--Yokozuna
Ce qu'il y a d'amusant avec les gosses de riches qui veulent s'encanailler, c'est que jamais ils ne pensent que quelqu'un a eu la même idée avant eux et que le marché est déja tenu par une main de fer.
Le manège de l'Hotaru est loin d'être passé inaperçu. Un sourire complaisant à la première transaction. Il y a toujours sur le marché des spéculateurs apprentis qui y font leurs premières armes. Tant que ça reste de l'artisanat, ça ne gêne pas les maitres des lieux. Quand ça devient plus sérieux, ou les apprentis escrocs paient une taxe ou ils font vite connaissance avec un autre genre d'apprentissage. Impressionnant de voir ce que les gens nagent mal, les membres attachés.
Sauf que là, le gamin mal dégrossi a l'air de vouloir passer de suite à la méthode industrielle et ça, il n'y pas, ça ne plait pas, mais alors, pas du tout.
Une chose retient Yokozuna. Il sait que Bara connait ce gosse qui ne sait pas rester à sa place. Et il n'a pas du tout, mais alors pas du tout envie de déplaire à la Rose. En peu de temps, elle s'est imposée en maitresse des bas fonds de la ville, n'hésitant pas à appuyer son autorité par quelques exemples hautement instructifs de ce qui pourrait se passer si elle se mettait un jour en colère.
Grand, taillé comme un colosse, les traits aplatis d'un boxeur, il a déja administré un certain nombre de rossées, il s'en est pris quelques unes, peu nombreuses. A plus de trente ans, il est toujours vivant et responsable du marché, preuve si il en est de sa valeur dans ce secteur d'activités qui ne fait pas de quartier aux faibles. Et pourtant, il se sent comme un gamin devant les yeux froids de la nouvelle patronne de la pègre de Usuki. Il sait qu'il pourrait l'aplatir comme une crêpe d'un coup des battoirs qui lui servent de main, mais il sait aussi que ce coup aurait intérêt à être définitif si il ne veut pas finir les tripes à l'air. Et puis, il n'y a pas que la peur. C'est un sacré brin de femme, la Bara. Mais ça n'explique pas tout. Sous sa houlette, les bénéfices ont doublé: ça explique déja mieux son ascendant sur la faune de la basse ville.
Il atermoie un moment encore pendant que les rapports sur le petit chaperon rouge et ses comparses ne cessent d'affluer. Avec un soupir, il se décide à écrire avec application un mot expliquant la situation. Un gamin des rues est chargé de le conduire discrètement à destination. Vif comme un moineau, l'enfant n'attire pas l'attention. Et si jamais quelqu'un avait des doutes, il est muet de toutes façons, le coursier idéal en somme.
La réponse arrive rapidement, il faut croire que la Rose n'était pas trop loin pour une fois.
Citation:
Pas de traitement de faveur!
Un sourire mauvais étire les lèvres de Yokozuna pendant qu'il fait craquer ses jointures. D'un signe de tête, il appelle trois voyous à l'allure de docker.
Quelques mots rapides et les trois hommes se mettent en route.
Entre un étal de fruits et un autre de tissus, ils encerclent leur proie.