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[Rp]Un retour douloureux

Aethys
Les docks. Dans les bas-fonds de Montauban, existait un monde que tous ne souhaitaient voir. Un monde gris et sordide, empli de bruissements atroces et pervers. Un monde de soulards et de marins aigris, de brutes mauvaises et de voleurs, la lame à la main. Un monde où les bateaux échoués pourrissaient et se débitaient en morceaux suintants, où les vies se délitaient en lambeaux sanglants. Un monde d’un chaos que tous évitaient. Tous…ou presque…

Et au détour d’une ruelle, la puanteur, brutale et agressive, de celle qui ne saisissait pas seulement les narines mais qui se répandait insidieusement dans la gorge en un torrent visqueux. Plissements de nez, grimaces délicates, jurons et prémices de nausées acides. Au relent de poissons depuis longtemps pourrissants se mêlait une odeur plus âcre et tenace. Un parfum subtil de fer, le goût du sang.

Entre deux bâtiments des docks aux murs moites, gisait une silhouette informe, recourbée selon des angles improbables. Une flaque de sang s’écoulait en de fins sillons, veines vermillon sur la crasse grisâtre des pavés. Une masse autrefois brune s’emmêlait désormais sur un visage au teint livide, le dissimulant au monde. Des paupières bleues couvraient un regard qui ne voyait plus depuis de longues heures déjà. Des vêtements détrempés, aux tâches indéterminables, s’attardaient sur les aspérités du sol inégal, recouvrant un corps déchiré de multiples plaies bouffies et rougeâtres. Un rat trainait non loin, observant de ses yeux rouges sa possible proie du soir mais il n’était pas seul. Un chien affamé grognait sourdement, assis au coin de la ruelle. Loin au dessus d’eux, les cieux se déchirèrent dans un fracas monstrueux et les trombes d’eaux s’abattirent sur la terre, recouvrant la sordide scène. Aucun ne bougea et pourtant…


Le néant…Tout n’est que néant et silence. Ma pensée s’étiole et je la perds lentement. Ou suis-je ? Qui suis-je ? Ma mémoire me fuit et mon crâne se fend. De l’eau…Partout de l’eau…Elle m’entoure, me berce, me noie…Je me noie…L’eau m’envahit, s’écoule en moi. J’ai froid…si froid…et…j’ai mal. Mon corps que je croyais oublié, mort, le voici qui se rappelle à moi, douloureusement. Je me crispe et tout se trouble. Ma douleur se fait aigue. De l’eau à nouveau…sur mon visage. Serait ce des larmes ? Tant de larmes, non il pleut. Il pleut sur mon corps prostré. Qu’a-t-il bien pu m’arriver ?

Les paupières s’agitèrent lentement, papillonnantes et hésitantes. Des plis de souffrance ridèrent la peau translucide. Les muscles se tendirent lentement mais revinrent rapidement à leur position d’origine. Non, pas encore…Un instant…Un instant de quiétude étrange. Un éclair aveuglant se posa sur elle, à nouveau, traversant les rideaux ondulants de la pluie.

Des pas approchaient. Elle ne les percevait pas mais pourtant, ils claquaient sur les pavés des docks, avec la fermeté de la réalité qui l’attendait. Le chien battit en retraite sous la menace d’un coup de bottes bien senti. Le rat ne fut plus qu’une ombre, deux points brillants dans le recoin d’un tonneau percé. Mais le corps d’Aethys ne put esquisser le moindre mouvement. Son esprit s’éveilla cependant et se tendit brutalement vers celui ou celle qui se tenait désormais devant elle.


Eloignez vous ! Ne me regardez pas !
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Tetard
Putain de temps de merd...

Marmonna rageusement l'occitane en escaladant tant bien que mal les monceaux de pierre et de déchets effondrés qui dissimulaient l'entrée des catacombes. Sous les cordes drues et glacées qui tombaient du ciel, on ne distinguait du quartier que de vagues silhouettes mouvantes courants en tout sens pour tenter de se protéger sous les toitures. Pour tout dire, avec cette météo à ne pas foutre une catin dehors, les ruelles étaient plutôt du genre désertes.
Les pieds dans le ruisseau, elle jeta un œil au conduit qu'elle venait de quitter et qui se remplissait à vitesse grand V. C'était bien le moment de sortir, encore un peu et elle se noyait dans sa propre tanière comme un vulgaire rat d'égouts. Rien de tel pour entretenir la vigueur du corps et de l'esprit que se réveiller au beau milieu de la nuit le bec dans l'eau là où devait à l'origine se trouver un oreiller. S'ébrouant comme un jeune chiot, la donzelle traversa la place d'un air bravache, tête nue sous les trombes, ses pieds bottés battant les flaques.

