Lorca
Aujourd'hui, comme les autres jours d'ailleurs, Lorca était affecté à la surveillance de la porte de Blaye, celle qui donnait sur le port, le hasard faisait bien les choses quand même. Assis sur le chemin de ronde, adossé à un créneau, il taillait nonchalamment une rame pour sa prochaine barque quand il entendit le sifflement caractéristique d'une flêche. Peinard derrière son mur, il pensait ne pas broncher, sauf que la flêche alla se loger juste au dessus de tête, perçant quasiment le rondin qui constituait la palissade extérieure. Il en bondit de peur et, évidemment, s'écorcha la tête sur le fut de la flêche. C'est donc en pestant qu'il se releva pour voir qui était l'archer indélicat.
Il vit sur la colline de l'autre côté de la garonne un homme lui faire de grands signes amicaux en brandissant à bout de bras un arc. Le pêcheur se fit la réflexion qu'il était difficile d'être l'ami d'un tel homme quand celui ci vous manifestait sa présence par une flêche juste au dessus du crâne. Mais il en avait vu d'autre et se contenta de soupirer. C'est en baissant les yeux vers la flèche qu'il aperçut le parchemin qui y était attaché. Maugréant dans sa barbe, il le détacha et commença à le lire.
Ah ben ça alors, ça fait plaisir.
Joie , bonheur et félicité, il venait de recevoir le diplôme de sa licence de théologie, ça y était, il était admis, à lui la soutane, les messes et le vin de messe. S'il n'avait été dans une aussi mauvaise posture, assiégé dans une ville quasiment indéfendable par une bande de barbares assoiffés de sang, il aurait bondi de joie dans tous les sens. Là, il se contenta de finir de défoncer la palissade d'un formidable coup de poing.
Puis il vit son harpon, l'arme qui lui servait à chasser le poisson et à combattre le gueux, et se dit qu'après tout, la pêche ne serait pas à l'ordre du jour avant longtemps, et que vu sa réussite religieuse, il pourrait au moins faire un petit sacrifice. Il prit la croix aristotélicienne, modèle procession, bref une croix d'à peu près un pied de haut, examina son diamètre, celui du manche de son harpon, et convint que les deux correspondaient. Après avoir ôté la tête de son harpon, il emboita la croix sur le manche, fixant le tout grâce à une colle à base d'huile de foie de morue - certains râleurs disent que tout est fait à base d'huile de foie de morue, mais ce sont des moqueurs - et testa sa nouvelle arme. L'équilibre était mauvais, la croix était trop légère par rapport au reste. Pour faire bonne mesure, il rajouta donc des dents de son harpon aux branches de la croix, la transformant en une sorte de hallebarde. Il fit quelques passes d'armes et fut beaucoup plus satisfait du résultat. L'objet ainsi obtenu pouvait servir à la messe, mais aussi au combat, car avec sa longueur de deux mètres et son extrémité ornée de bouts de métal tranchants, il serait à même d'éventrer les malandrins assez inconscients pour venir s'y frotter.
Hé hop, au boulot maintenant.
Car le soir tombait déjà, et les béarnais n'allaient pas tarder à revenir à l'assaut. Rangeant son diplôme dans sa bourse, sa tête de harpon édenté dans sa besace, le pêcheur empoigna sa nouvelle arme et rejoignit ses camarades à la porte de Bazas, puisque le combat semblait devoir s'y dérouler.
Il vit sur la colline de l'autre côté de la garonne un homme lui faire de grands signes amicaux en brandissant à bout de bras un arc. Le pêcheur se fit la réflexion qu'il était difficile d'être l'ami d'un tel homme quand celui ci vous manifestait sa présence par une flêche juste au dessus du crâne. Mais il en avait vu d'autre et se contenta de soupirer. C'est en baissant les yeux vers la flèche qu'il aperçut le parchemin qui y était attaché. Maugréant dans sa barbe, il le détacha et commença à le lire.
Ah ben ça alors, ça fait plaisir.
Joie , bonheur et félicité, il venait de recevoir le diplôme de sa licence de théologie, ça y était, il était admis, à lui la soutane, les messes et le vin de messe. S'il n'avait été dans une aussi mauvaise posture, assiégé dans une ville quasiment indéfendable par une bande de barbares assoiffés de sang, il aurait bondi de joie dans tous les sens. Là, il se contenta de finir de défoncer la palissade d'un formidable coup de poing.
Puis il vit son harpon, l'arme qui lui servait à chasser le poisson et à combattre le gueux, et se dit qu'après tout, la pêche ne serait pas à l'ordre du jour avant longtemps, et que vu sa réussite religieuse, il pourrait au moins faire un petit sacrifice. Il prit la croix aristotélicienne, modèle procession, bref une croix d'à peu près un pied de haut, examina son diamètre, celui du manche de son harpon, et convint que les deux correspondaient. Après avoir ôté la tête de son harpon, il emboita la croix sur le manche, fixant le tout grâce à une colle à base d'huile de foie de morue - certains râleurs disent que tout est fait à base d'huile de foie de morue, mais ce sont des moqueurs - et testa sa nouvelle arme. L'équilibre était mauvais, la croix était trop légère par rapport au reste. Pour faire bonne mesure, il rajouta donc des dents de son harpon aux branches de la croix, la transformant en une sorte de hallebarde. Il fit quelques passes d'armes et fut beaucoup plus satisfait du résultat. L'objet ainsi obtenu pouvait servir à la messe, mais aussi au combat, car avec sa longueur de deux mètres et son extrémité ornée de bouts de métal tranchants, il serait à même d'éventrer les malandrins assez inconscients pour venir s'y frotter.
Hé hop, au boulot maintenant.
Car le soir tombait déjà, et les béarnais n'allaient pas tarder à revenir à l'assaut. Rangeant son diplôme dans sa bourse, sa tête de harpon édenté dans sa besace, le pêcheur empoigna sa nouvelle arme et rejoignit ses camarades à la porte de Bazas, puisque le combat semblait devoir s'y dérouler.