Mailldé, mailldé !
Sourire crispé, Lynette écouta les félicitations de Gadzelle, souhaitant sur l'instant pouvoir rompre le cou au stupide volatile qui lui avait fait parvenir la nouvelle neuve.
Oooh, c'est dingue comme les pigeons vont vite à notre époque...
Hmm, et bien merci en tous cas, tu peux pas savoir comment que je suis heu-reuse !
A la limite de la crise cardiaque même...
Borderline qu'elle était la Lynette depuis la veille, et ça c'était pas arrangé quand elle avait vu Mu débarquer dans la taverne pour lui faire la surprise de sa venue. Evidemment, elle n'était au courant de rien, et évidemment, à la fin de la soirée, ça s'était fini en félicitations et en caaaaaaaliiiiins. En gros, son amie de toujours savait tout...
Elle avait menti aux ponettes au sujet du mariage et du bébé, ça déjà c'était gravissime. Mais voilà qu'elle avait du servir la même soupe à Mu. Sa Mu. Sa muman, sa filleule, celle qui l'avait accueillie, guidée dès son arrivée à Mayenne.
C'était une catastrophe. Plus jamais elle ne pourrait se mirer dans un miroir. Quoiqu'elle n'y perdait pas trop étant donné que depuis l'accident elle refusait de se zieuter dans une glace.
Ouais, une catastrophe catastrophique.
A sa vue, ses lèvres se mirent à trembler, son estomac fit d'étranges gargouillis, du genre « eh oh, j'ai pas tout fini de dégobiller ce matin ! ».
C'est une voix chevrotante qui l'accueillit, alors même qu'elle n'avait pas encore vu les alliances.
Mu, tu es viendue, comme c'est gentil.
Et là, c'est le drame, et on en parle jamais assez.
Un paquet.
Des rubans.
Des alliances.
Pendant quelques secondes, elle ne sut comment réagir. Continuer à mentir comme si de rien n'était ou tout balancer ? Ses amies n'y comprendraient rien. Et Mu qui venait d'arriver avec des alliances, mais, mais...
Et la réaction fusa, version ponettes, pour ne pas déteindre dans l'air ambiant et passer inaperçue.
Oh des alliances, c'est trop gentiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiil.
Crier, crier pour mieux oublier ce qu'elle était en train de vivre.
Elle était deviendue complètement hystérique, la pauvre Lynette. Même qu'elle pédalait complètement dans la choucroute, se demandant comment ça allait être possible de se dépatouiller de là.
Le jour où la vérité éclaterait allait être complètement dingue.
Et pire, elle s'imaginait aller jusqu'au mariage, attendant Vaxichou qui ne viendrait pas.
Ou pire encore, qu'il vienne, et qu'ils doivent annoncer à tout le monde que tout ça n'était qu'une vaste supercherie ze bigueuh dailleuh.
Ou pire du pire du pire que y'a pas pire... qu'il dise oui. Ah nan, pas possible ça. Il était borné et imbuvable, mais pas taré au point de dire oui le jour du mariage.
De toute façon, ils s'étaient embarqués dans un truc complètement irréel et pour l'instant elle ne voyait qu'une seule solution face à ce carnage : la mort ou la disparition de Vaxichou. La première solution lui paraissait la plus raisonnable. Oui, qu'il casse sa pipe avant le mariage et elle serait débarrassée de tout ce bordel.
Ce plan faisait jour de plus en plus clairement dans sa caboche, elle sauta au cou de son amie, joie feinte et bonheur absolu.
Ooooh Mu ! C'est merveilleux, vraiment. Quel cadeau sublime !
Tu n'aurais pas du !
Alliance contre son cur, elle essayait d'être la plus crédible possible. Et pour ça, elle imaginait le duc pendu à une corde. Le sourire affiché alors était des plus sincère.
C'est ce moment que choisit un gamin pour lui amener un courrier.
B'jour, z'êtes m'dame Lynette ? Y a un mosieur bien mis sur lui qu'm'a dit d'remettre ça à une vieille avec un foulard.
Argh... Ouais, pendu avec auparavant du gros sel sur les pieds et une chèvre, voilà le sort qu'elle souhaitait ardemment réserver au bourguignon...
Donne-moi ça gamin. J'espère qu'il t'a au moins filé une pièce pour la course, il est plein aux as le vieux. Si non, hésites pas à lui réclamer hein.
D'un sourire, elle s'éclipsa quelques instants, persuadée qu'il lui annonçait qu'il s'était fait la malle en la laissant se débrouiller avec le sac de nud.
Mais le ton de sa lettre la laissa perplexe. Il avait pété un boulon ou quoi le vieux ?
Pis c'était quoi ces manières de renifler ses sous-vêtements ! Ca s'fait pas !
Sourcils froncés, elle resta un instant figée, lisant et relisant le courrier, avant de crier. Non, d'abord, elle partit vomir, et au retour, elle apostropha le limousin :
Anatooooole ! Plume, encre, parchemin siouplait !
D'un air décidé, elle passa à côté de Mahaut, lui déposant la lettre dans ses mimines au passage.
Tiens-moi ça s'il te plait, j'ai un truc urgent à écrire.
Langue tirée, elle s'appliqua, lettre liées et déliées s'inscrivant sur le parchemin au rythme de l'écriture. Il la cherchait, ben il allait la trouver, le goujon !
Citation:Mon Vaxichou d'amour !
Je ne sais comment je pourrais supporter ta dure absence. Chaque minute, chaque seconde me rappellent à quel point mon cur, mon corps, mes mains, voudraient être en ta présence.
Mais je ne saurais t'en vouloir, lumière de ma vie, si pour préparer toi aussi notre mariage, tu t'es ainsi évaporé.
Je n'ose t'avouer que je dors chaque nuit serrée contre ta paire de chaussettes, celle que tu portais le soir ou notre futur duchinou je suis sûre que c'est un garçon ! - fut procréé. Oh que cette nuit fut grandiose, mémorable, à jamais gravée en mon cur, comme une envolée de mille colombes dans un soir d'été ou le soleil flamboie (mais la prochaine fois, enlèves tes chaussettes...).
Pour les frais du mariage, amour de moi, crois-tu vraiment le Comte et la Comtesse d'Aubeterre assez stupides pour confier leur fortune à leurs deux filles ? Elles ne sont pas encore mariées, ne l'oublions pas. Les biens de leur famille sont donc encore dans le giron parental, et il en sera ainsi tant qu'une bague ne sera point passée au doigt des deux fifilles à leur pèpaire.
Ainsi, et puisque c'est si gentiment proposé, je fais sur le champ part de ta demande au Comte, qui ne manquera pas d'accepter, j'en suis sûre, étant donné que le mariage d'Orka se prépare dans le même temps. Tu seras donc redevable au premier pair de France, quel honneur n'est-ce pas ! Mais comme tu le dis si bien, rien n'est trop beau pour notre amour et pour ce jour qui sera, je n'en doute point, inoubliable en tous points.
En ce qui concerne celui de Mahaut, la pauvrette a fait mourir son futur épousé. C'est en tout cas ce qui se raconte dans tout le Périgord, malgré qu'elle s'en défende.
Je t'embrasse, mon aimé, de toute mon âme.
Reviens-moi vite,
Ta Lynette, qui n'attend que toi et ce fabuleux jour
PS : ne te sauve pas trop loin ni trop longtemps, les ponettes sont prêtes à venir te chercher jusqu'au bout du monde pour que tu sois présent lors de ce jour fabuleux...
Fière d'elle, elle releva la tête. Il n'allait pas en revenir de celle là !_________________