Ce monde gris et sordide, foyer des gueux, des ivrognes et des voleurs, elle avait apprit à l'aimer. Elle avait toujours su comment passer inaperçue quand il le fallait, se faufiler en douce parmi les ombres, et ne laisser dans le souvenir que l'image asexuée d'une silhouette chétive. Cette atmosphère de violence et de cris, à ses yeux, c'était aussi celle du parlé le plus franc, des intentions hurlées et non tues, où les conflits se règlent au poing plutôt que de moisir des siècles en d'obscures machinations... Où les amitiés d'un jour sont aussi solides que celles de toujours et où, d'où qu'on vienne et qui qu'on soit, on pouvait se faire accepter par la meute qui saurait au besoin de refermer comme une huitre pour protéger l'un des siens.
C'était chez elle.
Et elle s'y sentait bien.
Peut-être celui qui l'avait placée là avait su déceler en elle l'existence d'un amour du chaos et de la violence enterrés sous des murs d'attitudes convenues solides comme le roc. Peut-être était-ce simplement son côté rustre... Les premiers temps avaient été difficiles. Mais les gars avaient finis par tolérer tacitement la présence de cette ombre féminine discrète qui oscillait dans leurs parages la journée et rentrait, imbibée d'alcool jusqu'à la garde, à des heures pas possibles le soir. Elle ne faisait pas chier le monde, en échange de quoi le monde lui foutait la paix, et chacun y trouvait son compte. Oui mais voilà, tous n'étaient pas simplement de bons bougres un peu barges, et, quand on évolue parmi les loups sans en être un, il faut savoir y faire pour éviter les embuches. Les nouveaux étaient les pires : ces petites frappes qui rapinent de village en village ne crachaient sur aucun butin ni forfait, en temps de paix comme de guerre, et qui n'était pas rompu à l'exercice de se soustraire à leurs méfaits risquait la bourse, la vie, ou pour le moins le pucelage.

Pour éviter les zones trop exposées, la brune zigzagua avec l'aisance de l'expérience entre les ruelles enchevêtrées en labyrinthe. Son échoppe l'attendait, et avec elle la chaleur et la sécurité d'un lieu où l'on peut s'endormir sans crainte d'être éveillée par les inondations nocturnes. Oui mais voilà, alors qu'elle venait d'asséner une bonne taloche à une des vermines qui tournait encore autour de son magasin dans l'espoir de grignoter un peu du cuir qu'elle y stockait, la couleur d'une chair pâle attira son attention. S'agenouillant dans la boue, Matalena examina rapidement la forme disloquée qui croupissait contre le mur de son hangar, les sourcils froncés, et la tâta du bout du doigt pour vérifier si, oui ou non, c'était encore vivant. Manquerait plus que les soldats retrouvent un macchabée à côté de chez elle...
Encore tiède.
Y'a d'l'espoir.


Allez,viens, faut pas rester là.

Lui dit-elle simplement. Puis, sans réellement attendre de réponse, la gueuse chargea l'épave humaine sur son épaule comme un paquet de linge sale, et l'emmena derechef à l'intérieur.
Après avoir refermé avec soin la massive porte de bois et évité les pièges à ours dont son local de tisserande était remplit, la petite femme déposa son paquet sur un tas de planches qu'elle même utilisait comme lit. Sommaire et très inconfortable, mais propre.


Tu bouges pas hein, j'vais pas t'violer, de toute façon j'ai pas l'attirail pour et j'mange pas d'ce pain là.

Si la locataire improvisée n'avait pas encore sombré dans l'inconscience, elle aurait pu sentir des mains menues mais fermes lui retirer les loques qui restaient de ses vêtements, tâter les os de ses jambes, bras et côtes, puis la caresse d'un linge frais et humide nettoyer vite fait les blessures les plus importantes. Enfin, un épais drap de laine fut étendu sur le corps contusionné, et ce fut le silence.
Aethys
Le silence…Bruissant, empli de rumeurs. La rumeur du vent qui s’écoulait sur une route perdue. La rumeur des étoiles qui scintillaient orgueilleuses et hautaines. La rumeur du fleuve qui dormait dans un linceul de brume opalescente. La rumeur de vies qui se mêlaient, se troublaient, se brisaient.

Une route déserte, se dessina. S’arrachant à la noirceur environnante, le lambeau de poussière s’étira et ondula dans la plaine céréalière, encore froide. Des arbres s’esquissèrent. Leurs branches s’agitèrent sous une brise depuis longtemps tarie. Un cheval en rencontra trois autres et marchèrent de concert. Un moment de tension, dure et brutale, tiré d’un passé brumeux. Et puis, le goût du sang. Acre et brûlant de colère refoulée depuis trop longtemps. Les lames dansèrent, ivres de vengeance. Les coups furent rendus au double au centuple et bientôt n’eurent plus à l’idée de blesser mais bien de tuer. Un éclat d’argent et un ventre s’ouvre, répandant sur un sol battu des tripes encore fumantes. Un cri d’agonie et ils ne sont plus que deux. Les regards étincelèrent, presque amusés par cette situation si jouissive. La haine appelle la haine. Le cri d’un épervier perdu dans la nuit résonna, froidement et les forces s’équilibrèrent. Pourtant, du sang avait déjà coulé et la peur fit son apparition. Le fracas se fit pervers, jouant de l’un puis de l’autre et dans un hurlement, il s’effondra. Lui…Lui qu’elle avait tant chéri, tant aimé et tant craint. Comment cela se pouvait-il ? Non, jamais !

