Le jour défilait lentement sur Montpellier, et les ruelles quasiment désertes de la ville s'emplissaient d'une foule toute relative compte tenu du calme ambiant. Déjà sur la place, les maraichers installaient leurs étals et se préparaient à hurler aux oreilles des passants que leurs fruits étaient les moins chers à des lieues à la ronde.
Perché sur sa monture, Marcello avançait lentement, le regard et l'esprit lointains, en direction du seul endroit où il était certain de la retrouver. Un endroit calme, paisible, où elle pourrait s'isoler et le maudire autant qu'elle le souhaiterait sans que quiconque ne vienne l'importuner: la plage et plus encore, l'une de ces criques que le soldat avait vaguement aperçu à leur arrivée.
S'il cherchait à la rejoindre, c'est parce qu'il y avait pensé toute la nuit, et que sans trop de mal il s'était rendu compte à quel point ses paroles d'hier soir avaient dépassé ses pensées. La fierté du Florentin méritait-elle de perdre celle qu'il aimait à en perdre le souffle dès qu'elle s'éloignait? Non, sans doute, et d'ailleurs rien ne valait qu'il prenne un tel risque.
Si Marcello cherchait Myléna, c'était pour s'excuser, platement, infiniment, de mille façons différentes si elle le lui demandait, même si ce qu'il lui avait fait était impardonnable, même si lui même ne se pardonnerait sans doute jamais ce qu'il lui avait dit. Car Myléna méritait ce qu'il y avait de mieux dans ce monde, et s'il le fallait, c'est à genoux qu'il la supplierait de lui pardonner.
Un détour du chemin et la plage apparut à l'horizon. Tranquille, limpide, presque lisse de toute vague, et devant lui ce cheval qu'il reconnaîtrait entre mille, qui attendait sagement l'appel de sa maitresse.
Etirant ses lèvres d'un sourire, flattant l'animal d'une caresse rapide à l'encolure, et le soldat glissa le regard vers le sable. C'est alors que son sourire s'effaça.
Sur la plage en contrebas, un homme et une femme se tenaient assis l'un contre l'autre. Le premier offrait un sourire béat à la mer, tandis que la seconde, une cape enroulée autour d'elle, agitait les lèvres et riait des paroles qu'elle venait de prononcer.
Brusquement, elle se leva, belle, magnifique, la peau déjà cuivrée par le soleil qui la caressait. Droit sur sa monture, Marcello observait la scéne à bonne distance, et serrait les mâchoires à s'en faire mal.
Un léger sifflement et l'étalon noir se mit en marche, rejoignit la naïade, et le couple prit la direction de la digue. Marcello le suivit des yeux.
De toute évidence, ce n'était pas lui que Myléna était venue attendre ici. Hochement de tête, le soldat tira sur la bride de son cheval et lui fait rebrousser chemin.
Bien souvent, les actes valaient bien plus que les mots...
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