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La réserve du Banastié (Défense d'entrer - Piège à loup)

Paquita
Amael... Comte.... Paquita... Maire....
Depuis quelques temps, la vie avait pris une allure plus agitée dans la maisonnée. Chaque soir apportait son lot de fatigue et chaque matinée voyait Paquita se lever plus tôt, Amael se préparer à la hâte pour rejoindre le conseil.
Le dimanche, leur permettait enfin de se retrouver un peu, de se narrer les dernières nouvelles, de prendre le temps de flâner au hasard de la conversation.
Ce dimanche là, Paquita finissait de débarrasser la table de leurs écuelles quand Lou était entrée, la mine réjouie de qui a fait route nuitamment et arrive, les cheveux encore pleins de senteurs des bois traversés, les joues rouges du vent de la course, les yeux encore étoilés des rêves que l'on fait en marchant la nuit.

Paquita lui prépara un pain garni de morilles à la crème tandis que ....

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Louise
Paquita lui prépara un pain garni de morilles à la crème tandis que la Lou, toute heureuse de retrouver sa bonne ville de Castelnou d'Arri, retrouvait volontiers sa place au fond de la taverne, le tabouret ayant presque pris la forme de son derrière, à force de l'écraser de tout son poids...

Après quelques discussions de comptoir habituelles chez les chauriens, entre commérages, potins et médisances, le sujet vint à porter sur l'ami Duflan, parti à Albi, ou peut-être plus loin, pour quelques temps.
Le moustachu avait prévu un petit présent pour la bourgmestre de Castel, plein d'amitié et de tendresse pour celle ci...

Le temps de remettre la main dessus au fond d'une besace bien pleine, que la blonde arborait fièrement une paire de charentaises, dans un état crasseux et décourageant. L'objet émanait une odeur nauséeuse, bien peu proche de celle, si "suavissima" de Paquita.

Tiens! Un cadeau de Duflan, pour tes varices, ou je n'sais trop quoi...

Aussi la blonde déposait son abject bagage face à la tavernière, plutôt ravie de s'en débarrasser...

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Paquita
Paquita était ravie de retrouver Lou, sa bonne commère qui lui avait manqué durant le temps passé loin du village.
Aussi, avait-elle soigné le plat qu'elle lui avait destiné, choisissant le pain le plus craquant, les morilles les plus parfumées, les faisant suer doucement avant d'activer le feu et de les cuire en plein... Toute à sa cuisine, Paquita suivait distraitement la conversation, se réjouissant à l'avance, le nez au dessus du plat, humant les senteurs avec délice, du plaisir gustatif qu'elle procurerait à son amie.
S'en revenant près de la table, l'écuelle chargée à la main, elle découvrit Lou en train de farfouiller dans sa grande besace, lui annonçant un cadeau de Duflan.
Franchement étonnée de la chose, Paquita regardait Lou avec un peu d'appréhension.


Un cadeau ? se disait-elle ? et en quel honneur ? la peau d'un rat crevé probable !!!

Mais Lou farfouillait encore et encore. Paquita commençait à regretter ses pensées peu amènes envers Duflan qui avait songé à elle au point de lui envoyer un présent.
La tavernière commençait à s'attendrir un peu quand Lou avait exhibé la chose la plus hideuse qu'il leur fut donné de voir. Songez donc ! deux chausses improbables, déformées, déchiquetées, tachées au delà du possible au point qu'on ignorait tout de leur originelle couleur.... à l'intérieur, d'une toison sale , usée, aplatie, s'élevaient quelques menus papillons bruns dévoreurs de laine.
Et que dire de l'odeur ! si prenante, aux effluves pestilentielles, répugnante à faire vomir une armée de gobelins. Paquita, la première stupeur passée, se précipita au fenestron qu'elle ouvrit en grand, raflant un oignon au passage pour se le mettre sous les narines. Car il est bien connu que les senteurs fétides ne peuvent être combattues que par l'arôme puissant de fruits de la terre.

Pouacre !!!!!

Quelques secondes plus tard, ayant pris une grande goulée d'air frais, Paquita contrattaqua...
Armée d'un tisonnier, elle s'approcha, pas trop près tout de même des repoussantes savates. Elle glissa habilement -ouéh ! dans ces cas là, on n'a pas le droit à l'erreur ! on s'applique ! - le bout du tisonnier à travers d'un des nombreux trous de la chausse, et d'un coup sec, l'envoya dinguer par le fenestron.
La monstrueuse pantoufle atterrit pile là où Paquita l'espérait : sur le tas de fumier.

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Louise
Nondidjû!!!
    
Yeux écarquillés, agitant les bras, Louise s'exclamait aux gestes de la tavernière.