Le décor se brouilla et les lieux baignés de sang disparurent, estompés dans une brume d’amertume. Les moirés d’une eau courante illuminèrent l’esprit fatigué. Il était tombé à son tour, rejoignant certainement en enfer son opposé. Tout était fini. Sa vie elle-même, prenait fin. Elle la sentait couler de son corps, s’éparpillant au sol dans des flaques rougeâtre. Rien de beau à tout cela. Rien qu’une atroce réalité qui s’achevait. Lasse de tout et à bout de forces, elle s’était trainé jusqu’à la rive. Juste une gorgée. Baigner ses plaies et repartir, comme elle l’avait toujours fait. Mais cette fois-ci avait été celle de trop et déjà, l’eau la berçait tendrement. La brume se refermait sur elle et ses paupières s’abaissaient pour ne plus voir. Ballotée dans le courant, elle sombra. L’eau l’envahit, se répandant en elle sinistrement. Voilà, elle n’était plus. Du moins c’était ce qu’elle croyait.

Aethys ne perçut pas les pas sur le pavé, pas plus qu’elle ne se souvenait de ces moments qui fuyaient déjà son esprit fiévreux. Elle ne sentit pas non plus les mains qui l’empoignaient pour la ramener dans la douceur étrange d’un foyer. Poupée désarticulée et sans vie réelle, elle se laissa faire, bercée par des mots qu’elle n’entendait pas. Le contact changea et la voilà sur un sol moins froid mais toujours aussi inconfortable. Etait-ce mieux ? Elle ne pouvait le dire, tant son esprit malade se perdait dans les méandres hétéroclites de sa mémoire. Des mains coururent sur son corps sans qu’elle n’en ait seulement conscience. Et le silence revint et avec lui, les rêves.

Le temps fila. Des jours, des semaines, des mois s’étaient-ils écoulés ? Quoi qu’il en soit, la jeune femme remua dans son sommeil troublé. Ses paupières se plissèrent presque malgré elle et son esprit retrouva une partielle lucidité. Ses lèvres se tordirent et une moue douloureuse s’imprima sur ses traits restés d’une finesse étrangement délicate. Et soudain, elle se leva d’un bond.
Un malaise la prit sur le coup et la força à poser genou à terre. Ce qu’elle fit en se tenant la tête. Tout son corps lui faisait mal, atrocement mal. Son sang bouillait et frappait à ses tempes avec le régulier des cloches à l’église. Son regard d’ambre se brouilla et une nausée la prit. Lentement, elle retrouva son calme et ses yeux scrutèrent avec intensité les lieux. Elle se trouvait dans une échoppe. De tisserand à en juger par les chutes de cuir qui trainaient au sol. Les lieux semblaient déserts. Mais déjà, la douleur de ses plaies, rouvertes par son mouvement brusque lui fit baisser le minois. Son corps nu était labouré de plaies. Certaines suintaient encore alors que d’autres semblaient sur le point de guérir. Elle frémit. Elle n’était pas belle à voir mais elle était vivante.
Passablement rassurée sur son état, elle attrapa le drap de laine qui la couvrait, il y avait un instant et s’y enroula. Où était-elle ? Que faisait-elle là ? Et surtout une question la taraudait plus que n’importe quelle autre. Qui était-elle ?

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Sancte
Vois-tu mon garçon, hurlait l'Amiral à Khaz, pour couvrir le vacarme assourdissant du vent et de la pluie qui s'abattait violemment sur leurs carcasses détrempées, partant du vent arrière où les voiles sont réglées perpendiculairement à l'axe du bateau, au fur et à mesure qu'on lofe, on ramène progressivement les voiles dans l'axe en bordant les écoutes. Le visage de Khaz fut subitement marqué par l'inquiétude de ceux qui n'ont rien compris à ce que l'on venait de leur expliquer, alors qu'ils devaient faire fissa ce qu'on leur demandait. Fort heureusement, le vieux loup de mer avait perçu l'hésitation de son acolyte et prit lui-même les commandes du foncet qu'il ne tarda pas à amarrer au port. Il avait quelqu'un à voir. Ne bouge pas. Je reviens dans un instant. Il débarqua à terre, et jeta un regard à son embarcation avant de s'éloigner. Non seulement elle était très inconfortable à la manœuvre, mais son état devenait préoccupant. Il faudrait profiter des beaux jours de l'été pour la sortir de l'eau en vue d'octroyer un examen approfondi à la coque. Quant à Khaz, il était toujours aussi répugnant. Dès lors, on pouvait se demander lequel des deux aurait le plus à gagner d'un ravalement.

Il ne lui fallut que quelques mètres pour se présenter devant la porte coulissante du "Fil des Moires". Il y adressa trois coups fermes, le poing fermé dans son gantelet noir avant de brailler d'une voix étouffée par la pluie battante.


Ouvre ! C'est moi !
J'viens pas t'violer.
Je mange plus de ce pain là.


Premièrement, s'annoncer.
Secondement, rassurer.

Pour se protéger de la pluie, il n'était cependant recouvert que d'un linceul filiforme en mohair qui lui donnait tout l'air d'un esprit contus égaré au beau milieu d'un tapage apocalyptique.

