Karolinger
Curé atypique portant maille et arme pour mieux lutter contre ceux de ses fidèles qui l'ennuyaient le plus, le père Otto n'en avait pas moins appris, compris et intégré tous les préceptes de Vertu et d'Amour du message aristotélicien. Son ardent désir de rétablir la parole des saints prophètes dans le diocèse délaissé d'Anjou, malgré les obstacles et déboires qu'il avait rencontré, avait porté ses fruits bien au delà de ses espérances : l'Église de Rome avait décidé de venir répandre à nouveau son message. A coups d'épées, de masses, de torches et de lances. L'Amour à la Romaine a ceci de particulier que nul ne peut l'ignorer, et Otto pas moins que les autres. Ayant quitté sa tunique de bedeau pour, à nouveau, l'imposant équipement de combat, en prévision des combats probables qui allaient ensanglanter l'Anjou pour l'Amour de Dieu Tout-Puissant, le curé veillait sur les remparts, voyant s'installer sous les murs de la cité les armées de la croisade lancée par l'Église de Rome, qu'avaient ralliés tous les pillards et les cocus du monde aristotélicien dans l'espoir de se venger du duché d'Anjou.
Pour la dixième fois de la journée, il déplia un parchemin qu'il avait rédigé dans la nuit, et le relut. Sa décision était prise, oui, assurément, mais quelque chose le gênait encore. Sa conscience ? Probablement : il est toujours difficile de s'éloigner de ce qu'on estime juste et honorable, même lorsque ça peut permettre de sauver des gens. Ne vaut-il mieux pas se battre pour la justice et l'honneur ? Probablement, lorsqu'on est soldat, mercenaire, ou autre... mais lorsqu'on est prêtre ?
- A dieu va !
Il replia le parchemin et descendit des remparts, d'un pas mal assuré, retournant dans sa niche-presbytère pour y ratifier sa missive en bonne et due forme, puis se rendit au pigeonnier du castel afin d'y confier la lettre à un des volatiles ducaux.
Celui-ci remplit prestement sa mission, portant la lettre au chef de la croisade romaine, le commandeur Hans.
Je, Otto von Karolinger, prélat du diocèse aristotélicien d'Anjou,
Par la Grâce du Très Haut et sous le regard d'Aristote.
Au Commandeur des armées romaines.
Le vieux et fervent diocèse d'Angers souffre des maux de la guerre due à la haine et la rancur. Nous, prêtres et prélats du diocèse d'Angers, avons suivi l'exemple de Sainte Dominique qui, déjà, le siècle dernier, rendit accès aux populations du diocèse aux sacrements et à aux messages du Très-Haut. Je suis fier de cette uvre et estime avoir suivi l'exemple des Justes et des Vertueux qui sacrifient leur existence pour l'Amour de leurs prochains. Je regrette que la Sainte Église de Rome ait préféré s'abaisser au conflit diplomatique puis militaire avec le duché d'Anjou, protecteur du diocèse d'Angers, plutôt que d'entrevoir le dialogue religieux et théologique avec ce dernier.
Commandeur, je, Otto von Karolinger, prêtre de la paroisse d'Angers sise en le diocèse d'Angers, désire faire don de ma personne pour sauver du courroux romain les populations de mon diocèse. Je vous implore de ne pas faire couler plus longtemps le sang des innocents. Si vous acceptiez de laisser la paroisse d'Angers célébrer ses ultimes cérémonies - ainsi qu'il fut accordé aux hérétiques païens bogomils et cathares en leur temps - jusque dimanche matin, sans attaquer ni faire combat d'aucune sorte contre les fidèles aristotéliciens du diocèse et les défenseurs du duché, je me livrerais à vos troupes dès dimanche après la messe, afin d'être mené et jugé ou bon semblera à la Sainte Église de Rome afin d'abjurer et de faire pénitence et de mettre fin au conflit qui divise le monde aristotélicien.
Rédigé & publié à Angers, durant le mois d'Auguste de lan de grâce MCDLVIII de Notre Seigneur,
Par moi, Otto von Karolinger, prélat du diocèse d'Angers et curé d'Angers.
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Pour la dixième fois de la journée, il déplia un parchemin qu'il avait rédigé dans la nuit, et le relut. Sa décision était prise, oui, assurément, mais quelque chose le gênait encore. Sa conscience ? Probablement : il est toujours difficile de s'éloigner de ce qu'on estime juste et honorable, même lorsque ça peut permettre de sauver des gens. Ne vaut-il mieux pas se battre pour la justice et l'honneur ? Probablement, lorsqu'on est soldat, mercenaire, ou autre... mais lorsqu'on est prêtre ?
- A dieu va !
Il replia le parchemin et descendit des remparts, d'un pas mal assuré, retournant dans sa niche-presbytère pour y ratifier sa missive en bonne et due forme, puis se rendit au pigeonnier du castel afin d'y confier la lettre à un des volatiles ducaux.
Celui-ci remplit prestement sa mission, portant la lettre au chef de la croisade romaine, le commandeur Hans.
Je, Otto von Karolinger, prélat du diocèse aristotélicien d'Anjou,
Par la Grâce du Très Haut et sous le regard d'Aristote.
Au Commandeur des armées romaines.
Le vieux et fervent diocèse d'Angers souffre des maux de la guerre due à la haine et la rancur. Nous, prêtres et prélats du diocèse d'Angers, avons suivi l'exemple de Sainte Dominique qui, déjà, le siècle dernier, rendit accès aux populations du diocèse aux sacrements et à aux messages du Très-Haut. Je suis fier de cette uvre et estime avoir suivi l'exemple des Justes et des Vertueux qui sacrifient leur existence pour l'Amour de leurs prochains. Je regrette que la Sainte Église de Rome ait préféré s'abaisser au conflit diplomatique puis militaire avec le duché d'Anjou, protecteur du diocèse d'Angers, plutôt que d'entrevoir le dialogue religieux et théologique avec ce dernier.
Commandeur, je, Otto von Karolinger, prêtre de la paroisse d'Angers sise en le diocèse d'Angers, désire faire don de ma personne pour sauver du courroux romain les populations de mon diocèse. Je vous implore de ne pas faire couler plus longtemps le sang des innocents. Si vous acceptiez de laisser la paroisse d'Angers célébrer ses ultimes cérémonies - ainsi qu'il fut accordé aux hérétiques païens bogomils et cathares en leur temps - jusque dimanche matin, sans attaquer ni faire combat d'aucune sorte contre les fidèles aristotéliciens du diocèse et les défenseurs du duché, je me livrerais à vos troupes dès dimanche après la messe, afin d'être mené et jugé ou bon semblera à la Sainte Église de Rome afin d'abjurer et de faire pénitence et de mettre fin au conflit qui divise le monde aristotélicien.
Rédigé & publié à Angers, durant le mois d'Auguste de lan de grâce MCDLVIII de Notre Seigneur,
Par moi, Otto von Karolinger, prélat du diocèse d'Angers et curé d'Angers.
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