Terwagne_mericourt
[HRP : Exceptionnellement ce RP ne sera pas totalement ouvert , mais uniquement sur demande préalable.
* : Baudelaire, Recueillement, Les Fleurs du Mal.]
Sois sage, Ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille * :
Dans quelques heures les dés seraient jetés, et pour la première fois depuis des mois, elle n'avait nulle envie d'être auprès du sieur Rouvray. Oh bien sûr elle l'aimait toujours, peut-être même plus encore, mais en ce moment, elle avait besoin d'être seule, totalement seule. Elle n'avait nulle envie de parler, nulle envie d'écouter, nulle envie d'être troublée dans ses pensées ne serait-ce que par le bruit d'une respiration ou encore la chaleur d'une main entourant la sienne, quand bien même ce fussent celles de l'homme aimé, peut-être même encore moins par celles-là que par d'autres.
Seule! Elle voulait être seule!
L'abandonnant à la missive qu'ils avaient décidé, tous ensemble, de rédiger un peu plus tôt dans la journée, elle s'éclipsa sans un mot, juste un regard sur son profil penché au-dessus du vélin, ce profil que la flamme d'un candélabre caressait, y plaçant des ombres et des lumières accentuant encore un peu plus cette beauté fragile qui le caractérisait.
Dehors, la couverture étoilée avait commencé à couvrir les cieux, et demoiselle lune avait pris place sur son trône. Etrangement, la Dame de Thauvenay ne lui accorda pas même un regard, pas plus que sa peau ne frissonna sous la caresse du vent qui depuis plusieurs heures flattait les branches des arbres, leur murmurant des mots d'amour qu'elles seules pouvaient comprendre. Elle avançait, plus par réflexe qu'autre chose, totalement étrangère aux choses et aux êtres qui l'entouraient, enfermée dans une bulle d'indifférence et de lassitude, une pellicule l'isolant dans ses pensées et dilemmes, ses souvenirs et ses regrets, ses chagrins et ses dégoûts.
Combien de temps marcha-t-elle? Aristote seul pourrait le dire... Non, même pas! Puisqu'il parait que pour lui le temps n'a pas d'importance. Toujours est-il qu'elle ne s'interrompit qu'une fois qu'elle fut en dehors de la ville et qu'elle eut trouvé un arbre à son goût pour pouvoir s'y appuyer.
Pas de larmes sur ses joues, pas de morsure sur sa lèvre, pas non plus de mains jouant nerveusement avec les plis de sa robe ou encore l'une avec l'autre, emmêlant leurs doigts comme si les démêler ensuite suffirait à faire se dénouer les fils de ses pensées. Extérieurement, elle était calme, monstrueusement calme. Trop calme pour que cela soit réel et profond. Intérieurement, elle ne bouillonnait pas, elle ne pestait pas, ou en tous cas pas sur ceux que l'on pourrait croire, elle était simplement déchirée par des sentiments dont elle ne pouvait s'ouvrir à personne, et surtout pas à Kernos.
Dans quelques heures les dés seraient jetés, la lettre décisive déposée à Paris, et elle s'en réjouissait, persuadée qu'ils avaient tous fait le bon choix, celui de la raison. Bien sûr la majorité de leurs détracteurs ne comprendraient pas, trouveraient encore et encore des raisons totalement fausses à ce choix qu'ils avaient fait, à cette décision de laisser la Pairie décider du sort du Lyonnais-Dauphiné pour les deux mois à venir, mais elle n'en avait cure, au fond, sachant pourquoi elle-même en était arrivée à la conclusion que c'était la seule issue possible à ce blocage politique dont ils étaient tous responsables, les douze conseillers ducaux dans leur intégralité, aucun plus qu'un autre, aucun moins qu'un autre.
Chacun d'eux avaient sans doute des raisons, logiques pour certains, faites d'idéaux pour quelques uns, de rancoeurs pour d'autres, d'orgeuil sans doute pour une poignée, de vengeance personnelle pour les premiers, de bêtise pour les derniers, de soif de reconnaissance et de pouvoir pour les uns, de fidélité à leurs engagements pour les autres, mais qu'importait cela au peuple, et pourquoi devait-il payer les pots cassés de ces douze personnes incapables de trouver un accord?
