A sa Grâce Anastriana de Walsh-Montfort
Duchesse de Bretagne et Dame de Coetlogon Chère amie,
Tu me vois au regret de ne pas pouvoir assister à la cérémonie dinvestiture à laquelle jai été conviée par ta charmante Porte-Parole. Je manque ainsi à plusieurs de mes obligations, certaines dailleurs nétant en rien des contraintes, entends-moi bien. Puissent ces quelques mots, ajoutés au tartan promis, qui repose sagement dans la cabine du Gouelaning Pen, faire amende honorable pour laffront aujourdhui fait
Jespère quune assemblée fournie assistera à ton couronnement, et quenfin les bretons parviennent à distinguer événement public et mondanité.
Nous nous sentons toujours davantage concernés par ce qui nous touche de près
Peut-on blâmer qui que ce soit pour cela ?
Le désintérêt actuel de lespace public minquiète, tu sais. Cela dit, il est vrai quau vu des échanges qui sy déroulent, il est aisé de comprendre que lagora soit soigneusement évitée. Aujourdhui, chaque mot doit être pesé et mesuré, et tant de ceux-là ne sont guère prononcés, quand dautres le sont sans quils soient daucune nécessité. Faut-il aujourdhui pleurer une confiance envolée? Ya-t-il vraiment eu un temps où partager le même sang suffisait à assurer lhonnêteté, si ce nest la cordialité? Cest peut-être ma naïveté qui parle, en parfaite inadéquation avec la chose politique. Et pourtant
Si peu de choses aujourdhui se font au grand jour. Assistons-nous au sacrifice de la vie commune sur lautel des intérêts particuliers ? Je suppose que quelque part chacun de nous participe à ce glissement, préférant nous cantonner à des lieux où les mots et visages amis sont majoritaires.
Les bretons cherchent continuellement à se jouer les uns des autres. Chaque chose est également son contraire. Toute parole est tristement remise en cause. Les reproches fusent ensuite
mais rien de tout de cela nest arrivé par hasard. Chat échaudé craint leau froide, nest-ce pas ?
La Bretagne sattaque elle-même
Ses ennemis nont plus quà la regarder faire le travail à leur place. Se remettra-t-elle de tous ces conflits ? Malgré les prétentions de mains tendues, je crains que ses acteurs ne se soient blessés trop profondément pour souhaiter encore collaborer un jour. Personne ne tire profit des leçons de la veille, et la possible entente séloigne, chaque jour un peu plus. A ne pardonner aucune erreur à personne, voilà où lon arrive
Elles sont dissimulées à tout prix, pour le salut de la face. A quand lère ou chacun acceptera de regarder ses erreurs en face, et cessera de reprocher à autrui ce quil ne souhaite pas se reprocher à lui-même ? Nous en avons tous quelques unes
Il est si facile de sattirer le mépris
le fuir ne fait étonnamment que lattirer plus vite. Il est comme une guigne tenace. A lère du dédain et de lintolérance, parfois dénoncés, mais trop souvent loués et officialisés, je suis fière, tu sais, dêtre étiquetée candide et passive.
Une fois encore, je me perds en déblatérions futiles. Mon esprit embrouillé ne parvient pas à entrevoir une quelconque solution à tout cela.
Jen termine donc là, et tadresse ainsi quà ton conseil mes plus chaleureuses félicitations.
Je te souhaite un mandat prospère, sans avoir à craindre trop dhurluberlus -quels quils soient- prêts à sacrifier la moitié du pays pour réaliser leur vision suprême de ce que la Bretagne doit-être. La fin, à mes yeux ne justifie pas tous les moyens
. Cest sans doute ridicule et stérile, mais cest là lune des mes plus profondes convictions.
A bientôt.
Je serai bientôt de retour en Bretagne, si je nabîme pas le navire de Vannes sur quelque traitre récif. Impcaesar est indisposé, et cest donc moi qui vais prendre la barre. Je me fais leffet dun marin deau douce inexpérimenté, que je suis à bien des égards ! Si daventure je perds le cap, je ne doute pas que des vents cléments viendront, au bout du compte, caresser la voilure
La vie est faite de ces permanences rassurantes que toujours le calme revient après la tempête.
A galon,
E Chard,
d'ar Yaou 1 a viz Gouere 1458