[Tente de la Gondole]
Les joutes. Ces festivités sportives, ce jeu martial et noble qui satisfait les sens de lêtre qui a le bonheur de lobserver.
Louïe dabord : les cavalcades effrénées, lessoufflement des chevaux, le choc du métal dune lance contre un écu, le hurlement dun jouteur parfois blessé, le cri de victoire aussi, et les cors qui annoncent le début de chaque tour. Les couleurs des tentes des oriflammes, les armures brillantes et astiquées comblent la vue au-delà de toute espérance. Lodorat nest pas épargné, les jouteurs, hommes et chevaux ne pouvant que transpirer dappréhension, de nervosité ou de joie. Observer le respect des règles, le respect des adversaires, les mouvements gracieux et violent à la fois, le frisson de savoir qui sera vainqueur
Pour la première fois de sa vie, Beths pouvait être actrice de ce vaste mouvement. Elle se faisait une telle joie de pouvoir jouter, ces joutes quelle avait toujours admirées étant gueuse, ces joutes où elle avait prit par en tant quécuyère pour au départ faire plaisir à son ami, et ensuite parce quelle aimait sy rendre pour lambiance, pour le spectacle, pour tout.
Et là, telle une enfant pris en faute, elle se redressa en sursaut !
Elle sétait endormie !!!
A même le sol, froid et dur. Un petit frisson la prit. Elle était gelée. Elle chercha une couverture du regard, quelle trouva, alla chercher, et senveloppa et sassit.
Elle repensa à son rêve, au bonheur dêtre là
Et il fallait pour ses premières joutes quelle tombe en premier adversaire sur une Dame enceinte !!! Oh, certes, même contre une adversaire enceinte, lissue ne faisait pas de doute, Beths perdrait. Vu sa méconnaissance de ce sport. Mais, elle aurait voulu perdre avec honneur. Pouvoir donner la pleine mesure de sa fougue et de sa volonté, de sa joie !
Et là, elle ne pourrait pas !!! Non elle ne pourrait pas lever sa lance contre Sibella enceinte. Si
si jamais
si jamais elle leffleurait, ou si jamais cette dernière tombait, ou nimporte
et
et quelle perdait son enfant par cette faute, Beths ne pourrait loublier.
Beths sentit la frustration la gagner.
Elle ferma un instant les yeux, mais son mal être ne fit quempirer. Des brides du passés
sa petite sur Aénor et elle courant et hurlant dans les champs de leur père, au milieu des vaches
la mère inquiète qui arrive gesticulant
la chute
les hurlements
le médicastre
le diagnostic
la perte de lenfant
les regards accusateurs. Un hoquet de surprise lui échappe alors quelle ouvre les yeux tout en tentant déchapper à ce passé, son passé.
Quelles aillent toutes au diable ces femmes enceintes de malheur !!! Et leurs stupides époux qui les laissaient pratiquer des activités qui ne devaient pas être !!!!
Pourquoi sen soucierait-elle alors queux ne sen souciaient pas ???
Des larmes de rage et dimpuissance lui montèrent aux yeux. Elle se mordit violement les lèvres pour ne pas pleurer. Un goût de sang lui parvint sur la langue.
Dans un gémissement de colère, elle se releva, la couverture tombant à ses pieds, et elle commença à faire les cent pas dans le petit espace que lui réservait la tente.
Ses yeux tombèrent sur le matériel que Kory lui avait fait porter. Instinctivement, sans même réfléchir et parce que son courroux était grand, son pied parti en direction de lécu.
Le résultat fut pitoyable. Lécu perdit léquilibre sommaire quil avait pour tomber sur le sol entrainant dans sa chute une partie de larmure, le tout en provoquant en un grand fracas qui avait du tonner dans le campement.
Tristement, elle ne put que constater que décidemment elle ne saurait jamais être discrète.
Et là le doute et le déni sinstalle dans son esprit. Bonne à rien, incapable, maladroite, idiote
les qualificatifs pleuvent. Ils se déchainent et cognent. Les blessures sont douloureuses.
Chaque mot fait abaisser doucement ses épaules. Elle doit réagir sous peine de se retrouver en boule par terre pour se protéger contre ses propres démons.
Sa main passe devant ses yeux et sarrête, ses yeux pressent larrête du nez, les sourcils. Récitez le Codex
Livre I : des institutions, Préambule, Article 1. De lunicité du territoire, Le territoire du Bourbonnais Auvergne est un et indivisible. Les municipalités dAurillac, Bourbon, Clermont,
Quelques minutes passent et une certaine lucidité perce à travers lincohésion qui habitait son esprit. Elle devait se calmer. Oui, elle devait retrouver son calme et sa sérénité.
Et elle devait prendre une décision.
Quétait donc plus important ? La vie dun enfant à naître ou des joutes ? Elle su quelle était la réponse raisonnable. Des joutes, il y en aurait dautres. Des enfants aussi peut être, du moins elle lespérait pour Sibella, mais après tout, elle ferait bien ce quelle voudrait.
Et puis, elle était présente au moins, elle pourrait encourager ses amis, son suzerain. Elle pourrait lui proposer dêtre son écuyère. Après tout, pourquoi pas ? Et puis, elle tiendrait compagnie à Kory dans les tribunes.
Oui, cétait la meilleure décision quelle pu prendre. Et puis, elle observerait qui du BA était le meilleur jouteur, et celui là, à lissue de joute, elle ira le voir pour lui demander de lentraîner.
Voila. Oui, cétait une bonne idée ça.
Une certaine mélancolie lhabitait, mais enfin calmée et était sure davoir décidé la meilleure chose qui devait lêtre.
Elle devait prévenir larbitre de sa décision. Peut être devait-elle en parler à Sibella avant ?
Non, elle tenterait de la dissuader.
Beths prit conscience brusquement quelle avait dormie et que le temps était passé. Diantre, quel moment de la journée pouvait-il être ? Quimportait. Elle devait faire savoir sa décision à qui de droit
Elle avait aussi des orties à trouver, et elle se prendrait un malin plaisir à flageller le suzerain de son suzerain. Après tout il le méritait.
Elle sortit de sa tente.
[Campement, devant la tente Gondole]
Une fois dehors, une légère hésitation
où aller ? Sur la lice ? Trouver le Seigneur Llyr qui invitait ? Larbitre ?
Les questions se bousculaient et elle resta plantée là