Si on lui avait demandé à elle la raison de son refus de se rallier aux six voix opposées à la sienne et de reconnaitre le Vicomte d'Ancelle, elle aurait répondu que sa principale raison était qu'il lui semblait totalement irrespectueux des électeurs de placer comme gouverneur un homme qui avait mené la liste perdante des scrutins. Que si ces six voix avaient soutenu la tête de liste du parti gagnant, à savoir le sieur Samthebeast, les choses auraient été bien différentes dans sa tête à elle. Elle aurait également répondu que sa seconde raison était qu'il lui était impossible de soutenir à la gouvernance un homme qui avait autant d'étroitesse d'esprit, qui était autant persuadé de détenir à lui seul la vérité absolue en toute chose et surtout aussi peu respectueux des opinions différentes des siennes, imbu de lui-même au point de n'en jamais quitter cet air supérieur qui n'avait d'égal que sa froideur devant les choses humaines. On lui aurait sans doute répondu qu'elle-même n'était que la tête de liste du parti terminant troisième aux scrutins, ce qui au final n'était pas beaucoup mieux, mais puisque les deux têtes de liste terminant première et seconde avaient choisi de ne pas réclamer leur droit à la gouvernance pour soutenir les troisième et quatrième, les choses étaient ainsi...
Dans tous les cas, personne ne lui avait demandé ses raisons de ne pas reconnaitre Walan comme gouverneur, pas plus que le Vicomte d'Ancelle lui-même ne lui avait demandé de le soutenir de par son vote. Lui était trop fier - paraissait-il d'après ses colistiers - pour s'abaisser à demander quoi que ce soit à la femme avec qui il avait partagé tant de choses pourtant avant que leurs routes ne se séparent - trop fier oui, et c'était bien cela son pire défaut peut-être - et les autres préféraient quant à eux voir dans le choix de la Dame de Thauvenay une façon de se venger d'une rupture sentimentale qu'elle avait pourtant décidée elle bien des mois plus tôt, ou encore une soif de pouvoir qu'elle ne possédait pourtant nullement... Jamais elle n'avait demandé à mener cette liste, elle avait même longuement refusé, ne sachant que trop bien qu'en cas d'égalité entre elle et son ancien amant les petits esprits crieraient à la vengeance d'une femme blessée d'avoir aimé un homme qui jamais ne l'avait comprise... Des petits esprits, oui, résumant tout à des histoires de fesses et de soif de pouvoir, oubliant les valeurs et les idéaux de chacun, peut-être simplement parce qu'ils étaient incapables de les comprendre, eux-même n'en ayant pas.
Quoi qu'il en soit, si elle refusait de trahir ses idéaux en le reconnaissant lui comme gouverneur, elle refusait aussi de continuer à bloquer un Duché tout entier par ce blocage électoral.
Une solution? Il n'y en avait qu'une en effet... Rien n'aurait servi de reconnaitre la tête de liste du premier parti, ce qui pourtant aurait été reconnaitre la volonté de la majorité des électeurs du peuple, puisque personne d'autre ne la soutenait, pas même sa propre liste, pas même lui... La seule solution était donc de remettre une décision impossible à prendre dans les mains de personnes totalement objectives, neutres, mais surtout capables de trancher avec intelligence, pour le bien de ce Duché qu'elle aimait sans trop comprendre elle-même pourquoi certains soirs... Remettre cette décision dans les mains de la Pairie.
Ils en avaient discuté tous ensemble, les élus Gones et les élus Concorde, et tous en étaient arrivés à la même conclusion : les choses n'avaient que trop trainé déjà, la Saisine devait être déposée au plus vite à Paris pour enfin sortir le Lyonnais-Dauphiné de l'impasse où la politique venait de le jeter.
La lettre était prête, signée par tous les six, n'attendant plus que d'être livrée, et la demoiselle Méricourt aurait du être soulagée au fond, elle qui était bien décidée à s'en remettre totalement à la décision que prendrait la Pairie, quelle qu'elle soit, ayant entière confiance en leur sagesse et leur objectivité. Pourtant, ce soir-là, alors que bientôt l'issue serait là, elle avait le coeur bien lourd, et surtout rempli de rancune...