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"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la Gloire !"
Sancte Iohannes - Humble mais néanmoins Mirifique Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
Tetard
Description plus détaillée des lieux disponible sur le topic "Au fil des Moires"


La tisserande revenait du marché, portant sur le dos les derniers vêtements qu'elle avait confectionné. Pour tout avouer, la production était totalement saturée depuis quelques semaines, et dans l'espoir de vendre quelque chose les prix étaient revus à la baisse, ce qui n'arrangeait guère les rondeurs de sa bourse.
Cependant, c'est une préoccupation toute autre qui occupait l'esprit de la petite. Son passager clandestin gisait depuis près de huit jours déjà, et cet immobilisme commençait à l'inquiéter. Elle avait prit soin de l'étrangère comme on recueille un oisillon blessé dans le fol espoir qu'un jour il se remette à voler... Chaque jour, l'éclopée était lavée, ses plaies approximativement pansées, et Matalena la nourrissait avec les moyens du bord d'une bouillie d'avoine coupée au lait soigneusement écrasée.

Mais tout ceci ne la dérangeait pas. Elle l'avait ramassée, elle l'avait à charge jusqu'à ce qu'elle se réveille. C'était la règle du jeu. Montauban ne comptait hélas plus de médicastre, et ce manque se faisait ressentir. La brune ne s'illusionnait pas, l'insuffisance des soins qu'elle pouvait apporter à sa belle inconnue était importante. Elle espérait cependant que ce ne soit pas trop grave, compte-tenu du fait que les blessures de l'esprit semblaient bien plus profondes que celles du corps.
La gamine avait prit l'habitude de dormir assise par terre à côté d'elle, la tête appuyée contre un tonneau. Ainsi, lorsque ses cauchemars la prenait la nuit et que la douce amochée s'agitait dans son sommeil, sa gardienne muette pouvait surveiller qu'elle ne se blesse pas en remuant.
C'était une compagnie étrange que celle-ci. Mais elle se sentait bien là, assise dans le noir à garder le sommeil d'une étrangère, sans rien dire, attendant simplement. Au début, elle n'avait pas quitté son chevet, de jour comme de nuit, mais bientôt les besoins de pitance, les champs et autres considérations quotidiennes c'étaient faites sentir. La donzelle était stable, elle pouvait donc se passer de sa présence quelques heures.
Elle s'était plu à imaginer tous les scénarios qui lui passaient par la tête, tous plus improbables les uns que les autres : était-ce une princesse disparue en mer après qu'une attaque de pirates ai saccagé le vaisseau où elle tentait de fuir sa cage dorée ? Une truande de grand chemin évincée par un de ses seconds ?
La môme s'attendait à tout et rien ce jour là, sauf retrouver sa captive les yeux grands ouverts recroquevillée dans sa couverture. Avec un sourire, la gueuse referma la porte de son hangar, et s'approcha sans gestes brusques de sa protégée.


Bonjörn la belle. N'ai pas peur je vais pas te manger.

Elle posa délicatement sur une table les marchandises qu'elle portait puis se saisit d'un petit paquet de tissu : les vêtements de l'étrangère, nettoyés et reprisés, qu'elle lui laissa à disposition sur un coin du lit de planches.

Tiens, ce sont les vêtements que tu portais quand je t'ai trouvée. Tu es ici dans le quartier des docks de Montauban. Je t'ai ramassée dans une des ruelles dans un sale état, y'a huit jours de ça.

Avait-elle oublié un élément important ? La langue coincée entre les lèvres, elle réfléchit : contexte de la découverte, lieu, date. Non, ça devrait suffire pour l'instant, les détails viendraient plus tard.

Tu dois avoir faim, j'ai acheté tout un stock de barbaque à mon patron. T'en veux ?

Mais son court monologue fut interrompue par le poing tambourinant du réformé sur les poutres de sa demeure. Ben voyons... Quand on parle du loup. Ça devait être au moins un sixième sens chez lui, à peine la femme fatale pleine de bleus tirée d'affaire que voilà le fier à bras rappliquant aussi sec lors qu'il n'était même pas au courant de sa présence. Secret bien gardé. Des jours et des jours de silence et tout à coup, paf ! Le voilà qui déboule en fanfare, entendant bien être obéit, comme d'habitude. J'vous jure ces hommes, irrécupérables... La jeune femme eut un soupir puis se tourna vers sa compagne, les sourcils haussés en une interrogation muette, histoire de lui demander s'il lui fallait ou non faire dégager le bonhomme qui allait s'user le poing à force d'astiquer sa porte. D'un haussement d'épaule, elle lui indiqua que ca lui était sombrement égal, et que c'était à son inconnue de décider. Elle venait juste de se tirer des bras de Morphée après tout, c'était à elle de définir si elle se sentait déjà prête pour une visite, l'Occitane ne voulait pas la brusquer.
Aethys
Les doigts de l’écorchée courraient sur son visage qui lui était étrangement inconnu. Un front à la peau lisse, des sourcils naturellement fins et dessinés, des yeux dont elle ne pouvait déterminer la couleur, l’arrête souple d’un nez, une bouche aux lèvres charnues, un menton rond. Quoi de plus banal…De longues boucles brunes et entremêlées se répandaient autour de ce minois encore bien jeune. Le reste de son corps aurait pu être celui de n’importe quelle autre fille de son âge, si ce n’est les multiples plaies qui le zébraient. Elle les compta rapidement, prenant note qu’elle connaissait les nombres et en nota plus d’une vingtaine. Toutes étaient bandées, maladroitement parfois certes mais bandées malgré tout. Elle eut alors conscience qu’elle savait au plus profond d’elle-même, comment bander et soigner chacune d’entres elles. Des mélanges de plantes et des préparations d’onguent lui revinrent presque naturellement en mémoire. Etait-elle médicastre ou quelque chose de ce genre ? Matrone peut être ? Se mordillant la lèvre inférieure, elle tenta de rassembler ses pensées mais déjà celles-ci lui échappaient.

