*octobre 2007*
Arthur Voslow avait passé une grande partie de sa vie, en tant qu'archéologue, à étudier la fascinante civilisation tlaxcaltèque et les peuples d'Amérique centrale. Leur culture, leur panthéon, leur mythologie. Tout, depuis sa plus tendre enfance, le fascinait. Ce pays aux jungles d'émeraude avait attiré son esprit depuis plus de trente ans maintenant. Et cette patience allait bientôt être récompensée...
Le scientifique souffla sur une stèle poussiéreuse qui dépassait des fondations d'une immense pyramide -celle de l'ancienne Amecameca si ses calculs étaient exacts. La couche grisâtre s'envola pour laisser place à d'antiques inscriptions. Arthur Voslow lut les mots gravés dans la pierre :
Ci-gît Lauratacc, femme de Batonnoir, élue et gardienne de Tlaxcalla.
Il sourit. C'était une première historique. Si le nom de "Batonnoir" avait déjà été référencé depuis longtemps par ses pairs comme créateur du
Tonalamatl Mittyque, jamais encore il n'avait été fait état de sa femme Lauratacc. Et d'après les éléments en sa possession, la tombe de celle-ci ne devait pas être loin.
L'archéologue descendit plusieurs marche pour tomber sur un petit autel complètement décrépit par le temps. Bien en évidence, une statue de Mictecacihuatl trônait derrière, enserrant de ses bras le petit lieu de culte.
Arthur Voslow s'approcha, intrigué du choix de la divinité sensée protéger l'âme de la défunte. En essuyant une perle de sueur au-dessus de sa lèvre, il mit ses lunettes sur son nez. Une longue inscription figurait sur le sol. Le savant entreprit de la déchiffrer.
Du temps des grand malheurs,
Se dressa le puissant Batonnoir,
Sa sagesse n'avait d'égale que celle de Quetzalcoatl,
Et même Tezcatlipoca se serait incliné devant sa prestance.
Il dominait l'ouest comme l'est,
Son nom était chanté des barbares comme des civilisés.
Qui eut cru que ce fut l'amour qui le perdrait ?
Car aussi sage qu'il fut, Batonnoir était inflexible.
Il ne sut écouter les belles paroles de son cur.
De son ombre naquit Lauratacc la belle,
Sa femme aimante et à jamais fidèle,
Et elle devait rester obscurité jusqu'à sa mort.
La bonté et la compassion guidaient ses choix,
Comment donc le meurtre aurait-il pu envenimer ses ultimes jours ?
Seule juge de la destinée eut-elle décidé de se proclamer,
Qui donc aurait pu lui reprocher cet acte ô combien valeureux ?
Sa lame prit deux vies,
Celle de son noble époux,
Puis finalement la sienne,
Sa main guidée par les ténèbres,
Et le secours d'un ami.
En tout temps se dresse son renom :
Celui de la femme qui de son dernier soupir,
Put enfin respirer le doux arôme du mot "aimer".
Il y eut un silence. L'archéologue resta étrangement muet devant l'autel. Il considéra un long moment la statue, tiraillé par deux désirs opposés.
Puis, lentement, il se releva, sa décision prise. Faisant parler l'homme plutôt que le scientifique, il referma d'une lourde pierre la tombe après en être ressorti. Enfin, il se saisit d'une poignée de poussière et recouvrit l'inscription funéraire.
Certaines décisions possédaient une puissance, un écho, que même l'histoire ne pouvait appréhender. L'important n'était pas que l'humanité entière
sache, répande et corrige la "vérité". Le plus important, c'était ce que cette femme avait fait et surtout, qu'elle repose en paix.
A la fois déboussolé par son attitude et envahit d'une étrange sérénité, Arthur Voslow abandonna ses recherches dans le secteur...
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Tlaxcaltèques, que vous soyez esclave ou pochtecatl, il est
impératif que vous alliez
travailler à la mine. Plus vous y travaillerez, plus les salaires augmenteront et plus les denrées seront peu chères.