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[RP]Quand une capuche et des yeux gris se retrouvent...

Domdom
[ Impatient et cœur battant]

Jouant à cache cache avec les nuages , le soleil avait commencé sa course quotidienne à travers le ciel et cognait déjà fort sur les murailles de la citadelle de Rieux .

Norff.. Encore une journée de canicule qui s’annonce…
maugréait l’ex Normand , accoudé à la cahute des gens d’armes, au pied des remparts , tout en déboutonnant le haut de sa chemise

Venant de Fougères via Rennes , Domdom était arrivé tôt ce matin à Rieux , sa longue chevauchée nocturne avait plus entamé les réserves de Robin , son vieux complice , que les siennes.
Aussi s’était il empressé de conduire sa monture aux écuries et de se précipiter , le cœur battant à tout rompre en courant à moitié , à travers les ruelles de la ville , vers la route de Vannes.


Pourvu qu’ils ne soient pas encore passés
s’était il dit , essayant de reprendre son souffle .
La consultation du registre de douane l’avait rassuré : ils n’étaient pas encore arrivés en ville.
Il n’y avait donc plus qu’à attendre , patiemment .
Pourtant, la patience n’était point vertu cardinale chez le brun aux yeux noisette.

Tantôt assis sur le banc devant le poste de garde , tantôt debout , les yeux rivés sur le ruban ocre du chemin qui serpentait loin devant lui , à travers le jaune paille des champs et le vert émeraude de la forêt , l’encapuché scrutait les silhouettes , les visages qui passaient devant lui.

La circulation s’intensifiait à mesure que le temps passait : arrivaient des paysans , les uns , le chargement de leurs fruits , légumes ou leurs volailles sur les épaules , les autres dans une charrette , des voyageurs , des artisans , des journaliers , des femmes , sacs à la main avec une marmaille , les yeux bouffis de fatigue , leur collant aux jupes.


Mais que font ils ? Que fait elle ?

L’encapuché ne tenait plus en place et se levait fréquemment du banc , marchant à grand pas , de long en large , histoire de calmer sa nervosité.
Il se rassit sur le banc , regardant le sol , le visage entre les mains.

Deux longs mois maintenant qu’il s’étaient dit au revoir , plutôt adieu même …
Domdom s’en souvenait comme si c’était hier : elle était là , dans le jardin de la pointe de Bliche , à Fougères , lisant un livre sur un banc de granit , il l’avait observée longtemps , puis s’était manifesté , elle avait alors levé ses doux yeux gris vers lui…
La suite , Dom l’avait complètement occultée , tellement il en avait été blessé…

Et puis, tout récemment , il y a avait eu la fête de la mer : une silhouette juste entr’aperçue dans la foule et tout l’ univers qu’il avait commencé à se recréer autour de lui s’était écroulé , comme un château de cartes.
Tout s’était alors enchaîné , comme un engrenage dans lequel il aurait mis le doigt et dont il ne pouvait plus contrôler le mouvement et aujourd’hui , Domdom se retrouvait là , à Rieux , sous un soleil de plomb , à attendre la femme qu’il n’avait jamais cessé d’aimer .


Dom ? Ca va ?

Le brun leva les yeux

Le retour à la réalité fut loin d’être brutal : elle était là , juste au dessus de sa tête , penchée sur l’encolure de son cheval , lui dédiant un radieux sourire .
Battements de cœur s’accélérant d’un coup , tremblant comme damoiseau à son premier rendez vous galant , boule dans la gorge , Dom déglutit et arriva finalement à sortir un banal :


Demat Lastree …Avez vous fait bon voyage ?

Encore tout tremblotant , il se leva et lui tendit alors la main , pour l’aider à mettre pied à terre.
Lastree
[Rieux, enfin ...]

Elouen dormait, niché contre son sein, la poussée de fièvre dont il avait été victime avait inquiété sa mère pour rien semblait-il. Après avoir bu puis avoir trempé dans l’eau du bain avec sa mère, il s’était rendormi et allait nettement mieux en fin de journée.
Finalement, ils avaient pu prendre la route pour Rieux.

Si l’idée de quitter la Bretagne la chagrinait, il était une chose qui lui mettait définitivement le cœur aux abois … Elle avait invité Domdom à voyager en leur compagnie, impulsivement, sans vraiment y réfléchir, sans trop croire qu’il le ferait d’ailleurs, et pourquoi l’aurait-il fait ? Et depuis la veille elle cherchait ce qu’elle pourrait bien lui dire en le revoyant.

