Lilo-akao
[Si derrière toute barbe il y avait de la sagesse, les chèvres seraient toutes prophètes.]
- « Hé ! Oh ! T'as la barbiche qui trempe dans mon encre ! »
- « Bèèèèèèèèèèèèh ! »
La jeune femme se pencha en avant et tenta tant bien que mal de repousser l'animal, qui se bornait à vouloir renifler le pot au sombre contenu. Dans sa précipitation à vouloir éloigner l'envahisseur, la brune manqua de renverser l'écritoire reposant sur ses genoux. Le vélin vierge y trônant glissa au sol et fut piétiné par la quadrupède bêlant de mécontentement. Les sabots agités rencontrèrent le pot d'encre qui roula au sol et déversa son précieux contenu dans l'herbe, provoquant l'envolée d'une flopée de cris rageurs, se mêlant à ceux de la biquette outrée, qui s'écarta enfin de quelques pas.
- « El'viiiix ! Bon sang ! Éloignes cette chèvre de là ! »
L'éclopée posa l'écritoire à terre et se leva prestement pour ramasser le pot à présent presque vide. Elle pestait entre ses dents contre le barde s'étant improvisé berger pour la journée. La somme proposée en échange de ce service était coquette, mais bon sang ! Le blond aurait mieux fait d'aller brailler sur la place publique pour gagner quelques piécettes ! Sa compagne d'infortune aurait eu la chance d'être tranquille pendant ce temps là !
- « Di-diou ! Elle va bouffer mes parchemins ! Sale bête ! »
Le pot d'encre vide vola soudain en direction de l'animal, qu'il heurta à la naissance des cornes. La chèvre surprise fit un bond sur le coté et détalla en courant. Alarmé par les braillements, le barde approchant à vive allure eut juste le temps de faire un écart pour ne pas se faire renverser au passage de la vieille bique. Son regard azuré était gêné lorsqu'il croisa celui de la jeune noble furieuse :
- « TOI ! Si je reste je vais commettre un meurtre ! T'as de la chance que la rouquine t'aime bien. 'spèce de bouseux incapable ! »
La brune vit volteface et ramassa brusquement sa besace avant de le planter là avec ses foutues chèvres. Elle prit la direction de Vendôme en espérant se trouver un endroit un peu plus calme, où elle pourrait rédiger ses missives en paix.
A Sire Ruthenix,
Seigneur de Saint-Avit,
Procureur de Touraine,
Je ne sais quel accueil les Tourangeaux réservent habituellement aux étrangers, mais la manière dont notre petit groupe de voyageurs a été reçu est des plus déplorable, pour ne pas dire musclée. Depuis quand vos armées attaquent-elles les honnêtes personnes qu'elles croisent sur les chemins ? Il me semble pourtant que vos frontières sont ouvertes et que la loi martiale n'a pas été déclarée. Je souhaite avoir des explications sur cette infâme conduite.
Nous avions dans l'unique intention de traverser votre duché pour rentrer chez-nous en Bourgogne, mais mes compagnes et moi-même avons dû battre en retraite pour ne pas nous faire passer une lame au travers du corps par vos hommes armés et ce sans explication aucune. L'une des notre se trouve en ce moment même entre la vie et la mort. Nous exigeons réparations pour cet acte calomnieux ! Je souhaite poursuivre en justice le dirigeant de cette armée. On m'a dit qu'il se nommait Thegreatbeny. J'espère que mon appel sera entendu.
En espérant que Justice soit faite,
Respectueusement,
Luna Wolback de Chambertin,
Dame de St-Quentin-les-Anges.
A la Barrique fauchée,
J'ai envie de t'écrire une petite histoire. J'espère qu'elle te plaira, bien que j'en doute fort.
Un jour de printemps, un Étourneau piaillant et ses quatre muses décidèrent de quitter le nid familial pour prendre leur envol et se dégourdir les ailes, qu'ils avaient engourdies par le désuvrement. Ravis de découvrir des paysages inconnus et grisés par cette nouvelle sensation de liberté, ils ne virent pas la meute de crevards aux crocs acérés qui les guettait en pleine campagne tourangelle avec la ferme intention de se les mettre sous la dent. Effrayés et sentant le piège se refermer sur eux, les malheureux volatils eurent juste le temps de rebrousser chemin pour se mettre à l'abri.
Une fois qu'ils furent sous couvert des bois, ils se rendirent compte qu'ils avaient perdue l'une des leurs. La cousine de la plus vieille des Sizerins n'avait pas réussi à les suivre jusque là. Elle avait les plumes trop fripées suite à sa rencontre avec la meute. Ses compagnons supposèrent qu'elle avait dû faire un atterrissage forcé sur un bas coté. Ils prièrent pour que son rétablissement soit prompte avant de se coucher, rompus de fatigue.
Au petit matin, la Linotte au cur noble et l'Étourneau naïf décidèrent de s'installer au calme pour mener une vie paisible dans les verts pâturages de Vendôme. Les deux autres muses choisirent de reprendre leur envol et d'essayer de gagner des terres plus accueillantes, bien que les loups continuaient à roder sur la route et constituaient toujours une menace pour elles.
C'est ici que s'achève mon histoire. Le sort des deux intrépides reste inconnu et laisse libre cours à notre imagination. Quant au couple resté sur place, ils vécurent heureux, à l'abri du danger. Comme mon récit n'est pas un conte de fées, ils n'eurent pas une flopée de marmots à la bouille d'anges. Ils n'eurent pas de gamins du tout et n'essayèrent même pas d'en faire !
