Phelipe a écrit:
A quoi soccupe normalement un père le temps que dur lattente de la délivrance ? Aucune idée. Mais pour Phelipe, cela passait par la récitation en chanson de vieux textes appris dans les taverne de bourgogne, quand, rendant visite à son frère, il en profitait pour aller cuver dans des auberges alentours.
-« Joieux de cuer en seumellant estoye
Quant je sentoie vostre tres soulce alayne
Et vo gent corps, ma dame soveraine,
Qu'entre mes bras si doucement tenoye.
Je croy qu'onques creature humaine
N'eut tel bien, certes, comme j'avoye,
Car, sanz dolour, et sanz pensee vaine
Mon cuer estoyt rempli de toute joye
»
Il chantait de plus en plus fort, lorsque le regard interrogateur de Senher Régimon croisa le siens. Après quoi il fût convenu implicitement quil fallait mieux tenter autre méthode pour passer le temps.
-« Maurin ! Apporte-moi de quoi boire ! Mais où est-il cet empafé
Vous ! Sachez me trouver de quoi boire, allez ! »
La femme dâge moyen, au service de la famille, sexécuta non sans exprimer ostensiblement son sentiment sur les manières de lépoux de sa maitresse par un long soupire sans équivoque.
-Chantant, « Et a bon droit, quar, quant a vous penso
Pardon
»
Et de tourner en rond, enfin pas vraiment, plutôt en ovale, quoi que lovale ne soit pas bien respectée. Lorsquenfin la femme revint avec un plateau sur lequel était posé une bouteille de ce breuvage local, la « Chartreuse », Phelipe se jeta dessus et sen servit un grand verre quil vida dun trait, non sans une horrible grimace.
-« Vous savez, jvoudrais un fils », dit-il à un Régimon placide, « Pas que je jetterais ma fille, non, mais un fils cest un héritier vous comprenez. Je voudrais lappeler Häagen-Dazs, ou alors Aymeric ! Il serait grand, brun, beau et fort. Comme son père ! » Enchaina-t-il après avoir vidé un autre verre. « Sa mère est très patiente vous savez, je me félicite de lavoir pour épouse. Cest une femme bien faite, et cultivée. On sentend bien vous savez ! Je crains pour sa vie
Non mais jveux dire, plus que je devrais. Vous imaginez ! Je suis venu ici rien que pour voir si elle survit, cest morbide ! Hahaha. »
Les oreilles de Régimon semblaient déconnectées de la voix de Phelipe. Il le regardait dun air vide, comme pour se protéger du délirium en train de se jouer.
-« Jvous explique
Elle ma envoyé une lettre, où elle parlait de contractions. Chuis pas naïf ! Elle allait accoucher. Elle est gentille, elle ne voulait pas minquiéter. Ben moi jai pris lélite du Languedoc, jleur ai même pas dit ce quon allait faire et hop, tagada-tagada on vient ici. Enfin au passage jai ramené le médecin en chef du Languedoc, histoire davoir une excuse, voyez. » (Un autre verre) « Pauvres gens
Doivent se demander ce quils foutent
fichent pardon, là. Enfin surtout laveugle », lâcha-t-il en ricanant dun air niais, « jlentends dici Où suis-je ?, et le commandant de répondre Quelque part, mais le Coms va bien cest notre super mission, il se saoule en attendant que sa femme crève ! »
Il sassoie finalement, ne tenant plus sur ses jambes.
-« Nan mais jme moque mais cest des braves gars, des types bien. Comme vous. Jvous aime bien. Ma femme aussi elle vous aime bien. ET VOUS AUSSI JE VOUS AIME BIEN ! » Cria-t-il à lattention de la femme qui lui avait servit à boire.« Même si tes môche, krrkrrkrrrr », plus bas, « Jaime BIEN les gens ici. Ils sont BIEN. Jvous ai déjà dit que jvous aime bien ? Ben jvous le redis pour la première fois que je vous le dit. Jvous aime bien
»
Un cri ? Est-ce vraiment un cri qui sélève de lautre coté de la porte ? Phelipe est debout, il se dirige vers la porte, son esprit embrumé se demande sil peut entrer. Il doit avoir mal à crier autant ! Que lui font-ils ! Il nentend pas sa femme, elle est peut être morte, comme feu lépouse de son frère ! Alors quil sapprête, ne tenant plus, à franchir la limite autorisée, la porte souvre en grand.
Le médecin en chef se tient face à lui, dans ses bras un truc informe qui fait du bruit, pale comme un mort, avec un petit truc qui pendouille entre les jambes (lenfant, pas le médecin).
-« Votre grandeur, apprenez que vous avez un fils, et que votre épouse vit! »
-« Hein ? »
-« Heu par contre, vous voyez vos bottes?»
Lentement, les yeux de Phelipe descendent vers ses pieds où trônent deux belles bottes de cuirs travaillés. Lalcool rend trouble la vision du Coms qui sexplique.
-« Plus ou moins, à vrai dire »
-« Vous voyez, votre fils cest celle de gauche
»
-«
Cest pas un peu grand pour sa taille ? Jimaginais plutôt des chausses de tissus
»
-« Et celle de droite
cest
»
-«
Euh, ben la même taille, jpense pas quelle lui ira non plus
»
Le médecin commence à perdre patience.
-« Votre femme attend un deuxième enfant ! »
-« Déjà ! Mais de qui ? »
-« Des jumeaux Senher !! Reveillez-vous bon-sang ! »
-« Ah. »
-«
»
-« Et cest obligé ?
Attendez
Celui là cest le miens cest ça ? Cest mon fils. Jai un fils
Jai un FILS ! HAHA JAI UN FILS ! Bienvenue au monde Häagen-Dazs ! »
-« Ahaga-quoi ? »
-« Vous préférez Aymeric ? Moins original mais soit. HAHA JAI UN FILS ! Il faut que je le dise à ma femme ! »
-« Je crois quelle le sait, Senher. »
-« Ah oui
vous devez avoir raison, quand jy pense
Et où est-elle ? Elle va bien ? »
-« Elle accouche, Senher, vous avez des jumeaux ! Comme vos bottes ! Elles font la paire ! »
Lexpression du visage de Phelipe passa de la joie à lhorreur en moins de temps quil nest possible de le faire, dune façon trop rapide pour être naturelle. A tel point que pour compenser cette erreur et le déséquilibre logique qui la suivie, le Plus Haut transforma un homme du nom de Jean-Claude en un mouton, quelque part dans la forêt de Brocéliande. Et la balance des énergies cosmiques fût préservée.
-« Ah. Oui. Je crois que je vais aller massoir et boire un quelque chose
»
Et la bouteille fût vidée.