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[RP] "Amour, gloire,... et bébé !?"

Ludwig_von_frayner
RP privé. Pour tout souhait de participation, merci de me contacter



[Dans un bureau, au Château des Ducs de Bourgogne]


La journée avait pourtant "bien" commencée…

- Cela ne me convient pas !!! Le seigneur de Brantigny froissa le parchemin et le jeta au sol.
- Monsieur, cela fait maintenant une heure que vous vous acharnez sur cette phrase…
En plus, celle-ci n’était pas mal…

- Elle n’était pas mal mais elle n’était pas parfaite, Robert !
Si l’ABC doit perdurer et fonctionner correctement, il faut que ses statuts soient parfaits, complets, irréprochables.

- Moui… Mai…
- Qu’y a-t-il encore ?
- Oh… Euh… Rien.
- Alors reprenons. Il ouvrit un nouveau parchemin.
Où en étions nous ?
- A la première phrase, Monsieur.
- Bordel ! Un peu de conviction Robert !

On frappa à la porte.

- Pas maintenant ! Je travaille.
- Pas maintenant, il travaille !

- Messire Messire ! Ouvrez donc ! Votre sœur…!

- Blanche !? Pas maintenant ! Je travaille, dites lui de repasser plus tard !

- Mais Messire ! Elle… Elle… Elle Robert se racla la gorge …couche !

- Ma sœur couche ? Robert ! On se moque de moi !
Amène moi ce trublion !

- Tout de suite Monsieur !

Courageux, fier, fidèle et distingué, le noble Robert s’exécuta aussitôt.
Il ouvrit la porte, empoigna le jeune homme et le tira à l’intérieur du bureau.


- Parle ! Je te l’ordonne !
- Parle, il te l’ordonne !
- Robert…
- Me…Messire ! Vo… Votre sœur accouche !
- Ma sœur accouche !? Pourquoi ne pas me l’avoir dit tout de suite !

Le Seigneur von Frayner bondit de sa chaise, récupéra son mantel, et attrapa son chapeau.

- Où se trouve t’elle ?
- Répond et nous te laisserons la vie sauve !
- Robert !
- Chez… Chez… V… V… Visiblement, la présence de Robert n'était pas rassurante pour le messager. Bien au contraire.
- Chez nous ?
- O..Oui.
- Robert, lâche le jeune homme et va vite seller mon cheval !
- Oui Monsieur !

Quelques secondes plus tard, notre bon Ludwig galopait à toute vitesse sur les chemins le conduisant à Sémur, en maudissant le sort, le destin.
Sa sœur accouchait, et il était loin... Très loin... Trop loin.

_________________
Blanche_von_frayner
[Leur demeure et plus exactement leur chambre depuis que le monde est monde...]

Blanche s'était réveillée plus tard qu'à l'accoutumée.
La nuit avait été longue et pleine de féerie comme toutes les nuits passées et à venir.
Le bonheur d'être près de lui ne diminuait pas d'intensité malgré les années qui passaient.
Le petit matin était venu bien trop tôt et Blanche n'avait qu'à peine remarqué qu'Il partait après un dernier baiser.
C'est donc avec toute la place qu'elle souhaitait qu'elle paressa encore de longs instants, telle une chatte au soleil.
Une envie de rester là, sans rien faire d'autre que de dormir lui était venu. D'où ? Elle ne saurait le dire.
Envie de rester au chaud, de rester là, dans ce cocon d'amour.
Le soleil était levé depuis plusieurs heures quand elle se décida enfin à mettre un pied en dehors du lit.
Le ventre, alourdi depuis longtemps par un petit être à venir, était étrangement plus bas depuis quelques jours.
Mais cela ne l'avait pas inquiétée outre mesure.
L'approche de la délivrance se faisait tout simplement sentir.
D'un pas encore titubant, elle se dirigea vers la pièce d'eau qui attenait à leur chambre. Précautionneusement, elle se dévêtit et là...

