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[RP] Le Paon et la dinde (ou vipère ? )

Erchinoald
Et elle s'éloigna, laissant la réponse du Paon en suspend dans sa bouche étirée en un sourire amusé. Bien sûr qu'il avait des draps propres, pour les deux chambres ; mais en regardant la jeune femme trottiner, il pensa très fort que seul un drap allait être froisser. Le sien ou celui de l'autre chambre, cela se déciderait très bientôt. La main posée sur le mur, son regard de glace perdu vers le nord, le blond pensait aux mises en scène qu'il pourrait mettre en place pour que cette nuit soit aussi douce que le miel qu'ils dégusteraient avec gourmandise.

Hum... Quelques minutes ?

Erchinoald se rendit compte qu'il venait déjà de passer quelques minutes dans ses pensées. Mais quelle exigence ! Sidie voulait réellement dompter le bel oiseau, lui imposer ses désirs. Il lui ferait bien payer cette tentative, mais en attendant, il ouvre la porte et court à l'étage, manquant de trébucher dans les escaliers. Il tire un tiroir et en sort un drap en satin de couleur "bleu roi", selon le tisserand qui lui a vendu. Il n'en avait pas fallu d'avantage au blond pour sortir sa bourse et faire cet achat de folie, et il ne le regretterait pas lorsque son invitée se glissera sur la douce étouffe qui fera frissonner son corps entier. Rien que cette idée replongea Le Paon dans ses pensées érotiques.

Mais la pause fut de bien courte durée, car le soleil commençait à se faire absent, et il n'avait toujours pas préparé la couche. Ainsi, le jeune homme s'appliqua à ce que le matelas ne soit ni trop mou, ni trop dur, que l'oreiller soit moelleux à souhait, et habilla le lit de telle manière que pas un pli ne paraisse sur le drap. Il se recula pour admirer son œuvre, qui serait certes détruite dans leurs ébats, mais la beauté est éphémère, car sinon, on finirait par se lasser. C'est du moins ce que pensait Le Paon qui passait un temps fou le matin à entretenir son plumage avant d'ouvrir ses volets et de jalouser le soleil, qui lui, n'était pas aussi en retard que le blond.

La lisière de la forêt était en vue, tout comme Le Paon qui s'était improvisé oiseau de course avec une hache à la main. Il avait commencé à courir vite au début, jusqu'à emprunter une hache dans la réserve de la mairie dont il avait les clés, puis sentant ses joues bouillantes et sa gorge asséchée, il s'était contenté de marcher à grands pas. Il ne manquerait plus qu'il se présente devant Sidie avec sa chemise trempée de sueur, les cheveux dégoulinant et le visage aussi rouge que celui d'un ivrogne. Non, il aurait préféré lui faire faux bond que de se présenter ainsi.


Excusez-moi de mon retard, je ne trouvais plus les draps, dit-il en inclinant la tête pour appuyer son regret de l'avoir fais patienter aussi longtemps, même s'il ne regrettait pas tant que cela : elle a un certain charme lorsqu'elle est énervée. Et cette nuit sera l'occasion de se faire pardonner, pour son retard et pour beaucoup de choses.
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Sidfiala
A peine eut-elle tourné la rue que la jeune Sidie se mit à courir. Elle se hâta se regarder l’endroit où elle dormait avec son compagnon depuis plusieurs jours déjà. Un endroit qu’elle avait choisi elle-même, et qu’il avait approuvé : un large et épais tapis de mousse bordé de plusieurs buissons de houx piquant, le tout parsemant le sol sous le feuillage des chênes et de hêtres. Kaeronn n’était pas là, il vaquait à ses occupations et ne reviendrait sans doute qu’un peu plus tard dans la nuit. Sidie ne s’en inquiéta pas, elle savait que bientôt ils passeraient tout leur temps ensemble. Sidie lui avait demandé à lui en premier de l’aider pour récolter le miel, mais Kaeronn n’avait pas voulu : il prétendait ne pas aimer particulièrement le miel parce que ça collait et ça donnait soif, et puis avait affirmé ne pas vouloir prendre le risque de se faire piquer. Peu importait, Sidie était plus têtue qu'une mule et avait par conséquent trouvé quelqu’un d’autre pour l’aider et elle espérait fait une belle et conséquente récolte.

Elle emporta une épaisse paire de gants de cuir, sa cape, son châle, et, à l’aide du briquet et d’un morceau d’amadou (un de ces champignons qui servent à faire du feu), elle alluma une torche qui leur serait bien utile pour la suite des opérations. Elle fourra toutes ses affaires dans un sac de toile de jute qu’elle passa sur son épaule, comme un baluchon. Elle fit un dernier tout d’horizon de son bivouac pour vérifier qu’elle avait pris tout l’essentiel et qu’elle n’avait rien oublié.. Tout en marchant vers l’orée de la forêt, elle souriait, encore et encore, se frottant les mains l’une contre l’autre et se réjouissant d’avance.


- A moi la délectation… à moi le miel tant convoité.


Les minutes passèrent, la soleil disparut totalement derrière la cime des arbre et la pénombre commença à gagner installant son domaine : la nuit. A la lumière de sa torche, la jeune femme attendit le Paon, qui se faisait attendre. Elle commençait à s’impatientait légèrement se demandant si elle devrait se charger de faire sa récolte risquée toute seule, quand enfin, la silhouette du jeune homme se détacha dans l’obscurité. Elle l’accueillit avec un regard légèrement chargé de reproches mais reçut ses excuses sans un faire un scandale. Elle acquiesça de la tête et lui adressa un petit sourire.


- L’essentiel est que vous les ayez apportés. Allez, venez, ne tardons pas davantage, nous avons du travail qui nous attend.


