Evvela
M'enfin, vieille baderne enferraillé, vas-tu me laisser entrer ?!!
D'une fois fluette et les yeux furibonds, voilà bien une heure que la mioche tenait tête aux sentinelles. Celui-ci ne cillait pas le moins du monde.
En arrivant, vêtue de ces frusque habituelles, elle s'était trouvée de plus en plus impressionnée à mesure que le châtelet grandissait devant ses yeux, et le donjon qui s'élevait en arrière-plan. Son allure c'était faite plus mesurée, moins guillerette.
Elle s'était embusquée dans un buisson avant de s'engager sur le pont. Elle guetta et rassembla son courage avant de s'élancer sur la passerelle, à découvert. Face à la sentinelle, elle avait demandée timidement l'accès, mais il l'avait envoyé se faire pendre ailleurs, et malgré les insistances, rien n'y fit. Elle tenta de forcer le passage, avec force et ruse, surtout ruse en fait. Mais malgré ses mouvements d'anguille, la bardiche du garde la retint à chaque fois.
Chacun des deux perdaient patience. Elle bondissait en avant puis reculait aussitôt, lui là coursait sur quelques pas pour la faire déguerpir, mais elle revenait à la charge d'emblée. Elle lui lança quelques bogues, cailloux, croutons, elle alla même jusqu'à lui faire une série de franges à son beau paletot, découpée avec ses petits ciseaux de couture. L'un comme l'autre furibard, mais tenait bon, une véritable bataille de position.
Lorsque sonna tierce à la chapelle de Lavardin, une autre sentinelle vint relever la première. Evvela se tint à distance, et les vit échanger quelques paroles qu'elle ne put percevoir. Elle jeta un il à la course solaire, et jugea que cela avait trop durer, il lui fallait entrer à présent, d'une façon ou d'une autre.
Avec la relève, donc, elle adopta une tactique différente. S'approchant à petits pas du garde, les yeux de chat qui quémande, une douce petite voix timide.
Bonzour, monsieur. On m'attend en dedans, vous pouvez me laisser passer sivouplééé ?
Une main derrière le dos, l'autre un doigt sur les lèvres et jouant des pieds dans le sable, face au mutisme du soldat.
Diiites, ze peux ?
Elle resta un moment à l'observer, muette, les yeux papillonnant. La sentinelle restait de granit. La mioche n'avait tout de même pas entreprit la descente du Loir sur une vieille embarcation pour se faire refouler au premier paltoquet croisé. Elle en vint à regretter de n'avoir prit son tabard, ne s'étant pas doutée de son utilité en cet instant. Ce deuxième duel se fit silencieusement, une valse d'esquives et de parades, ponctué de stoïcisme. Et dire que ce n'était là que la première position, d'autres paliers restaient à franchir. Cela n'allait pas être de la tarte.
Bon, assez cancané. Place !
Au moins, le premier était plus rigolo...
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