Soudain, brisant ces réflexions encore brumeuses, la porte s’ouvrit sur une jeune femme. De carrure plutôt fine, elle tenait entre ses mains divers marchandises que la brunette ne put détailler avant qu’elle ne s’avançât vers elle. Dans un élan douloureux, elle se repoussa contre le mur, les yeux brillants de méfiance et d’agressivité. Elle serra les dents retenant le cri rauque que la forçaient à pousser ses plaies et elle contracta les poings. La salutation flotta un court instant dans les airs sans réponse puis l’inconnue retourna à ses occupations. Elle posa tranquillement ses affaires et lui tendit un paquet. Il contenait ses vêtements qu’elle disait. Le regard doré de la belle étincela encore un instant puis parut s’adoucir en un remerciement muet. Elle se leva prestement, malgré la nausée qui la taraudait encore et enfila ses frusques. Perdue au milieu de son corsage, elle trouva une étrange croix qu’elle glissa contre sa poitrine ronde, rattrapée par la voix de son hôtesse. Ainsi donc, elle l’avait trouvée…et sauvée par la même occasion. Un sentiment de brusque reconnaissance empoigna le cœur de la jeune femme et ses lèvres tressautèrent, prémices de ses premiers mots depuis bien longtemps. Mais déjà, l’autre brunette lui proposait à manger. Aethys inclina la tête légèrement. Avait-elle faim ? Non pas réellement. Depuis combien de temps n’avait-elle pas mangé ? Elle ne savait le dire mais elle secoua la tête, pour signifier son refus.


« Qui… »

Les paroles encore hésitantes et d’un ton bien trop grave n’eurent pas le temps de franchir la barrière de ses lèvres que des coups répétés furent frappés à la porte. L’amnésique sursauta à nouveau et l’un de ses bandages au bras se remit à saigner, maculant la robe qu’elle venait d’enfiler. Cependant, elle ne sembla pas s’en préoccuper tant son regard semblait vouloir percer le battant solide de bois. Son minois blêmit et sa bouche trembla.

Cette voix…Je…je la connais…

Au travers de la porte, la voix lui parvenait claire et puissante. Soudain des images s’imposèrent à elles et elle s’écroula au sol. Elle se blottissant contre un homme de haute stature, le regard dur et la mine austère qui pourtant la maintenait avec une certaine douceur contre lui. L’image d’un bâtiment, d’une cabine…La colère, le doute, la joie et même…

Aethys croisa le regard de son hôtesse braqué sur elle et ses souvenirs s’évaporèrent aussi vite qu’ils ne lui étaient venus. Elle semblait lui demander son accort pour ouvrir la porte. L’amochée acquiesça d’un hochement de la tête lent, ne sachant pas ce que le fracas de l’orage lui réservait derrière cette porte. Son esprit vacilla.

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Tetard
Décidément le type qui a sortit la connerie comme quoi la vie est pleine de surprises ne connaissait très certainement pas le fabuleux destin de Matalena Ladivèze la Petite, pour qui l'existence se résumait à peu de choses prêt à une sinistre succession d'évènements attendus. Le charisme animal du Sicaire, tu peux pas test, c'est comme ça.
La brune hocha la tête sans un mot, et exécuta derechef les volontés de la dame en ouvrant la porte au bourgmestre de Montauban pour le laisser entrer. Elle s'inclina légèrement pour le saluer, le fixant sans douceur, et lui indiqua de la main l'intérieur de la pièce.


Allez-y doucement quand même, pour le moment en tout cas, elle n'est pas encore en grande forme.

S'il n'avait encore aucune idée de qui elle parlait, le réformé n'avait qu'à faire quelques pas dans sa piaule pour en être informé, la superbe statue de marbre, bien qu'un peu entaillée, ne pouvant se louper bien longtemps. Pudique comme à son ordinaire, la demoiselle prit congé sans faire de bruit, préférant laisser là des retrouvailles chargées de souvenirs plutôt que de devoir y assister en spectatrice inconnue au tableau.
Les bottes dans l'eau devant sa porte, ses grands yeux noirs s'abandonnèrent dans la contemplation des eaux tumultueuses. Les tempêtes en mer, elle avait toujours adoré ça, quelle déveine que de s'être établie aussi loin sur les terres. Le ciel craquait furieusement, déversant ses flots et son tonnerre avec la fougue propre à la nature, pareil au jour où elle l'avait trouvée. Ses cheveux sombres se collaient sur ses joues lisses, ses traits d'enfant durcis de gravité. Machinalement, elle se mit à marcher sous la pluie, se laissant guider par ses pieds qui semblaient animés d'une volonté propre alors que ses esprits battaient le lointain. Finalement, les belles reviennent à leurs propriétaires. Tout était pour le mieux.
Ah tient, l'immonde ramassis de laideur qui servait de valet à Sancte était là aussi, poireautant sous l'eau comme un misérable bâtard, n'osant plus lâcher la barre de son navire. Comme elle en fait. La tête rejetée en arrière, l'Occitane s'envoya une bonne lampée de la gourde d'alcool dont elle ne se séparait plus guère... Puis lança une œillade interrogatrice à l'attention du monstre en secouant son outre de droite à gauche.