V'là t'y pas que tu d'viens folle?! C't'un cadeau, une preuve d'amour! Faut point faire ça, fêlée!
    
La blonde cachait ses yeux alors que la chausse usée valsait par delà le fenestron, hors de la taverne, directement sur le tas de fumier.

Malheureuse!! Qué qu'il va penser, hein?!     

Lou s'agitait, impossible que la bourgmestre aie de telles manières, non, non!

Foutrecul! Tu sais que j'ai porté cette horreur jusqu'icelieu pour tes beaux yeux?! Et toi... Et toi?!
Cent fois que j'aurais pu les j't'er en route! Mais nenni! Et toi... Et toi?!

... Pourquoi?
Disait-elle dans un soupire résigné.

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Paquita
Paquita s'en retournait chercher l'autre chausse mais Lou se mit à brailler, à piailler, à agiter les bras, tentant d'empêcher la tavernière d'oeuvrer utilement à la salubrité de sa taverne.
D'un calme inhabituel - vous remarquerez, toujours comme ça dans les occasions dramatiques - Paquita contourna Lou qui à présent beuglait à gorge déployée, et pointa l'autre chausse, du bout du tisonnier, faisant fi des protestations de son amie.


Hop ! Chuis point folle ... ni fêlée ! chuis sensée au contraire !

Elle contempla Lou, l'oeil mauvais

Va pas la tête de trimballer ça dans tes besaces ?! Té ! !

Sans autre forme de procès, Paquita piqua le deuxième chausse et la tint quelques secondes sous le nez de Lou avant de l'envoyer rejoindre sa jumelle.

Un cadeau d'amour ? ! hein ?!
Va falloir m'expliquer ça !!!!


Paquita alla fermer le fenestron derrière les mouches qui avaient suivi les ignominies et se tourna vers Lou, les bras croisées, l'oeil furibond.
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Duflan
De retour à Castel, il est comme tout les hommes qui reviennent chez eux après un petit voyage, il veut vérifier ses repères, ses petits trucs qui font les habitudes qui fait qu'on se sent rassuré, alors certains vont voir leur maison, leur petit fauteuil, leurs plantes etc....
Duflan lui va en taverne, goûte à la bière et au vin et va visiter chaque taverne pour voir on s'est jamais, et puis au détour d'une ruelle il passe devant la demeure du banastié , il se dit aussi qu'il devra aller faire un tour dans la réserve, voir si les jambons sont toujours aussi bon.

Il puis il les voient là ! alors il arrête son pas, ses yeux se plissent, son visage se tend, les chaussons offert trônent sur un tas de fumier...


QUOI ! Sacredouille ! Nom d'un p'tit caillou, va point se passer comme ça !
AH va m'ent'endre la m'audite !



Son visage est plus rouge que d'habitude, il a accéléré son pas et forcement il souffle fort, il frappe à la porte, son visage reflète la colère

Ouvre la m'audite je sais que t'ai là ! Ouvre je d'is ou je défonce la porte !
AH tu va savoir comment que j' m'appelle !

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Paquita
Paquita s'en revient de la messe quand des cris et des bruits sourds de coups lui font hâter le pas. elle déboule dans la cour du Banastié et s'arrête interdite. La silhouette massive de Duflan lui barre la porte. L'homme est de dos et tambourine en vociférant à l'huis.

Paquita s'approche sans bruit, écoute ses propos, et mue par une impulsion subite, se place à ses côtés et tambourine de concert avec lui.
Elle joint sa voix claire à celle grasseyante du meunier.


Ouvre la m'audite je sais que t'ai là ! Ouvre je dis ou je défonce la porte !
AH tu vas savoir comment que j' m'appelle !


Elle crie avec lui, tentant de maîtriser l'hilarité qui lui vient, prenant l'air courroucé et tapant du plus fort qu'elle le peut à l'huis.


BLAM ! BLAM ! BLAM !!!!!!
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Duflan
Son poing se fait rageur sur le bois de la porte, il frappe de plus belle, persuadé qu'à l'intérieur la Paquita est blotti dans un coin de la maison effrayé et cherchant un échappatoire, cela lui fait du bien à notre homme de pensait qu'il peut intimider quelqu'un et tout d'un coup une main et une voix se joint à lui, duflan dans son sourire se retourne et sourit en frappant de plus belle.

Ouais ouvre nous ! ou on va te foutre en l'air ta porte ! j'te préviens la maudite je....Et puis d'un coup sa voix se tait, son esprit faible viens de comprendre qu'à côté de lui ce tient la raison de sa colère, sensation de tomber dans un gouffre, notre homme les bras ballant regarde la paquita qui continue de frapper sur la porte en se moquant de lui ....

