--Enimie.d.euphor
Les jours, les semaines, puis les mois avaient passé depuis le départ en campagne de ses parents. Si les nouvelles lui étaient parvenues régulièrement lors de la Croisade, elles se firent bien plus rare de Provence. Elle avait appris bien des choses. Comment sa mère avait brillamment participé à la prise de Brignoles, comment son père lui avait brièvement succédé, comment tous deux avaient été enfermés dans les geôles provençales, comment ils avaient participé victorieusement au soutien du siège, puis à la libération de Toulon. Mais les harangues des messagers la laissaient froides, elle n'attendait, n'espérait qu'une chose. Leur retour.
C'était avant la maladie. Tout avait commencé par un coup de froid dans la haute vallée de l'Olt sur laquelle veillait le Castel du Tournel. La toux était devenue persistante, la fièvre était apparue peu après. Les premiers symptômes l'avaient convaincu de prendre du repos. Elle s'était donc retirée dans l'écrin de Sainte-Enimie. Dans ce lieu de pélerinage bâti dans les gorges du Tarn non loin de Quezac, l'abbaye lui servait de refuge. Malgré les bons soins des hommes de Dieu, son état était devenu inquiétant. La fièvre était parfois accompagnée de délires, la voix de la jeune fille n'était plus qu'un léger filet presque incompréhensible. Mais là n'était pas le plus inquiétant. Des difficultés respiratoires, des douleurs thoraciques étaient survenues. L'état de l'héritière d'Euphor apparaissait désormais comme alarmant, pour ne pas dire mortel. Ironie du sort, les complications arrivaient peu avant l'annonce du retour des parents. De la mère, du moins.
Cloisonnée dans une cellule afin de limiter les risques d'infection, Enimie était allongée. Elle songeait aux bons souvenirs, pensait à l'avenir, au moment où son père voudrait lui trouver un bon époux. Un doux mélange de mélancolie et d'espoir, un mélange corrompu par la crainte omniprésente de la fin. Elle ne parlait presque plus, car cela lui était difficile, mais si elle l'avait pu, nul doute qu'elle aurait cherché un réconfort, une voix rassurante.
Un matin, on vint lui annoncer l'arrivée imminente de sa mère. Elle sourit, pour la première fois depuis des jours, elle sourit.