[A défaut de gong, sauvé par le Duc ? Faut voir... ]
Ses pensées étaient accaparées par le souvenir du Seigneur des Auteux, les longues nuits passées à refaire le monde autour d'une carafe de vin, les instants précieux où il conseillait la jeune fille perdue qu'elle était, les rires, les tristesses, les instants de doute et ceux plus rare, de joie. A la vérité, son ami lui manquait, plus encore depuis que ses lettres s'étaient faites rares.
Son esprit tout entier tourné vers son vassal absent - et vers le vin aussi, on ne peut décemment nier cette évidence, elle n'avait pas vu le coup venir. Elle n'avait pas prévu le changement soudain de ton dans la conversation somme toute badine jusqu'alors. Et pire, à la question et surtout au regard sans équivoque qui l'accompagnait, la vicomtesse, qui jusqu'alors offrait une attitude façon banquise à peine perturbée par le réchauffement climatique, s'empourpra.
Oui oui, et de rougir comme une jouvencelle, celle que, alors régnante du Béarn, on appelait Son Infâme Grandeur, d'être déstabilisée par une oeillade égrillarde accompagnant une phrase qui ne souffrait pas d'autre sens que celui que son auteur lui faisait revêtir.
Et perturbée par la chaleur qu'elle sentait irradier ses pommettes, persuadée que le Balbuzard ne pouvait pas ne pas le remarquer, elle cherchait ses mots, une réponse cinglante, une fin de non recevoir, n'importe quoi qui permette de le remettre dans ses 16 mètres.
Et l'inspiration se dérobant toujours aux instants critiques, elle ne put que se donner une contenance en portant sa coupe à ses lèvres, en espérant que quelque chose viendrait la sortir de ce soudain revirement.
Et ô miracle, crut-elle l'espace d'un instant quand une voix tonitruante interpella du dehors justement son interlocuteur. Mais c'était sans compter la répartie du Baron de Digoine qui n'entendait pas laisser échapper sa proie alors qu'il venait de commencer sa chasse.
Et à sa réponse, Agnès échappa un toussotement, manquant avaler sa gorgée de vin de travers et le rouge lui montant d'avantage aux joues. Il était temps de songer à un repli stratégique.
Repoussant maladroitement sa chaise, elle se leva et le regard fuyant, elle tenta une excuse hésitante
Hahem... Je ne voudrai point vous empêcher de tenir conversation avec... Hmm... Votre ami... Je vais prendre congé... Il se fait tard et... Demain je dois encore jouter...
Argh... Si elle avait pu elle se serait donné quelques bonnes claques pour cette affligeante sortie qui ne faisait rien d'autre que d'encore plus démontrer son embarras.
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