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[RP] Un port, une chambre - L'oiseau refait son nid

Lastree
[ Le temps d'une saison, le temps de couver et plus si affinités]


Voilà deux semaines déjà qu'elle avait élu domicile dans cette chambre lumineuse aux proportions parfaites pour elle, soit aussi grande que sa cabane abandonnée pour le moment. Deux semaines qu'elle apprenait à vivre avec le cri des mouettes et l'odeur de la marée comme substitut au chant du chardonneret et aux effluves forestières ... un tout autre monde, différent mais si vivant.

Elle pouvait passer des journées entières à contempler l'effervescence qui régnait sur le port, à rire d'une prise de bec entre deux marchandes de poisson, à observer le balai bien rythmé des gabiers qui parcourraient l’impressionnant hunier et les diverses voilures dont les noms résonnaient comme autant de voyages ...

Ce jour là, au matin du cinquième jour de juin, son petit monde, fraichement apprivoisé allait sombrer dans les eaux troubles et dangereuses des colères océanes, pourtant ce jour là le soleil brillait fort et présageait d’une belle journée …



[ La vie continue, malgré l'épreuve ]


Tout semblait sous contrôle et elle décida de quitter la place pour aller se reposer et surtout calmer le flot de haine qui la happait, la tirant insidieusement vers des abîmes qu’elle ne voulait même pas imaginer. Dans sa fièvre, elle mélangeait les nobles et les pourceaux, les rois et les renards, les cafards et les vaches laitières ... allez comprendre … Plus rien ne semblait à sa place et elle ne faisait plus confiance à personne … Oui, il était vraiment temps qu’elle se repose.

Elle quitta donc les couloirs de la mairie et ne s’arrêta même pas devant le panneau d’affichage ... les commentaires lui suffisaient pour en tirer l’essentiel ... Provocation ultime d'une femme qui se croyait au centre des pensées de tous ... En grande victime qui se sentait constamment attaquée par les esprits vils de ses … comment avait-elle dit … congénères … mais étaient-ils vraiment de la même espèce ? Elle en doutait si fort … elle se sentait l’obligation de se justifier, de se défendre alors que nulle personne à sa connaissance ne l’avait accusée de quoi que ce soit.

Elle haussa les épaules ... Qui pouvait penser à sa petite gloire quand des innocents luttaient en ce moment même pour leur survie?

Désabusée, elle se dirigea à pas lents vers le port et la petite chambre qu’elle y louait en attendant de pouvoir se trouver une vraie demeure.
Le chemin lui paraissait interminable, lui faisant serrer les dents, elle avait mal … si mal … ne sachant dire du corps ou de l’âme lequel des deux souffrait le plus.

Une fois les escaliers montés, elle se laissa glisser contre la porte close de sa chambre et ferma les yeux, son visage semblait serein et un léger sourire se dessinait sur ses lèvres ... enfin elle allait pouvoir dormir, le traitre serait châtié comme il se doit et Vannes retrouverai sa grandeur ... et seule la souris qui passait par là, petit émissaire de Nature, remarqua la tache écarlate qui maculait ses braies ...

_________________
margot_wolback
Un peu remise, la blonde errait dans les rues de Vannes. A la recherche d'une ombre qui lui avait faussé compagnie.
A la recherche de l'amour perdu.
Elle devait aller voir Lastree, la rassurer sur son état, lui montrer qu'elle était forte.

Arrivée à la taverne, un petit signe dans la salle du bas, puis elle monte les escaliers. Elle toque à la porte, l'aubergiste lui ayant confirmé la présence de son amie.


Lastree!! Ouvre, c'est moi, Margot.
Je voulais.... Je voulais te remercier.... Pour tout...

Allez, ouvre moi, je sais que tu es là!!

_________________
--Beilhal.
Je suis Beilhal, je suis le veilleur.

La vie a parfois de ces heureuses coïncidences. Je passe énormément de temps sur le port ces temps-ci, à veiller aux avancements de l’arsenal, à recueillir des informations pour la duchesse qui souhaite tout savoir, éternelle curieuse cette fois partie à la conquête des mers.