Le drame...

Un air ahuri se peignit sur le visage de la peste blonde.
Un liquide s'écoulait lentement entre ses jambes jusqu'à former une petite mare à ses pieds.
Étant donné qu'elle allait mettre au monde pour la première fois un enfant, elle n'avait pu que s'informer auprès d'un médicastre de comment elle saurait que le moment était proche.
En effet, elle se devait de savoir quand informer le futur père du moment où enfin, ils passeraient de deux à deux plus le fruit de leurs amours.
Le regard obstinément baissé sur le sol où elle ne voyait rien d'autre que celui-ci, la jeune femme resta là,
bras ballant avant de secouer lentement la tête pour en chasser la langueur qui se faisait insistante.
Un drap propre vint entourer les formes mises à nue de la jeune femme et celle-ci retourna pour appeler Perline.
La pauvre enfant allait devoir se charger d'aller trouver un certain Dragon.
D'une voix où l'on sentait percer une certaine inquiétude, le tête de Blanche était passée par l'entrebâillement de la porte.


- Perline ! Perlineeeee !! Bon sang, mais où te caches-tu ?

C'est au bout de quelques siècles d'attente -Et oui, on a toujours cette impression- que la dite Perline pointa le bout de son nez.

- Oui, damoiselle. Vous m'avez fait demander ?
- Ah ! Enfin !
La jeune peste tapa du pied au sol. Qui veux-tu que j'appelle d'autre ? Il faut que tu te rendes de toute urgence au Château Ducal.
- Mais... Mais... Le maître a bien dit que vous ne deviez pas rester seule ici.
- Perline !! Fais donc ce que je te dis ! Va au Château et trouve-le. Dis-lui qu'il doit revenir en urgence... Le...

Les joues prirent une teinte rosée qui en aurait ravi plus d'un si cela avait été pour d'autres raisons. C'est pour bientôt.

Inutile de dire que la jeune femme de chambre écarquilla les yeux de stupeur et resta hébétée pendant de longues minutes.

- Va donc sur le champ au lieu de bailler aux corneilles en restant plantée là !

La servante prit ses jambes à son cou et fila aussi vite qu'elle put. Pour un peu, on aurait pu croire qu'elle avait le Sans-nom aux trousses.
_________________
--Perline
[Parce que tout ne se passe pas forcément comme on l'entend]

La voix de sa jeune maîtresse ne ressemblait pas exactement à ce qu'elle avait l'habitude d'entendre.
Laissant là ses tâches ordinaires, Perline s'était hâtée d'aller constater la raison de ce changement de ton.
Après un bref échange avec la jeune von Frayner mais surtout une fois qu'elle comprit ce qui était pour bientôt, la servante fila le plus vite possible.
Trouver comment se rendre au Château mais surtout comment obéir à deux ordres contraires, voilà qui la mettait bien dans l'embarras.
C'est donc la tête pleine de ses questions que Perline dévala les escaliers puis sortit de la maisonnée sans prendre la peine de faire attention. Et ce qui arriva devait arriver.
Combien de fois nous répète-t-on qu'il faut regarder où l'on va ? Sûrement jamais assez souvent.
Après avoir marché pendant de longues minutes, sans trouver réponses à ses interrogations, Perline heurta de plein fouet un passant.
Le dit passant, heureux de se voir bousculé de la sorte et sûrement féru de bonnes manières, repoussa la pauvrette de toutes ses forces.

Nouveau drame en ce "bon" jour.