Elle lui tourna le dos, tenant la torche de la main droite et le bout du sac de toile de la main gauche. Devançant Erchinoald, elle le guida au travers des buissons sombres, sur les petites sentes fréquentées par les bêtes sauvages de la forêt. Ils grimpèrent, prirent un peu d’altitude et lorsqu’ils arrivèrent en haut de la colline boisée, Sidie s’arrêta et se retourna vers l’homme à la folle chevelure blonde. Elle posa son sac à terre et étendit son bras gauche en lui déclarant :


- Nous y voici. Tout parait calme et tranquille mais vous voyez ce tronc couché ? Il est creux et en son ventre sommeillent les gardiennes d’un trésor inestimable. Nous allons devoir procéder avec soin et précaution pour ne pas prendre trop de risques. Il y a une chose que vous devez savoir : les abeilles sentent la peur : elles ne vous piqueront que dans le cas où vous en éprouveriez. Aussi, comme plusieurs précautions en valent mieux qu’aucune…


Sidie confia la torche à Erchinoald avant de se pencher en avant pour fouiller dans son sac de toile vulgaire. Elle en sortit sa cape qu’elle noua sur ses épaules et son châle qu’elle enroula sur sa tête et son cou avant de passer les gants de cuir. Quand elle vint récupérer la torche, elle regarda Erchinoald droit dans les yeux, le regard sérieux et lui déclara :


- Vous feriez mieux de vous emmitoufler vous aussi…
Erchinoald
Ouf...
Olala...
O hisse !


La pente était rude. Le Paon avait beau pousser des plaintes silencieuses, son guide continuait de forcer la marche, emmenant avec elle la torche pour laisser le bel oiseau dans l'ombre ; alors il s'accrochait à un arbre et se tirait de toutes ses forces pour continuer de grimper. Plus d'une fois, il avait failli glisser sur une pierre et de se faire engloutir par les ombres de la forêt, en contrebas. Toute cette noirceur qui les suivait était peut-être plus inquiétante encore qu'une haute altitude. Et pourtant, le blond jetait souvent un coup d'œil par dessus son épaule pour voir la nuit qui engloutissait leurs pas, avant de regarder devant lui. La jeune femme semblait si à l'aise dans cette randonnée, même chargée d'une torche et de son sac, tandis que lui avait besoin de ses deux mains pour avancer. Quelle honte s'ils arrivaient en haut, elle à peine essoufflée, et lui les jambes tremblantes. Elle avait intérêt d'être bonne. La récolte. Et Sidie, aussi.

Le supplice, ainsi que le ferme postérieur qui se dandinait devant lui, furent arrêtés lorsqu'ils arrivèrent en haut de la colline. Le Paon plissait les yeux et mettait ses mains en visière -bien qu'il n'y ait plus de soleil- pour voir le tronc qu'ils allaient éventrer, dépecer et vider de sa substance sucrée, tant convoitée par la din... Sidie. Mais il ne voyait que la silhouette des grands arbres éclairés par la Lune, et discerner avec difficulté ce qu'il y avait sur le sol, jusqu'à ce qu'il lui semble reconnaitre la carcasse de bois.


Ah oui, il est là-bas ! Je le v... Il s'interrompt pour replisser les yeux et se pencher en avant pour mieux voir. Ça bouge, un tronc ? demanda niaisement le blond, tandis qu'il suivait du regard une ombre se déplaçant parmi les arbres. Sidonie, vous connaissez beaucoup de bêtes sauvages appâtés par le miel ? Il se redresse et se tourne vers elle, voyant qu'elle se recouvre entièrement le corps. C'est que... Je n'ai rien de plus que ce que je porte, dit-il en écartant les bras du corps pour montrer qu'il n'avait qu'une paire de chausses bien cirées, des braies un peu trop grandes pour lui te une chemise en soie rouge. Mais n'ayez crainte, si ces cafards volants sentent la peur, ils sentent aussi le courage : ils ne m'approcheront pas. Car il ne s'approchera pas de trop près.
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Sidfiala
- Des bêtes sauvages attirées par le miel ?

Ce fut plus fort que Sidie, elle lâcha avec un sourire légèrement narquois, fendu jusqu'aux oreilles :

- Hormis un vieil ours mal léché, je ne vois pas non. Vous en avez entendu un qui rôdait aux alentours ?

Elle se retourna, tournant le dos à la torche pour ne plus être éblouie et pouvoir scruter l'obscurité. D'ours, elle n'y croyait pas trop, elle pensait plutôt à un renard ou autre goupil du genre s'il y avait bestiole, ou peut être même un lapin. A moins que Kaeronn n'ait eu fini plus tôt ses affaires et qu'il soit venu le retrouver ? Si c'était le cas, elle lui faisait entièrement confiance pour se montrer au moment le plus opportun pour s'adonner à son occupation favorite : se moquer d'elle si elle se plantait dans son opération. La jeune femme se retourna vers Erchinoald : elle n'éprouvait visiblement aucune peur. Il fallait dire que la forêt c'était son domaine, même la nuit. En revanche, les coups d'oeils furtifs que Erchinoald lançait un peu partout autour de lui trahissait le fait qu'il semblait plutôt nerveux et mal à l'aise. La jeune femme effaça son sourire moqueur pour regarder le Paon avec une expression sérieuse :

- Les seules personnes qui apprécient le miel ici, ce sont les hommes ou de petits animaux inoffensifs. La forêt n'est pas si dangereuse que cela quand on la connait bien... enfin méfions nous tout de même des abeilles, même si pour l'heure elles dorment, ce ne sera plus le cas d'ici quelques instants.

