[quelque part, aux abords du verger]
Il pleuvait. Enfin. Rien ne l'ennuyait plus que les soleils insistants.
La pluie, le rideau qui estompe les lointains, lave la poussière des feuilles, verdit les prairies et dessine les filles sous les tissus.
Derrière lui, les fruitiers ployaient sous les averses, dégouttaient sur les cueilleurs, impassibles géants verts. Pas de travail, pour lui, il en avait perdu l'habitude. Et puis, il lui fallait reflechir. Et n'étant pas une femme, il était incapable de faire deux choses en meme temps.
L'herbe souple, sa chemise déjà trempée, le silence du lieu l'incitaient à un peu de repos. Aussi, il s'allongea, torse nu, la chemise roulée sous la tête, les mains croisées sur le ventre. Il ferma les yeux, laissant défiler les dernieres semaines, et les dernières années suivirent naturellement.
Etrangement, il se sentait encore jeune. Pourtant, il avait cru, un moment, avoir tout vécu, et mériter quelque repos. Il n'en avait pas été loin, mais quelques mots, un regard, l'avaient rejeté sur les routes. Encore.
Sous ses paupières closes se dessinaient, précis, des visages de femmes, des brouillards de sang, des images de charges furieuses, des morts, encore des morts. Par dessus, sporadiquement, un sourire venait effacer le reste, impossible à chasser. Elle. Elle et ses révélations, Elle et son coté sombre.
Il était trempé, maintenant, positivement imbibé. La pluie coulait sur son torse, en petits ruisseaux glacés. Il n'avait pas froid. Il n'avait jamais froid, d'ailleurs.
Il avait voulu refléchir, mettre de l'ordre. Raté, comme toujours. Une fois de plus, il suivrait son instinct. Il sourit légèrement, à l'idée des orages à venir. Puis s'étira, voluptueusement, avant de reprendre sa position.
Les yeux ouverts, cette fois, il les laissa vagabonder sur la campagne environnante. Ca manquait de montagnes, ici. C'était vert, propre et ordonné. Trop.