Elle en voulait non pas à ses détracteurs, non pas à ceux qui la salissaient par facilité, non pas à ceux qui la jugeaient sans savoir.... Non, c'était bien pire que cela!
Elle en voulait à ces souvenirs qui l'avaient hantée chaque nuit depuis le début des négociations, à ces images de moments partagés et de promesses entre elle et Walan dans le passé... Elle s'en voulait d'avoir du mal à oublier qu'elle l'avait aimé comme jamais il ne le comprendrait sans doute, elle se détestait de ressentir encore de la tristesse parfois en pensant à toutes ces choses qu'ils avaient rêvées de partager, quand lui ne semblait ressentir que froideur et indifférence... Avait-elle donc réellement aimé à sens unique un homme incapable de ressentir?
Et puis, même si personne ne pouvait le comprendre, et c'est bien pour cela qu'elle ne s'en ouvrirait à personne, elle en voulait à ceux qui l'avaient poussée à prendre la tête de liste des GONES, à ceux qui l'avaient incitée à force de discours et de demandes à accepter de se retrouver en haut de l'affiche, mais plus encore à devoir par la suite mener des négociations en face d'un homme qu'elle avait rêvé un jour d'épouser avant de le quitter à force d'être ignorée et incomprise. Oui, elle leur en voulait à eux... Eux qui n'avaient sans doute pas pensé un seul instant à la situation dans laquelle ils allaient la mettre, qui n'avaient pensé qu'à la politique et à leur parti.
Parmi eux, il y avait Kernos... Kernos à qui, pour la première fois depuis des semaines, elle ne pouvait rien dire du mal qui la rongeait, près de qui ce soir elle n'avait même pas envie d'être, se sentant incapable de ne pas laisser jaillir de ses lèvres sa déception de voir que pour lui aussi elle n'était au final qu'un pion sur l'échiquier de la politique, une "reine à jouer", et non une femme avec des sentiments, des blessures, des douleurs.
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* : Baudelaire, Recueillement, Les Fleurs du Mal.]
Sois sage, Ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille * :
Dans quelques heures les dés seraient jetés, et pour la première fois depuis des mois, elle n'avait nulle envie d'être auprès du sieur Rouvray. Oh bien sûr elle l'aimait toujours, peut-être même plus encore, mais en ce moment, elle avait besoin d'être seule, totalement seule. Elle n'avait nulle envie de parler, nulle envie d'écouter, nulle envie d'être troublée dans ses pensées ne serait-ce que par le bruit d'une respiration ou encore la chaleur d'une main entourant la sienne, quand bien même ce fussent celles de l'homme aimé, peut-être même encore moins par celles-là que par d'autres.
Seule! Elle voulait être seule!
L'abandonnant à la missive qu'ils avaient décidé, tous ensemble, de rédiger un peu plus tôt dans la journée, elle s'éclipsa sans un mot, juste un regard sur son profil penché au-dessus du vélin, ce profil que la flamme d'un candélabre caressait, y plaçant des ombres et des lumières accentuant encore un peu plus cette beauté fragile qui le caractérisait.
Dehors, la couverture étoilée avait commencé à couvrir les cieux, et demoiselle lune avait pris place sur son trône. Etrangement, la Dame de Thauvenay ne lui accorda pas même un regard, pas plus que sa peau ne frissonna sous la caresse du vent qui depuis plusieurs heures flattait les branches des arbres, leur murmurant des mots d'amour qu'elles seules pouvaient comprendre. Elle avançait, plus par réflexe qu'autre chose, totalement étrangère aux choses et aux êtres qui l'entouraient, enfermée dans une bulle d'indifférence et de lassitude, une pellicule l'isolant dans ses pensées et dilemmes, ses souvenirs et ses regrets, ses chagrins et ses dégoûts.