La colère monte en lui, il se sent ridicule alors tel un enfant il met un grand coup de pied dans une gamelle qui traine ici et part en rouspétant


Va l'payer je te l'dis moy ! oh rigole té ! va voir ! sorcière té !

Tout en jetant ces quelques mots notre homme accélère le pas pour disparaitre au plus vite.............
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--Le_chat_
Siestant sur le mur d'enceinte de la cour, Le Chat est importuné par des bruits et des cris. Il bouge une moustache, agacé, secoue une oreille afin d'en dégager les sons incommodants qui s'y logent. Las... on ne peut jamais dormir tranquille icelieu. Il ouvre un oeil et découvre son ennemi personnel qui tambourine à la porte.

Il s'apprête à lui bondir sur le dos afin d'effectuer une descente en glissade, griffes plantées dans la couenne du Détesté quand maîtresse arrive à grands pas et se met à joindre au concert assourdissant sa propre partition.

Le Chat, dépité se redresse et s'étire. Ces deux pattes qui ne dorment que 10 heures maximum par jour - pire encore qui les dorment la nuit !!! - le laissent perplexe.

Puis le gros homme cesse de taper et de vociférer pour s'en prendre à sa gamelle ! à lui !! le Chat !!!
L'animal note mentalement de lui faire payer l'affront à l'occasion et saute du mur tandis que l'homme s'éloigne, emportant avec lui des remugles intéressants de gras cuit et d'autres moins intéressants de tonneau... ou plutôt de ce qui goutte sous le robinet des tonneaux où lui, le Chat affectionne de se reposer durant les chaudes journées d'été.

Le Chat s'approche de la femme, se frotte copieusement contre ses mollets, puis va se placer devant sa gamelle qui a cessé de rouler sur la tranche et s'est posée à l'envers. Il assoit son séant avec précaution, enroule précieusement sa queue autour de ses pattes et regarde avec insistance sa maîtresse, assuré que sa pitance ne saurait tarder.


--Pascarel



Assis dans le lit, les yeux hagards. Pascarel regarde, sans la voir, la chambre où des ombres s'animent, dansent sur les murs, à la lueur tremblotante de la lampe à huile que sa mère laisse chaque soir près de lui.
Les yeux hagards, il hurle. Son angoisse, sa peur, ses doutes et ses craintes.
Il hurle. Sa douleur.

Tout le jour, il a suivi sa mère, se tenant à distance, l'observant.
Maintes fois il s'est tourné vers sa soeur, tentant de croiser son regard, d'y lire qu'elle voyait comme lui... Mais Tanita, cette péronnelle, est trop occupée. Le poulain que sa mère lui a accordé occupe son temps, son esprit, elle ne voit rien d'autre, se lève aux aurores pour aller plus vite et plus longtemps passer du temps aux écuries.

Alors Pascarel a fait ce qu'un fils doit faire.
Qu'importe qu'il ait trois ans, bientôt et demi. Il sait Il a vu les yeux de leur mère. Il y a lu la détresse. Il a senti sa peine. Il connait ce mal qui la ronge.

Oh, Paquita ne montre rien. Elle affiche un sourire que d'aucuns pourraient croire joyeux. Il sait lui, qu'elle a trop de pudeur pour s'épancher. Il sait que le mal qui la taraude est un rude adversaire.
Et pourtant.. il est allé, lui, le combattre. Avec les armes qu'a un fils.

Il a guetté le moment, attendu tout au long du jour, suivant sa mère à distance, le moment propice. Et ce n'est qu'à la tombée du jour qu'il a pu agir.

Quand Paquita s'en est allée éplucher les légumes dans la cuisine.
C'est le seul moment où elle se pose. Il lui a été facile alors de se coller à ses genoux. Levant un visage un peu anxieux vers elle, plongeant son regard dans le sien, au plus profond de leurs âmes.

Et avec le calcul qu'ont les enfants, il a passé les bras autour de son cou, la sentant d'abord réticente puis lui cédant peu à peu.
Il a collé son front contre le sien, fermant les yeux, savourant ce moment privilégié.
Celui où lui, l'enfant, insuffle à sa mère la force nécessaire à continuer d'être là, droite et vive, forte et joyeuse.

Et pour terminer cette caresse, il a frotté son nez contre celui de sa mère, sachant d'avance que cela la ferait rire.

Et à présent, toute l'angoisse qu'il a pris sur lui à cet instant précis le submerge. Il s'assied sur son lit et hurle, hagard.


