Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2   >>

[RP] Fable cruelle du Sans-Nom - Chapitre 1

Isaure.beaumont
Et deux ombres s’étaient avancées dans l’auberge. Madeline, relevant la tête de son ouvrage, avait été horrifiée de trouver sa petite maîtresse dans un si piteux état. Sa toute petite et si fragile Isaure… Elle avait à peine remercié l’homme qui l’avait ramenée en vie et s’était précipitée sur la jeune fille. Et délicatement, sans question, avec une tendresse toute maternelle, Madeline avait plongé Isaure dans un bon bain chaud et parfumé, préparé par la femme de l’aubergiste à sa demande. Elle l’avait lavée, frottée, rincée. Et délicatement, l’avait séchée, puis l’avait peignée. Elle avait ensuite appliqué quelques baumes sur le visage et le corps tuméfiés de l’enfant, évitant de trop songer au calvaire qu’avait dû être le sien. Le silence était de mise. Elles parleraient, mais plus tard. De toute façon, l’enfant semblait bien incapable de raconter quoique ce soit sur son supplice. Dès que la vie te frappe, douce Isaure, tu ravales tes larmes et te replie sur toi-même, pensa-t-elle. Madeline se souvenait du jour où Isaure avait appris la mort de ses frères. Elle s’était murée dans un silence total toute la journée, n’avait pas laissé couler une larme et le lendemain, s’était montrée raisonnable et protectrice envers Maltea. Si petite et déjà si dure.

Et pendant que Madeline s’activait autour de la petite Wagner, ce qui restait de leur escorte s’en était allé remuer les campagnes environnantes pour retrouver le malfrat. On avait retourné chaque masures, fouillé chaque granges, quadrillé chaque sous-bois. Mais le ladre restait introuvable, il s’était volatilisé. Et les hommes étaient rentrés bredouille et inquiets de savoir ce violenteur de nobles damoiselles en liberté.

Isaure, toujours plongée dans son mutisme avait été mis au lit et ses yeux s’étaient fermés sans résistance. Incapable d’aller se coucher, Madeline demeura au chevet de la brune, passant souvent un linge humide sur le visage de l’innocente enfant dont le sommeil était parfois troublé par quelques terribles songes. Parfois, des syllabes incompréhensibles s’élevaient, sans que la chambrière puisse en saisir le sens. IL lui semblait que la petite Morvilliers suppliait. D’autres fois, elle semblait plutôt invectiver. Certains mots trouvaient un écho à l’oreille de la jeune domestique, lui tordant le cœur de douleur.


Et le jour s’était levé, Isaure s’était réveillée. Et c’était l’air de rien qu’elle s’était fait habiller, refusant de regarder son reflet dans la vitre. Elle refusait de revenir sur ce qui s’était passé la veille et désirait aller faire un tour en ville. Il fallait garder la tête haute, oublier la honte cuisante du jour précédent et faire bonne figure.


[ Quelques heures plus tard, au centre de Montauban ]

Isaure sortait de l’église, suivie d’une Madeline, fatiguée par sa longue veille, et bientôt rejoint par deux gardes chargés de sa protection. Elle avait prié et remercié Aristote et ses anges. Elle distribua quelques pièces sur le parvis aux gueux nécessiteux et commença à se diriger vers la taverne la plus proche. Elle avait soif, si soif. C’est alors qu’une vieillarde croisa sa route. Et la Morvilliers de fouiller une dernière fois dans sa bourse de cuir qui s’était bien amaigrie.


-Tenez ma brave, mangez à votre faim ce soir.

Puis, sans un regard, elle se faufila dans la taverne, suivie de son escorte.
_________________
--Sorguina
La pièce retentit dans le petit panier de la vieille mendiante.

« Tenez ma brave, mangez à votre faim ce soir.»

« Merci, merci mille fois, jeune Dame, soyez bénie » marmonna la vieille, recroquevillée contre le mur d’une sinistre bâtisse. Et, de ses petits yeux intrigants, elle regarda s’éloigner puis disparaitre dans une taverne la généreuse jeune fille et son escorte avec intérêt.

« Le Sans-Nom veille sur toi ma fille, n’aies pas d’inquiétude, il te préservera, oui, il veillera sur toi…du moins jusqu’au dernier acte ! » continua-t-elle tout bas sur un ton qu’on aurait pu confondre avec un ricanement de mauvais augure. "On croit perdre et oublier, s’échapper et en finir avec, vaincre et terrasser à jamais, mais le Maître est toujours là qui veille à ce que les crimes passés rattrapent toujours le bourreau mais, plus encore, viennent étreindre la victime en un terrible enchevêtrement de remords et de peurs, de soupçons pesants comme la nuit sans étoiles. Vas donc où tu veux, petite péronnelle, va noyer dans des flots suaves l’amertume de tes déboires. Mais n’espère jamais. Car c’est bien en vain qu’on espère, lorsque l’on est la proie des êtres de la Lune. Tu crois cette histoire oubliée que déjà l'étau se resserre... »