Sidie fronça les sourcils quand l'homme qui l'accompagnait lui annonça ne rien avoir de plus épais que sa chemise, ne rien avoir pour couvrir son beau visage et sa peau si parfaite. Elle ouvrit la bouche pour le tancer un peu sévèrement et puis s'abstint. Il était assez grand après tout et elle l'avait mis en garde. Insister sur le fait que récolter du miel dans sa tenue légère, sans aucune protection était une pure folie, aurait été appuyer sur la partie sensible de sa fierté. Rien ne valait mieux que l'expérience des choses pour apprendre. S'il se faisait piquer, la prochaine fois, il prendrait les mesures nécessaires.

La petite thiernoise blonde donna le signal du départ de l'opération avec ses instructions :


- Venez, approchons nous.

En se rapprochant du tronc couché, elle se baissa pour arracher et récupérer des feuillages bien verts et quelques brindilles tout en précisant :

- Nous allons faire un petit feu tout près de l'essaim. Un feu à entretenir avec des feuillages verts pour que cela fume bien. La fumée étourdit les insectes et les fait fuir. Cela éloignera les plus farouches.

Ce disant, Sidie vérifia le sens du vent afin de placer le feu fumant au meilleur endroit. Alors qu'elle allumait les brindilles sèches à l'aide de la torche, elle expliqua à Erchinoald :

- Utilisez les draps que vous avez apportés pour vous couvrir la tête quand même... Bien, quand il y aura assez de fumée, nous placerons le sac de jute à une extrémité du tronc : celle du bas. Nous nous faudra obstruer l'autre trou avec un morceau d'étoffe. La suite sera très simple : pendant que vous soulèverez le tronc ainsi refermé, je cognerai de la hache dessus pour faire tomber l'essaim dans le sac avec le fruit de notre convoitise. Et le tour sera joué !

Elle y croyait dur comme fer. Oh que oui c'était une idée ingénieuse !
Erchinoald
Dans la forêt, il y avait peut-être une ombre de 7 pieds et 9 pouces qui se baladait sur ses huit pattes, et Sidie ne craignait que les abeilles. En temps normal, le blond l'aurait traité de folle, lui aurait dit qu'elle n'avait qu'à aller se faire croquer les entrailles seule, qu'il viendrait peut-être récupérer son corps -ou plutôt ce qu'il en restera- lorsqu'il fera jour. Superstitieux, lui ? Un peu. Mais que faire lorsque la demoiselle que vous avez proposé d'aider semble ne se soucier de rien, lui confirmant qu'il n'y a aucun danger ? Faut la suivre, simplement. Prendre sa peur à deux mains, en faire une boulette et la mettre au fond de sa poche, parce qu'un Paon, cela ne craint ni les coqs jaloux, ni les ours grincheux.

Ce n'est rien, sûrement un chien errant, dit-il en agitant la main pour signifier qu'ils pouvaient passer à autre chose.

Ils descendirent de la colline, le blond à la peau d'albâtre essayant tant bien que mal de ne pas finir en bas avec une glissade sur son postérieur. Jusqu'à maintenant, il avait assez eu l'air ridicule comme ça avec sa peur des forêts sombres qui sont réputées pour accueillir les sabbats des sorcières encapuchonnées qui faisaient un grand feu de camp pour danser autour toute la nuit et pour raconter les malheurs qu'ils ont fais au commun des mortels. Jusqu'à ce qu'ils arrivent au tronc d'arbre mort, il avait regardé droit devant lui, retenant ses regards craintifs vers les alentours. Il écouta ensuite avec attention les instructions, tout en hochant lentement la tête pour faire voir qu'il avait compris.


Les draps, je les ai installé sur les lits, dit-il d'une petite voix timide, tout en regardant ailleurs comme-ci de rien n'était. Puis soudain son regard s'illumina. Il y avait bien quelque chose qu'il avait sur lui. Sa main s'enfonça dans sa poche et en sortit un mouchoir que le Baron, son précepteur, lui avait offert lorsqu'il habitait encore avec lui au château, il y a de cela des années. En lettres d'or était brodé les initiales "E.d.N". Il posa le morceau de tissu sur le bas de son visage, et le noua derrière sa tête.

Je suis prêt !

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Sidfiala
- Installés sur le lit ?! Humph !

Sidie fronça les sourcils. Mais où avait-il donc la tête ? Dans le fond de ses braies, le doute n’était plus permis. La jeune femme lâcha un profond soupir constatant toute l’élévation de l’intelligence masculine quand ils s’y mettaient et leur obstination à avoir certaines idées fixes en tête. L’attitude et le ton sur lequel Erchinoald avait apporté cette précision trahissait tout entier les desseins qu’il s’était tracés à son sujet. Elle pensait pourtant avoir été assez claire sur le fait qu’elle ne voulait plus qu’il y revienne et pourtant… Obstination quand tu nous tiens ! Perplexe, elle le regardait quand il sembla frappé par une idée de génie et se couvrit le bas du visage avec un mouchoir d’une étoffe aussi délicate que lui. Elle hocha de la tête et étira un sourire franchement moqueur en ajoutant, sautant sur l'occasion de laisser pour l'heure, les draps là où ils étaient :

- Encore un peu et vous auriez tout d’un bandit de grands chemins !


Riant doucement à l’idée d’imaginer Erchinoald le fier détrousser des voyageurs et des marchands de leurs biens sur le bord d’une route, elle lui tourna le dos et alluma le petit tas d’herbes sèches qu’elle avait préparées. Le feu pris rapidement : herbes, brindilles s’embrasèrent. Un peu de bois vert, puis du feuillage eurent pour effet de produire une fumée dense et âcre qui enveloppa les alentours avant d’aller mourir lentement dans la pénombre qui les entourait. L’effet escompté fut observé : les quelques abeilles insomniaques s’éloignèrent, laissant la voie libre aux deux pilleurs de ruche.

