--Bourru
Bourru se réveilla dhumeur joyeuse ce matin là, ce qui chez lui se manifesta par un rictus abominable de ses lèvres minces comme un couperet et de ses mauvaises dents jaunâtres et disparates. Si on rajoute la plissure de ses petits yeux vicieux et la grosseur dans ses braies, on commencera à peine à toucher létat du bonhomme à linstant où il sortit de sa cahute nauséabonde en se grattant avec insistance le fondement. Car Bourru mangeait très épicé, à vrai dire, pour lui lépice était le met principal, le reste nétant que laccompagnement. Il était de ces drogués qui chaque jour augmentaient la dose, toujours insatisfaits, toujours frustrés de ne pouvoir atteindre ce degré de nirvana tant espéré, cette plénitude utopique qui effacerait dun revers de manche une existence gâchée. A sa décharge, Bourru navait pas été gâté. Il était dune laideur, mais dune laideur, qui navait dégal que son odeur. Même sa mère avait refusé de lui donner le sein, ne sachant trop si cétait ses yeux ou son nez qui le repoussaient en premier. Il serait vain de le décrire tout à fait, la langue na pas prévu le vocabulaire adéquat pour réaliser cette tâche ardue, sachez simplement quil inspirait le dégoût le plus vivace qui soit et quil suffisait quil apparaisse quelque part pour créer un grand vide abyssal autour de lui.
Les autorités du Rouergue avaient fini par se pencher sur son cas, à distance respectable quand même, noublions pas que les dentelés sont gens délicats. Un tel individu, forcément, ce devait bien être utile à quelque chose. On avait pensé tout dabord à lutiliser pour vider les tavernes le soir, à lheure du couvre-feu. Il sétait révélé dune efficacité redoutable, il fallait voir détaler les soulards, renversant tables et chaises et décuitant instantanément quand il pointait le bout de son mufle grumeleux. Efficace, oui, seulement son odeur pestilentielle simprégnait dans les murs, les boiseries, les sols, les tapisseries, et les tavernes restaient désertes du matin au soir, ce qui valut assez vite une belle révolte des tenanciers et de leurs clients. Alors, on pensa à lui comme éclaireur des armées, toujours loin devant évidemment, idée lumineuse, le Rouergue commença à gagner toutes les guerres, et sans combattre sil vous plaît. On se frotta les mains au château. On simagina conquérir sans peine tout le royaume. Sauf que rapidement, les ambassadeurs se succédèrent devant le conseil, criant au scandale, et les règles de lart, et celles de la noblesse, et les accords de Genève, cest pas du jeu,vraiment, on boude, sans parler de linquisition qui voulut sans mêler, accusant le comté des pires tendances, sorcellerie et diablerie que tout cela, si bien quil fallut renoncer.
Or donc, on le vit un matin, alors quon prenait soin de contourner sa propriété de plusieurs hectomètres, aller au clapier et saisir un lapin. On sapprocha, pris dune curiosité malsaine, un mouchoir brodé et imprégné de lavande sous le nez, et on regarda la scène avec des yeux horrifiés. Là encore, le vocabulaire me manque pour bien saisir le tableau, je vous promets détudier la question darrache-pied pour les prochains épisodes. Sachez cependant que le on en question dégobilla les neuf mètres de ses intestins et renonça à vivre avec un tel poids sur la conscience. Il eut quand même le temps sur son lit de mourant den informer quelque ami haut placé, ne trouvant pas plus que moi les mots pour expliquer la chose mais réussissant assez à interpeller son compère pour quil décidât daller au Castel en courant comme ce pauvre léporidé avant son supplice afin dalerter la comtesse.
Ainsi, on comprit ce pour quoi il était fait. Bourru serait bourreau. Le bourreau du Comté. Ne manquait plus quà lui trouver matière à exprimer son talent. Heureusement pour lui, il y avait juge actuel en tribunal du Rouergue qui faisait parfaitement son pendant, enfin, façon de parler, disons quil se démena pour lui trouver clientèle. Bourru put donc assez vite se mettre à la tâche. Mais les premiers suppliciés, aussi nombreux que les sept doigts de ses mains, se révélèrent décevants, se prêtant au jeu de mauvaise grâce et surtout refusant de passer larme à gauche, ce qui pour un bourreau était, vous en conviendrez, le comble de lhumiliation.