T'en veux ?
Sancte
Ah ben bravo. On ne lui avait jamais servi d'aussi grosses ficelles pour lui faire comprendre qu'il devenait entièrement responsable d'une situation qu'il n'avait pas créée. Il s'obstina pourtant lourdement à s'incliner devant Matalena pour lui rendre son salut, ne percevant que bien plus tard l'espèce de flottement qui régnait dans l'atelier.

Tetard a écrit:
Allez-y doucement quand même, pour le moment en tout cas, elle n'est pas encore en grande forme.


Et qu'est ce que vous voulez que ça me foute ? Vous débloquez en roue libre ou quoi ?

Il cacha tant bien que mal la dureté de son humeur d'être si mal reçu alors qu'il venait lui prêter main-forte pour la débarrasser des nombreux boucliers de qualité internationale qu'il lui avait commandé. Des boucliers, et c'était tout. Pas les indigents ramassés dans on ne sait quelle fosse puante. Mais alors que la Ladivèze se barrait, il obliqua son attention vers l'inconnue sans réellement l'observer, et chercha bêtement à justifier le comportement incongru de la propriétaire des lieux.

Ne vous inquiétez pas.
Quand cette femme a ajusté sa ténacité à une chose absurde, elle va tête haute et à travers toute broussaille jusqu'au bout de la chose absurde.



[Sur le Port.]



Khaz le moche reçut l'outre dans ses mains avant même qu'on ne la lui offre, renvoyant un regard interrogatif sur la demoiselle pour s'assurer que derrière sa gentillesse ne se tapissait nulle avanie. Car Khaz avait toujours rêvé par-dessus tout de ressembler à quelqu'un de normal ou du moins être considéré comme tel. C'est que le gaillard se vexait aussi vite que son crochet du gauche était habile.


Merrrci.
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"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la Gloire !"
Sancte Iohannes - Humble mais néanmoins Mirifique Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
Aethys
Le minois blêmit. Les lèvres se courbèrent en une moue confuse, mélange de douleur et d’étonnement profond. Le regard s’enroula en des volutes dorées aux reflets étranges des images qui la traversaient à l’instant. Les épaules s’affaissèrent. Le cœur s’accéléra brusquement, tambourinant si fort qu’il lui semblait que tous pouvaient l’entendre. Le temps s’était arrêté pour la brunette amochée.

Elle ne perçut pas de la sortie de son hôtesse encore inconnue, ni les paroles qu’elle lançât au Sicaire avant de disparaitre dans la tourmente. Ses yeux ambrés ne quittaient pas une seule seconde l’homme qui déjà s’avançait vers lui, lui baragouinant une explication bancale qu’elle n’entendait pas.


Ce visage…

Une foule d’émotions lui ravagea l’âme, chamboulant le calme relatif qui régnait jusque là en elle. Un jeu étrange de séduction…non…l’opposition de deux caractères qui s’appréciaient et pourtant se repoussaient sans cesse. Aethys fit un pas vers lui, n’arrivant pas encore à poser de réelles images sur cet homme qui pourtant lui paraissait si familier que cela en était dérangeant. La lumière se déposa sur elle avec douceur, exposant ses courbes et son minois abimés aux yeux de l’inconnu.

Elle s’attacha à ses traits rugueux, sa cicatrice lui longeant le visage, les lambeaux d’une oreille arrachée, les traits de bagnard…Son regard se brouilla imperceptiblement alors que l’échoppe se dissipait autour d’elle, laissant place à une cabine étroite. Les lieux étaient éclairés de multiples bougies dont la fumée s’étiolait en de légères arabesques. Un fauteuil élimé face à une table couverte de parchemins. L’inconnu était là, assis, le regard plongé dans sa paperasse. Son air austère, son torse couturé sous une chemise de lin ouverte. Un étrange et puissant sentiment de bien être…Et lentement, il se tournait vers elle. Elle…debout devant la porte dans une robe grise très semblable à celle qu’elle portait à l’instant. Un sourire enjoué presque charmeur, quelque pas d’une démarche ondulante et la voici près de lui, assise sur le bras du fauteuil. Une conversation taquine, mutine même…et…

La vision se dissipa mais le trouble de la belle n’en fut que plus fort. Ses mains tremblèrent légèrement sous le mal de crâne qui lui labourait les tempes.