Sidie s’empara de son sac de toile de jute et d’une cordelette, qu’elle avait soigneusement laissée cachée dedans jusqu’alors pour que le Paon n’ait pas une nouvelle fois cette idée saugrenue de vouloir la ligoter pour la retenir .Toussotant légèrement par ce que la fumée lui piquait le nez et les yeux, elle tournait parfois la tête de l’autre coté pour respirer un air moins fumeux. Méticuleusement, avec des gestes lents et aussi précis que possible, elle se mit à genoux, souleva une extrémité du tronc –la plus proche de l’essaim selon elle – pour glisser en dessous un des pans du sac. Elle termina par obstruer complètement le tronc avec le sac en entier et, à l’aide de la cordelette, noua le tout bien serré sur l’écorce. Si tout se passait bien : l’essaim devait tomber au fond du sac : il ne resterait plus qu’à fermer ce dernier. Elle se redressa et contourna le tronc pour venir se placer à l’autre extrémité : il fallait faire la même chose pour obstruer l’autre coté et éviter la fuite des abeilles en colère quand ils frapperaient sur le tronc. Accroupie, elle glissa ses mains sous le morceau de bois et alla pour le lever. Ce dernier ne bougea pas.


- Humph ! On dirait bien qu’il est collé au sol. Vous voulez bien m’aider ? Eclairez cet endroit s’il vous plait et puis s’il le faut… à deux nous aurons plus de force.

La jeune femme tourna vers Erchinoald un regard l’invitant à venir s’approcher, au moins pour qu’il l’éclaire avec la torche et qu’elle puisse voir ce qui gênait sa manœuvre.
Erchinoald
C'est l'histoire d'un Paon qui courtisa une Dinde ; et au fur et à mesure de l'histoire, il se rendit compte qu'il était le Dindon de la farce. C'est du moins l'impression qu'avait le blond en voyant l'air exaspéré de Sidie. Ses pensées n'étaient pas difficiles à comprendre : elle s'imaginait qu'il ne pensait qu'à une chose, prendre vite-fait le miel et l'emmener dans sa couche. C'était un peu le cas, il aura quand même patienté un moment avant que cela n'arrive, mais l'idée n'était pas venue toute seule.

Erchinoald restait planter là, en retrait, la suivant du regard tandis qu'elle mettait son ingénierie en œuvre. Il n'était pas entrain de l'admirer, mais plutôt de déceler chez elle un signe qui prouverait qu'elle se moque vraiment de lui. Il la quitte du regard pour jeter un coup d'œil aux alentours, non par crainte -son orgueil titillé avait effacé toutes ses autres pensées- mais pour espérer voir Kaeronn, le compagnon de la jeune femme, caché derrière un talus tout proche pour les observer. Cela montrerait de manière indéniable que cela n'est qu'une mise en scène pour le tourner en ridicule. Il n'abandonne ses recherches que lorsqu'elle lui demande un coup de main pour soulever le tronc. Ses sourcils se froncent légèrement, tandis qu'il approche d'elle.


Je n'aime guère qu'on me joue des tours, Sidonie Fiala. C'était la première fois qu'il l'appelait par son nom au complet. Avant de sortir du parc, vous m'avez complimenté, comme le ferait une courtisane, et vous me regardiez avec une lueur dans le regard qui n'était pas celle de quelqu'un qui pensait à manger du miel. Il avait soudainement envie de lui saisir les épaules et de la retourner pour qu'elle le regarde dans les yeux, mais il n'en fit rien, et continua. Vous me faîtes maintenant passer pour un idiot, pour un mâle en rut, en me tenant rigueur d'avoir compris que les draps étaient pour préparer un lit, pour vous. Il se tait, puis ajoute d'un ton moqueur : Indiquez moi le sens du vent, vous qui êtes une girouette.
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Sidfiala
Bien trop concentrée sur sa tâche, la jeune femme n'avait pas vu que le Paon était en proie à un profond moment de doutes et de questionnements. Elle plissa les yeux dans l'obscurité quand il s'approcha avec la torche. Ah ! Elle vit tout à fait ce qui la gênait dans son entreprise et dégageait la racine qui retenait le tronc quand la voix d'Erchinoald la dit lever les yeux. Sa voix était si... différente. Dure, presque froide. Sidie en fut particulièrement surprise, elle tourna la tête pour le regarder, ses mains s'affairant toujours à tirer sur la racine.

- Pardon ?

Sidie ne comprenait pas ce qui lui valait se changement de comportement ou d'attitude à son égard. L'histoire des draps revenait sur le tapis ? Sidie humpha un coup, elle pensait que c'était fini pourtant, en tous cas pour elle cela l'était : mis de coté. Elle fronça les sourcils, se doigts se crispant sur la racine sur laquelle elle s'excitait depuis quelques secondes. Elle lâcha un soupir, Erchinoald restait planté là, debout la toisant pendant qu'elle s'évertuait à décoincer cette fichue racine qui ne semblait pas vouloir céder.

- Quelle mouche vous pique Erchinoald ? M'enfin, que voulez vous sous-entendre ? Que ces compliments, vous ne vouliez pas les entendre de ma bouche ? Que je ne songeais nullement à profiter de votre hospitalité la nuit mais pensais plutôt que les draps nous aideraient dans notre entreprise ? Vous n'êtes sûrement pas un idiot, non...

