Trivia
Du fond du gouffre obscur où mon cur est tombé.
Cest un univers morne à lhorizon plombé,
Où nagent dans la nuit lhorreur et le blasphème
Baudelaire, De Profundis clamavi.
A ses appels esseulés, seules les limbes lui répondent.
Elle avait l'habitude des coups, de voir son sang la déserter en fines rigoles. Pour la pucelle, voir le sol éclore de fleurs pourpres sous ses pas était loin d'être une première fois. Les odeurs de métal, âcres, ne constituaient que quelques broutilles.
Sentir une lame sur sa peau, s'enfoncer. Encore un peu plus profondément. Encore. Et cette autre. Et celle-ci. La différence ne fut pas tant la douleur, ni même le nombre de coups portés. Ce fut surtout la perte totale de contrôle pour l'après.
Il n'y a personne. Pourtant, elle le sent, elle devrait voir quelque chose, parler, entendre, n'importe quoi. Où est passé l'enfant qui l'abîme un peu plus à chaque fois ? Pourquoi n'y a-t-il aucune lueur blafarde pour lui dire qu'elle doit encore faire demi-tour pour s'améliorer ?
Il ne lui reste plus rien, juste cette angoisse. "Ainsi, tu vivras, seule, côtoyant les humains.." C'était pas censé être comme ça. Elle avait trouvé des choses à faire, et puis tant pis si elle arrivait pas à se changer, elle n'avait qu'à changer les autres... non ? "Ainsi, personne ne te verra et personne ne te nommera..." C'est faux! Elle en a rencontré plein, des gens, depuis le début de son voyage, et même qu'elle a un compagnon de route, alors bien sûr qu'on peut la nommer! Bien sûr! Mais alors, dans ce cas.. dans ce cas.. pourquoi il n'y a personne, là.. "car Jai Moi-même décidé de ne pas le faire".
Les derniers lambeaux de conscience s'envolent, tandis qu'elle-même reste au sol, et qu'elle tente de résister du mieux possible. Hélas, comment pourrait bien faire la vagabonde, lorsque son propre corps refuse de l'écouter et s'enracine encore un peu plus profondément.
Mais tout n'est pas encore perdu : après tout, elle peut encore penser, avoir peur, vouloir chercher une sortie. Tout va bien.
"Ainsi, tu vivras.." Fous-moi la paix. Un infime changement, un goût de terre, âpre, mélangé à celui de la bile. Se rapproche-t-elle légèrement de dieu, lorsque la rancur remplace doucement l'indifférence ? C'est un sentiment doux-amer, infime mais bien présent. S'il l'ignore et ne vient que pour la torturer, alors.. Compte pas sur moi pour ramper, tu sais.
Elle va se débattre, oui. Puis se réveiller, et puis se lever, et enfin, prouver à ce dieu indifférent que oui, elle est bien là, qu'il le veuille ou non.
Dans un dernier sursaut, enfin, Trivia réussit à entrouvrir les yeux.
Une fois. Devant elle, la Lune qui la contemple, ce qui ne suffit pas à lui donner des indications précises sur le lieu où la jeune fille est étendue. Elle peut sentir l'air doux qui passe sur ses joues pâles, la douleur présente malgré sa grande faiblesse. Sûrement un nouveau sillon creusé dans sa chair, comme si les nervures sur sa tempe ne suffisaient pas à l'enlaidir.
Deux fois. Il y a des voix autour d'elle. Peut-être une seule ? Juste des bribes, des éclats, qui lui parviennent à la manière des vagues, souvent proches, mais insaisissables. En y songeant, la pucelle réalise qu'elle a soif. Il va falloir qu'elle tente de parler. Difficilement, les mots sortent de ses lèvres desséchées.
..Qui ? .. Il faut..
La troisième fois n'a pas le temps de venir, sa voix s'étiole pour retourner au silence tandis qu'elle-même replonge dans ses ténèbres. Mais toujours pas l'envol attendu pour notre herbe folle.
Elle vivra. Si Dieu le veut, comme l'on a coutume de dire.