Et la Mère a voulu qu’elle s’y installe, sur ce même port, faute de pouvoir escalader l’escalier menant à son havre sylvestre.

Je peux désormais veiller sur elle tout en veillant sur les travaux, et nul veilleur n’a jamais été plus heureux d’accomplir sa tâche.

Je la vois souvent. Elle aime contempler la vie du port, tout comme moi, et tout comme j’aime inavouable aveu fort heureusement silencieux, contempler la sienne.

Ce jour est différent.
Ce jour le port est morne et la ville grogne.
Ce jour le paysan délaisse son champ, l’artisan son échoppe et l’étudiant son vélin, pour se rendre en place publique, agora habituellement conviviale, cœur de cette ville si chère à tous, même à moi désormais.
Mobilisation immédiate, réactions furieuses, conséquences irréfléchies, à vif et sans recul, d’une blessure aussi profonde qu’inattendue.
Il faut ce jour redoubler de vigilance. La ville est en émoi, et les murs portent l’écho du fracas d’armes qu’on remanie, aiguise, dépoussière, pour partir à l’assaut de sa propre ville…

Une passante familière attire mon regard.
J’en soupire presque de soulagement.
Elle semble n’avoir pas été blessée dans le tumulte.
La Mère soit remerciée, le duc qui ne l’a jamais été pour moi ne s’en est pas pris à toutes les femmes rondes de la ville.
Pas blessée… vite dit…
Jamais je ne l’ai vue dans un tel état. La fureur s’est emparée d’elle et elle va en l’instant, telle la Morrigan vengeresse, de la mairie à sa demeure provisoire. A quoi pense-t-elle ?

Je fronce les sourcils.
Le veilleur est observateur.
Quelque chose cloche.
Elle n’a pas là même démarche qu’à l’accoutumée. Plus traînant. Plus lent. Plus … chancelant. Oui, elle est enceinte de plusieurs mois, bien entendu, mais ce n’est pas cela.

Alors que je m’apprête à faire un pas, puis pourquoi pas deux ou trois vers la porte qui vient de la dissimuler à mes yeux pour m’assurer que tout va bien malgré le drame qui vient de frapper la ville, j’aperçois Margot, un peu pâlotte, mais résolue, qui pénètre dans l’auberge.
J’hésite un instant, mais, l’inquiétude soulevée par mon observation antérieure me pousse à la suivre à l’intérieur.

Je m’excuse auprès de la tenancière qui me connait bien, et grimpe l’escalier à la suite de la jeune blonde.
Je m’éclaircis la gorge, la situation est un peu cocasse, et je prie pour qu’elle ne me demande pas de justifier ma présence ici…


Dame Margot… demat…. Je crois que … je crois que quelque chose cloche….

Dame Lastree ?


Silence.
Quelque chose cloche…
L’inquiétude gagne du terrain, le protocole et les manières en perdent…


Lastree ?

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margot_wolback
Citation:

Dame Margot… demat…. Je crois que … je crois que quelque chose cloche….

Dame Lastree ?


Un petit sursaut, le temps qu'elle reconnaisse le personnage. Faire un effort de mémoire. Puis un sourire qui s'affiche.

Demat messire Beilhal.

Elle le laisse taper contre la porte, ne comprenant pas son angoisse. Lastree va bien, elle l'a encore vu il y a peu.
Mais commençant à s'inquiéter elle aussi devant l'absence de réponse.


Lastree!! Réponds!!

Sa main qui s'avance vers la poignée, mais la porte ne bouge pas. Que faire?
Elle ne se pose pas la question de la présence de l'intendant, s'il est là, c'est qu'il a ses raisons.
Regard inquiet.

_________________
Lastree
[ Humpf ... ]


Répondre, répondre, ils en ont de bonnes !

La mare de sang qui macule le plancher représente quoi ? La moitié de ce que peut contenir le corps humain ? Un tiers ?

Faible, elle est trop faible … c’est à peine si elle a pu récupérer la petite masse gluante qui s’est extraite presque seule de son corps … il est si petit, si faible lui aussi … pourquoi ne crie-t-il pas ? Il respire pourtant elle le sens contre son sein, c'est la vie qui palpite dans ses mains.

