Kuan commença par piquer une crise de colère après le départ d'Azumamaro. Alors il ne fallait pas non plus dire ce qu'on pensait ? Furieux, le garnement sautilla jusqu'à la porte et lui adressa sa plus belle grimace, en dansant d'un pied sur l'autre.
Nianiania. T'es qu'un baka pourri !
Il donna un violent coup de pied à la pauvre porte qui n'avait rien demandé, et finit par sautiller à nouveau sur une jambe, se tenant le pied de l'autre main. Les portes c'est solide.
J'y veux pas tuer n'importe qui ! J'y veux tuer les méchants !
Tu peux toujours crier Kuan, personne ne t'entend. Une fois sa hargne déversée sur les objets alentours, il s'assit dans un coin et croisa les bras boudeur. C'est pas juste, déjà qu'il faisait un effort pour apprendre, l'autre l'était jamais content.
Ahah ! Kuan il sait pas lire ! L'es bête ! C'est parce qu'il vit dans une famille de pouilleux !
Les phrases blessantes des gamins d'autres quartiers tournaient dans sa tête. Le petit garçon se renfrogna et serra ses genoux contre sa tête pour que les voix dans sa tête se taisent. Il sait lire, c'est juste qu'il met longtemps. Et il sait écrire, c'est juste qu'il écrit mal. Et il sait compter, c'est juste qu'il s'arrête à vingt. On ne peut pas tout faire dans la vie, courir les rues et être instruit.
Il restera bête toute sa vie ! C'est rien qu'un gros idiot !
Les phrases s'arrêtèrent là. Il avait cassé la gueule au plus proche et la petite troupe moqueuse avait filé. Mais les mots restaient. Oui les enfants peuvent être horriblement méchants entre eux. Ils en voulaient à Kuan pour son appartenance aux Lézards, ce clan qu'au fond ils admiraient. La jalousie c'est vilain. Un murmure jaillit des lèvres du gamin.
J'y suis pas idiot.
Même qu'il était rudement intelligent et curieux pour son âge. Quand il sera daimyo, ils verront tout ces méchants qui sait l'idiot. Ce sera eux ! Sauf que ce rêve lui avait été ôté. Alors ne restait que la longue voie qui leur fracasserait le crâne !
Le mioche se releva et s'attabla. Sa petite main prit le pinceau, et il recommença le travail.
Y vont voir que j'y suis pas idiot moi. Yuna verra.
Je veux être Daimyo pour qu'Oda devienne le plus beau et le plus fort de tous les Kunis.
De plus, les Daimyos peuvent parler aux Kamis, et je veux leur parler de quelque chose, mais ça c'est secret.
Ces phrases là étaient simples. Il les avaient corrigées avec Azumamaro. Il dut tout de même recommencer plusieurs fois avant qu'il n'y ai plus une bavure et que le texte soit bien droit. Le plus dur restait à venir.
Pour qu'Oda y soit l'plus beau et l'plus mieux, faut qu'il y soit l'plus fort. Alors faut y faire une toute grande armée, et y faire que les gens y mangent bien et qu'y soient content. Comme ça y f'ront plein de bébés, et on aura plus d'monde à y mettre dans l'armée.
Pis faut aussi que y'es pu de papier qu'y sert à rien, et qu'on écrive et dise que ce qu'y sert et ce qu'y intéresse les gens.
Ratures sur ratures, un mot après l'autre, il refit le texte avec grande peine. Et le mot est faible.
Pour qu'Oda que Oda y *nan pas d'y* soit l'plus le plus beau et l'plus mieux le plus mieux, faut qu'il y qu'il soit l'plus le plus fort. Alors faut y faut faire une toute grande armée, et y et faire que les gens y les gens mangent bien et qu'y et que soient content. Comme ça y comme ça f'ront feront plein de bébés, et on aura plus d'monde à y à mettre dans l'armée.
Pis faut aussi que y'es que y'a pu de papier qu'y qu'sert à rien, et qu'on écrive et dise que ce qu'y ce qu'sert et ce qu'y ce qu'intéresse les gens.
On la refait. Après nombreux essais catastrohpiques, quelques bouteilles d'encres renversées, un texte un peu près potable vit le jour.
Je veux être Daimyo pour qu'Oda devienne le plus beau et le plus fort de tous les Kunis.
De plus, les Daimyos peuvent parler aux Kamis, et je veux leur parler de quelque chose, mais ça c'est secret.
Pour que Oda y soit le plus beau etle plus mieux, faut qu'il soitle plus fort. Alors faut faire une toute grande armée, et faire que les gens mangent bien et que soient content. comme ça feront plein de bébés, et on aura plus d'monde à mettre dans l'armée.
Pis faut aussi que que y'a pu de papier qu'sert à rien, et qu'on écrive et dise que ce qu'sert et ce qu'intéresse les gens.
Ouf. Le crépuscule tombait et la fatigue eut raison du garnement. Les mains encore pleines d'encre (et quand je dis pleines, c'est pleines), un baillement s'arracha à son sourire en voyant le beau résultat. Sa tête finit par tomber comme une masse sur... le parchemin qui n'était pas encore sec. A son réveil son travail serait ruiné et il n'aurait plus qu'à recommencer. Son visage aura aussi un joli dessin d'encre.
Mais pour l'heure, place aux rêves._________________