« Mon Amiral… »

Le mot n’était pas le sien mais il sonnait si bien à ses oreilles. L’intonation n’était pas bien vaillante, voire hésitante. Elle s’était figée, les mains imperceptiblement tendue vers lui. Qui était-il ? Comment se faisait il que tant de ses souvenirs lui étaient rattachés ? Aethys ferma un court instant les yeux, en proie à un malaise. Lorsqu’elle les rouvrit, elle était méfiante et douloureusement torturée par ces bribes de souvenirs.

« Qui êtes vous ? »
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Tetard
[Sur le port, encore]

Si la brune avait possédé le don d'ubiquité, il va sans dire qu'à cet instant elle se féliciterait chaudement d'avoir eu la présence d'esprit de quitter la pièce. Sans doute son sixième sens féminin lui avait-il fait pressentir l'émergence d'une scène riche en baguenauderies qu'elle c'était plu à éviter : sa seule présence aurait pu gâcher la valeur de l'instant comme un spectateur qui baille bruyamment à la mort de Roméo, et il serait bien un comble après tout ces mois à éviter les émois de ce genre qu'elle se retrouve coincée dedans sous son propre toit. Le sicaire lui en voudrait peut être un peu pour son impolitesse, mais ses colères étaient aussi dévastatrices que de courte durée d'ordinaire. Elle y survivrai, du moins l'espérait-elle.
Or donc, pendant ce temps, la petite c'était abritée sous la toiture d'un bâtiment. Manquerait plus que de l'eau tombe dans l'alcool, comme couper un whisky à la glace, n'importe quoi.


De rien.

Comme ça on était tout à fait irréprochables sur l'échange de politesses. Elle se demanda un moment comment des dents pouvaient tenir en bouche dans un alignement aussi improbable, et aussi si son patron finirait par lui ressembler en vieillissant, à force de se prendre des épées en travers de la tronche... Mais laissons là ces sombres considérations pour l'avenir, dans l'immédiat sa gueule cassée ne semblait point être un frein à son pouvoir de séduction, contrairement à son serviteur moins bien loti.
Comme quoi, il existait finalement bien un représentant du sexe masculin dans la horde de suivantes du sire Iohannes. Et pas des moindres, comme il était aisé de le constater. Serait-ce un habile calcul de la part du réformé que d'avoir auprès de lui l'équivalent d'une "copine moche" qui rehaussait sa propre magnificence ? Ou le simple avantage d'un suivant fidèle comme un clebs et fort comme un ogre ? Toutes les hypothèses sont permises.


J'm'appel Matalena. C'est quoi ton nom ?
Sancte
Ahhh, quelle charmante demoiselle aux yeux blonds ! Avec des créatures comme celles-ci, il en serait presque capable de virer sa cuti en ce qui concerne les souillons qui trimaient toute la journée dans les moulins à faire tourner l'oeillard en compagnie des mulets. Le dit Amiral reprit contenance après quelques instants, face cette profusion de charmes combinés qui réveillait ses instincts de vieillard libidineux. Mais il était devenu Gouverneur et dorénavant, il ne pouvait plus décemment se compromettre en récitant sa prose à n'importe qui ou n'importe quoi. Il lui balbutia donc quelques conneries, dans la continuité de son argumentation précédente pour lui servir une explicitation plus profonde de l'absence de la gestionnaire en ces lieux féminins. Droit dans ses bottes, il fut incapable d'étouffer ces mots:

Hé oui. Il y a nombre de gens qui se font duper, prenant à certaine distance de la ténacité pour de la volonté, de la même façon qu'ils prennent une chandelle pour une étoile !

Il priait intérieurement pour que la dite Tétard revienne lui prêter main-forte, quitte à ce qu'il lui en coûte de sa part un petit air lourdement moqueur de sale crâneuse. Mais en la circonstance mieux valait miser sur l'attitude des peureux devant une femme lacérée plutôt que de la baiser en la maintenant sous la main comme roue sous templet de charron.

Aethys a écrit:
« Mon Amiral… »


Sursaut de l'âme.

Qu'est-ce que vous venez de dire ?!

Pendant qu'elle gardait les yeux fermés, il avait posé les siens sur toutes ces plaies cicatrisées, d'un air naïf et péniblement tourmenté par la vue d'ensemble de son oubli.

Aethys a écrit:
« Qui êtes vous ? »


Parce qu'en plus vous l'ignorez ?



[La presque belle et la grosse bête.]



Khaz lui montra sa satisfaction d'avoir picolé en lui offrant la primeur d'un sourire atroce. Il vida l'outre, et la jeta dans la baille des huniers. Maintenant qu'il avait épuisé la bibine, le monstre avait envie de bouffer. Contrairement à tous ces gens qui adoraient établir une foule de contacts, le gros nécrophage avait trop souffert de la faim dans sa vie pour n'être aujourd'hui autre chose qu'un ventre, avide de chair faisandée et de bourbon. Avec une certaine sensibilité en sus.

Merrrci kamem.

L'avantage des marginaux de la vie un peu simplets, c'était que contrairement au salopard d'Amiral, ils n'avaient aucune certitude bien ancrée puisque leur manque d'expérience, de confiance et même de réflexion le leur prohibait.

Matalena a écrit:
J'm'appel Matalena. C'est quoi ton nom ?


