Terwagne_mericourt
Sur Dié
Le jour s'est levé
La lune va se coucher...
S'extirpant des draps, elle essuya de sa main encore endormie les deux rivières qui par leur murmure l'avaient titrée du sommeil qui avait fini par l'emporter. Deux rivières d'eau salée au goût amer.
Elle enfila sa houppelande, la rouge, de ce rouge si cher à son coeur passionné, et ses bottes, noires, parce qu'elle n'avait pas encore réussi à mettre assez d'argent de côté pour s'en offrir de la même couleur. Ensuite, elle sortit et se dirigea vers la sortie de la ville, cette ville dont on avait refusé de lui ouvrir les portes la nuit dernière - prétextant qu'il était bien trop tard - pour la laisser mettre à exécution son projet de fuite, juste après leur avoir adressé une dernière missive à tous deux.
Une lettre très brève, en double exemplaire, un adieu à tous deux... Un "Je vous aime, au point de fuir pour ne pas choisir".
Parce que oui, celle qu'on entendait parfois dire que quoi qu'il arrive elle ne démissionnerait jamais était bel et bien décidée à le faire cette fois. Pas démissionner d'une charge ou d'une fonction, non, elle n'en avait plus aucune depuis deux mois, mais démissionner de son rôle de femme forte et prête à tous les combats, tous les choix. La Dame de Thauvenay abandonnait le combat, cette fois, pour ne blesser personne, ayant déjà fait bien trop de mal.
Se dirigeant vers la campagne environnante, elle chercha un endroit isolé, avec aucun arbre, juste un gros rocher qu'un ancien cours d'eau avait du abandonner là, et s'y adossa, tirant de son corsage les deux missives reçues après son départ raté.
Elles avaient toutes deux été écrites à la hâte sans doute, et cela ne les en rendait que plus vraies, plus fortes. Les écritures étaient nerveuses, et les mots livrés tels quels, sans miel autour, sans détour.
Si seulement ce bougre d'ivrogne avait bien voulu la laisser s'en aller cette nuit au lieu de lui conseiller de revenir le lendemain, elle ne les aurait pas reçues ces deux missives qui au fond ne faisaient que lui enfoncer encore plus la lame qu'elle avait l'impression de sentir dans ses entrailles au point d'avoir envie d'en hurler de douleur.
Monsieur T... Comment aurait-elle pu deviner que cette fois il ne se débinerait pas? Que sa demande en mariage était sérieuse, qu'il avait déjà prévenu à Marseille? Elle avait cru que ce n'étaient que mots en l'air, mots de charmeur qui bien vite retrouverait sa peur et ferrait demi-tour.
Son "Ut"... Oui, elle l'aimait, oui elle l'espérait entièrement à eux un jour, oui elle était prête à tout endurer pour un jour vivre à ses côtés. Tout, sauf peut-être de nouveaux sacrifices comme elle en avait tant fait pour un autre qui ne l'avait au final que brisée.
Aucun des deux n'avait compris, au fond! Aucun des deux n'avait compris que, chacun à leur façon, ils lui demandaient de sacrifier certaines choses... Un attendait d'elle qu'elle continue à être l'Impure, celle qui ne devrait pas être là, celle qu'on cache, celle qui va à l'encontre de ses principes et a de plus en plus de mal à se regarder dans la glace... L'autre attendait d'elle qu'elle quitte un Duché pour le suivre, qu'elle abandonne la petite noblesse qu'elle avait gagnée après des mois et des mois de temps et d'énergie donnés.
Dans tous les cas, même si sur le coup elle leur en voulait à tous deux, c'était surtout elle-même qu'elle détestait. Elle se haïssait de penser en terme de titre auquel elle devrait renoncer, parce que cela ne lui ressemblait pas, et elle se haïssait d'aimer quelqu'un qui n'était pas libre et d'être devenue pécheresse de par ce simple fait. Elle se détestait aussi et surtout de ne plus savoir où son coeur aimait vraiment.
Monsieur T... Comme elle l'avait aimé! Comme elle avait regretté de l'avoir écouté et d'être restée auprès de Anne et Walan qu'elle ne connaissait qu'à peine à l'époque, de l'avoir laissé lui s'en aller sans oser lui crier qu'elle n'aimait que lui.
Et aujourd'hui, le voila qui faisait de nouveau pareil, lui disait de rester auprès d'un homme qui sans doute jamais ne ferrait d'elle le rêve de toute une vie : une femme et une mère! Elle l'aurait voulu décidé, ferme, choisissant pour elle sans doute, mais pas les armes baissant, pas le combat abandonnant.
Son "Ut"... Celui qui avait donné vie à la mélodie trop longtemps endormie au fond d'elle, mais qui aujourd'hui ne parvenait plus à faire sortir une seule note pure du vacarme qui régnait dans sa tête et dans son coeur.
Le même cycle se répétait, encore et encore...
Maleus et Hugo... Le premier qu'elle brisa en l'abandonnant, le second qui la brisa ensuite, la faisant regretter son choix.
Monsieur T. et Walan... Le premier l'abandonnant à un autre sans qu'elle tente de le retenir, le second qui ne la comprit pas, la faisant là aussi regretter son choix.
Et aujourd'hui...
Et demain?
Il n'y aurait pas de demain!
Sortant sa lame de son fourreau, elle la posa sur ses jambes, la caressant de sa main, tandis que les rayons du soleil l'imitaient. Pourquoi le soleil serait-il le seul à se coucher et pouvoir se teinter de rouge?