Combien de temps marcha-t-elle? Aristote seul pourrait le dire... Non, même pas! Puisqu'il parait que pour lui le temps n'a pas d'importance. Toujours est-il qu'elle ne s'interrompit qu'une fois qu'elle fut en dehors de la ville et qu'elle eut trouvé un arbre à son goût pour pouvoir s'y appuyer.
Pas de larmes sur ses joues, pas de morsure sur sa lèvre, pas non plus de mains jouant nerveusement avec les plis de sa robe ou encore l'une avec l'autre, emmêlant leurs doigts comme si les démêler ensuite suffirait à faire se dénouer les fils de ses pensées. Extérieurement, elle était calme, monstrueusement calme. Trop calme pour que cela soit réel et profond. Intérieurement, elle ne bouillonnait pas, elle ne pestait pas, ou en tous cas pas sur ceux que l'on pourrait croire, elle était simplement déchirée par des sentiments dont elle ne pouvait s'ouvrir à personne, et surtout pas à Kernos.
Dans quelques heures les dés seraient jetés, la lettre décisive déposée à Paris, et elle s'en réjouissait, persuadée qu'ils avaient tous fait le bon choix, celui de la raison. Bien sûr la majorité de leurs détracteurs ne comprendraient pas, trouveraient encore et encore des raisons totalement fausses à ce choix qu'ils avaient fait, à cette décision de laisser la Pairie décider du sort du Lyonnais-Dauphiné pour les deux mois à venir, mais elle n'en avait cure, au fond, sachant pourquoi elle-même en était arrivée à la conclusion que c'était la seule issue possible à ce blocage politique dont ils étaient tous responsables, les douze conseillers ducaux dans leur intégralité, aucun plus qu'un autre, aucun moins qu'un autre.
Chacun d'eux avaient sans doute des raisons, logiques pour certains, faites d'idéaux pour quelques uns, de rancoeurs pour d'autres, d'orgeuil sans doute pour une poignée, de vengeance personnelle pour les premiers, de bêtise pour les derniers, de soif de reconnaissance et de pouvoir pour les uns, de fidélité à leurs engagements pour les autres, mais qu'importait cela au peuple, et pourquoi devait-il payer les pots cassés de ces douze personnes incapables de trouver un accord?
Si on lui avait demandé à elle la raison de son refus de se rallier aux six voix opposées à la sienne et de reconnaitre le Vicomte d'Ancelle, elle aurait répondu que sa principale raison était qu'il lui semblait totalement irrespectueux des électeurs de placer comme gouverneur un homme qui avait mené la liste perdante des scrutins. Que si ces six voix avaient soutenu la tête de liste du parti gagnant, à savoir le sieur Samthebeast, les choses auraient été bien différentes dans sa tête à elle. Elle aurait également répondu que sa seconde raison était qu'il lui était impossible de soutenir à la gouvernance un homme qui avait autant d'étroitesse d'esprit, qui était autant persuadé de détenir à lui seul la vérité absolue en toute chose et surtout aussi peu respectueux des opinions différentes des siennes, imbu de lui-même au point de n'en jamais quitter cet air supérieur qui n'avait d'égal que sa froideur devant les choses humaines. On lui aurait sans doute répondu qu'elle-même n'était que la tête de liste du parti terminant troisième aux scrutins, ce qui au final n'était pas beaucoup mieux, mais puisque les deux têtes de liste terminant première et seconde avaient choisi de ne pas réclamer leur droit à la gouvernance pour soutenir les troisième et quatrième, les choses étaient ainsi...
Dans tous les cas, personne ne lui avait demandé ses raisons de ne pas reconnaitre Walan comme gouverneur, pas plus que le Vicomte d'Ancelle lui-même ne lui avait demandé de le soutenir de par son vote. Lui était trop fier - paraissait-il d'après ses colistiers - pour s'abaisser à demander quoi que ce soit à la femme avec qui il avait partagé tant de choses pourtant avant que leurs routes ne se séparent - trop fier oui, et c'était bien cela son pire défaut peut-être - et les autres préféraient quant à eux voir dans le choix de la Dame de Thauvenay une façon de se venger d'une rupture sentimentale qu'elle avait pourtant décidée elle bien des mois plus tôt, ou encore une soif de pouvoir qu'elle ne possédait pourtant nullement... Jamais elle n'avait demandé à mener cette liste, elle avait même longuement refusé, ne sachant que trop bien qu'en cas d'égalité entre elle et son ancien amant les petits esprits crieraient à la vengeance d'une femme blessée d'avoir aimé un homme qui jamais ne l'avait comprise... Des petits esprits, oui, résumant tout à des histoires de fesses et de soif de pouvoir, oubliant les valeurs et les idéaux de chacun, peut-être simplement parce qu'ils étaient incapables de les comprendre, eux-même n'en ayant pas.