Depuis leur séparation à la pointe de la Bliche, séparation terrible pour elle et très certainement humiliante pour lui, la correspondance entre la vannetaise et le normand n’avait jamais cessé.

Au départ, elle recevait ses courriers plusieurs fois par semaine puis ils s’étaient un peu espacé … la raison ? Elle n’y répondait jamais.
Ce n’est pas que le temps ou l’envie lui manquaient d’ailleurs, c’était juste qu’elle avait prit une décision qui se voulait ferme et définitive et qu’en bonne bretonne entêtée qu’elle était, elle ne voulait pas y déroger en lui donnant de faux espoirs. Ce qu’elle ne savait pas, ce qu’elle refusait d’admettre, c’est que c’était bien elle qu’elle berçait d’illusions.

Quand ils arrivèrent en vue des remparts de la cité-frontière, ils eurent à traverser des hectares entiers couverts de vergers, où pommes, poires et autres fruitiers s’ébattaient dans un ordre quasi monacal.
Elle souriait en fermant les yeux, laissant à sa monture le choix de la route la plus sûre, respirant l’odeur des fleurs qui se fanaient peu à peu sur les branches. Le souffle d’un vent chaud vint faire voleter sa cape derrière elle et une délicate fleur de pommier se posa sur sa selle … décidément les dieux ne voulaient pas qu’elle pense à quoi que ce soit d’autre que ce normand.
Elle voulu la repousser d’un revers de main agacé, au lieu de quoi elle la rangea précieusement entre deux feuilles d’un livre et n’y prêta plus attention.

Le roux qui menait leur équipage se mit à hurler, pour amuser sa petite fille :


« Terre ! Terre ! Baissez la grand voile moussaillon ! »

Elle haussa les épaules mais ne pu s’empêcher de se hisser sur ses étriers pour observer les alentours de la porte, était-il venu ? Avait-il décidé de lui rendre la monnaie de sa pièce et de l’ignorer à son tour ? Après tout, cela aurait été de bonne guerre …

C’est la pression qui s’exerça sur sa poitrine qui lui donna la première la réponse à ses questions, une haute silhouette encapuchonnée et à l’allure familière se dressait près de la porte … il était venu …

Elle stoppa sa monture, il fallait absolument qu’elle calme les battements de son cœur, qu’elle se raisonne, après tout elle allait retrouver un ami, rien de plus. Mais pourquoi ce trouble soudain, pourquoi ces battements désordonnés dans un cœur qui s’était refusé à battre à nouveau ?

Elle démonta, prétextant un problème de fer avec sa monture. Il fallait qu’elle trouve une façon de se contrôler, car il était essentiel qu’elle contrôle toujours tout, et surtout dans ces situations là. Et le seul moyen qu’elle trouva pour cela, fut de l’imaginer avec sa compagne, dans la belle maison ceinte d’un grand jardin dont il lui avait parlé dans une de ses lettres … d’un coup elle devint rouge écarlate, de colère, presque de rage et elle sauta sur sa monture, la talonnant pour rejoindre les autres qui déjà étaient au poste de la douane.


Il était là, le front soucieux, penchant la tête vers les cailloux du chemin, sa colère s’effaça et elle s’inquiéta, il cherchait ses mots, il allait lui annoncer qu’il ne se joindrait pas à eux, qu’il avait mieux à faire. Elle respira profondément et placarda un large sourire sur son visage avant de l’interpeler :


« Dom ? Ca va ? »

Il leva les yeux, ces yeux qui réchauffaient son âme dès qu’ils se posaient sur elle, ces yeux qui l’avaient fait se sentir belle malgré l’énorme ventre qu’elle promenait lorsqu’ils avaient fait connaissance, ces yeux enfin qui semblaient porter toute la misère du monde et au moins autant de compassion pour la soulager. Il déglutit :

« Demat Lastree … Avez vous fait bon voyage ? »

Il lui tendit la main pour l’aider à mettre pied à terre, elle était à la fois longue et puissante et elle du fermer les yeux pour chasser le flot d’images inavouables qui lui venaient en tête, pourtant … pourtant lorsqu’elle glissa ses doigts fuselés dans sa paume, il lui sembla qu’il tremblait un peu. Elle sauta à bas de sa monture puis releva le menton, laissant ses prunelles grises se perdre dans les siennes, son corps entier criait « vous m’avez manqué, embrassez-moi … » tandis que sa bouche articulait :