Perline perdit l'équilibre et, en voulant se rattraper, fit une mauvaise chute sur la cheville.
Pour des raisons évidentes, l'échange verbal qui s'en suivit ne sera pas retranscrit.
Inutile d'écrire les noms d'oiseaux qui furent prononcés avec verve entre le passant dont l'ego fut touché et la jeune servante déboussolée par les évènements.
Le temps de se remettre de ses émotions et surtout debout, Perline ne put retenir une grimace en sentant la cheville la lancer.
Les larmes aux yeux, elle poursuivit néanmoins son chemin. Son projet était simple.
Trouver quelqu'un pour se rendre à sa place au Château Ducal et retourner prestement -enfin, un peu moins maintenant- auprès de sa maîtresse.
La jeune domestique avait pour habitude de suivre Blanche dans toutes ses visites chez les divers tisserands. C'est ainsi qu'elle avait appris à connaitre certains jeunes apprentis.
L'idée lui vint donc d'en dépêcher un à sa place ainsi elle pourrait retourner au plus vite auprès de sa jeune maîtresse. Celle-ci aurait plus besoin de sa présence que de son absence.
Perline se hâta donc comme elle pu pour regagner la demeure et rassurer la jeune von Frayner sur la venue prochaine et du Dragon et de l'enfant.
En l'absence du vieux Roger, elle se mit en devoir de faire chauffer de l'eau et de préparer les linges propres pour le moment venu.
Ludwig_von_frayner
[Sémur - Une vingtaine de minutes plus tard]


La porte de la demeure s’ouvrit brutalement et un cri puissant secoua aussitôt la maisonnée.

Où est Elle ??!! Où est ma sœur ??!!

Oui… Le Seigneur de Brantigny était enfin arrivé chez lui…
Et il faut dire qu’il y était arrivé dans un état bien pitoyable.
Ayant dû affronter la pluie, la boue, la tempête, celui-ci était méconnaissable :
Chapeau envolé, cheveux ruisselants, visage encrassé, mantel dégoulinant, et bottes "embousées".
Le combat avait été rude. Mais Il avait fini par triompher de la nature et de ses obstacles.


Bref, le Seigneur de Brantigny était rentré… Et visiblement, personne n’en avait cure :
Les domestiques allaient et venaient dans tous les sens : certains couraient par ci, d’autres bondissaient par là…
Bref, personne, non, personne ne semblait se soucier de Lui.
Ah si ! Quand même ! Quelqu’un vint enfin à sa rencontre.


- Ah ! Perline ! Savez-vous où…

Hélas pour lui, la jeune domestique à peine arrivée, était déjà repartie…
Visiblement affolée sinon débordée par l’évènement.
Inutile de vous dire que notre bon Ludwig, ainsi ignoré et méprisé, n’en fut que plus courroucé.


- Perline ! Revenez ici ! Perline !!!
Par Dieu, je jure que vous serez battue !!!


- Laissez donc notre petite Perline s’activer pour votre sœur.

Deux mains âgées et expérimentées commencèrent à détacher son manteau.
Ce bon vieux Roger n’avait décidément pas changé.


- Roger ! Je vous cherchais. Comment cela se passe t’il ?
- Pour le moment, tout va bien Monsieur Ludwig.
Comme vous pouvez le voir Perline et Rubie s’affairent activement pour votre sœur.
La Matrone est arrivée il y a quelques minutes à peine et s’en occupe également.

- Bien. Bien. Où se trouve la future mère de l’enfant ?
- Elle est à l’étage supérieur, dans votre chambre. Mais…
- Parfait ! Dans ce cas, je monte !
- Il le coupa. … Je ne saurais trop vous conseiller de patienter…
- Patienter ?? Patienter !!
Je n’ai tout de même pas fait vingt lieues … A galop ! … Par ce temps de chien …! Pour « patienter » !!!

- Votre sœur est courageuse, Monsieur Ludwig.
Mais je doute qu’elle puisse supporter le fait de vous voir dans un tel état.

- Ce n’est qu’un détail !
- Un détail qui a son importance… Il marqua une courte pause, et reprit sur un ton diplomatique, presque "paternel" :
Monsieur… Je vous demande d’attendre ici que l’accouchement aboutisse.
Tout se passe très bien pour l’instant. En étant à ses côtés, vous risquez de gêner et perturber son bon déroulement.