Elle s’est trainée jusqu’au pied de son lit, trop faible pour grimper dessus, a tiré la couverture et l'en a recouvert ... pour le réchauffer, elle n’a même pas coupé le lien qui le retenait à elle, elle n’a même pas évacué la masse qui le nourrissait lorsqu’il était dans son ventre … elle sait pourtant que si elle ne le fait pas vite, elle risque d’y passer.

Les cris dehors s’intensifient, elle n’est pas seule, il ne faut pas qu’ils renoncent … alors, dans un dernier effort, elle pousse du pied le petit guéridon qui lui sert de table de chevet et parvient à le renverser, avant de perdre connaissance.

_________________
margot_wolback
Du bruit à l'intérieur!! Mais aucun son...
Margot s'inquiète, regarde Beilhal, qui est en train de chercher de quoi défoncer la porte.

Lastree!!!

La porte enfin ouverte, la blonde se précipite.
Effarée par le sang dans la chambre, flash back il y a peu, très peu de temps!!
Une bouffée de crainte, un relent de malaise...
Mais non, pas le temps de se préoccuper de ses petites émotions, Lastree a besoin d'elle!
Agenouillée à ses cotés, elle remarque un léger mouvement sous la couverture. Elle écarte doucement le tissu, et remarque l'enfant, collé à sa mère. L'enfant qui ne bouge pas plus que la mère!!

Un coup d'œil à Beilhal, lui demandant d'aller chercher de l'aide. Mais là, dans l'instant, il lui faut agir. Elle ne peut rester les bras ballants, même si la scène la transporte à une autre scène qu'elle aimerait oublier.
Déchirant un morceau de son jupon, elle enserre le cordon à deux endroits, le reste peut attendre. Puis elle prend doucement le petit corps contre elle, pour le réchauffer, se rassurant en sentant le cœur battre, mais si faible, si faible...

_________________
Beilhal, incarné par margot_wolback
Héroïsme soufflé par la panique est souvent bien peu pragmatique.
L’épaule encore endolorie lui rappelle sa stupidité…
C’était comme…. Enfoncer une porte ouverte…
Littéralement….

Le spectacle m’arrache un frisson.
Angoisse, culpabilité…
Mes yeux se posent précipitamment sur la poitrine de Lastree, sans la moindre pudique retenue en cet instant de nécessité. Aucune pudibonderie ne m’empêchera de m’enquérir de son état.
Le seul élément qui m’intéresse, en cet instant, c’est que cette poitrine se soulève doucement, mue par l’air qui fait vivre la jeune mère. Petite victoire sur la frayeur qui s’apaise un brin…

Margot est déjà auprès d’elle, et je mets un moment à soumettre mes jambes à ma volonté de la rejoindre.
Des souvenirs vagues de la naissance de la jeune Maeve me reviennent. Des souvenirs…. ou plus précisément des récits que m’en a fait Nolwenn. C’est une connaissance bien maigre pour venir en aide à …..
Elle sait !
Elle sait ce qu’il faut faire ! Elle était là ! Elle est ovate !
Elle sait, mais ce savoir est reclus derrière des paupières obstinément closes….

Margot a déjà pris soin d’un enfant par trop silencieux….
Je sais une chose, cependant. Une chose…. Qui manque. Qui devrait avoir accompagné l’enfant hors de sa mère, et qui semble ne l’avoir pas fait….


Il faut la liberer…. Ça n’est pas terminé….

Maudits soient les hommes qui sont bien ignorants de ce genre de combats…. Mes mains me semblent deux paluches grossières et terriblement futiles. Etonnant comme on peut oblitérer une porte en quelques instants et comment une simple membrane vous laisse si décontenancé….
Je finis par réaliser que mes paluches peuvent être d’une certaine utilité… dans ce sens….
Doucement… plus fort ensuite s’il le faut….

Quelques tapes sur la joue de la vannetaise. Elle doit revenir…. Il le faut…. Je n’irai pas…. Non….