Quoi qu'il en soit, si elle refusait de trahir ses idéaux en le reconnaissant lui comme gouverneur, elle refusait aussi de continuer à bloquer un Duché tout entier par ce blocage électoral.
Une solution? Il n'y en avait qu'une en effet... Rien n'aurait servi de reconnaitre la tête de liste du premier parti, ce qui pourtant aurait été reconnaitre la volonté de la majorité des électeurs du peuple, puisque personne d'autre ne la soutenait, pas même sa propre liste, pas même lui... La seule solution était donc de remettre une décision impossible à prendre dans les mains de personnes totalement objectives, neutres, mais surtout capables de trancher avec intelligence, pour le bien de ce Duché qu'elle aimait sans trop comprendre elle-même pourquoi certains soirs... Remettre cette décision dans les mains de la Pairie.
Ils en avaient discuté tous ensemble, les élus Gones et les élus Concorde, et tous en étaient arrivés à la même conclusion : les choses n'avaient que trop trainé déjà, la Saisine devait être déposée au plus vite à Paris pour enfin sortir le Lyonnais-Dauphiné de l'impasse où la politique venait de le jeter.
La lettre était prête, signée par tous les six, n'attendant plus que d'être livrée, et la demoiselle Méricourt aurait du être soulagée au fond, elle qui était bien décidée à s'en remettre totalement à la décision que prendrait la Pairie, quelle qu'elle soit, ayant entière confiance en leur sagesse et leur objectivité. Pourtant, ce soir-là, alors que bientôt l'issue serait là, elle avait le coeur bien lourd, et surtout rempli de rancune...
Elle en voulait non pas à ses détracteurs, non pas à ceux qui la salissaient par facilité, non pas à ceux qui la jugeaient sans savoir.... Non, c'était bien pire que cela!
Elle en voulait à ces souvenirs qui l'avaient hantée chaque nuit depuis le début des négociations, à ces images de moments partagés et de promesses entre elle et Walan dans le passé... Elle s'en voulait d'avoir du mal à oublier qu'elle l'avait aimé comme jamais il ne le comprendrait sans doute, elle se détestait de ressentir encore de la tristesse parfois en pensant à toutes ces choses qu'ils avaient rêvées de partager, quand lui ne semblait ressentir que froideur et indifférence... Avait-elle donc réellement aimé à sens unique un homme incapable de ressentir?
Et puis, même si personne ne pouvait le comprendre, et c'est bien pour cela qu'elle ne s'en ouvrirait à personne, elle en voulait à ceux qui l'avaient poussée à prendre la tête de liste des GONES, à ceux qui l'avaient incitée à force de discours et de demandes à accepter de se retrouver en haut de l'affiche, mais plus encore à devoir par la suite mener des négociations en face d'un homme qu'elle avait rêvé un jour d'épouser avant de le quitter à force d'être ignorée et incomprise. Oui, elle leur en voulait à eux... Eux qui n'avaient sans doute pas pensé un seul instant à la situation dans laquelle ils allaient la mettre, qui n'avaient pensé qu'à la politique et à leur parti.
Parmi eux, il y avait Kernos... Kernos à qui, pour la première fois depuis des semaines, elle ne pouvait rien dire du mal qui la rongeait, près de qui ce soir elle n'avait même pas envie d'être, se sentant incapable de ne pas laisser jaillir de ses lèvres sa déception de voir que pour lui aussi elle n'était au final qu'un pion sur l'échiquier de la politique, une "reine à jouer", et non une femme avec des sentiments, des blessures, des douleurs.
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