- Vous osez me donner des ordres maintenant, Roger !
Vous aussi, je jure que vous serez battu une fois tout ceci terminé.
En attendant, et que cela vous plaise ou non, je monte retrouver ma sœur !


Quelques minutes s’étaient maintenant écoulées depuis l’altercation avec Roger.
Et le seigneur von Frayner était toujours dans le hall…
En train de faire encore et encore les cent pas…
Maudissant Roger d'avoir réussi à le persuader de ne pas monter,
Maudissant Aristote de lui réserver un tel destin,
Et maudissant le temps d’être aussi long.
Il détestait attendre….! Oui… Il détestait « patienter » !

_________________
Blanche_von_frayner
[Quand le travail n'a pas l'air de vouloir commencer... Ou comment faire tourner en bourrique une peste blonde]

A peine la pauvre Perline partie, Blanche retourna dans le lit douillet qu'elle avait quitté peu de temps
auparavant. Le seul lieu où elle le sentait près d'elle, où elle se sentait en sécurité malgré ses peurs.
Même si, par fierté, Blanche n'aurait jamais admis qu'elle se trouvait perdue. C'était encore là qu'elle se
sentait la plus proche de Lui. En dehors de la perte des eaux, le travail n'avait pas commencé et la
langueur qui l'envahissait peu à peu avait eu raison des yeux que la jeune femme se voulait garder
ouvert. Le sommeil était là et les allées et venues des domestiques la berçaient dans un demi songe.
Roger était revenu du marché peu de temps après le départ de Perline et c'est Rubie qui le mit au
courant de la situation. En un rien de temps, le vieux Roger avait repris les rênes de la maisonnée et
Rubie fut envoyée pour trouver mais surtout ramener la matrone qui se chargerait d'aider Blanche.

C'est le retour de Perline qui réveilla Blanche. La jeune servante, bien qu'entrée discrètement pour rester
auprès de sa maîtresse, avait le bagout facile. Et malheureusement, la langue bien pendue ne va pas
parfois de paire avec les yeux à l'affût de tout.


- Que Ma Damoiselle ne se fasse pas de souci. Monsieur son frère a été prévenu, pas par moi parce que
j'ai eu un accrochage avec un butor de passant.
La jeune femme rougit légèrement. Mais par un apprenti
de confiance. Vous sav...
Le sursaut de la future mère lui coupa le sifflet. Oh... Je vous ai réveillée ?
Pardonnez-moi, je vais...


- Non, laisse Perline. Ce n'est pas grave, je ne dormais pas vraiment. Blanche se redressa légèrement
dans la couche pour être un peu plus à son aise.
Roger est rentré ? La matrone a été prévenu ? Lud sera
bientôt là ?
La voix, bien que calme, laissait transparaître une légère inquiétude.

- Oui. Tout se passera bien. J'en suis sûre. Vous avez besoin de quelque chose ?

- Donne-moi juste de quoi écrire. Et veille bien à ce que le pli que je te confierai soit remis à mon frère
dès qu'il arrivera.


Une fois que Blanche eu de quoi écrire, elle ferma un instant les yeux en grimaçant. Une douleur sourde
lui vrilla le ventre. La lèvre inférieure se vit maltraitée comme jamais auparavant afin de contrôler le cri
de douleur qui voulait franchir la barrière de velours. La profonde respiration prise à la suite lui permit
de garder son calme et de retenir les larmes qui lui venait. Un bref regard vers Perline et celle-ci partit
prestement se tenir au courant de l'arrivée prochaine de la matrone. Pendant ce temps, Blanche
s'empressa d'écrire la courte missive qu'elle voulait Lui adresser.