Cest un univers morne à lhorizon plombé,
Où nagent dans la nuit lhorreur et le blasphème
Baudelaire, De Profundis clamavi.
A ses appels esseulés, seules les limbes lui répondent.
Elle avait l'habitude des coups, de voir son sang la déserter en fines rigoles. Pour la pucelle, voir le sol éclore de fleurs pourpres sous ses pas était loin d'être une première fois. Les odeurs de métal, âcres, ne constituaient que quelques broutilles.
Sentir une lame sur sa peau, s'enfoncer. Encore un peu plus profondément. Encore. Et cette autre. Et celle-ci. La différence ne fut pas tant la douleur, ni même le nombre de coups portés. Ce fut surtout la perte totale de contrôle pour l'après.
Il n'y a personne. Pourtant, elle le sent, elle devrait voir quelque chose, parler, entendre, n'importe quoi. Où est passé l'enfant qui l'abîme un peu plus à chaque fois ? Pourquoi n'y a-t-il aucune lueur blafarde pour lui dire qu'elle doit encore faire demi-tour pour s'améliorer ?
Il ne lui reste plus rien, juste cette angoisse. "Ainsi, tu vivras, seule, côtoyant les humains.." C'était pas censé être comme ça. Elle avait trouvé des choses à faire, et puis tant pis si elle arrivait pas à se changer, elle n'avait qu'à changer les autres... non ? "Ainsi, personne ne te verra et personne ne te nommera..." C'est faux! Elle en a rencontré plein, des gens, depuis le début de son voyage, et même qu'elle a un compagnon de route, alors bien sûr qu'on peut la nommer! Bien sûr! Mais alors, dans ce cas.. dans ce cas.. pourquoi il n'y a personne, là.. "car Jai Moi-même décidé de ne pas le faire".
Les derniers lambeaux de conscience s'envolent, tandis qu'elle-même reste au sol, et qu'elle tente de résister du mieux possible. Hélas, comment pourrait bien faire la vagabonde, lorsque son propre corps refuse de l'écouter et s'enracine encore un peu plus profondément.
Mais tout n'est pas encore perdu : après tout, elle peut encore penser, avoir peur, vouloir chercher une sortie. Tout va bien.
"Ainsi, tu vivras.." Fous-moi la paix. Un infime changement, un goût de terre, âpre, mélangé à celui de la bile. Se rapproche-t-elle légèrement de dieu, lorsque la rancur remplace doucement l'indifférence ? C'est un sentiment doux-amer, infime mais bien présent. S'il l'ignore et ne vient que pour la torturer, alors.. Compte pas sur moi pour ramper, tu sais.
Elle va se débattre, oui. Puis se réveiller, et puis se lever, et enfin, prouver à ce dieu indifférent que oui, elle est bien là, qu'il le veuille ou non.
Dans un dernier sursaut, enfin, Trivia réussit à entrouvrir les yeux.
Une fois. Devant elle, la Lune qui la contemple, ce qui ne suffit pas à lui donner des indications précises sur le lieu où la jeune fille est étendue. Elle peut sentir l'air doux qui passe sur ses joues pâles, la douleur présente malgré sa grande faiblesse. Sûrement un nouveau sillon creusé dans sa chair, comme si les nervures sur sa tempe ne suffisaient pas à l'enlaidir.
Deux fois. Il y a des voix autour d'elle. Peut-être une seule ? Juste des bribes, des éclats, qui lui parviennent à la manière des vagues, souvent proches, mais insaisissables. En y songeant, la pucelle réalise qu'elle a soif. Il va falloir qu'elle tente de parler. Difficilement, les mots sortent de ses lèvres desséchées.
..Qui ? .. Il faut..
La troisième fois n'a pas le temps de venir, sa voix s'étiole pour retourner au silence tandis qu'elle-même replonge dans ses ténèbres. Mais toujours pas l'envol attendu pour notre herbe folle.
Elle vivra. Si Dieu le veut, comme l'on a coutume de dire.