Et voilà quon lui proposait de soccuper de Garance, lHydresse, celle qui avait bouté dans les douves la fière Harpège qui créait tant démoi dans ses pantalons. Un morceau de choix. Une promesse de réussir enfin son coup, de finir le travail, sans omettre avant de sen donner à cur joie, de la faire passer par toutes les atrocités, de laisser libre court à son imagination tortueuse et criminelle. On lui proposait la roue ? Ce sera donc la roue.
Pas regardant, Bourru.
Pour lheure, il sagissait daller cueillir chez elle son assistante, la seule personne sur cette terre qui pouvait le sentir sans toutefois pouvoir le blairer, puis daller en place public de Rodez installer son matériel.
Les autorités du Rouergue avaient fini par se pencher sur son cas, à distance respectable quand même, noublions pas que les dentelés sont gens délicats. Un tel individu, forcément, ce devait bien être utile à quelque chose. On avait pensé tout dabord à lutiliser pour vider les tavernes le soir, à lheure du couvre-feu. Il sétait révélé dune efficacité redoutable, il fallait voir détaler les soulards, renversant tables et chaises et décuitant instantanément quand il pointait le bout de son mufle grumeleux. Efficace, oui, seulement son odeur pestilentielle simprégnait dans les murs, les boiseries, les sols, les tapisseries, et les tavernes restaient désertes du matin au soir, ce qui valut assez vite une belle révolte des tenanciers et de leurs clients. Alors, on pensa à lui comme éclaireur des armées, toujours loin devant évidemment, idée lumineuse, le Rouergue commença à gagner toutes les guerres, et sans combattre sil vous plaît. On se frotta les mains au château. On simagina conquérir sans peine tout le royaume. Sauf que rapidement, les ambassadeurs se succédèrent devant le conseil, criant au scandale, et les règles de lart, et celles de la noblesse, et les accords de Genève, cest pas du jeu,vraiment, on boude, sans parler de linquisition qui voulut sans mêler, accusant le comté des pires tendances, sorcellerie et diablerie que tout cela, si bien quil fallut renoncer.
Or donc, on le vit un matin, alors quon prenait soin de contourner sa propriété de plusieurs hectomètres, aller au clapier et saisir un lapin. On sapprocha, pris dune curiosité malsaine, un mouchoir brodé et imprégné de lavande sous le nez, et on regarda la scène avec des yeux horrifiés. Là encore, le vocabulaire me manque pour bien saisir le tableau, je vous promets détudier la question darrache-pied pour les prochains épisodes. Sachez cependant que le on en question dégobilla les neuf mètres de ses intestins et renonça à vivre avec un tel poids sur la conscience. Il eut quand même le temps sur son lit de mourant den informer quelque ami haut placé, ne trouvant pas plus que moi les mots pour expliquer la chose mais réussissant assez à interpeller son compère pour quil décidât daller au Castel en courant comme ce pauvre léporidé avant son supplice afin dalerter la comtesse.
Ainsi, on comprit ce pour quoi il était fait. Bourru serait bourreau. Le bourreau du Comté. Ne manquait plus quà lui trouver matière à exprimer son talent. Heureusement pour lui, il y avait juge actuel en tribunal du Rouergue qui faisait parfaitement son pendant, enfin, façon de parler, disons quil se démena pour lui trouver clientèle. Bourru put donc assez vite se mettre à la tâche. Mais les premiers suppliciés, aussi nombreux que les sept doigts de ses mains, se révélèrent décevants, se prêtant au jeu de mauvaise grâce et surtout refusant de passer larme à gauche, ce qui pour un bourreau était, vous en conviendrez, le comble de lhumiliation.
Et voilà quon lui proposait de soccuper de Garance, lHydresse, celle qui avait bouté dans les douves la fière Harpège qui créait tant démoi dans ses pantalons. Un morceau de choix. Une promesse de réussir enfin son coup, de finir le travail, sans omettre avant de sen donner à cur joie, de la faire passer par toutes les atrocités, de laisser libre court à son imagination tortueuse et criminelle. On lui proposait la roue ? Ce sera donc la roue.
Pas regardant, Bourru.
Pour lheure, il sagissait daller cueillir chez elle son assistante, la seule personne sur cette terre qui pouvait le sentir sans toutefois pouvoir le blairer, puis daller en place public de Rodez installer son matériel.