« Un très bon voyage trugarez … Vannes n’est qu’à une poignée de lieues d’ici vous savez. Et vous ? Pas de soucis depuis Felger ? »

Elle baissa le nez, rouge de confusion, priant pour que ses pensées n’aient pas été entendues.
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Domdom
[ Surtout ne rien laisser paraître]


Pris par ses pensées , il ne l’avait même pas vue , ni entendue arriver.
Il avait passé une partie de la matinée à l’attendre fébrilement , sous ce soleil déjà brûlant et il avait raté son arrivée.
Pour le coup , il se sentait honteux et ne savait plus trop quoi dire , ni que faire : tous les scenarii qu’il avait jusque là imaginés , s’écroulaient d’un coup.
Quelle attitude adopter ?
Il avait un tel désir de l’enlacer , de la serrer tout contre lui , de lui dire tant de choses , mais une petite voix intérieure l’incitait à la prudence :


Elle t’a déjà éconduit , souviens toi..

L’encapuché opta donc pour un accueil sobre , c’était plus sage et sans risque.
Soutenant le regard gris de l’ovate , il répondit :


Mon voyage s’est parfaitement déroulé , mon amie , cependant , je dois vous avouer que j’avais hâte d’arriver

Timide sourire pour cacher le trouble qui s’était emparé de lui , puis son regard se tourna vers les compagnons de voyage de la Vannetaise , un peu à l’écart , occupés à faire les déclarations d’usage au poste de douanes .
Il salua discrètement l’homme et la petite jeune fille , filleule de Lastree , qui l’accompagnait.

Retour vers Lastree. Il la dévisageait discrètement , tout en s’enquérant de sa santé : elle n’avait pas changé , à part son tour de taille , évidemment , le calvaphile ne l’avait connue qu’enceinte et elle avait accouché , depuis.
Cette pensée le ramena à la forme qui déformait la poitrine de la jeune femme .
Tout en tenant par la bride Stered , la jument de Lastree , il apostropha la brunette , tout en désignant le bébé emmaillotté , endormi tout contre sa maman :


Vous ne me présentez pas Sieur Elouen , fille de Lune ? Je ne l’ai connu que dans le nid douillet du ventre de sa maman.
Lastree
[Ou comment prendre une mère par les sentiments…]


Il avait hâte … son cœur espérait bien, secrètement, qu’elle fut la cause de cette hâte mais son esprit lui, lui soufflait que sa hâte était d’une toute autre nature. Elle rompit consciemment le charme en avançant en direction des portes de la ville, l’observant à la dérobée. Il tenait Stered par la bride, se proposant ainsi tout naturellement de les accompagner vers l’auberge dans laquelle ils se reposeraient, en profitant pour se débarrasser de la poussière du voyage ... Protozaire savait-il où ils descendraient pour les quelques jours qu’ils passeraient dans la cité ?

Pour le moment, elle était préoccupée par bien d’autres choses, à commencer par ce qu’elle ressentait pour son interlocuteur qui justement lui posait une question. Elle mit un peu de temps à comprendre ce qu’il lui demandait et stoppa sa marche, le regardant une nouvelle fois. Ses yeux étaient rivés sur une partie de son anatomie qui n’existait presque plus dans l’esprit de la jeune mère autrement qu’en tant que réconfort et nourriture pour son rejeton.
Elle bafouilla légèrement :


« Le sieur … Ah oui … Elouen »


Qu’il l’appela fille de lune la fit sourire et elle repoussa délicatement le pan de sa cape pour lui montrer la petite tête ronde à la chevelure qui déjà tirait sur les cuivres profonds, les deux mirettes d’un bleu encore sombre étaient grandes ouvertes et scrutaient les proches alentours avec intérêt, la chevelure de sa mère, l’écharpe qui le maintenait serré contre elle, la luminosité soudaine qui l’éblouissait.
Elle sourit et caressa la petite joue d’un revers du doigt avant de regarder Dom :


« Dom ... voici ma lumière, voici Elouen … »