Elle ne comprenait toujours pas ce qui se jouait et chercha à se montrer légèrement narquoise pour tenter de dévier l'atmosphère pesante sur un sujet plus léger :

- Quant au sens du vent, vous voyiez bien ! Il suffit de voir par où va la fum....

Crac ! La racine venait de céder et Sidie se retrouva sur le postérieur. Elle regardait toujours Erchinoald surprise. Avec l'éclairage de la torche, vu de dessous comme ça, dans la fumée, il avait une expression lugubre sur le visage et son regard clair semblait transpercer Sidie au plus profond d'elle, pour la sonder, tel un inquisiteur. Rendue franchement mal à l'aise, elle gesticula un peu pour se remettre debout et son pied heurta involontairement le tronc couché qui n'était obstrué qu'à l'une de ses extrémités. C'est à cet instant que tout bascula : le tronc surtout. Libéré de la racine qui le calait, et sous l'impulsion du pied de Sidie, il se mit à rouler lentement mais surement vers le bas de la pente. L'accoup du pied de Sidie sembla avoir réveillé les dormeuses en son sein car un bourdonnement commençait à prendre de l'ampleur à l'intérieur.

- CORNE DE BOUC !!

Le juron était sorti tout seul. La petite blonde sauta sur ses pieds, en proie à un début de panique. Si l'essaim attaquait, même de nuit, ils pouvaient y laisser la vie. Elle ne réfléchit pas davantage alors que le tronc continuait de rouler lentement en prenant un peu de vitesse et que les premières abeilles sortaient par l'extrémité encore ouverte. Sidie ne réfléchissait plus c'était son un instinct de survie qui parlait. Elle attrapa la main du Paon et l'entraîna en courant vers une direction perpendiculaire à la pente en lui criant :

- NE RESTONS PAS ICI ! VITE !
Erchinoald
Et en plus, elle fait comme si elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire. Comme s'il n'avait pas compris qu'elle se jouait de lui. Les bras croisés sur son torse, le corps droit comme un piquet, il n'était pas prêt de lâcher l'affaire avant d'avoir tirer les choses au clair. Elle essayait sûrement de le faire tourner en bourrique, encore. Mais cette fois, il ne cèderait pas, même si la fumée commençait à lui irriter les yeux. Il aurait le fin mot de l'histoire : elle veut ou elle veut pas ?

Sur le moment, vos compliments ne m'ont laissé aucun doute quant à vos pensées. Mais ensuite, vous avez paru surprise que j'ai utilisé les draps pour préparer les lits. Il faudrait m'expliquer ce que vous voul...

Pas le temps de finir sa phrase, un bruit étrange l'interrompt : la racine est déchirée sous le poids du tronc qu'elle retenait. La carcasse de bois dévale la pente, et un petit bourdonnement se fait entendre. Et là, c'est la panique. Les bras retombent le long du corps tandis que les yeux regardent dans le vague, et les images défilent dans la tête : un nuage sombre et grondant qui s'échappe du tronc, des milliers de mouches rayées noir et jaune avec des dards aiguisés. Le Paon ressemble à un chat devant une intense lumière qui arrive à toute allure : immobile.

Jusqu'à ce qu'il sente une main prendre la sienne et le tirer ; ce n'est qu'alors qu'il cesse de rêver debout, qu'il reprend conscience qu'il est temps de fuir. L'adrénaline est lâchée tandis que les deux jeunes gens courent aussi vite qu'ils peuvent pour échapper à l'essaim tueur. Le cœur tambourine la poitrine tellement fort qu'ils ont l'impression qu'il va exploser d'une seconde à l'autre, ils respirent aussi bruyamment que deux amants en plein ébat, mais ils continuent de courir, parce qu'il n'y a que ça de réellement important à cet instant. Ça et ne pas lâcher la main de l'autre, parce qu'ils sont seuls contre les abeilles, seuls contre l'herbe glissante, seuls contre la pente qui ne demande qu'à les entrainer en bas.

Alors ils ont continué de courir jusqu'à être s'arrêter, en pleine forêt. Mais ensemble. Erchinoald, si essoufflé qu'il a envie de cracher ses poumons à chaque expiration, garde sa main serrée dans celle de son acolyte malgré qu'il se plie en deux pour prévoir un vomissement. Il n'avait pas eu aussi peur depuis l'attaque du château de son précepteur par l'Armée du duché où ils habitaient. Le Paon et la Dinde restèrent là, reprenant leur souffle, incapables de sortir un mot de leurs gorges serrées, jusqu'à ce que le blond rompe le bruit incessant de leurs souffles.


Sidonie Fiala, vous avez failli me tuer. Il se redresse, son torse se bombant au rythme de sa respiration. J'ai failli m'écrouler dans l'herbe tellement j'étais épuisé de cette course, ajouta-t-il sur le ton d'une réprimande. Et par dessus tout, nous n'avons pas de miel ! Il reprend son souffle. Alors je vous préviens, nous rentrons chez moi et vous y dormez parce que je n'ai pas fais le lit pour rien ! Il ne put s'empêcher de lui faire un large sourire. Elle lui en aura vraiment fais voir des vertes et des pas mûrs, cette jeune femme.
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Sidfiala
Le visage fouetté par les branches, elle avait couru aussi vite et loin que possible, aussi vite et loin que ses jambes le lui permettaient, aussi vite et loin qu'elle pouvait entraîner l'homme dont elle n’avait pas lâché la main. Alors que ses poumons n'étaient plus que feu à cause de l'air qui entrait et sortait au rythme saccadé de sa respiration, naturellement, comme si leur instinct savait que l'essaim ne les avait pas suivi jusque là, leur course se ralentit lentement. Sidie tomba alors genoux sur le sol et se mit sur le dos pour pouvoir mieux reprendre sa respiration. Elle sentait ses joues rougies par la course et son coeur qui battait à tout rompre contre ses tempes. La peur passée, Sidie, les deux mains posées sur son ventre, souriait jusqu'aux oreilles, encore sous l'effet des hormones dégagées par leur folle fuite. Elle planait littéralement, comme si elle venait de subir une douce séance de ces fous rires auxquelles elle avait parfois droit. Il n’y avait pas à dire : rien de tel qu’un bon coup d’exercice physique pour se sentir bien !

