Dordinaire tranquille, lheure entre chien et loup
Aujourdhui, la clairière résonne de moults cris et rires alors que le jour décline, cédant la place au crépuscule.
Remplissant les chopes, Bel sentretient avec les derniers arrivés, se préoccupe du bien être de chacun.
Comme tout est en ordre, que les invités semblent repus et passablement éméchés, le blondinet en profite pour retrouver les saltimbanques.
Voici pour vous ! dit-il aux deux hommes quil a ramené de chez Ati en leurs tendant une jarre de terre cuite fermée par un bouchon de liège.
Dordinaire, on sen sert pour réchauffer les corps en hiver !
Mais aujourdhui, cest pour réchauffer lambiance que vous pourrez vous en servir !
Le blondinet sourit en désignant du menton lénorme tas de bois qui trône au centre la clairière.
Jespère que ça ne sera pas trop fort en bouche, hein !
Attention à ne point trop en avaler sans quoi vous risqueriez de manquer vostre spectacle !
Avez-vous besoin dautres choses ?
Les deux hommes répondent négativement, expliquant à Bel quils nattendent que la tombée de la nuit pour se lancer
[Autour du tas de bois central, un peu plus tard
]
Les deux saltimbanques sont placés de part et dautre de limposante masse de bois.
Le premier tient dans ses mains deux courtes branches dont les extrémités sont garnies dun entrelacs de chiffons.
Il verse sur les bourres de tissus un peu du contenu de la jarre et attend que son compagnon soit prêt.
Le seconde, quand à lui, sort de sa besace deux chaines assez fines au bout desquelles on peut voir un petit pot de fer.
Lui aussi humecte le contenu des pots.
Ils se regardent, hochent la tête, et en parfaite synchronisation, embrasent leurs instruments
Le blondinet, un peu à lécart, observe, comme hypnotisé, les mouvements rapides des deux hommes qui font virevolter de petites flammes dans les airs.
Les moulinets du premier dessinent des cercles de feu autour de lui.
Parfois, il croise les bras, et les cercles semblent sembrasser
Par moment, il envoie les bâtons vers le ciel et le public pousse des OH
admiratifs alors quil les rattrape, méprisant le risque de se brûler
Les mouvements des bras du second, rallongés par les chaines, sont beaucoup plus complexes et permettent des figures encore plus surprenantes.
Les petites boules de feu tournent, virent, se croisent, devant puis derrière, parfois au dessus de la tête de lhomme dont le visage montre une extrême concentration.
Le spectacle touche à sa fin et déjà le public encourage les deux cracheurs de feu à poursuivre.
Lun pose ses chaine et prend un des bâton à présent éteint que lui tend lautre.
Tous deux prennent en bouche une petite rasade du contenu de la jarre, se retournent face au public, allume une des extrémités de leurs torche respectives.
Après une belle inspiration, ils portent ensemble la torche devant leur visage et crachent, dans un bruit impressionnant, une succession de petites flammes au dessus de la tête dun public ébahi
Alors, les deux hommes se retournent, reprennent cette fois-ci une belle rasade et crachent dun souffle puissant sur le tas de bois central.
Les applaudissements couvrent presque le crépitement du bois tandis que le bucher sembrase et la clairière se pare soudain dun halo de lumière changeante où les ombres semblent danser
Bel profite de la diversion pour rassembler ses affaires, jette un dernier coup doeil circulaire et se dirige vers sa chaloupe
Au revoir, mes amis
Profitez de cette nuit !
Demain, je serai parti
mais toujours je garderai dans mon coeur le souvenir de cette journée
_________________
Pour que vive la liberté, il faudra toujours que des hommes se lèvent et secouent lindifférence ou la résignation...