Lastree…., Lastree!

Un regard à Margot.
Elle doit se réveiller….
Puis mes yeux se posent sur l’enfant.
Faites le crier….
Margot, je vous en prie….
Faites le crier….


Lorsqu’il s’agit d’elle, je suis pire qu’une bonne femme…

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margot_wolback
Un coup d'œil à l'homme à mes cotés. Je ne sais encore comment il s'est trouvé là, mais ce que je lis dans ses yeux, dans ses mains tremblantes, se passe d'explications.
Le petit corps dans mes bras est si frêle. Je ne cherche qu'une chose, le réchauffer, mais la voix de Beilhal me fouette et me réveille.


Citation:
Faites le crier….
Margot, je vous en prie….
Faites le crier….


Il en a de bonnes lui!! Et je fais comment?? C'est la première fois que je tiens un nourrisson dans les bras, je n'ai jamais eu auparavant de famille, donc je n'ai pas connu d'autres accouchements... Le sang, tout ce sang, me fait penser au mien, versé il y a peu, pour... de mauvaises raisons, mais qui me paraissaient inévitables.

Mes mains tremblantes frictionnent l'enfant, qui se met à grimacer. Il n'a pas l'air d'apprécier le traitement, mais c'est pour la bonne cause. Un léger bruit sort de la bouche béante, comme s'il cherchait enfin son souffle, le vrai, celui qui fait vivre. Un couinement... Léger, aussi léger que celui qui le pousse.
Mais qui suffit à faire se retourner Beilhal, l'espoir affiché sur son visage.


Allez, allez Bébé... Pleure bébé...
Des mots hachés, rapides, murmurés. Une prière...

Et enfin, un cri, un vrai... Timide, épuisant, mais présent. Il vivra...
Il??? Un léger sourire sur les lèvres de la blonde, elle ne s'est pas posé la question, cet aspect passant bien après la survie de l'enfant. Et pourtant, on ne peut passer à coté.
Un fils, elle a un fils!!

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Lastree
[ Hallucinations ...]


On tapotait sa joue …

« Laissez-moi »

On l’appelait …

« N’ai-je pas assez lutté déjà ? »

On insistait …

« Je n’en peux plus … à quoi bon ?»

La lutte était perdue d’avance, elle n’avait plus envie de vivre, elle se doutait d’ailleurs que la vie si fragile qu’elle était parvenue à mettre au monde ne tarderait pas à s’éteindre, comme une flamme qui s’étouffe, privée d’air.
N’était-ce pas pour cette raison qu’on l’avait privé de sa chaleur ? Que l’on avait éloigné leurs deux cœurs qui, s’ils ne battaient pas du même rythme, semblaient être à l’unisson ?
Se laisser glisser serait si facile … une voix réussit à percer ses brumes …
« Vous êtes impressionnante, chaque fois que deux chemins se présentent à vous, vous choisissez systématiquement le plus difficile. Pourquoi ? »

Elle ne le savait pas évidemment, elle n’avait pas cette impression là et s’était révoltée lors de cette conversation avec son ami normand, ami qui se proposait de la protéger et d’élever son enfant avec elle. Si elle avait refusé, elle ne pensait pas pour autant que ce choix avait été le plus difficile à faire, et au vu des évènements récents, elle était convaincue d’avoir fait le meilleur qui soit.

"Allez, allez Bébé... Pleure bébé... "

C'était la voix de Margot ... Quelle ironie de voir la jeune fille qu'elle avait promis d'aider, se démener pour les sauver, son enfant et elle ... Là encore elle avait faillit, là encore, elle n'avait pas été là pour les gens qui comptaient pour elle ...
Une larme roula sur sa joue et elle ouvrit les yeux, articulant si faiblement qu'elle ne pouvait être entendue:

"Laisses Margot, il est trop tard ..."

Elle était si faible, elle avait tellement envie d'y croire qu'il lui semblait pourtant entendre le frêle cri d'un nourrisson qui, pareil au feulement d'un chaton faisant l'expérience de sa force d'intimidation, protestait contre la vive douleur que représentait la vie elle-même.
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margot_wolback
Citation:
"Laisses Margot, il est trop tard ..."


