Ninoua
[Appartements de Ka Devirieux - Savines]
Les rideaux étaient tirés pour préserver un peu de fraicheur dans la chambre du Vicomte de Savines alors qu'à l'extérieur, le soleil d'été de la mi-journée rayonnait allègrement sans un nuage pour l'en empêcher.
Dans la pénombre, une silhouette était penchée sur le grand lit. La Dame de Prunières tenait la main de son suzerain entre les siennes, assise sur le bord de la couche, ses yeux bleus et inquiets ne quittant pas le visage aminci et sans couleur du montagnard alité.
Aujourd'hui encore, l'angoisse lui serra le coeur à voir la maladie frapper si durement cet homme à la santé pourtant d'ordinaire sans faille. Il n'était pas seulement son suzerain, il était son ami, son mentor, son meilleur soutien ici dans les montagnes, et ce depuis qu'elle y habitait. Sans lui, elle était comme orpheline. D'autant plus que ce dernier mois, elle subissait des mots et des silences toujours plus virulents.
Souvent elle était venue trouver refuge auprès de Ka, lui contant ses journées en mettant l'accent sur ce qui les égayait ; son fils.
Ninoua avait tout essayé. Elle avait même demandé conseil à la Géraude. Mais rien n'y faisait, le Vicomte s'affaiblissait de jour en jour. Il lui faillait un médicastre. D'urgence !
Délaissant doucement la main blafarde de Ka, la jeune femme passa dans le cabinet de travail de son suzerain pour rédiger une lettre, un appel au secours
A Adrienne de Hoegaarden, Vicomtesse de Menin, Dame de Gavre et de Vinderhoute,
A l'amie,
Adrienne
Je sais combien tes fonctions te réclament du temps. Pourtant, si je t'écris aujourd'hui, c'est pour te demander ton aide et ton soutien.
Ka est souffrant ; cela fait un mois que je vois sa santé se dégrader chaque jour un peu plus. Il est alité depuis bientôt trois semaines, pris de vomissements parfois sanguinolants. J'ai essayé de nombreux simples mais aucun ne semble le soulager. Je lui donne du sirop de pavot pour lui permettre d'échapper quelque peu à la douleur. L'herboriste de Briançon m'a recommandé le jus de chou, m'assurant que c'était souverain contre les maux de l'estomac. Mardi dernier, j'ai cru à une rémission. Il me disait aller mieux et est parvenu à faire quelques pas dans la chambre avec mon soutien. Hélas depuis, les fièvres l'ont repris et il semble s'affaiblir de jour en jour.
J'ose espérer que le Vicomte saura mettre de côté son ressentiment à l'égard de son neveu et que vous pourrez tous deux vous rendre au chevet de Ka, à Savines, pour mettre à profit votre savoir médical.
Je suis désemparée Adrienne, je suis réduite à lui apporter le plus de confort possible et à prier le Très-Haut qu'il ne l'abandonne pas.
Faites vite, je vous en prie
Le Très-Haut nous vienne en aide
Ninoua
Dame de Prunières
Faict au castel de Savines, le douzième jour du mois de juillet de l'an de grasce MCDLVIII
Le sceau de Savines s'imprima dans la cire molle, puis la chatelaine appella un page, lui confiant le pli avec l'ordre de le porter au plus vite en la Rugissante.
De retour au chevet de son barbu préféré, Ninoua lui passa un linge humide sur le visage pour le rafraichir un peu avant de reprendre sa veille.
Combien de temps mettra le courrier pour arriver entre les mains du destinataire ? Combien de jours à attendre, à prier ...
_________________
Les rideaux étaient tirés pour préserver un peu de fraicheur dans la chambre du Vicomte de Savines alors qu'à l'extérieur, le soleil d'été de la mi-journée rayonnait allègrement sans un nuage pour l'en empêcher.
Dans la pénombre, une silhouette était penchée sur le grand lit. La Dame de Prunières tenait la main de son suzerain entre les siennes, assise sur le bord de la couche, ses yeux bleus et inquiets ne quittant pas le visage aminci et sans couleur du montagnard alité.
Aujourd'hui encore, l'angoisse lui serra le coeur à voir la maladie frapper si durement cet homme à la santé pourtant d'ordinaire sans faille. Il n'était pas seulement son suzerain, il était son ami, son mentor, son meilleur soutien ici dans les montagnes, et ce depuis qu'elle y habitait. Sans lui, elle était comme orpheline. D'autant plus que ce dernier mois, elle subissait des mots et des silences toujours plus virulents.
Souvent elle était venue trouver refuge auprès de Ka, lui contant ses journées en mettant l'accent sur ce qui les égayait ; son fils.
Ninoua avait tout essayé. Elle avait même demandé conseil à la Géraude. Mais rien n'y faisait, le Vicomte s'affaiblissait de jour en jour. Il lui faillait un médicastre. D'urgence !
Délaissant doucement la main blafarde de Ka, la jeune femme passa dans le cabinet de travail de son suzerain pour rédiger une lettre, un appel au secours
A Adrienne de Hoegaarden, Vicomtesse de Menin, Dame de Gavre et de Vinderhoute,
A l'amie,
Adrienne
Je sais combien tes fonctions te réclament du temps. Pourtant, si je t'écris aujourd'hui, c'est pour te demander ton aide et ton soutien.
Ka est souffrant ; cela fait un mois que je vois sa santé se dégrader chaque jour un peu plus. Il est alité depuis bientôt trois semaines, pris de vomissements parfois sanguinolants. J'ai essayé de nombreux simples mais aucun ne semble le soulager. Je lui donne du sirop de pavot pour lui permettre d'échapper quelque peu à la douleur. L'herboriste de Briançon m'a recommandé le jus de chou, m'assurant que c'était souverain contre les maux de l'estomac. Mardi dernier, j'ai cru à une rémission. Il me disait aller mieux et est parvenu à faire quelques pas dans la chambre avec mon soutien. Hélas depuis, les fièvres l'ont repris et il semble s'affaiblir de jour en jour.
J'ose espérer que le Vicomte saura mettre de côté son ressentiment à l'égard de son neveu et que vous pourrez tous deux vous rendre au chevet de Ka, à Savines, pour mettre à profit votre savoir médical.
Je suis désemparée Adrienne, je suis réduite à lui apporter le plus de confort possible et à prier le Très-Haut qu'il ne l'abandonne pas.
Faites vite, je vous en prie
Le Très-Haut nous vienne en aide
Ninoua
Dame de Prunières
Faict au castel de Savines, le douzième jour du mois de juillet de l'an de grasce MCDLVIII
Le sceau de Savines s'imprima dans la cire molle, puis la chatelaine appella un page, lui confiant le pli avec l'ordre de le porter au plus vite en la Rugissante.
De retour au chevet de son barbu préféré, Ninoua lui passa un linge humide sur le visage pour le rafraichir un peu avant de reprendre sa veille.
Combien de temps mettra le courrier pour arriver entre les mains du destinataire ? Combien de jours à attendre, à prier ...
_________________