Citation:
Mon doux Seigneur,

Je suis bien gênée de vous avoir fait déranger en ce jour. J'aurai aimé, mon époux, que ce moment
survienne quand vous fûtes près de moi et non quelques heures à peine après votre départ. Si vous
pouviez imaginer les émotions qui m'ont traversé quand j'ai compris que le fruit de notre amour est sur le
point de venir au monde. Inutile de vous dire que la joie me transporte mais que malgré celle-ci la peur
et l'angoisse de ne pas vous savoir auprès de moi en cet instant ou pire, que vous n'arriviez pas avant la
délivrance... Mon bien aimé, il va vous falloir attendre et je sais que vous n'aimez pas cela. Aussi, je ne
vous en voudrai pas si vous décidiez de repartir à votre devoir. L'idée de vous savoir là sans pour autant
pouvoir vous voir m'est insupportable. J'ai besoin de votre douceur, de votre chaleur mais surtout de
votre force. Les heures à venir seront sûrement les plus pénibles... Pour vous comme pour moi. Mais
sachez que je vous aime de toute mon âme et que toutes mes pensées seront tournées vers vous, mon
aimé.

Je vous embrasse tendrement,

Votre bien aimée épouse.


Le pli fut cacheté et posé à côté d'elle au moment même où une seconde contraction lui vrilla le ventre.
La douleur, plus intense, lui arracha un cri avant de la laisser pantelante. Cela faisait des heures qu'elle
était là à attendre le coeur serré par l'angoisse. La matrone n'allait certainement plus tarder à venir. Des
pas dans le couloir lui arrachèrent un soupir de soulagement. L'attente solitaire prenait fin. Il ne restait
plus que l'attente de la délivrance et cela ne clamait pas les nerfs de la future mère. Une voix qui se
voulait apaisante et rassurante précéda l'apparition de la dite matrone. Une Blanche qui ne portait jamais
mieux son nom qu'en ce jour en était soulagée. Au moins, elle était entre de bonnes mains. La bonne
Clothilde, mère de six enfants, avait aidé plus d'une jeune mère lors de ce moment si particulier. Le
visage avenant, elle respirait la force tranquille de la paysannerie.


- J'ai eu peur de ne jamais vous voir arriver à temps, Clothilde.

- Faut pas vous en faire ma p'tite dame ! Z'aviez tout juste commencé l'travail. C'est vot' premier, ça
s'voit. Toute la maisonnée est sur le pied d'guerre.
Le sourire de la matrone se voulait rassurant et
après tout, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter pour le moment.


- Lud ? Est-il arrivé ?

- Non, pas encor'. Va pas tarder à v'nir. Pensez à vous d'abord, pis au p'tiot.


Tout en discutant, Clothilde s'était déplacée jusqu'à la couche et d'un oeil expert, elle avait regardé où en
était le travail. Un imperceptible hochement de tête et un sourire encourageant fut adressé à une Blanche
qui ne pouvait cacher son anxiété.


- Allez, allez... Pas la peine d'vous montrer si mal. Tout ira bien. Z'allez juste devoir être patiente. Pis le
moment v'nu, faudra se montrer courageuse.


Le temps défilait, les contractions revenaient à un rythme que Blanche allait maudire longtemps. Et à
chaque contraction, une grimace et un cri lui tenaient compagnie. L'envie d'en finir rapidement tant la
douleur était insoutenable lui traversait l'esprit plus que régulièrement. Comment diable était-il possible
que les femmes acceptent de subir ces douleurs à chaque enfantement ?Elle n'en savait rien. Mais une
chose était sûre, jamais au grand jamais elle n'accepterait de subir de nouveau cette torture. Même avec
tout l'amour qu'elle Lui vouait. Et ce temps qui n'en finissait plus de s'étirer à l'infini. Temps qui ne
voyait pas arriver celui qu'elle appelait de tout son être. Le seul qu'elle avait envie de voir en ce moment.
Le seul qui savait trouver les mots pour l'apaiser en pleine tourmente. Et quand l'attente se fait ainsi
interminable, quand on ne l'attend plus, c'est justement là qu'il vient... Du moins, c'est ce moment précis
entre soulagement et frustration qu'une voix se fait entendre. Sa voix. Et il ne venait pas. Sûrement
parce que l'un des domestiques avait jugé bon qu'il ne vienne pas. A moins que ce soit les consignes de la
matrone. Les cris se faisaient de plus en plus sonore à mesure que les douleurs devenaient atrocement
insupportable. Le regard apeuré de la future mère cherchait désespérément à quoi se raccrocher. Perline
n'était pas revenue avec la matrone et donc, la missive n'avait pas quitté sa place. Tout à l'instant présent,
la jeune femme l'oublia complètement et la matrone, postée près d'elle, lui tendit une main secourable.
Main qui se trouva plus souvent qu'à son tour maltraitée. Blanche n'avait eu aucun scrupule à s'en saisir
et à la serrer aussi fort que possible quand les douleurs devenaient trop intenses.