Elle a parlé. Voix désincarnée.
La blonde se tourne avec un sourire fragile.


Lastree... Tout va bien...
Il vit... Il vit!!


Je m'approche de la mère, si faible. Mais le meilleur moyen pour lui donner envie, c'est de sentir le poids sur son torse.
Doucement, je pose son enfant sur elle, le petit garde les yeux fermés, mais ses lèvres laissent filtrer des gémissements ténus.
Pourvu qu'il ait la force, pourvu...
Je les emmitoufle dans un châle, les laissant profiter l'un de l'autre.
Puis me lève pour ouvrir le lit, chercher une chemise propre pour la mère, un linge pour nettoyer le sol.

L'intendant, qui était resté à la tête de Lastree, me regarde m'affairer, on dirait qu'il hésite à la quitter... Le laissant avec son bonheur dans le malheur, j'appelle l'aubergiste pour qu'elle vienne m'aider.
La brave femme qui en a vu plus que moi, s'avère efficace et économe de gestes et de mots.

La mère et le fils peuvent enfin se reposer dans le lit. Je l'ignore encore, mais le plus dur reste à venir... Qu'il arrive à se nourrir...

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Lastree
[ Libérations ]


Elle n’avait pas rêvé non et le poids, si léger fut-il, de ce petit bout d’elle que l’on posait contre son sein lui redonna un semblant d’énergie. Il était si peu et pourtant en l’espace d’un instant il devenait toute sa vie, pourtant … pourtant elle allait devoir lutter pour ne pas trop s’y attacher, lutter contre cet instinct qui lui tordait les entrailles et lui écrasait le cœur … il était si faible, il pouvait mourir encore, et de bien des façons. Le regard un peu perdu, elle pu enfin faire le tour de la petite chambre pour comprendre ce qui s’était passé …

La mairie, la reprise, la disparition du traitre en qui ils avaient placé leur confiance … le retour enfin, le bas ventre agité de spasmes terrifiants qui lui paralysaient les reins, la certitude qu’ils ne survivraient ni l’un ni l’autre, l’horloge biologique qui lui criait qu’il était bien trop tôt … soupirs …

Beilhal était là lui aussi et le sourire qu’elle lui offrit était chargé de tendresse et de reconnaissance … à la fois attentif et protecteur, il avait toujours su veiller sur elle, fut-ce de loin. Cependant, ce qu’elle lu dans son regard … une inquiétude, comme une demande de permission … que manquait-il ? Avant de perdre connaissance elle s’était dit que tout n’était pas terminé mais qu’était-ce ?

Elle voulait rassembler ses idées mais elle n’en eut pas le temps, elle se sentit soulevée du sol par des bras inconnus, changée, lavée et installée dans le lit avec son fils … un fils … Zabou avait donc raison … Zabou avait souvent raison …
Son regard se posa sur la petite tête ronde qu’un léger duvet pâle éclairait de douceur … Serait-il roux comme son père ? Il était encore trop tôt pour le savoir et cela n’avait d’ailleurs plus d’importance puisque ce père n’existait plus pour elle, pour eux.

Se cachant pudiquement des différents regards qui se posaient sur elle, elle guida instinctivement la petite bouche avide vers son sein et en frotta un instant l’extrémité contre le petit nez … merveille de la nature, reflexe inné venu du fond des âges, le petit bout d’homme s’empara de l’objet de ses attentes lui arrachant une grimace de douleur … la vie reprenait ses droits, tout simplement.

Regardant Beilhal elle lui demanda d’une voix aussi faible qu’enrouée :


« Trugarez mon ami, je vois que quelque chose vous inquiète … »

Une nouvelle contraction lui arracha un petit cri de surprise et ses yeux se dilatèrent un court instant … était-il possible que tout ne soit pas terminé ? Alors elle posa cette simple question :

« La secondine ? »

Les réflexes acquis depuis des années d'expériences à libérer des femmes de leurs précieux fardeaux refaisaient surface ... si la masse sanguinolente de chairs molles qui avait servit à alimenter l’enfant dans son ventre n’était pas sortie, elle risquait de mourir des suites d’une infection.

