre de couinement vint troubler sa réflexion. Elle regarda autour d'elle, perplexe. Le bruit semblait venir d'un côté de la maison. Vu qu'elle n'en était pas à une surprise près, elle prit le parti d'aller voir la cause de ce bruit étrange. Un rat, peut être. Ca tombait bien, Calyce en voulait. Elle l'attraperait et le lui offrirait, on a jamais trop de rats, c'est bien connu.
Le couinement s'intensifiait au fur et à mesure qu'elle avançait. C'est qu'elle était sur le bon chemin. Cependant, ce n'était surement pas des rats. Les rats font un drole de bruit vous savez, on les reconnaitrait entre mille, et là, ça n'était pas des rats. Des loups peut être ! Des chats, des animaux quelconques...
En réalité, c'était... Des chiens. Ou plutôt un chien, un chiot même, un chiot à l'air gentil, et si Trella avait eu quelques connaissances au niveau canin, elle aurait su que c'était une espèce de labrador, ou une race y ressemblant.
Ce que ce chiot faisait dans un buisson attenant à une maison abandonnée, lui seul devait le savoir.
Et il faut préciser qu'en temps normal, Trella n'aurait nullement été émue par cette petite boule de poil noire aux jolis yeux brillants. Nullement. Mais les hormones aidant, elle se trouvait sensible aux petites choses de la vie, et se choquait elle même souvent en s'émerveillant de faits insignifiants. Tout comme le sort du chiot.
Ooooh qu'il est mignon ! T'as vu comme il est mignon !
Cette dernière réplique étant une fois de plus adressée au bébé, même s'il était évident que celui ci ne voyait rien du tout.
Ils sont où tes parents, p'tit chien ? Humpf.
C'est qu'elle parlait à un chien. D'un air niais, en plus. Et pour une mercenaire, hormones ou pas, ça ne se fait pas. Se redressant pour se donner une contenance, et espérant que personne n'avait rien vu, elle attrapa le chien sans hésitation. Heureusement pour elle, celui ci semblait docile, pour rien au monde elle n'aurait souhaité avoir les bras striés de griffures canines... Les blessures de guerre, ça c'est chouette, mais les griffures de chien le sont nettement moins.
Elle savait déjà ce qu'elle allait faire du chien. Depuis le temps qu'elle en cherchait un, en plus ! C'était une aubaine inespérée. Et même s'il n'avait pas la taille requise par son futur maitre, il grandirait !
Le jour s'était levé tout à fait pendant son exploration. Il n'était plus question de trainer : elle souleva le coffre dans un effort surhumain et le place en équilibre sur le dos du canasson. Tant pis, elle allait tenir le chargement jusqu'à Blou, ça n'était pas dramatique.
Le chiot sous le bras, l'autre bras tenant le coffre, elle s'éloigna de la maison de son enfance en se promettant d'y revenir.
Un jour.
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