Theobalde
Voyager de long en large au travers du royaume de France, ça avait du bon mais il fallait aussi et surtout savoir dire stop lorsque l’occasion se présentait. Et le moment était arrivé pour Théobalde. Après une énième envie de fuir, après un rejet complet de sa vie qu’il avait auprès d’Agnia, il avait mis entre parenthèses son mal-être pour rebrousser chemin et venir jusqu’à Mont-de-Marsan. Certes, le courrier qu’il avait reçu de la part d’Agnia l’y avait aidé et ce fut par un matin où le soleil cognait déjà bien haut dans le ciel que le jeune homme fit son entrée dans le petit bourg qui semblait bien endormi.
Quelques heures de repos plus tard et il avait pris la direction de la taverne où il devait retrouver son amie Maya avec qui il voyageait depuis un moment. Tout au plaisir d’échanger quelques mots avec elle, il n’avait pas fait attention aux gens présents dans l’auberge. Or eux semblaient tout connaitre de lui et ce fut à cet instant là, alors qu’il se posait moult questions, qu’Agnia choisit de faire son entrée. Et bien sûr les retrouvailles ne se déroulèrent pas comme prévu. Les mots avaient volé les uns après les autres pour finalement faire ressentir à Théo l’envie de repartir d’où il venait. Sa vie était assurément ailleurs, ici ce ne serait que son enfer. A chacune de leur rencontre, Agnia lui tapait sur les nerfs et ce n’était pas ce jour-là qu’il allait changer d’avis.
Ayant prévu de repartir aussi tôt, il avait pris le temps de dire adieu à Maya qui voulait vraiment prendre du repos. Il la comprenait fort bien pour être lui-même éreinté mais une minute de plus dans cette bourgade et il tordrait le cou à quelques personnes alors autant ne pas se faire plus remarquer et vivre le plus sereinement possible loin d’ici. Et comme tout ne se déroulait jamais comme prévu, on sonna rapidement l’alarme et tout alla très vite. Agnia venait de faire un malaise. Prenant le parti de ne pas s’en mêler, il fut baptiser par tous les noms d’oiseaux que les habitants pouvaient connaitre, on lui montra de la colère, du dégoût pour sa personne. Restant froid comme la pierre vis-à-vis de leur attitude, Théobalde ne broncha pas et décidé d’en finir une bonne fois pour toute, il ne voulait plus rien à voir à faire avec celle qui lui causait autant de tracas. Agnia avait beau porter son enfant, il ne se sentait pas plus responsable de ce dernier qu’il ne l’était d’elle. Afin de ne pas se faire remarquer plus qu’il ne l’était, il décida de partir le plus vite possible.
Mais on a beau avoir le regard dur et ressentir peu d’émotions pour les autres, Théo ne pouvait abandonner la ville sans revoir une dernière fois la petite abeille comme tout le monde l’appelait déjà ici. Bien qu’il sache qu’il resterait en contact avec elle, se sauver comme ça, il ne pouvait pas. Ça faisait trop longtemps qu’il se connaissait tous les deux, oui trop longtemps. Et le soir venu, il fit une dernière halte à « l’estaminet », petit bouge de la ville qui se donnait le nom de taverne et là, il revit Agnia. Discussion plus calme, la dame semblait avoir mis de l’eau dans son vin et sa véhémence n’était plus aussi vivace que le matin-même. Théo l’écouta sans broncher, ne souhaitant aucunement avoir une nouvelle scène comme c’était le cas depuis quelques mois, même avant qu’ils ne décident de faire un bout de chemin ensemble, et de fil en aiguille, il se mit à discuter avec elle, de tout de rien, de sa vie à elle, ici même, tout en évitant soigneusement le sujet brulant du moment.
Elle n’aurait jamais de réponse à ces questions, il fallait bien qu’elle s’en doute car Théo n’était pas seulement un silencieux mais en plus de ça, un vrai caractère borné l’animait. Aussi, il préférait garder le silence que de se justifier, cela ne les aurait pas mené bien loin de toute manière. Se faire des reproches mutuellement, il n’était pas partisan et ça ne soldait en rien le problème alors il laissa la future mère parler et parler encore. Tant et si bien qu’à la fin de la soirée, le voyageur lui proposa son aide afin de retaper la vieille bicoque qu’elle avait acquise dernièrement. Oh, il mit les points sur les i des le départ. Il n’était pas question pour lui d’emménager avec elle mais de lui filer un coup de main afin que le toit qu’elle avait sur sa tête fût en bon état pour l’automne et surtout pour quand le gamin serait de ce monde. Affaire entendue, Agnia accepta sa proposition et ce fut comme cela que le lendemain, il se retrouva au petit matin devant la porte de cette chose informe qu’elle appellerait maison dans quelque temps.
Tudieu, c’est qu’y a du boulot là d’dans ! Ben j’va y passer mon été si j’comprends bien.
Laissant choir sa besace à ses pieds, il mit ses mains sur ses hanches tout en se reculant afin de mieux observer le tout. La Teigne n’attendit pas l’autorisation afin de se payer une petite partie d’amusement devant la porte, à gratouiller la terre à la recherche d’un improbable os qu’il aurait imaginé enterré en ce lieu.
_________________