Nouveau regard vers l’intendant puis vers Margot … elle est trop jeune … trop éprouvée encore … et lui demander pareille chose était bien trop cruel, pourtant laisser un homme fouiller son intimité de cette façon la révulsait.

Elle ne pouvait conter que sur lui, faible comme elle était, elle était incapable de se libérer seule, alors elle lui expliqua :


« Vous devez attraper fermement le cordon d’une main et poser la seconde sur mon ventre, dès que vous sentirez une contraction, il vous faudra tirer tout en pressant mon ventre pour aider à l’expulsion … Vous en sentez-vous capable ? »

Le regard était suppliant, elle espérait qu’il pourrait dépasser ses craintes …
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--Beilhal.
L’enfant -un fils…. que je couve déjà comme un papa poule le ferait, sachant qu’il en est privé- semble se nourrir désormais, mais sa mère n’est pas hors de danger. Fort, fort, fort heureusement, la voilà de nouveau parmi nous, enfin apte à nous guider de ses mots, après avoir repris confiance, confortée par la petite vie fragile contre son sein.

Les mots me parviennent, à moi plutôt qu’à Margot, pourquoi ? et je m’empourpre au fil de l’explication, alors qu’elle me confie l’intime mission…

La gorge nouée, je ne peux que hocher la tête pour répondre à sa question.

Il me faut me reprendre, je lis l’embarras qu’elle éprouve. Plutôt mourir que de faire peser sur elle le poids du mien. Le rouge aux joues, néanmoins, et à la main également, je referme les doigts sur le cordon, comme indiqué, avant de détourner le regard, mal à l’aise.
Ma main gauche se fraie un chemin sous l’étoffe qui la recouvre pour se glisser timidement sur la peau que j’ai, déjà parfois, caressée dans des songes discrets et quelque peu coupables.

Je ferme les yeux pour ne pas croiser les siens, fragile semblant de sérénité, attendant la contraction prévue….
Qui ne tarde pas à se faire sentir….
Instant de confusion…
Est-ce un frémissement pudique et révolté, tel le cheval qui d’une secousse chasse la mouche intruse de sa robe, ou cette contraction dont elle a parlé ?
Je choisis la seconde solution et raffermis ma prise sur son ventre, heureux, finalement, de pouvoir sembler faire preuve d’assurance quand tout mon bras se faisait tremblant un instant plus tôt.

Le cocon nourricier de l’enfant le suit finalement dans ce monde, souillant le lit si proprement arrangé. J’en soupire de soulagement et reste un instant, reprenant doucement mon souffle trop longtemps interrompu.
Profitant de l’occasion de fuite qui m’est offerte, m’évitant ainsi tout regard ou commentaire, je m’empare d’un linge pour nettoyer grossièrement la couche de Lastree.

Après m’être rincé les mains abondamment, pour chasser l’embarrassant souvenir, et m’être aspergé le visage dans un bac d’eau apporté là par la tenancière du lieu, je retourne auprès de la jeune mère et pose une main sur le front de mon improvisée et épuisée patiente, mes yeux allant d’elle au nourrisson, et inversement.


Lorsqu’il aura terminé, dormez, reposez vous… Je vais faire préparer de quoi vous mener à Bubry. Ainsi je pourrai veiller sur vous. Vous ne pouvez demeurer seule ici.

Un regard vers Margot.

Margot, prenez soin d’eux jusqu’à mon retour…

La nécessité m’empêche de lui laisser le choix, mais j’ajoute néanmoins, courtois en toute circonstances, un rhétorique :

… s’il vous plait.

Après un dernier regard vers elle, et un instant d'hésitation, je tourne les talons pour m'éloigner vers le château. Tristan et Nolwenn vont devoir faire preuve de diligence...