Et ce disant, la petite vieille se releva péniblement de la chaussée à l’aide de son bâton de mendiante et s’en fut vers le bas de la rue, en reprenant sa rengaine pour inciter les badauds à lui céder une piécette.
Iban
Les vagues du fleuve allaient et venaient sur la plage qui bordait par endroit le Tarn, rejetant galets et coquilles sur les sillons sablonneux, avant de revenir les engloutir de nouveau, telle une belle indécise, à un rythme régulier. Iban, assis sur le sable sec, observait pensivement ce mouvement tranquille et harmonieux. Le fleuve avait revêtu ce matin là une parure d’algues soyeuses que faisait miroiter un soleil luttant de ses premiers feux pour terrasser une fois de plus les ombres de la nuit. Le roulis de la marée sonnait aux oreilles du Basque comme le chant mélancolique de l’homme perdu, qui a quitté le pays béni de l’enfance pour venir se perdre dans les méandres indéchiffrables d’une existence absurde.

Ces contemplations de la marée étaient les seuls moments de son existence où ce mercenaire sans scrupules éprouvait un ineffable sentiment qui s’apparentait à celui des poètes. Le va-et-vient des eaux lui évoquait toujours le flux et le reflux troubles de la misère humaine. Néanmoins, il lui venait souvent très vite à l’esprit que cet indescriptible sentiment était niais et ridicule, digne seulement des enfants et des femmes. Il le réprimait donc et s’en allait, concentré de nouveaux sur ses « affaires ».

Ce matin là ne fit pas exception. Après s’être arrêté quelques instants avec émerveillement sur la vision du gave baigné par les feux rougeoyant de l’aube, Etxegorry jugea qu’il perdait son temps et se remit debout. Il ramassa sa besace et marcha sur les sables en direction des murailles de Montauban qui s’éveillait paisiblement. La veille, il avait raccompagné la Damoiselle de Morvilliers à son hôtel. Ni elle, ni sa servante, trop affectées encore par le choc de la mésaventure, ne l’avaient remercié comme il se devait. Sans doute, pour mieux oublier ce traumatisme, ne chercherait on pas à le retrouver pour le récompenser. « J’aurai mieux fait de profiter de la donzelle » se dit le Basque, dépité que son acte « chevaleresque » n’ait pas eu pour effet quelque grasse récompense. Il chassa cependant cette pensée amère de son esprit. A vrai dire, il éprouvait sinon une certaine tendresse, du moins quelque estime pour la jouvencelle avec laquelle, sur le chemin qui les ramenait vers Montauban, il avait échangé quelques mots. L’amitié était un sentiment peu courant dans son milieu brutal où l’on préférait se faire craindre que se faire aimer. Il avait cependant suffi de quelques paroles de cette enfant meurtrie, hier au soir, pour qu’Iban comprît que la jeune femme possédait en son petit corps une force et une volonté en germe qui, lorsqu’elles se seraient épanouies, feraient d’elle une lyonnesse, noble et déterminée. Par moment, il s’en voulait même d’avoir été sur le point de l’avilir par de criminelles faveurs. Retournerait-il à son hôtel pour s’enquérir de son état et obtenir, peut être, une récompense ? Il serait sans doute le malvenu. Les évènements terribles de la veille devaient encore être trop brûlants dans l’esprit de son entourage.

Arrivé aux portes de la ville, Iban hésita quant à la stratégie à suivre. Pour lors, il se prit à errer dans les rues montalbanaises sans trop savoir où il se rendrait. Les commerçants avaient d’ors et déjà dressé leurs étals sur le pavé inégal, tandis que chez Yoana, les filles devaient soigner leurs corps souillés toute la nuit durant par les désirs luxurieux de badauds inconnus. Iban s’assit un instant sur le rebord d’une fontaine. La ville bourdonnait de mille appels divers. Le crieur public annonçait à pleins poumons les nouveaux heurs et malheurs de l’Aristotélisme dans ce duché déchiré par les querelles religieuses, le boucher et le boulanger hélaient les passants de leurs voix tonitruantes, tandis que, heurtant le pavé d’un mauvais bâton de bois, une vieillarde aveugle mendiait quelques deniers. Iban laissa échapper un soupir. Il n’y avait rien de plus déconcertant pour ce jeune homme turbulent que de ne savoir que faire. Certes, bien des affaires devaient encore être règlées avant que le soleil ne se couche. Mais le Basque se sentait prisonnier en cette belle matinée par une lassitude, ou une paresse inexplicable.

Son regard parcourut la rue agitée. Devant la porte d’une taverne, un chat roux le regardait fixement. Iban l’observa en esquissant un sourire. Il avait toujours eu une certaine affinité avec ces félins-là. Le Basque tenta de le faire s’approcher par des gestes et des mimiques mais l’animal ne bougeait pas, assis sur ses pattes arrière, faisant de temps à autres remuer son oreille gauche. Puis, paresseusement, il ignora les appels d’Iban et se glissa par l’embrasure de la porte. Amusé, le mercenaire se décida à entrer à son tour. Ne sachant que faire, il pourrait toujours trouver là quelque boisson pour tuer le temps.

Et, qui sait, peut être ferait-il quelque rencontre inattendue que lui réservait le destin ?



Fin du Chapitre Premier

_________________
See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)