Sancte
Le bon et généreux bourgmestre, l'humble mais néanmoins mirifique gouverneur, assista au défilé avec l'enthousiasme blasé d'un chat obèse devant un paquet de croquettes périmé. Néanmoins, à la vue des exemplaires, il jeta rapidement son dévolu sur l'un d'entre eux. La flamme de ses nobles idéaux laissa parler sa vivacité en son for intérieur, ce qui ne manqua pas de lui occasionner un brusque contentement et une onde chaleureuse d'optimisme tout à la fois. De suite, il avait écarté l'idée des uniformes qui comportaient des bas troués. Cela faisait vulgaire et miséreux. Or si le "Resplendissant" s'accommodait excessivement bien avec la vulgarité, il ne pouvait souffrir que les maréchales sensées protéger les augustes Montalbanais aient l'air de souillons fraîchement vomies par la paupérisation des masses infoutues de faire tourner un oeillard à moulin. Contrairement aux agents de la Maréchaussée qui eux ... heu ... travaillaient. Voilà. Par contre, il est à noter qu'il apprécia particulièrement le noir, qui lui rappelait quelque peu les couleurs des confédérés huguenots, sobres dans leur austérité, et par voie de fait, les uniformes des mercenaires de l'A.D.
Le jour déclinant dans une ambiance pacifique, le Gouverneur fit mine de se remuer lentement dans son sofa, avant de se laisser retomber vers l'arrière. Trop d'effort tue les faibles. Mais ce fut à ce moment précis qu'il se porta au secours de Matalena et peut-être même d'Aethys, qui devaient désespérer d'obtenir une réaction quelconque.
Ma très chère Matalena, je ne peux que vous féliciter d'avoir su voir en moi l'homme providentiel susceptible de vous porter vers les cîmes éternelles d'une vie emplie de félicité. Oui Damisela, je pense que vous venez de me montrer que vous êtes digne des largesses que je vous octroie et de mon intelligence. Croyez bien que vous en sortirez fortifiée dans votre bonté, meilleure dans vos murs aristotéliciennes, courageuse sans être téméraire, audacieuse sans la moindre lâcheté, le tout pour la plus grande gloire de Montauban et du Créateur, mais également pour votre profit et l'honneur du Lengadoc dont j'ai ouï dire que vous étiez originaire.
Mais parlons désormais de vos tenues.
Tout d'abord, la première. a écrit:
Alors déjà, je la trouve plutôt avantageuse, mais je doute que l'ouverture sur le devant soit très appropriée au service de la maréchaussée. Car bien évidemment, dans cette initiative, les considérations utilitaires primaient sur le reste. Dans mon imaginaire, cela convient davantage aux hôtesses d'accueil. D'ailleurs, pourquoi ne pas le prendre pour les services de la Mairie ? Quoi que l'espèce de frou-frou blanc derrière est assez ridicule et je dirais même presque dégradant pour l'image de la femme dont je suis le ardent et sans doute le plus illustre défenseur.
La deuxième. a écrit:
Oui, non, alors ça, ça fait carrément boniche. Si nos maréchales contrôlent un marché comme ça, ce n'est plus des gourdins ou des rapières qu'on devra leur confier, mais des balais !
La troisième. a écrit:
Alors celle-là, qu'en dire ? Non, parce que écoutez, moi les rayures horizontales colorées, même si cela n'amincit pas, je trouve ça ... comment dire ? Très chouette. Non, vraiment. Mais, je sais pas, ce rose, cela donne un petit côté festif qui n'est pas sans laisser le contemplateur un brin sceptique sans compter que cela me fait penser à cette idiote de Zazounette. Et de toute façon, avec ce machin noir qui pend aux fesses, je ne suis pas certain que tous nos concitoyens soient prêts à se voir contrôler par des Maréchales dotées d'une queue. C'est ... dérangeant. Comprenez ?
Citation:
La quatrième.
Outre les bas noirs percés que je n'aime point trop, je la trouve très très bien, cette tenue. Mais hélas, je la verrais plus pour les garde-chasse. Or nous n'en avons qu'un et je doute que l'animal ne soit du genre à goûter ces plaisanteries. Néanmoins, si un jour Topheez redevient Maire et décide de planter un surveillant derrière chaque arbre pour s'assurer que les coupeurs de bois qui sont des criminels en puissance aillent bien vendre leurs stères à la Mairie, hé hien je vous conseille d'aller les lui proposer. Même si je ne vous cache pas que l'homme est plutôt proche de ses deniers, vu l'énergie qu'il est capable de déployer lorsqu'il s'agit de les amasser.
La dernière. a écrit:
Laste beute note liste, disent nos amis Angloys. Et bien leur en prend ! Je trouve celle-ci magnifique. Le cuir des bottes montantes est brillant et splendide, le rouge et l'or rappelle le blason de Montauban sans faire référence au bleu du Roy, et ce Lion sur la poitrine, je vois cela comme une merveille d'inspiration. L'avantage, en plus, c'est qu'on pourra toujours dire qu'à l'origine il y avait un pantalon, mais que faute de budget, ben ... C'est plus possible.
Qu'en pensez-vous, Lieutenant ?
Plus personne ne se demanderait encore en voyant ces uniformes si d'aucune dame ou demoiselle Montalbanaise était encore vile ou déjetée dans une Cité certes très décriée, mais aussi merveilleuse. Cela dit, restons humbles. Tout ville de la cambrousse a ses microbes qui finissent par gâcher sa réputation. Malgré le décès récent de Munier2, il en restait toutefois quelques uns. Dont le mirifique s'occuperait en temps et en heure, avec la délicatesse que le monde civilisé lui reconnait._________________
"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la Gloire !"
Sancte Iohannes - Lecteur Aristotélicien de la Nouvelle Opinion et Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
Tetard
Sous cette avalanche de compliments sous laquelle elle se sentait submergée, les joues de la tisserande rosirent, alors qu'elle exécutait quelques mouvements confus pour se dissimuler. Les louanges étant toujours préférables au fouet, exception faite de certains individus aux murs douteuses dont cette ascétique réformée ne faisait vraisemblablement point partit, son soupir de soulagement fut on ne peut plus audible. Mais fausse modestie et mauvaise tenue ne font point bon ménage avec qui désire s'imposer en tant qu'individu capable et responsable. Aussi, la pause sage, les traits apaisés, s'inclina-t-elle devant son auditoire, ses yeux noirs pétillants d'un plaisir égocentrique qu'elle étouffa sous le couvert d'une modération feinte.
Ravie que vous ayez trouvé tenue à votre convenance, messire, dame. Si vous voulez bien m'envoyer vos demoiselles à la boutique pour que je prenne leurs mesures, ou me noter celles-ci sur une missive, je m'attèle dès ce soir à la confection des uniformes pour toute la garnison.
Et comme tout instant qui s'éternise perd de sa saveur, elle entreprit de ranger ses tenues dans un coffre et remettre la salle dans son état d'origine sans plus s'appesantir sur cette affaire rondement menée.