Alors qu’elle reprenait son souffle lentement, et qu’elle faisait l’inventaire de ses sensations pour vérifier si elle ressentait les effets d’éventuelles piqûres, la voix masculine d’Erchinoald brisa l’ambiance sonore. Il lui sembla, dans la noirceur des sous-bois la nuit, qu’il se dressait de toute sa hauteur. Encore son nom en entier. Elle allait finir par détester qu’on l’appelle ainsi : à chaque fois c’était pour lui faire des réprimandes ou des reproches et compte tenu des paroles du Paon, cette fois ci n’allait encore pas être différente des autres. Failli le tuer ? Failli s’écrouler dans l’herbe ? Et pas de miel !

- Humph !

Et quoi ? Cette histoire de chambre et de lit qui revenait encore ? Sidie secoua la tête dans l’obscurité et lâcha un profond soupir que Erchinoald pu aisément entendre et discerner de sa respiration encore courte. Elle prit quelques secondes pour contenir le flot de paroles qui lui vint à l’esprit à cet instant précis et lui dit d’une voix grave :


- Vous m’insultez Erchinoald à penser que je vais m’offrir à vous parce que vous claquez des doigts. Je ne suis ni gourgandine, ni femme d’une nuit. Vos insinuations et votre insistance, amusantes et flatteuses, pourraient devenir grandement offensantes si vous vous entêtez.


La jeune femme se releva, en posant une main sur le sol pour faire face au Paon. Dans la dense pénombre, elle riva ses yeux clairs dans les siens et rajouta :

- Ne gâchez pas tout Erchinoald. Non ne gâchez pas tout. Votre compagnie est agréable et si vous gâchiez tout*, je ne vous le pardonnerai pas.


La voix de Sidie donnait originalement dans les graves à ce moment là, peut être un peu trop comme si elle eut voulu maîtriser quelque chose qu’elle ne voulait pas exprimer ou peut être parce qu’elle était particulièrement sérieuse. Et frustrée de ne pas avoir eu son miel. Oui, très frustrée. Elle sentit quelque chose couler sur sa joue. Et quoi ? Une larme ? Elle pleurait sans s’en apercevoir maintenant ? Sûrement pas ! Du bout des doigts, elle vint toucher ce qui coulait sur sa peau : c’était poisseux. Elle porta la pulpe de ses doigts à ses lèvres. Du sang. Elle avait dû être blessée ou se faire griffer le visage par une branche trop rigide durant leur fuite. Il ne manquait plus que cela : être défigurée. L’espace d’un moment elle entraperçut dans ses pensées, le visage de cette noble bourguignonne avec laquelle son meilleur ami s’était fait la malle, la jeune Maeve, balafrée de l’œil à la commissure des lèvres. Elle frissonna. Non ! Elle ne voulait pas être dévisagée ainsi !

- Venez, je vous raccompagne en ville. Il se fait tard. Et j’ai besoin de trouver de l’eau claire et des pansements.


Elle parut hésiter un instant avant de tourner les talons pour redescendre en direction de la cité Spinalienne, il la suivrait bien s’il le voulait, mais elle descendrait trouver un miroir pour voir si elle n’était pas défigurée.

*correction orthographique
Erchinoald
Et le sourire disparut petit à petit. Insulte ? Pas une gourgandine, ni la femme d'une nuit ? Offense ? En clair, elle lui avait laissé se faire des idées. Sa compagnie est agréable, mais pas irremplaçable. Elle aurait pu demander à quelqu'un d'autre de venir chercher du miel avec elle, en pleine nuit, pendant que tout le monde dort, ça aurait été pareil. Quoi que moins amusant pour elle d'emmener Le Paon par le bout du bec un peu partout. Cette fois, il en était sûr. Elle se jouait de lui, agitant une carotte devant le gros museau de l'âne pour le faire avancer. Et le bourricot obéit, il a tellement faim. Tellement envie. Il est fatigué, il voudrait s'arrêter, mais il continue. La convoitise transforme les paons en ânes, mais ils gardent le même orgueil. Cette fierté qui prend trop de place, qui fait qu'on "pète plus haut que son cul", mais qui empêche de se mettre à genoux et de faire le beau pour avoir la récompense, et qui interdit de se rendre ridicule. S'il suffisait de claquer des doigts, ce serait trop simple. Trop ennuyeux. Ce ne serait plus un jeu. Mais un jeu où on est sûr de ne pas gagner, c'est soit une arnaque, soit une perte de temps.

Sidie le regarde dans les yeux, alors peut-être elle y vit un vase façonné en vanité. Ce refus sans équivoque avait été comme un coup de marteau, créant une fêlure dans le récipient d'où s'écoulait un liquide noir et poisseux qui se répandait, qui remplissait lentement l'âme. On appelle cette solution la Haine. S'il était d'un naturel plus impulsif, il était sûr qu'il lui aurait retourné sa main sur le visage en une baffe retentissante. Mais voilà, il est calme. Il se contente de crisper ses doigts, de serrer les poings et de se taire. Dans l'obscurité, seuls ses sourcils légèrement froncés trahissent son sentiment. "Ne gâchez pas tout", qu'elle disait. "Je ne vous le pardonnerai pas". Parce qu'elle croyait qu'il allait la laisser gagner ? Qu'il allait jouer son petit jeu, alors qu'il n'a pas obtenu ce qu'il voulait -qu'il a perdu- ? Qu'il allait continuer de paraitre aussi idiot que s'il battait des bras pour s'envoler ?