Cet enfant avait su en un rien de temps, bouleverser totalement sa vie, elle ne vivait plus que par lui et pour lui et acceptait à présent les malheurs qui avaient entouré sa venue au monde ... elle aurait vécu mille morts pour connaître la joie de partager sa vie, et aucune peine au monde, aucune humiliation n’avaient plus d’importance puisqu’elles avaient engendré une pareille merveille.
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Domdom
[Rencontre avec la lumière]

Dom approchait doucement sa main de la tête du poupon.
Il était si petit et paraissait si fragile , que le vagabond , pourtant habitué aux bébés (ses jumeaux avaient maintenant sept mois), n’osait le toucher .
D’un léger hochement de menton , Lastree l’encouragea à plus d’audace , aussi le Normand passa juste un plat de main sur le sommet mousseux du crâne du bébé.


Je m’appelle Dom, Messire Elouen , ravi de faire votre connaissance

Le petit le fixait , de ses grands yeux écarquillés , étrangement réceptif au timbre de voix de l'encapuché.
Domdom retira sa main et se la passa sur le front pour essuyer la sueur qui y perlait déjà.

Le soleil dardait de plus en plus ses rayons en ce milieu de matinée .
Dom sentait la sueur lui couler sur les tempes et coller sa chemise à son dos.
Un coup d’œil vers Lastree l’informa très vite qu’elle était autant que lui incommodée par cette canicule.
Quant à Elouen , cela devait être encore pire .
Ces derniers jours , la chaleur en journée était quasiment insoutenable , obligeant les bretons à se réfugier dans les caves et les endroits les plus frais et à ne ressortir dans les rues qu’en fin d’après midi.
Tenant toujours la jument de l’ovate par la bride, le Normand prit doucement Lastree par le bras et l’entraîna vers l’intérieur de la cité .


Ne nous éternisons point icelieu , ma mie …
Il n’est pas prudent d’exposer Elouen à une telle fournaise et pour ma part , j’ai l’impression de rôtir comme cochon en broche


Le contact de sa main sur le bras de la brune eut pour effet d’électriser le corps de Domdom , comme quand elle lui avait donné la main lors de leur pique nique , au bord du lac de Fougères.
Avait elle perçu ce tressaillement ?
Elle regardait derrière , pour s'assurer si ses compagnons de route suivaient.
Dom lui souffla doucement à l’oreille :

Venez ..Ils nous rejoindront bien assez vite…Et nous avons tant à nous dire, n’est ce pas ?

Elle tourna à nouveau son doux regard gris vers lui .

Pas de doute possible : son sourire valait toutes les déclaration du monde…
La main du Normand glissa alors doucement , lentement , du bras jusqu’à la main de l’ovate.
L’homme trembla de tout son corps lorsque leurs doigts se croisèrent en un parfait accord.
Lastree
[Chaleur !]

Elle s’attendrit en le voyant avec Elouen … souriant un peu niaisement, comme presque n’importe qu’elle mère devant sa progéniture.

Une foule de souvenirs lui revenaient en mémoire, sa vie avec Maïa, qui si elle ne dura que trois ans fut une des plus belles périodes de son existence, le désir de son ancien compagnon qui brûlait d’être réellement père, lui qui avait été privé de l’amour de son premier fils, de leur envie de concrétiser leur amour par la venue d’un petit être qui serait à la fois de l’un et de l’autre …
Elle s’assombrit, jamais les choses ne se passaient comme on les avait prévues, pourtant elle aurait tant aimé qu’il ait un père pour prendre soin de lui. Fière, elle ne voulait imposer une telle charge à personne, c’est pourquoi elle était si déterminée à l’élever sans l’aide de quiconque.
Mais en voyant Dom avec ses enfants, avec le petit Elouen, elle se prenait à rêver que le destin ne soit peut-être finalement pas aussi cruel pour lui.

Elle secoua la tête, d’ailleurs Dom lui adressait la parole :


« Ne nous éternisons point icelieu … »

Il avait raison, les rayons du soleil qui se répercutaient contre les murs de la cité, rendaient l’air presque irrespirable, il serait plus prudent pour eux tous de trouver un endroit où il ferait plus frais.

Il lui prit le bras, délicatement, presque timidement et elle eut envie de le lui retirer.
La prenait-il pour une impotente ou tentait-il de fléchir sa volonté farouche à lui résister … et quelle volonté il lui fallait quand son cœur jouait contre elle à chacun de ses battements !

