Umiko
Phelipe
Mende, sa forêt, ses habitants, sa nuit de velours Et deux jeunes gens, des étrangers dans cette ville, qui marchent et déambule au hasard des rues et des chemins suffisamment éclairés pour leurs yeux pétillants.
Lune venait du Lyonnais Dauphiné. Ses cheveux blonds en nattes reflétaient les faibles lueurs nocturnes. Elle était de taille moyenne, et ses formes navaient rien de celles dune frêle fillette habituée à rester alitée pour conserver la fraîcheur de son rang. Elle nétait pas à proprement parlé musclée. Des bras à la taille en passant par ses jambes, aucune difformité ne venait transpercer le tableau parfait de la jouvencelle. Et si ses cuisses laissaient deviner une cavalière aguerrie, nul homme ne sen serait plaint. Elle navait rien en commun cependant avec certaines femmes portant larmure et lépée et refusant toute ostension de leur féminité. La belle promeneuse avait une prestance certaine. A dire vrai, elle avait été Gouverneur de son duché. Cétait une femme de caractère, qui avait sacrifié longtemps sa vie privée au profit du bien être de ses frères et surs Dauphinois.
Lautre était de Carcassonne. Homme de loi, mais aussi homme à femme et à bouteille, sa réputation nétait guère enviable dans les hautes sphères de la noblesse. Peut être aurait-elle eu connaissance de ces faits, ne serait-elle pas alors en ce moment même, marchant à ses cotés, discutant et plaisantant à mi-voix de sujets bien anodins.
Peut être aussi était-ce là la vision dun partage sans préjugés, où les convenances restrictives des banquets formatés ne venaient pas troubler la voix et la vue des interlocuteurs.
Ils se connaissaient à peine. Ils avaient une amie en commun, une bonne amie. Les amis de mes amis sont mes amis, disait le proverbe. Parfois, peut être.
Tandis quau rythme des mots échangés, ils se racontaient leur vie passée, ou du moins ce qui en était racontable, lhomme semblait troublé par ses envies. Le grand séducteur, sil en est, avait perdu toute nécessité de corrompre la douce à son charme de façade, et buvait les paroles de celle-ci, lui découvrant une personnalité loin de lordinaire et du fade auquel il était habitué.
-« Que vous manque-t-il ma Demoiselle ? Vous avez la beauté, vous avez la richesse, vous avez l'intelligence, vous avez la réussite sociale, vous avez la noblesse de cur et vous êtes sensible à lhumour. Ne vous vantez vous donc jamais ? Il y aurait matière à dire et à faire ! »
Umiko
Lui, d'une certaine carrure, les cheveux mi-longs laissés libres, semblait différent de lors de leur première rencontre, au mariage du Coms. En cette nuit d'automne, il avait préféré, comme elle, une tenue plus sobre, plus simple, plus confortable.
Elle, goûtait de nouveau au fait de pouvoir déambuler dans les rues et deviser tranquillement. Ce genre de plaisir simple nétait devenu que trop rare par le passé et elle ne len appréciait désormais que plus.
A la question de celui qui marchait paisiblement à ses côtés, un sourire effleura ses lèvres et elle lui répondit :
-« Messire, je dois vous avouer que la vantardise nest pas des attitudes que jaffectionne le plus. Elle nest daprès moi en rien bénéfique à celui qui la manie et ne fait que creuser un fossé entre lui et les autres. De plus, tout ce que jai pu accomplir par le passé navait pas pour but de récolter biens et honneurs, aussi, je nai pas pour habitude den faire ostentation.
Etant vous-même au conseil comtal, vous me comprendrez certainement. On passe du temps à essayer de remplir au mieux sa fonction et à contribuer à la conception, lexécution et lapplication de projets destinés à faire prospérer sa province ainsi que ses habitants. Cependant, tout à notre tâche, on finit par avoir de moins en moins de temps à accorder aux êtres qui nous sont chers et on se sent coupable de souhaiter parfois des moments daccalmie afin davoir loccasion de profiter de leur compagnie, lesprit libre. Aussi, je me suis promis que dès que mes obligations me le permettraient, je me consacrerais à eux et me voici désormais avec vous à Mende, tenant cette promesse.
Lorsque nous nous sommes rencontrés, il sagissait dune cérémonie officielle et nous avions, je pense, tous deux un rôle à tenir. Telle que vous me voyez ce soir, je ne suis plus quune femme voyageant avec des proches et venue enfin rendre visite à sa filleule.
Mais vous messire, quel tourment peut bien vous préoccuper ? Les conditions de notre première rencontre étaient pour le moins singulières. »