Nul besoin de me raccompagner. Je rentre chez moi. Je connais le chemin.

Sa voix était dure, ferme. Des mots, il en avait des tas à lui dire. Des coups, beaucoup à lui donner. Mais il n'était pas encore complètement aveuglé par la colère et la peine. Elle lui tournait déjà le dos, elle ne verrait peut-être pas son corps raidi par ses intenses sentiments, par un combat interne. Se jeter sur elle et lui faire du mal physiquement, comme elle lui en avait fait à son orgueil ? Ou bien partir, la laisser là, car il sait qu'il regrettera son geste ? C'est la seconde réponse qu'il choisit. Il rangea le mouchoir qui recouvrait sa bouche figée en une grimace de mécontentement, jeta un dernier regard à la jeune femme qui s'attendait sûrement à ce qu'il le suive, et il marcha à grands pas dans une autre direction, ruminant sa frustration d'enfant pourri-gâté qui a toujours eu ce qu'il voulait. D'une manière ou d'une autre.
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Sidfiala
Difficile de voir où on mettait les pieds dans cette obscurité, alors voir l'expression d'un regard ou un sourire, c'était pratiquement mission impossible. En revanche, le ton d'une voix lui pouvait parfaitement être perçu. Sidie comprit que Erchinoald n'avait pas apprécié sa dernière intervention, peut être était-ce parce qu'il était trop impatient et qu'il voulait tout de suite ce qu'il convoitait, qu'il avait compris que Sidie ne le lui donnerait pas là tout de suite maintenant. Ou peut être était-ce parce qu'il avait compris que la jeune thiernoise était plus têtue qu'une mule quand elle s'y mettait et qu'elle avait une volonté à toute épreuve. A l'énoncé qu'il allait rentrer seul chez lui, Sidie ne lui répondit rien, persuadée que la frustration du moment finirait bien par passser. Et puis, ils devraient bien faire la route ensemble de toutes façons puisque la ville était située en contre bas et qu'ils s'y rendaient tous les deux.

Mais rapidement, ses oreilles lui indiquèrent que Erchinoald ne la suivait pas. Elle se retourna et eut juste le temps de voir le Paon s'éloigner dans une direction pratiquement opposée. Elle lâcha un profond soupir, secoua la tête de droite à gauche. C'est qu'il allait se perdre cet idiot ! Elle dut bien admettre qu'elle fut partagée un instant entre le laisser aller seul ou bien aller lui dire qu'il faisait fausse route. Mais vu que Erchinoald prenait la direction de l'endroit où elle bivouaquait et qu'à ce bivouac, il devait y avoir Kaeronn qui l'attendait, elle se hâta de rattraper le Paon à grands pas. Elle ne voulait pas imaginer la manière dont Kaeronn pourrait accueillir le Paon en le voyant débarquer, seul au campement. A bien y réfléchir, seul ou pas, ça n'était pas à imaginer.

La thiernoise réduisit rapidement la distance qui la séparait d'Erchinoald et lui attrapa la main pour qu'il s'arrête en lui déclarant :


- Humph. Vous n'allez pas dans la bonne direction vous savez. La ville est plutôt de l'autre coté. Par là.

Elle aurait pu aussi tout simplement le laisser aller se perdre, tomber sur l'ours des alentours et se faire dévorer tout cru. Oui. Elle aurait pu. Mais au lieu de cela, elle tira légèrement sur sa main, vers l'aval et lui dit sur un ton adouci :

Allez, venez avec moi, ne vous faites pas prier. Et puis... je vais avoir besoin de votre oeil expert pour me soigner.
Erchinoald
Humph !

Voilà ce que c'est de passer trop de temps avec une jeune thiernoise : vous humpher comme elle, et en plus, vous êtes d'humeur désagréable parce que vous avez l'impression qu'elle se joue de vous, comme vous vous le faites. Mais elle, elle prend un malin plaisir à vous frustrer, tandis que vous, tout ce que vous voulez, c'est passer une nuit sous les mêmes draps qu'elle -et pas en tout bien tout honneur. Au lieu de cela, vous passez votre temps à l'approcher, à vous faire repousser, à revenir à la charge, puis à vous prendre un nouveau refus ; c'est alors que vous commencez à partir, mais elle vous attrape la main pour vous faire revenir, parce qu'elle ne voudrait pas perdre son jouet. Elle essaie même de vous charmer en parlant d'une voix douce.

Je vous soigne et ensuite, nous nous quittons bon amis.

Il la regarde, méfiant. Il ne la voit plus comme avant, plutôt comme une adversaire. Liz avait finalement raison, mieux vaut se méfier de Sidie : sous ses airs de jeune femme innocente, elle n'est pas si pure et chaste que cela. C'est même pour cela qu'il ne lui propose pas de la soigner chez lui, elle serait capable de l'accuser d'insister encore. Il se contenta donc de la suivre, silencieux. Il aurait pu être ainsi jusqu'à la fin de cette nuit, se tenant ainsi à l'écart de tout piège, mais il ne put s'empêcher de demander : Où comptez-vous trouver de l'eau et des pansements à cette heure-ci ?
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Sidfiala
Il ne s'entêtait pas. Sidie en fut légèrement soulagée. Ils allaient pouvoir retourner en ville, elle se soigner, se rassurer que le fait que sa blessure au visage n'était pas trop grave, lui s'en retourner chez lui pour recouvrer ses esprits et son calme. La journée avait été longue et la soirée lourde en rebondissements et en émotions. Cette course effrénée dans les sous bois la nuit associée à la longueur du labeur du jour n'allait pas tarder à lui couper les pattes. Sidie sentait la fatigue s'emparer d'elle. Elle prit alors la direction de l'aval, entraînant Erchinoald derrière elle.