Elle chercha de l’aide vers ses compagnons de route, espérant qu’ils lui fassent signe de les rejoindre, qu’il la sauve de cet émoi qui s’emparait d’elle à son contact …


«Venez ... Ils nous rejoindront bien assez vite…Et nous avons tant à nous dire, n’est ce pas ? »

Son souffle était chaud contre son oreille et elle se sentit défaillir, maudissant ses jambes qui semblaient soudain vouloir lui faire défaut … Mais ses paroles la glacèrent ... ça ils en avaient des choses à se dire et pas qu’un peu ! Réussirait-elle à ne pas l’accabler, lui reprochant de s’être jeté à la tête de la première venue, pour soit disant l’oublier ? Que devait-elle penser de lui ? Irait-il trouver réconfort dans les bras d’une autre au premier haussement de voix, ou comme Olixius avant lui, dès qu’elle serait absente trop longtemps ?

Elle se tourna vers lui …

Un joli papillon d’un bleu sombre venait de se poser sur le coté de la tête du normand, donnant l’impression qu’il avait un nœud dans les cheveux. Elle sourit largement, il était si attendrissant coiffé de la sorte ... toute sa colère disparaissait pour ne laisser la place qu’à la simple joie de le revoir finalement.

Prit-il sont sourire pour une invitation ?

La raison de son geste n’avait que peu d’importance finalement, il venait de prendre sa main dans la sienne, mêlant ses doigts aux siens, l’entrainant dans les entrailles de la ville de Rieux. Elle aurait pu lui résister, d’ailleurs c’était ce que lui commandait sa raison, elle aurait pu l’éconduire une fois encore, mais en avait-elle envie cette fois-ci ? Cet homme à la fois fort et fragile lui redonnait confiance en l’avenir, méritait-il d’être puni pour cela ?

Il tremblait légèrement et elle rougit en le sentant, peut-être l’aimait-il sincèrement après tout, peut-être regrettait-il de n’avoir pas su attendre, pas su insister...

Oui, ils avaient beaucoup de choses à se dire et elle pria de toute son âme pour que la déesse la guide lors de cet échange qui peut-être allait changer sa vie.

_________________
Domdom
[En les murs de la ville]

L’équipage avançait lentement dans les ruelles mal pavées de Rieux.
A l’intérieur des remparts , la chaleur se faisait encore plus sentir qu’extra muros.
Une chaleur suffocante , qui brûle les poumons , les yeux et annihile toute volonté.
Tenant d’une main celle de Lastree, de l’autre la bride de Stered , la jument de l’ovate , Domdom observait la jeune femme humecter le visage de son bébé avec un peu d'eau de son outre.
Il voyait enfin Elouen en chair et en os !
Combien de fois avait il senti les coups du bébé , les mains apposées le ventre de sa mère ?
Combien de fois l’avait il imaginé , ce petit être, pendant tout ce temps où il s’était interdit de revoir celle qui lui avait fait si mal ?

Il lui confia alors :


Elouen vous a complètement transformée , mon amie. Vous êtes une maman épanouie et sans doute comblée

Le calvaphile se souvenait de discussions qu’il avait eu avec la jeune femme à Fougères , des craintes qu’elle lui avait confiées de ne pas être capable d’assumer un bébé.
Force était de constater que les appréhensions de Lastree étaient infondées , elle était à la hauteur.

Ils venaient de déboucher dans une rue un peu plus large , là où était située l’auberge dans la quelle le groupe de Vannetais avait projeté de se reposer.
Soudain , un bruit de sabots , de cris humains et de hennissements le sortit brutalement de son observation : en face d’eux , un groupe de cavaliers dévalait la rue à une vitesse complètement folle , dans un vacarme assourdissant , renversant tout sur leur passage.

Lâchant d’un coup la bride de Stered , Dom eut juste le temps de se plaquer avec Lastree et Elouen contre le mur.


« Non... mais que….

Il sentit le souffle d’air provoqué par le passage des chevaux juste contre son dos .

Lorsque le convoi diabolique eut disparu , il soupira , son corps encore plaqué contre celui de l’ovate et la bouche collée contre sa nuque .