Sa Seigneurie
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- « Hé ! Oh ! T'as la barbiche qui trempe dans mon encre ! »
- « Bèèèèèèèèèèèèh ! »
La jeune femme se pencha en avant et tenta tant bien que mal de repousser l'animal, qui se bornait à vouloir renifler le pot au sombre contenu. Dans sa précipitation à vouloir éloigner l'envahisseur, la brune manqua de renverser l'écritoire reposant sur ses genoux. Le vélin vierge y trônant glissa au sol et fut piétiné par la quadrupède bêlant de mécontentement. Les sabots agités rencontrèrent le pot d'encre qui roula au sol et déversa son précieux contenu dans l'herbe, provoquant l'envolée d'une flopée de cris rageurs, se mêlant à ceux de la biquette outrée, qui s'écarta enfin de quelques pas.
- « El'viiiix ! Bon sang ! Éloignes cette chèvre de là ! »
L'éclopée posa l'écritoire à terre et se leva prestement pour ramasser le pot à présent presque vide. Elle pestait entre ses dents contre le barde s'étant improvisé berger pour la journée. La somme proposée en échange de ce service était coquette, mais bon sang ! Le blond aurait mieux fait d'aller brailler sur la place publique pour gagner quelques piécettes ! Sa compagne d'infortune aurait eu la chance d'être tranquille pendant ce temps là !
- « Di-diou ! Elle va bouffer mes parchemins ! Sale bête ! »
Le pot d'encre vide vola soudain en direction de l'animal, qu'il heurta à la naissance des cornes. La chèvre surprise fit un bond sur le coté et détalla en courant. Alarmé par les braillements, le barde approchant à vive allure eut juste le temps de faire un écart pour ne pas se faire renverser au passage de la vieille bique. Son regard azuré était gêné lorsqu'il croisa celui de la jeune noble furieuse :
- « TOI ! Si je reste je vais commettre un meurtre ! T'as de la chance que la rouquine t'aime bien. 'spèce de bouseux incapable ! »
La brune vit volteface et ramassa brusquement sa besace avant de le planter là avec ses foutues chèvres. Elle prit la direction de Vendôme en espérant se trouver un endroit un peu plus calme, où elle pourrait rédiger ses missives en paix.
A Sire Ruthenix,
Seigneur de Saint-Avit,
Procureur de Touraine,
Je ne sais quel accueil les Tourangeaux réservent habituellement aux étrangers, mais la manière dont notre petit groupe de voyageurs a été reçu est des plus déplorable, pour ne pas dire musclée. Depuis quand vos armées attaquent-elles les honnêtes personnes qu'elles croisent sur les chemins ? Il me semble pourtant que vos frontières sont ouvertes et que la loi martiale n'a pas été déclarée. Je souhaite avoir des explications sur cette infâme conduite.
Nous avions dans l'unique intention de traverser votre duché pour rentrer chez-nous en Bourgogne, mais mes compagnes et moi-même avons dû battre en retraite pour ne pas nous faire passer une lame au travers du corps par vos hommes armés et ce sans explication aucune. L'une des notre se trouve en ce moment même entre la vie et la mort. Nous exigeons réparations pour cet acte calomnieux ! Je souhaite poursuivre en justice le dirigeant de cette armée. On m'a dit qu'il se nommait Thegreatbeny. J'espère que mon appel sera entendu.
En espérant que Justice soit faite,
Respectueusement,
Luna Wolback de Chambertin,
Dame de St-Quentin-les-Anges.
A la Barrique fauchée,
J'ai envie de t'écrire une petite histoire. J'espère qu'elle te plaira, bien que j'en doute fort.
Un jour de printemps, un Étourneau piaillant et ses quatre muses décidèrent de quitter le nid familial pour prendre leur envol et se dégourdir les ailes, qu'ils avaient engourdies par le désuvrement. Ravis de découvrir des paysages inconnus et grisés par cette nouvelle sensation de liberté, ils ne virent pas la meute de crevards aux crocs acérés qui les guettait en pleine campagne tourangelle avec la ferme intention de se les mettre sous la dent. Effrayés et sentant le piège se refermer sur eux, les malheureux volatils eurent juste le temps de rebrousser chemin pour se mettre à l'abri.
Une fois qu'ils furent sous couvert des bois, ils se rendirent compte qu'ils avaient perdue l'une des leurs. La cousine de la plus vieille des Sizerins n'avait pas réussi à les suivre jusque là. Elle avait les plumes trop fripées suite à sa rencontre avec la meute. Ses compagnons supposèrent qu'elle avait dû faire un atterrissage forcé sur un bas coté. Ils prièrent pour que son rétablissement soit prompte avant de se coucher, rompus de fatigue.
Au petit matin, la Linotte au cur noble et l'Étourneau naïf décidèrent de s'installer au calme pour mener une vie paisible dans les verts pâturages de Vendôme. Les deux autres muses choisirent de reprendre leur envol et d'essayer de gagner des terres plus accueillantes, bien que les loups continuaient à roder sur la route et constituaient toujours une menace pour elles.
C'est ici que s'achève mon histoire. Le sort des deux intrépides reste inconnu et laisse libre cours à notre imagination. Quant au couple resté sur place, ils vécurent heureux, à l'abri du danger. Comme mon récit n'est pas un conte de fées, ils n'eurent pas une flopée de marmots à la bouille d'anges. Ils n'eurent pas de gamins du tout et n'essayèrent même pas d'en faire !
Sa Seigneurie
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