[/quote]
Maeve
[Bubry]

J'achève l'écriture de la lettre pour Mère. Elle me manque, c'est certain... Vivement qu'elle revienne ! Ainsi, je ne m'ennuierai plus. Et puis on pourra aller faire un tour chez nos cousins angevins. Calyce et Clélie ont certainement beaucoup changé !
Mais en attendant son retour, ici... Tout est calme. Trop calme. Je m'ennuie à mourir ! Pourquoi que j'ai pas de copine, ici, à Vannes ou à Bubry ? ... C'est nul.
J'observe la cour par la fenêtre. Les domestiques font leurs allers-retours quotidiens, mornes, accablés par la chaleur. Si seulement un truc, oui, n'importe quoi !, un machin pouvait venir donner du piquant à leur journée.
Je souris. Tiens, comme par hasard... Voilà que l'intendant du domaine arrive, au triple galop, au Château. Pourquoi est-il donc si pressé ?
J'ai qu'à lui demander ! Ravie, je quitte ma chambre et le rejoint, comme toujours, près de Nolwenn.


Beh Beilhal ? Qui qui se passe ?
_________________
Lastree
[Dormir ...]

C'était fait … Beilhal avait œuvré pour que tout soit correctement orchestré et elle s’était elle-même penchée sur la masse sanguinolente pour s’assurer qu’elle était intacte et entière ... ils s’en débarrasseraient plus tard au pied d’un arbre comme le voulait la tradition, loin des hommes afin de ne pas attirer les bêtes sauvages.

Se laissant enfin aller sur les oreillers, elle ferma les yeux…

Margot devait partir en mission pour le duché et ne reviendrait pas avant plusieurs semaines. La vannetaise quand à elle, irait finir sa convalescence à Bubry, loin des tumultes et de la vie trépidante de Vannes. Les choses étaient arrangées et Beilhal allait s’occuper de tout …

Beilhal … elle ne savait trop que penser des regards qu’ils avaient échangés, faits de reconnaissance, de compréhension mutuelle et d’affection … avait-elle vraiment envie de les analyser d’ailleurs ?
Ils étaient si semblables elle et lui ... simples, proches des choses de la nature, fidèles en amitié avec un sens du devoir très prononcé ... Ils s'étaient compris dès les premiers échanges, même si la déférence qu'il affichait vis à vis d'elle la mettait souvent mal à l'aise.

Une fois de plus, il avait su montrer combien il était précieux et c'est l'esprit serein qu'elle pu enfin trouver le sommeil.

_________________
--Beilhal.
[Cour du domaine de Bubry, sur les terres de Pontcallec]

Margot avait rempli son office, en veilleuse expérimentée qu’elle était.
La voiture était désormais en route, menée par Goulven au pas, afin que les cahots ne perturbent pas son précieux chargement. J’avais décidé, sur les dernières lieues, d’aller au devant d’eux afin de veiller à ce que tout soit prêt à leur arrivée.

Ma monture écumante fait un écart pour ne pas percuter la rousse jeune fille qui s’est précipitée à l’extérieur, courant aux nouvelles, parée de sa curiosité légendaire.

Il se passe jeune dame Maeve, que votre marraine a accouché prématurément d’un petit garçon. Et votre mère qui n’est pas là, elle ne se le pardonnera jamais.

Nolwenn a suivi la jeune inquisitrice à l’extérieur. C’est une chance. Sans mettre pied à terre, je lui transmets mes recommandations.

Nolwenn, cours préparer une chambre. Lumineuse, spacieuse mais pas trop. Vite. Des draps propres, de quoi boire et manger…
Une chambre…


Elle sait très bien, et toutes ces précisions sont d’un futile affligeant.

Je me permets alors une chose familière que jamais en la présence de la dame des lieux je ne me serais permise. Mais la petite semble en mal d’aventure, et il n’y a rien de tel qu’une chevauchée pour vaincre la lassitude. Je me penche donc vers elle et tend le bras dans sa direction.


Montez, jeune dame, allons les chercher. Je suis convaincu que dame Lastree sera heureuse d’avoir un peu de compagnie pour le restant de la route, quand bien même elle serait assoupie.

Un manquement grave me viens alors à l’esprit, et je reste un court instant sans voix, la main tendue.
Je ne sais même pas quel nom elle a donné à ce petit être précoce…
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