Bon amis. N'était-ce pas ce qu'elle lui avait toujours demandé, y compris dans ses missives : un ami, un confident, plus qu'un amant. Il semblait avoir compris cette fois ci. Et c'était tant mieux. Sidie se décontracta un peu, continuant à marcher en direction de la ville. Elle passa pensivement sa main sur sa joue : le sang avait arrêté de couler et semblait commencer à sécher sur sa peau. C'est donc que l'entaille ne devait pas être trop profond : tant mieux. Pour autant, elle savait qu'une plaie non lavée pouvait être un gouffre dans lequel la pourriture avait vite fait de s'insinuer et de vous ronger jusqu'au plus profond de vous même. Son Grand Oncle en avait fait les frais et avait dû subir une mutilation d'une de ses cuisses, ce qui avait causé chez lui cette démarche claudicante qui lui était si propre.


- Hum... de l'eau, il y en aura à la fontaine ou au puits je cuide. Quant aux pansements, à défaut de trouver un médicastre, j'utiliserai ce qui me tombera sous la main de propre : un torchon, un châle, peu importe, mais je dois laver cela.

Elle marqua une légère hésitation avant de poursuivre :

- Comme je pense que la fraîcheur et la perfection de la peau de votre visage n'est qu'en partie due à la nature, je me doute que vous devez savoir quoi faire pour pouvoir soigner les éventuels accrocs de la vie et faire en sorte que leur trace soit minimisée. Aussi, aurais-je volontiers besoin de vos conseils pour ne pas rester défigurée.

Flatter dans le bon sens du plumage ou sincérité intéressée ? Difficile à dire, pourtant Sidie pensait ce qu'elle venait de dire. Elle espérait que Erchinoald l'aide au mieux à effacer les traces de leur mésaventure du jour, de façon peut être, à limiter les railleries et moqueries de Kaeronn quand il apprendra l'échec de son entreprise pour récolter ce miel qui resterait sans doute une douce illusion hors de portée.

La ville s'étalait devant eux et la descente, paradoxalement, avait paru à la jeune femme plus longue que la montée. Elle se dirigea directement vers la place centrale où elle avait remarqué un puits et sa margelle et tira sur la corde pour faire remonter le seau d'eau fraîche et propre nécessaire à ses soins. L'eau tirée, elle emporta le baquet jusqu'à Erchinoald et lui demanda :


- Où pouvons nous avoir un endroit éclairé à cette heure ? Pensez vous que c'est encore ouvert à la Chipotte ?
Erchinoald
Mieux vaut tard que jamais. Définitivement, il avait décidé de ne plus insister. Cela lui faisait sûrement trop plaisir de le repousser sans cesse. Le Paon était donc silencieux, hochant lentement la tête à chaque fois qu'elle parlait. Il se contentait même de la suivre, sans lui indiquer le chemin du puits dont elle parlait. Pourquoi restait-il, même ? Par galanterie, peut-être. Aussitôt qu'il lui aura mis un baume à l'œil, il lui dira au revoir et rentrera chez lui. Chez lui, c'était la réponse à la question de la jeune femme, à croire qu'elle faisait exprès. Chez lui, il y avait de l'eau claire et propre, ainsi que des bandages -pour cette légère égratignure. Mais rien, il ne dit rien. Il la laissait parler, seule. Puisqu'elle ne voulait pas de lui, elle allait rester seule avec sa solitude.

Et voilà qu'elle le complimentait de nouveau. Cette fois, c'était pour qu'il l'aide, c'était clair comme ses yeux. Mais en fait-on autant pour un simple ami ? Erchinoald en doutait. Elle essayait encore de le chauffer, mais ce sera niet. Elle pouvait même aller courir dix fois le tour du village avant qu'il ne lui donne ne serait-ce que le nom d'une plante pour un onguent. Tant de pensées, de frustration, se bousculaient, se mélangeaient, derrière ce visage d'albâtre qui restait impassible, ses lèvres closes jusqu'à ce qu'il lui réponde, pour la forme.


Merci de l'éloge que vous me faîtes.

Elle n'aura rien de plus. Ce n'est pas marqué "tête d'âne" sur son front. D'ailleurs, chacun de leur pas les rapprochaient de leur séparation tant attendue. Les chaumières se profilaient à l'horizon, elle se dirigea vers le puits, et le blond attendit, pas loin. Il ne pensait déjà plus qu'à aller s'allonger dans son lit. Et à défaire l'autre demain matin, celui qu'il avait fait pour elle. Dire qu'il avait sorti la belle soierie pour elle. Qu'elle aille coucher dans sa forêt infestée de parasites, tiens ! Lui ne dormirait pas plus mal à l'idée qu'elle se gratte partout, mangée par les insectes.

Le parc est fermé à cette heure-ci, lui répondit-il en levant les yeux vers le firmament étoilée. Il aurait pu faire la conversation et dire que c'était pour éviter qu'un ivrogne ne se fasse manger par une tortue, mais il se contenta de cette brève réponse à la deuxième question, laissant la première en suspend, faisant mine qu'il ne savait pas. Pourtant, chez lui, il y a des bougies.
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