Il eut alors un mouvement de recul , son visage s’empourprant de gêne , alors que la jeune femme se retournait , tentant de reprendre ses esprits:


« Excusez moi , Lastree…
Ce n’était pas prémédité , juste un réflexe »


Ce qu’il ne lui dit pas , c’est que malgré la rapidité de la situation , il avait aimé la sentir contre lui et humer son parfum.

C’est alors qu’il entendit la Vannetaise murmurer dans un souffle :


« Dom …Stered…

L’encapuché tourna alors la tête vers l’endroit où avaient disparu les cavalier et répondit :

J'étais obligé de lâcher sa bride, Lastree.
Elle nous aurait écrasés, piétinés..Elle était complètement affolée
Elle a dû partir au galop avec les autres chevaux …

Ecoutez Lastree , voilà ce que nous allons faire : Vous allez jusqu'à l’auberge avec Elouen et moi , je vais aller à la recherche de Stered.
Et je la ramènerai à l’écurie.
De toute façon, il faut que j’y repasse pour m’occuper de Robin, mon cheval. »


Le brun aux yeux noisette la fixa intensément , puis s‘approchant du doux visage à l’ovale parfait ,lui déposa un doux baiser sur la fleur de ses lèvres.

Presque surpris et honteux de ce geste inconsidéré , il caressa rapidement le crâne d’Elouen , puis partit presque en courant , à la recherche de Stered.
Lastree
[ Redécouverte]

Tenant un Elouen qui hurlait dans ses bras, suite à la peur qu’ils avaient tous ressentie, Lastree regardait le bout de la rue, là où Dom venait de disparaitre, presque en courant. Avait-elle rêvé ce qui venait de se passer ou avait-il profité de la situation pour l’embrasser ?

Son cœur battait si fort qu’elle cru qu’il allait sortir de sa loge pour tomber sur le sol, deux grosses émotions successives pour une femme qui se voulait insensible, c’était beaucoup, beaucoup trop … Elle avait la désagréable impression d’avoir été volée, dupée, abusée, pourtant ce n’était probablement pas dans les intentions du normand de prendre sans demander et elle l’espérait, pas non plus dans ses habitudes.

Etait-elle en colère ? Sans doute un peu oui, mais bien moins que si elle l’avait surpris en train d’en embrasser une autre, parviendrait-elle un jour à comprendre ses propres sentiments ? Pas sûr, ceux-ci étaient souvent si contradictoires qu’elle s’y perdait elle-même.


Berçant Elouen doucement, elle lui murmura :


« Chuuuuut … ne pleure pas kalonig … ils sont partis … nous allons rejoindre l’auberge et prendre un bon bain tout les deux, cela nous fera le plus grand bien »

Elle se raidit, pensant soudainement à sa filleule et à son coquin de grand-père qui devaient les suivre à quelques toises de là. Elle se tourna, prête à se précipiter à leur rencontre afin de s’assurer qu’ils n’avaient rien, mais elle entendit la voix perchée de Maeve qui commentait l’évènement avec enthousiasme :

« Tu as vu grand-père, ils étaient au moins cinquante ! Tu crois que c’était des bandits dit ? Et s’ils m’avaient enlevée, tu te rends compte ? Tu serais venu me délivrer hein ? C’est toi le plus fort grand-père hein ? »

La fillette aperçu sa marraine et l’interpella :

« Dis tu as vu ça ! Ils étaient au moins cent ! Des bandits de grand chemin venus enlever une princesse au moins ! »

Lastree sourit, ils allaient bien, et Maeve ne semblait pas affectée le moins du monde par l’évènement, elle lui répondit avant de reprendre sa marche vers l’auberge :

« Oui j’ai vu ma chérie, tu devrais l’écrire à ta maman ce que tu as vécu aujourd’hui, je t’aiderais si tu le veux. »

[...]


Bien plus tard dans la journée, elle paressait dans un bain à l’eau devenue presque froide.
Elouen avait mangé et s’était endormi sitôt son bain pris, aussi s’accorda t-elle un petit moment rien que pour elle.
Ce soir ils reprendraient la route et quitteraient le duché, elle espérait de tout cœur que cette aventure se passe bien et qu’ils puissent revenir le plus tôt possible.


Toute à ses réflexions, elle ne s’était pas rendu compte qu’elle caressait la pulpe de ses lèvres qui s’étiraient en cet instant, en un sourire de douce satisfaction.

