Aimbaud
[Maintenant t'es un homme.]
Onze ans.
Des éditions parcheminées du "Petit Féodal" tapissent le sol de la chambre. Ca et là, des figurines "Chevalier du chaos" sont éparpillées, des soldats de bois, des catapultes miniatures et des angloys décapités, peints à la main par les prisonniers reclus dans les oubliettes de Castel-Anjou, pour un salaire plus que modique. Des tapisseries représentant des groupes de ménestrels à la mode sont affichées en toute anarchie.
Campé devant un miroir de seize pieds de haut, un garçonnet s'agite au son d'une cythare qu'il gratte avec une rythmique déchaînée tout en agitant sa coupe au bol énergiquement. Le volume sonore fait trembler les élégantes fenêtres colorées de la chambre, se répercute dans toutes les pierres de Corbigny et au delà.
Des paroles poétiques accompagnent la mélopée :
Yé ! YYééé ! YÉéé !
Mais qu'est ce qui provoque cette transe abominable, me direz-vous ?
Tout a commencé onze ans plus tôt, quand Fitzounette de Dénéré Penthièvre furie blonde angevine, duchesse indépendantiste et Erik de Josselinière tri-duc bourguignon, royaliste glorieux se sont échangé un anneau. De cette union improbable est né un paradoxe : un fils.
La mère étant fichée en Bourgogne, et le père honni par les angevins, les époux retournèrent dans leurs contrées respectives. Le petit métisse résida auprès du sein maternel, coupé d'une partie de ses origines, et donc : incomplet. Comme un pain. Un pain pas complet.
L'absence du père provoqua chez lui des accès de rébellion précoce : il fugua à trois ans. Puis s'engagea dans une troupe de troubadours, pour jouer du luth aux quatre coins du pays. Un médicastre dénota chez lui les signes d'une schizophrénie sans gravité : Aimbaud parlait parfois de trois "fées" des Flandres, qui soit-disant veillaient sur lui. Amateur de ramponneau, l'enfant se noyait souvent dans le jeu, multipliant son argent de poche pour se gaver de lait-fraise, acheté dans les tavernes. D'une santé fragile, il lui arrivait fréquemment de rendre le dit lait-fraise, d'avoir des poussées de fièvre ou encore des crises de narcolepsie.
C'était un enfant perturbé, parce qu'il le valait bien.
Aimbaud adulait sa mère et craignait son père.
Le fait de devoir s'installer chez ce dernier pour y vivre les années à venir, exilé de son Anjou natal, le rendait irascible. Il multipliait les colères, se renfermait sur lui même et méditait de nouveaux plans de fugue. Il avait le désir constant de se mettre en danger, de se rebeller contre l'univers confortable qui l'entourait. Plus ou moins pour contrarier son père, il s'était mis à la tête d'une bande de garçons de son âge dont les agissements étaient discutables, Melchiore, envahisseur du Maine, Grimoald, pervers précoce, Elim, breton (le pire). Et il était allé jusqu'à se fiancer avec sa cousine, Calyce, fille de Protozoaire, qui jeune déjà, se servait dans la caisse des châteaux. Influençable, attiré par les interdictions, constamment révolté, il était un feu follet qui pouvait déclencher bien des incendies.
L'on pouvait prédire que si le patriarche Josselinière ne tenait pas les brides de son premier né, le charmant enfançon aurait tôt fait de tourner très mal.
Il était encore temps...
Onze ans.
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Onze ans.
Des éditions parcheminées du "Petit Féodal" tapissent le sol de la chambre. Ca et là, des figurines "Chevalier du chaos" sont éparpillées, des soldats de bois, des catapultes miniatures et des angloys décapités, peints à la main par les prisonniers reclus dans les oubliettes de Castel-Anjou, pour un salaire plus que modique. Des tapisseries représentant des groupes de ménestrels à la mode sont affichées en toute anarchie.
Campé devant un miroir de seize pieds de haut, un garçonnet s'agite au son d'une cythare qu'il gratte avec une rythmique déchaînée tout en agitant sa coupe au bol énergiquement. Le volume sonore fait trembler les élégantes fenêtres colorées de la chambre, se répercute dans toutes les pierres de Corbigny et au delà.
Des paroles poétiques accompagnent la mélopée :
Yé ! YYééé ! YÉéé !
Mais qu'est ce qui provoque cette transe abominable, me direz-vous ?
Tout a commencé onze ans plus tôt, quand Fitzounette de Dénéré Penthièvre furie blonde angevine, duchesse indépendantiste et Erik de Josselinière tri-duc bourguignon, royaliste glorieux se sont échangé un anneau. De cette union improbable est né un paradoxe : un fils.
La mère étant fichée en Bourgogne, et le père honni par les angevins, les époux retournèrent dans leurs contrées respectives. Le petit métisse résida auprès du sein maternel, coupé d'une partie de ses origines, et donc : incomplet. Comme un pain. Un pain pas complet.
L'absence du père provoqua chez lui des accès de rébellion précoce : il fugua à trois ans. Puis s'engagea dans une troupe de troubadours, pour jouer du luth aux quatre coins du pays. Un médicastre dénota chez lui les signes d'une schizophrénie sans gravité : Aimbaud parlait parfois de trois "fées" des Flandres, qui soit-disant veillaient sur lui. Amateur de ramponneau, l'enfant se noyait souvent dans le jeu, multipliant son argent de poche pour se gaver de lait-fraise, acheté dans les tavernes. D'une santé fragile, il lui arrivait fréquemment de rendre le dit lait-fraise, d'avoir des poussées de fièvre ou encore des crises de narcolepsie.
C'était un enfant perturbé, parce qu'il le valait bien.
Aimbaud adulait sa mère et craignait son père.
Le fait de devoir s'installer chez ce dernier pour y vivre les années à venir, exilé de son Anjou natal, le rendait irascible. Il multipliait les colères, se renfermait sur lui même et méditait de nouveaux plans de fugue. Il avait le désir constant de se mettre en danger, de se rebeller contre l'univers confortable qui l'entourait. Plus ou moins pour contrarier son père, il s'était mis à la tête d'une bande de garçons de son âge dont les agissements étaient discutables, Melchiore, envahisseur du Maine, Grimoald, pervers précoce, Elim, breton (le pire). Et il était allé jusqu'à se fiancer avec sa cousine, Calyce, fille de Protozoaire, qui jeune déjà, se servait dans la caisse des châteaux. Influençable, attiré par les interdictions, constamment révolté, il était un feu follet qui pouvait déclencher bien des incendies.
L'on pouvait prédire que si le patriarche Josselinière ne tenait pas les brides de son premier né, le charmant enfançon aurait tôt fait de tourner très mal.
Il était encore temps...
Onze ans.
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