Inspiration surprise, expiration mesurée
il tente dassimiler la
différence de sa future compagne. Pas évident. Elle souffle aussi, de soulagement, se masse le poignet puis guette sa réaction : il na pas bougé mais
elle nose plus, craint de le heurter à nouveau. Toujours immobile, sa respiration est calme sil avait voulu couper court ce serait déjà fait
Elle sapproche à nouveau, lève la main vers lui, guidée par son souffle, se rapproche encore il est beaucoup plus grand quelle. Leur corps sont presque à se toucher lorsquenfin ses doigts effleurent la joue mal rasée, descendent vers la mâchoire carrée, un rien crispée par ce surprenant examen, cette intimité soudaine, étrange et embarrassante semble-t-il pour lui.
Elle, est concentrée, regarde sans voir, cherche des yeux ce quelle touche du doigt, la tête légèrement inclinée sur le côté à la manière des oiseaux. Instinctivement la main gauche vient se poser sur la joue droite, descend elle aussi, les pouces effleurent les lèvres, dessinent leur contour étiré. Les index caressent larrête du nez bien droit, sécartent vers les pommettes saillantes, les joues légèrement creusées par trop de repas pris à la sauvette sur un coin de selle. La peau est plus douce quil ny paraît sous cette rude barrière de barbe raide. Ses doigts remontent vers les yeux fermés, les paupières tièdes
- De quelle couleur sont vos yeux ?... murmure-t-elle sans cesser de lexaminer.
Oh !...
Là ! Au-dessus de lil gauche, à moitié camouflée dans le sourcil broussailleux, il y a une fine cicatrice
Une estafilade faite à lépée, bien nette, bien droite. Elle sattarde sur cette marque du passé, son passé, sa vie avant elle et dont elle ignore tout mais quelle doit donc accepter.
Aux coins des yeux il a de fines rides, trop de soleil, trop de chagrin
étrange comme nos émotions sinscrivent par de petits détails sur notre visage. La plupart des contemporains de Marie ne les voient pas tant ils sont discrets, il faut avoir les yeux au bout des doigts pour les découvrir et les lire. Elle déchiffre dans ces pattes-doie la lumière de son Italie natale, mais aussi lhorreur des guerres, la douleur dun amour défunt.
Les sourcils sont un peu froncés, il est soucieux, elle pressent quil lest toujours. Le front est haut, légèrement plissé par la réflexion, à moitié enfoui sous une tignasse hirsute dans laquelle elle noue ses doigts fins. Elle a du se hisser sur la pointe des pieds pour cela, parcours son crâne, découvre détranges tresses qui lui donne, dans son esprit, un côté sauvage qui la fait sourire. Surprenant pour un Vicomte. Puis elle redescend, paumes sur ses joues, ses pouces caressant ses pommettes, le fixant de son regard étrange, rêveur et pénétrant comme si elle pouvait voir à travers lui ce quil cache, ce quil tait
- Vous êtes beau ! conclut-elle avec spontanéité en espérant que cela dissipera un peu de la tension quelle sent en lui.
Dieu comme il est anxieux ! Peut-être encore plus quelle-même ! Les muscles de sa mâchoire jouent sous la peau burinée par le vent et le soleil, sous la barbe drue. Elle retire ses mains et recule dun pas pour le laisser respirer, lui rendre son espace.
- Merci
mon ami. Il sera doux de deviner les petites rides que mes bêtises feront naître aux coins de vos yeux. Et peut-être dimaginer votre sourire lorsque jaurai réussi à gagner votre amitié..._________________