Izarra
Forme immobile allongée sur sa couche, la duchesse éprouve une immense difficulté à sortir de son abattement. Visage pâle, blême même, au milieu d'une cascade de cheveux bruns-gris épars sur l'oreiller, visage sur lequel ressortent crûment deux tâches rouge vif que la fièvre qui la ronge depuis l'enfantement allume sur ses pommettes. Transie de froid et pourtant brûlante de fièvre, elle somnole tandis que coulent les heures. Matines, laudes, primes.... De temps à autre, un frisson la parcourt malgré l'empilement des couvertures de douce fourrure qui la recouvre. Plongée dans une étrange torpeur, elle se sent, et se sait, sans force, victime toute désignée du mal des accouchées, dont bien peu se remettent.
Elle a perdu la notion du temps. De loin en loin, elle sent qu'on lui appuie un bol contre les lèvres, se force à avaler quelques gorgées du breuvage qu'on lui présente, puis se laisse retomber en arrière, épuisée par ce modeste effort. Une part d'elle l'exhorte à se ressaisir, à lutter contre cet anéantissement qui la gagne. Mais cette part désormais n'est plus prépondérante chez elle. La volonté qui l'a si souvent soutenue lui fait aujourd'hui défaut. Lutter? A quoi bon... Lutter pour qui, pour quoi? Tout ce pour quoi elle s'est battue jusque là? Terres, enfants, honneur, fierté... Tous ces ressorts qui l'animaient, toutes ces branches auxquelles elle s'était raccrochée après la mort de Raphaël, lui paraissent si futiles, si vides de sens désormais. Le sort de ses terres est réglé depuis longtemps, tout comme celui de ses enfants. Elle y a veillé, tyran en jupe jusqu'au bout, songe-t-elle avec un reste furtif de son ancienne ironie. Plus rien ne la retient. Plus rien? Il reste pourtant l'enfant, ce nouveau-né vagissant dont elle devine plus qu'elle n'entend les pleurs de temps à autre. Fut un temps où la pensée de ce petit être l'aurait retenue, tirée du vide où elle se sent glisser. Un temps où elle aurait cru qu'il avait besoin d'elle, qu'il était de son devoir de résister, de veiller sur lui. Un temps où ses autres enfants ne lui avaient pas encore démontré, à coups de reproches et de rancoeur, qu'elle ne leur était nécessaire en rien. Une esquisse de sourire apparaît sur ses lèvres. Elle n'a même plus la force de s'encolérer en y repensant, quand le simple souvenir de leurs affrontements la mettait quelques jours avant encore, dans une rage folle. Décidément non, elle ne luttera pas, d'autant qu'elle pressent, dans la moindre fibre de son être, qu'elle ne sortirai pas vainqueur de la lutte cette fois. S'abandonner, enfin... Déposer le fardeau qui lui broie les épaules depuis tant d'années... Se laisser aller, et les rejoindre, enfin.
La forme s'agite et geint doucement. Les paupières clignent puis se soulèvent sur un regard un peu vague, déjà ailleurs. Elle tourne légèrement la tête, plisse les yeux, distingue deux formes non loin d'elle. La chevelure de bronze de sa douce capte les reflets du feu qui brûle non loin d'elle et luit doucement dans la pénombre. Plus près, les traits tirés par la fatigue mais reflétant la douceur dont elle ne s'est jamais départie en sa présence, Eloin. La navarraise rassemble ses forces pour tendre vers elle une main hésitante. Et dégantée, mais la brune démente cette fois ne s'en rend pas compte, concentrée qu'elle est sur les pourtant brèves et simples paroles qu'elle veut prononcer.
Comment... va mon fils? Et... Et les autres? Ne sont-ils... point là?
Traduction du titre: "Quand une étoile s'éteint". Et petit rappel; Izarra signifie "l'étoile" en basque
Elle a perdu la notion du temps. De loin en loin, elle sent qu'on lui appuie un bol contre les lèvres, se force à avaler quelques gorgées du breuvage qu'on lui présente, puis se laisse retomber en arrière, épuisée par ce modeste effort. Une part d'elle l'exhorte à se ressaisir, à lutter contre cet anéantissement qui la gagne. Mais cette part désormais n'est plus prépondérante chez elle. La volonté qui l'a si souvent soutenue lui fait aujourd'hui défaut. Lutter? A quoi bon... Lutter pour qui, pour quoi? Tout ce pour quoi elle s'est battue jusque là? Terres, enfants, honneur, fierté... Tous ces ressorts qui l'animaient, toutes ces branches auxquelles elle s'était raccrochée après la mort de Raphaël, lui paraissent si futiles, si vides de sens désormais. Le sort de ses terres est réglé depuis longtemps, tout comme celui de ses enfants. Elle y a veillé, tyran en jupe jusqu'au bout, songe-t-elle avec un reste furtif de son ancienne ironie. Plus rien ne la retient. Plus rien? Il reste pourtant l'enfant, ce nouveau-né vagissant dont elle devine plus qu'elle n'entend les pleurs de temps à autre. Fut un temps où la pensée de ce petit être l'aurait retenue, tirée du vide où elle se sent glisser. Un temps où elle aurait cru qu'il avait besoin d'elle, qu'il était de son devoir de résister, de veiller sur lui. Un temps où ses autres enfants ne lui avaient pas encore démontré, à coups de reproches et de rancoeur, qu'elle ne leur était nécessaire en rien. Une esquisse de sourire apparaît sur ses lèvres. Elle n'a même plus la force de s'encolérer en y repensant, quand le simple souvenir de leurs affrontements la mettait quelques jours avant encore, dans une rage folle. Décidément non, elle ne luttera pas, d'autant qu'elle pressent, dans la moindre fibre de son être, qu'elle ne sortirai pas vainqueur de la lutte cette fois. S'abandonner, enfin... Déposer le fardeau qui lui broie les épaules depuis tant d'années... Se laisser aller, et les rejoindre, enfin.
La forme s'agite et geint doucement. Les paupières clignent puis se soulèvent sur un regard un peu vague, déjà ailleurs. Elle tourne légèrement la tête, plisse les yeux, distingue deux formes non loin d'elle. La chevelure de bronze de sa douce capte les reflets du feu qui brûle non loin d'elle et luit doucement dans la pénombre. Plus près, les traits tirés par la fatigue mais reflétant la douceur dont elle ne s'est jamais départie en sa présence, Eloin. La navarraise rassemble ses forces pour tendre vers elle une main hésitante. Et dégantée, mais la brune démente cette fois ne s'en rend pas compte, concentrée qu'elle est sur les pourtant brèves et simples paroles qu'elle veut prononcer.
Comment... va mon fils? Et... Et les autres? Ne sont-ils... point là?
Traduction du titre: "Quand une étoile s'éteint". Et petit rappel; Izarra signifie "l'étoile" en basque