_________________
Domdom
[Aux écuries]



« Tout doux ma belle…Tout doux …

Tout en bouchonnant la jument encore nerveuse , Dom lui murmurait des paroles apaisantes .
Il l’avait récupérée pas très loin de l’endroit d’où elle s’était enfuie , suite à l’irruption brutale du groupe de cavaliers et l’avait ramenée , encore toute tremblante aux écuries .


Si je les tenais ceux là…

grommelait l’encapuché , frottant encore plus vigoureusement la poignée de paille sur la robe de Stered.

Quels fous …Quels malades…
Ils auraient pu tuer ou blesser quelqu’un …
Peut être l’avaient ils fait , d’ailleurs.

Une image passa furtivement dans l’esprit du Normand : Lastree et Elouen , gisant par terre ; inertes, immobiles , et lui , penché au dessus des deux corps , vidant des océans de larmes sur le pavé de la rue …
Chassant cette vision horrible , il se concentra sur son travail , tout en flattant l’encolure de la jument.
Mais son esprit l’emmenait de nouveau vers les rivages d’un beau regard gris ardoise .
Il l’avait embrassée …comme ça , sans savoir pourquoi , presque par réflexe…l’émotion peut être…
Puis il avait fui , comme un écolier surpris par un voisin en train de lui chiper des pommes.

Comment avait elle réagi ?
Connaissant le caractère de la fière Vannetaise , il avait sa petite idée sur la question.


Elle l’aimait , pourtant , cette fois , il en était certain…
Combien de fois s’était il posé la question ces derniers mois , combien de fois était il passé d’un fol espoir à un abattement sans fin ?

Oui, il s’était jeté dans les bras d’une autre , qui avait sû l’écouter , parler à son âme avec des mots justes et simples.
Oui, il avait cru pouvoir oublier ce visage à l’ovale parfait , cette mèche noire balayant ce petit front légèrement bombé , ce petit menton volontaire , dans les bras d’une femme merveilleuse, compréhensive , donnant tout d’elle même sans jamais rien attendre.

Et pourtant…
Il avait pensé très fort à sa compagne , le jour où il avait entrevu Lastree, fendant la foule , à la fête de ma mer.
Dérisoire bouclier …
Le cœur de l’encapuché avait alors volé en éclats ;
L’ovate lui avait instillé un poison dans les veines , à la fois délicieux et douloureux , qui , petit à petit , avait envahi son corps et son âme , jusqu’à en prendre totalement possession , annihilant toute défense.

Sa tâche terminée , Dom se recula un peu , s’appuya légèrement contre le mur et balaya l’écurie plongée dans la pénombre d’un rapide coup d’œil .

Malgré la chaleur suffocante du dehors , il y régnait une certaine fraîcheur : Robin et Stered y étaient nettement mieux que sous les rayons assassins de ce soleil infernal.

Un jeune garçon , chargé de seaux d’eau passa devant lui , lui éclaboussant les chausses , au passage.
Regard dépité du mioche , s’attendant à une correction de la part de l’homme.
Au grand étonnement du gosse , le Normand l’apostropha d’un ton cordial , tout en secouant ses chausses , pour les égoutter :


Petit…Aurais tu le temps de donner à boire et une ration d’avoine à la jument que tu vois , là …

Désignant Stered du doigt , il sortit de sa ceinture une poignée d'écus , que le gamin râfla et fit disparaître d'un geste sûr et précis.


Oh…pour sûr , M’sire !

Et quand tu auras fini , je te demanderai de t’occuper du grand cheval bai , là bas ..
Il s’appelle Robin et il est très doux.
Je suis sûr que tu sauras très bien le soigner


Dom ébouriffa les cheveux du gamin : bien que plus âgé , il lui rappelait Valerien , son fils de cinq ans , qu’il avait laissé à Fougères , avec ses frères et sœurs , aux bons soins de Mary , leur gouvernante.

Ses enfants lui manquaient , mais leur place n’était pas ici .
Ils se rattraperaient plus tard , tous ensemble , dans le cadre d’un cercle familial élargi à deux membres supplémentaires : une petite brunette têtue et déterminée et un minuscule bébé au nom de lumière.

Enfin, Dom l'espérait...

Il sortit des écuries , avec dans le cœur , la certitude , quavec un tant soit peu de patience ,une nouvelle vie pleine de belles promesses commençait pour Lastree et lui , sous le soleil cru de Juillet...
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