_________________
--Perline
Et d'une Perline qui va et qui vient dans la maisonnée, vacant à toutes sortes d'occupations relatives à
l'arrivée d'un "heureux" évènement. D'une Perline qui ignora royalement le maître de maison à l'arrivée
de celui-ci. Pour sûr qu'il n'allait pas laisser passer ça. Mais il fallait qu'il comprenne que ce jour, ce
n'était pas lui le principal mais plutôt la masse blonde et hurlante de douleur à l'étage. Au fur et à mesure
que le temps passait, les cris de la jeune maîtresse de maison allaient en se rapprochant. Quand donc
allait cesser cette torture auditive qui mettait les nerfs de tout le monde à vif ? Et bien... Quand
l'enfançon serait enfin là. Le passage devant Ludwig se fit rapide et Perline repassa une seconde fois sans
plus s'en préoccuper. Le pauvre, pourtant. A tourner et virer ainsi, il gênait plus qu'autre chose. En
même temps, c'était assez compréhensible de le voir dans un tel état de nerfs. Et après on dit des
femmes...

Munie des linges propres et d'une bassine, accompagnée de près par une Rubie qui apportait les seaux
d'eau bouillante, Perline reprit le chemin de la chambrée. Une légère hésitation au moment où un cri bien
plus puissant et sonore retentit et voilà les deux servantes qui pénétrèrent dans la salle de torture sans
frapper avant. Discrètement, les jeunes servantes déposèrent le tout au plus près du lit sans gêner la
Clothilde. Rubie sortit bien vite de la pièce, préférant suivre de loin la suite des évènements. Quant à la
petite Perline, loin d'avoir oublié un certain ordre, elle s'approcha précautionneusement de sa maîtresse
et prit la missive avant de s'en retourner prestement. Le tout désormais était de donner la dite missive au
maître sans en essuyer les foudres. La grimace qui se dessina sur le visage de la pauvrette était plus
qu'éloquent. Et c'est la vue du vieux Roger qui lui sauva la mise. Il faut dire que depuis le temps qu'il
était à leur service, Roger pouvait se permettre d'édicter quelques conseils sans sourciller de l'humeur du
Seigneur de cette maisonnée.


- Roger ! Damoiselle Blanche veut que ce soit remis à son frère... Et je préfèrerai éviter d'essuyer des
questions auxquelles je ne peux apporter réponse.


Perline, bien que courageuse n'était pas le moins suicidaire et sans même attendre la réponse du vieux
Roger, elle lui colla le pli dans les mains et disparut sans demander son reste dans d'autres parties de la
maison.
Blanche_von_frayner
[Tu enfanteras dans la douleur, parait-il...]

A peine la porte refermée derrière Perline et Rubie que Blanche hurla de douleur. Encore plus fortement
que jusqu'à présent. La bonne Clothilde, à ce cri perçant, lâcha la main de Blanche pour aller voir où en
était le travail. D'un regarde expert, elle se redressa puis sourit franchement à la future mère.


- Et bin, c'est le moment de vous montrer courageuse. Vous aurez bientôt vot' marmot dans vos bras.