Khaz.
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"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la Gloire !"
Sancte Iohannes - Humble mais néanmoins Mirifique Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
Sancte
Incrédule, Khaz considéra la jeune femme qui se scarifiait volontairement le corps dans le but inavoué d'ébaudir les mirettes de son maître qui fidèle à ses habitudes, avait pourtant déjà du la consommer. Autrement dit, autant mettre une cautère sur une jambe de bois. Pendant qu'elle s'occupait de son manège, il se dépêcha d'effacer les traces de son passage sur l'embarcation à petit portage. Il ne savait ni pourquoi ni comment, mais il pressentait que les conséquences de ce genre d'absurdités, il allait encore se les prendre sur le coin de la gueule.

RrRrumph ... A bientôt, Matalena. Ne dites pas à l'Amirrral que je vous ai vu, carrr l'homme vous met aussi vite l'outil dans les mains qu'il ne vous met le ferrr aux pieds. lui lâcha-t-il avant de s'en retourner vivement à sa litière.


L'occitanien quant à lui avait manifestement fini par dédaigner l'absence de la tisserande autant que la malhonnêteté de cette inconnue qui n'en était pas réellement une, et tua le temps comme il pouvait. Il n'était cependant pas venu pour elle -ce qui aurait pu lui porter préjudice- car en la circonstance seuls lui importait ses foutus boucliers. Il obliqua derechef son regard dans un coin de la salle à leur recherche comme s'il était en sa maison. D'ailleurs, c'est peu ou prou ce qu'il ressentait, tout en se demandant où elle avait bien pu les planquer. Aussi, quand il reçut la visite de la sacrée propriétaire qu'il comptait parmi son petit personnel, il l'interpella par delà les soupiraux, au travers d'une froide déférence:

Où se trouve ma commande ?
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Aethys
Le temps s’était comme figé dans l’esprit de l’amnésique. Les images se bousculaient les unes après les autres tout aussi troublantes que la première. Un pan entier de sa vie se déroulait brutalement devant elle, noyant l’image de l’échoppe qui l’entourait. Les instants se multipliaient, les lieux s’entremêlaient, les paroles se dissipaient.

La jeune femme était figée dans une moue de douleur. Son regard d’or se perdait sur les traits si familiers de ce visage qu’elle ne pouvait pourtant reconnaitre. D’un geste las, elle passa une main furtive sur ses tempes, réduisant à néant les voix qui résonnaient dans son crâne. Sa tête dodelina lentement sur le coté, dans un mouvement de souffrance. Ces pensées s’enflammaient, bouillonnant dans sa mémoire malade.

L’inconnu eut un sursaut au mot qu’elle prononçât. La belle brune releva les yeux, tentant de percer ce visage austère qui la fixait avec dureté. Rien ne s’y lisait, un livre clos que pourtant, elle pensait avoir pu lire à un moment de sa vie. Avaient-ils été proches ? Les questions se bousculaient, lui frappant l’esprit avec force. Une moue mécontente lui étira les lèvres. Elle en avait assez. Assez de tout ceci, des ses pensées qui lui échappaient sans cesse, de ces mots qui lui revenaient sans qu’elle n’en connaisse le sens, ces images qui s’imprimaient en elle comme une part d’elle-même.

Et s’en fut trop. La brunette eut un élan de rage et de douleur et oubliant un instant, les blessures qui lui labouraient le corps, se précipita en avant. Brutalement mais du moins sans force réelle, elle bouscula l’homme qui se tenait encore devant elle, un air de bagnard sur sa trogne abimée. Fermant les yeux, elle voulut s’échapper de cette réalité où tout lui renvoyait les images d’une femme dont elle ne se souvenait pas. Retenant une croix d’argent contre son cœur, elle se jeta dans la tourmente. La porte s’ouvrit à la volée.

L’orage grondait toujours, hurlant sa fureur aux vents tourbillonnants. Les flots déchainés se brisaient sur les quais proches, fouettant au passage un bâtiment à l’aspect délabré. L’amnésique courut de longues minutes durant, l’eau lui glaçant les chairs et lui meurtrissant le corps. Ses cheveux lourds se plaquèrent le long de son minois torturé. Ses plaies s’étaient rouvertes et de minces filets vermillon s’écoulaient déjà sous sa robe détrempée.

Trop de choses…trop de questions…trop d’inconnu…qui était elle ? Qui était-il ? Pourquoi cette colère, cette crainte, et ce sentiment qu’elle ne pouvait accepter ? Elle se sentait si perdue…si seule…qu’avait elle donc pu être, il y a peu encore ? Du temps…elle avait besoin de temps…

La nuit engloutit la silhouette, effondrée laissant là, l’échoppe et ses occupants.

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Sancte
Voilà. Ce coup-ci, fut sans doute de trop. Le sicaire n'y coupa pas. Il prit le mors aux dents et quitta l'édicule en se disant qu'il n'y remettra plus jamais les pieds que le jour se gardant bien de poser à Matalena des questions sur ses fréquentations ou ses expérimentations nocturnes. Il leva donc le camp avant de regagner son embarcation, suivant le même tracé qu'à l'aller, raidi par la juste colère des oppresseurs frustrés par le manque total de respect que ces gens là avaient pu manifester à son encontre.
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