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Le jour s'est levé
La lune va se coucher...
S'extirpant des draps, elle essuya de sa main encore endormie les deux rivières qui par leur murmure l'avaient titrée du sommeil qui avait fini par l'emporter. Deux rivières d'eau salée au goût amer.
Elle enfila sa houppelande, la rouge, de ce rouge si cher à son coeur passionné, et ses bottes, noires, parce qu'elle n'avait pas encore réussi à mettre assez d'argent de côté pour s'en offrir de la même couleur. Ensuite, elle sortit et se dirigea vers la sortie de la ville, cette ville dont on avait refusé de lui ouvrir les portes la nuit dernière - prétextant qu'il était bien trop tard - pour la laisser mettre à exécution son projet de fuite, juste après leur avoir adressé une dernière missive à tous deux.
Une lettre très brève, en double exemplaire, un adieu à tous deux... Un "Je vous aime, au point de fuir pour ne pas choisir".
Parce que oui, celle qu'on entendait parfois dire que quoi qu'il arrive elle ne démissionnerait jamais était bel et bien décidée à le faire cette fois. Pas démissionner d'une charge ou d'une fonction, non, elle n'en avait plus aucune depuis deux mois, mais démissionner de son rôle de femme forte et prête à tous les combats, tous les choix. La Dame de Thauvenay abandonnait le combat, cette fois, pour ne blesser personne, ayant déjà fait bien trop de mal.
Se dirigeant vers la campagne environnante, elle chercha un endroit isolé, avec aucun arbre, juste un gros rocher qu'un ancien cours d'eau avait du abandonner là, et s'y adossa, tirant de son corsage les deux missives reçues après son départ raté.
Elles avaient toutes deux été écrites à la hâte sans doute, et cela ne les en rendait que plus vraies, plus fortes. Les écritures étaient nerveuses, et les mots livrés tels quels, sans miel autour, sans détour.
Si seulement ce bougre d'ivrogne avait bien voulu la laisser s'en aller cette nuit au lieu de lui conseiller de revenir le lendemain, elle ne les aurait pas reçues ces deux missives qui au fond ne faisaient que lui enfoncer encore plus la lame qu'elle avait l'impression de sentir dans ses entrailles au point d'avoir envie d'en hurler de douleur.
Monsieur T... Comment aurait-elle pu deviner que cette fois il ne se débinerait pas? Que sa demande en mariage était sérieuse, qu'il avait déjà prévenu à Marseille? Elle avait cru que ce n'étaient que mots en l'air, mots de charmeur qui bien vite retrouverait sa peur et ferrait demi-tour.
Son "Ut"... Oui, elle l'aimait, oui elle l'espérait entièrement à eux un jour, oui elle était prête à tout endurer pour un jour vivre à ses côtés. Tout, sauf peut-être de nouveaux sacrifices comme elle en avait tant fait pour un autre qui ne l'avait au final que brisée.
Aucun des deux n'avait compris, au fond! Aucun des deux n'avait compris que, chacun à leur façon, ils lui demandaient de sacrifier certaines choses... Un attendait d'elle qu'elle continue à être l'Impure, celle qui ne devrait pas être là, celle qu'on cache, celle qui va à l'encontre de ses principes et a de plus en plus de mal à se regarder dans la glace... L'autre attendait d'elle qu'elle quitte un Duché pour le suivre, qu'elle abandonne la petite noblesse qu'elle avait gagnée après des mois et des mois de temps et d'énergie donnés.
Dans tous les cas, même si sur le coup elle leur en voulait à tous deux, c'était surtout elle-même qu'elle détestait. Elle se haïssait de penser en terme de titre auquel elle devrait renoncer, parce que cela ne lui ressemblait pas, et elle se haïssait d'aimer quelqu'un qui n'était pas libre et d'être devenue pécheresse de par ce simple fait. Elle se détestait aussi et surtout de ne plus savoir où son coeur aimait vraiment.
Monsieur T... Comme elle l'avait aimé! Comme elle avait regretté de l'avoir écouté et d'être restée auprès de Anne et Walan qu'elle ne connaissait qu'à peine à l'époque, de l'avoir laissé lui s'en aller sans oser lui crier qu'elle n'aimait que lui.
Et aujourd'hui, le voila qui faisait de nouveau pareil, lui disait de rester auprès d'un homme qui sans doute jamais ne ferrait d'elle le rêve de toute une vie : une femme et une mère! Elle l'aurait voulu décidé, ferme, choisissant pour elle sans doute, mais pas les armes baissant, pas le combat abandonnant.
Son "Ut"... Celui qui avait donné vie à la mélodie trop longtemps endormie au fond d'elle, mais qui aujourd'hui ne parvenait plus à faire sortir une seule note pure du vacarme qui régnait dans sa tête et dans son coeur.
Le même cycle se répétait, encore et encore...
Maleus et Hugo... Le premier qu'elle brisa en l'abandonnant, le second qui la brisa ensuite, la faisant regretter son choix.
Monsieur T. et Walan... Le premier l'abandonnant à un autre sans qu'elle tente de le retenir, le second qui ne la comprit pas, la faisant là aussi regretter son choix.
Et aujourd'hui...
Et demain?
Il n'y aurait pas de demain!
Sortant sa lame de son fourreau, elle la posa sur ses jambes, la caressant de sa main, tandis que les rayons du soleil l'imitaient. Pourquoi le soleil serait-il le seul à se coucher et pouvoir se teinter de rouge?
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