Loin d'être rassurée par les propos de la matrone, Blanche qui était de plus en plus rouge et haletante
paniqua complètement. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Comment se pouvait-il qu'elle sache si c'était
LE moment ou non ? Apeurée, elle se mit à regarder partout cherchant des yeux le seul qui a toujours
été capable de calmer les peurs qui pouvaient l'étreindre. La peur de ne plus le voir, de ne pas être à la
hauteur, de l'inconnu aussi. Cet enfant, il était voulu... Désiré malgré les risques. Malgré tout le qu'en-
dira-t-on qui pourra suivre. Alors que les contractions lui vrillaient le ventre de leurs douleurs, les cris
qui lui échappèrent la laissaient de plus en plus pantelante. Clothilde s'affairait activement pour tout
mettre en place. C'était la dernière ligne droite avant l'arrivée du fruit de leurs amours. L'envie de
pousser irrésistiblement pour faire sortir ce petit être la prit au dépourvu. Ajouté à la panique et c'est un
cri de désespoir qui franchit les lèvres purpurines de la blonde peste.


- Luuuuuuuuuuuuuuuuuuuudwiiiiiiiiiiiiiig !

Presque maternelle, Clothilde vint passer un linge sur les tempes de la future mère.

- Allons, allons mon p'tit. Faut être plus courageuse que ça et serrer les dents. Le moment est proche.
Quand vous sentirez la douleur être de plus en plus forte, faudra pousser pour l'faire sortir.


Un bref regard de la matrone pour vérifier que tout était à portée de main puis un hochement de tête
plus tard, celle-ci resta au pied du lit, lieu de l'acte à venir. Elle n'avait plus rien à faire. C'était à Blanche
de faire tout le travail -ingrat- avant de songer à prendre un peu de repos. Les instants, trop brefs, où les
douleurs ne se faisaient plus sentir, Blanche soufflait comme elle pouvait. La jeune femme au teint
habituellement blanc était rouge sans compter la sueur qui perlait à son front. Si cela ne tenait qu'à elle,
elle serait à mille lieues de cet endroit. Autant dire qu'elle songe plus que sérieusement à maudire la
cause de son état pendant un long moment. Enfin la cause... Plutôt les causes.

Il lui fallait pousser fort, de plus en plus fort malgré la douleur. Malgré l'épuisement qui la vidait de ses
forces. Penser à celui qui devait tourner en rond comme un lion en cage dans le hall l'aidait. Ces pensées
pleines d'amour pour Lui arrivaient à percer le nuage de douleurs. Se montrer courageuse...
Instinctivement les femmes savaient le faire dans certains moments. Curieux comme elles peuvent se
montrer plus fortes qu'elles n'en n'ont l'air. Le temps semblait s'être arrêté ou plutôt se rythmait au son
des "poussez, maintenant". Dans un dernier effort, Blanche laissait toute son émotion percer. Sans
fanfare ni tambour, l'enfançon daignait enfin sortir dans ce monde qui était leur pour faire ses premiers
pas. Son premier cri... Qui étrangement ne venait pas. Clothilde prit un air soucieux que Blanche ne
remarqua pas tout de suite. Elle se sentait vidée, épuisée par cet effort presque surhumain et ô combien
ancestral. La matrone prit le nouveau-né et l'entoura de linge avant de le poser sur la couche, en dehors
de la vue maternelle, et de s'adresser à la nouvelle mère.


- Faut vous montrer encore courageuse un instant. La secondine doit être retirée.

Et sans plus d'explication, Blanche sentit une douleur sourdre en elle. Douleur insoutenable qui lui
arracha un long cri avant de la voir s'effondrer complètement contre la couche. Cette fois-ci tout était
fini. La délivrance avait eu lieu et petit à petit le souffle se fit plus serein. D'une voix encore faible, la
jeune peste réclama son enfant.
Ludwig_von_frayner
Ah… Attendre… Dieu qu’il détestait attendre.
Car voyez vous, chers amis, l’attente ne se vit pas, mais se subit.
On subit l’impuissance, on subit l’impotence, on subit l‘inaction…
Mais surtout, on subit les cris, la souffrance et la peine des êtres qui nous sont chers.
Ainsi, plus qu’un mot irritant, plus qu’une simple condamnation à mort,
L’attente était pour notre bon Ludwig une affliction, un déchirement.
Oui, pire qu’une mort, l’attente était un long supplice, une insupportable torture.

Lui qui l’avait toujours protégé, lui qui l’avait toujours aimé.
Aujourd’hui, il était condamné à l’entendre souffrir, à l’entendre crier…
Marchant, tournant, s’asseyant, se relevant, remarchant, se rasseyant…
Qu’importe ce qu’il faisait, l’inconfort, la souffrance, voire la peur, le rongeaient.
Il était condamné à être un spectateur, un « auditeur », c’est-à-dire, à n’être rien.
Rien que de la vermine inutile ; rien qu’un serf, qu’un esclave.
Un esclave de la vie, spectateur de la mort.

S’il avait lu le mot qu’elle lui avait écrit ? Bien sur qu’il l’avait lu !
Scruté, lu, relu, analysé, commenté, relu, insulté, maudit, et finalement, déchiré.
Déchiré oui… Ce qui, comme n’aurez pas manqué de le constater,
Reflétait parfaitement l’état dans lequel le seigneur de Brantigny se trouvait.
Car là encore, cette lettre, aussi douce et suppliante soit-elle, mettait en exergue son impuissance.

Finalement, les cris se turent, laissant place à un long et lourd silence.
Un silence, tellement pesant, qu’à la réflexion faite, il préférait les cris.
Car le silence n'est pas "or", mais mort, et la « parole » n'est "d’argent", mais « vivant ».
Bref, pas un bruit, pas un pas, pas un cri…. Rien.
Enfin si, juste notre bon Ludwig qui tournait encore et encore en rond.
Qu’on abrège ses souffrances à la fin !


- Maître Ludwig …?

Il sursauta. Mais nom de Dieu, on osait le déranger maintenant !
Il se retourna et constata avec soulagement que le trublion en question était la petite Perline.
Cependant son soulagement fut de courte durée, au vu de la mine désenchantée de la domestique.


- Oui ? Demanda-t-il niaisement. Oui, il faut dire que dans ce genre de situation, on n'est jamais fin.
- Veuillez me suivre s’il vous plait.

Il s’exécuta et ils commencèrent à monter les escaliers.

- Sinon… Comment va…?
- Vous verrez. Il crut rêver. Une fois de plus on l’ignorait.
- … Bon.

Une fois arrivés devant la chambre, La porte s’ouvrit sur une scène indescriptible…
Apocalyptique : Des draps partout, du sang partout…
Mais ce qui le frappa en premier lieu fut le visage de son aimée.
D’habitude si joyeux, si insouciant…
Un masque marqué par la fatigue et l’épuisement total le recouvrait désormais.
Jamais, ô grand jamais, il ne l’avait vu dans un état aussi « misérable ».
Elle somnolait à moitié et tout son corps tremblait encore de l’effort qu’elle avait fourni..
Touché, brisé, le von Frayner se rapprocha d’elle et vint l’embrasser.
Là, il lui murmura, d’un ton rassurant :


Je suis là Blanche… Tout va bien.

Mais malgré son ton rassurant, le miséreux Ludwig était inquiet….
Et il y avait de quoi. Sur une table posée à côté, la matrone massait avec vigueur L’enfant… « mort » ?
Là encore, le constat était affligeant. Là encore, la scène était indescriptible, indicible..
Il se rapprocha de la matrone, et constata, avec un enthousiasme éphémère, que l’enfant était un mâle.
Enthousiasme éphémère oui, car l’enfant ne bougeait pas.
Et la matrone le massait encore et encore, pour lui donner la vie, pour le faire vivre.
A la mort, s’opposait la vie. Et à la vie, s’opposait la mort.

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