Des pas ... précipités... la porte qui bat... les mains de Paquita sur son front, sa voix qui lui chuchote les sons qui rassurent.

ELLE est là.
ELLE est forte.
ELLE est vive.

Alors, il se laisse aller dans un long et profond soupir. Il la laisse l'allonger à nouveau. Les lèvres sur sa tempe, fraîches et douces achèvent de le rassurer. Il agrippe ses doigts dans les siens, saisit de l'autre main un mèche des si longs cheveux de sa mère, ferme les yeux et sombre dans un sommeil confiant.
Paquita
Assise sur le lit, Paquita regarde par la fenêtre le jour se lever. L'aube se colore de rose tendre et le coeur de Paquita saigne.
Elle aurait souhaité une aurore de pourpre, plus en accord avec son chagrin, la nature en a décidé autrement.
Elle reporte son regard sur l'enfant assoupi qui tient toujours sa main. Un pli soucieux barre son front enfantin.
Elle se penche et souffle la flamme de la lampe à huile qui ne rivalise plus à présent avec la lueur du jour.
Cette nuit de veille a laissé Paquita le teint blême, les yeux battus. Elle a eu le temps de ressasser la cause de son tourment, puis, d'arrêter la décision qui s'impose.

La veille, un vagabond de passage a fait halte au Banastié, le temps de reposer ses pieds douloureux et de rafraichir son gosier sec.
Tandis qu'il buvait à petites lampées délectables la chope qu'elle venait de lui porter, Paquita était restée un peu près de lui, à lui tenir compagnie et lui faire la conversation.
C'est ainsi que les choses arrivent parfois, au détour d'une conversation sans malice.
L'homme lui avait parlé d'une auberge à Tolosa.... sur les quais de la Garonne. une auberge de bien le jorn, habitée cependant par le vice et la luxure la nuit, la prévenant de ne point y mettre les chausses si elle tenait à sa réputation.
Les choses auraient pu en rester là... si Paquita n'avait, par besoin viscéral, nommé son promis, son aimé, son bonheur...


oh ! té ! c'est ce nom pareil !!! le propriétaire de l'auberge que je vous disais ...

Et c'est ainsi, de mots en mots dévidés que Paquita avait compris pourquoi son Amael ne lui donnait plus de nouvelles. Elle qui le pensait aux prises avec de pesantes charges.
Ravalant sa peine, elle avait assuré son service. Seul un voile sur son regard d'ordinaire joyeux pouvait témoigner du mal qui l'habitait.


Dans la soirée, d'autres nouvelles l'ont bouleversée. L'ami lointain, ce cher Uterpendragon à qui elle doit tant, ce vieil homme de bien et de coeur a fait appel à elle. La conjurant de l'aider à convaincre un Comte têtu de temporiser à des décisions définitives. lui le vice primat de la sainte église lui propose même de venir en personne la marier à son promis, dans les dix jours pour fêter la concorde retrouvée.
Comment annoncer à cet homme brave qu'elle ne vaut plus un clou, fut-il de la sainte croix dans le coeur du Comte.

Aux soucis qui la rongent s'est ajouté le cauchemar de l'enfant. Elle sait Pascarel attaché à son promis...
Elle a longtemps pesé les émotions, les buts que poursuivent chacun, a recherche de leur plaisir et du pouvoir chez les uns, la reconnaissance de ses pairs, chez les autres, le besoin d'un père chez cet enfant affolé.

Avec l'aube, Paquita reçoit la certitude qu'Amael n'a cure d'eux et de leur vie tranquille. Il a à présent goûté aux plaisirs qu'offre la puissance.
Elle se sent comme une guenille oubliée sur la margelle d'un puits.
Un dernier regard à l'enfant endormi lui donne la force de se lever et d'agir. Elle leur doit ce qui le mieux...


Elle détache précautionneusement les doigts agrippés à sa main, se lève sans bruit et d'un pas rendu lourd par la peine se rend à son écritoire. Là, elle médite longuement et d'une main qui a cessé de trembler commence à écrire.




Mon aimé,
Le temps est bien long de te voir mais je te sais très occupé, aussi, je te pardonne ton absence et le manque de nouvelles.

J'ai appris que tu es en pourparlers avec l'Eglise pour le concordat.
Le devoir est parfois chose cruelle.

Tu connais ma foi, tu sais le poids qui repose sur nous deux.

Aussi, afin d'éviter que l'on cherche à te ligoter par ma faute et que l'on aliène ta liberté, je vais t'épargner le souci de me répudier et t'alléger du devoir de m'épouser.

Je te rends ta parole par ces mots.

a dieù Amael, Aristote t'ait en sa sainte garde

Paquita


Sans se relire, trop tentée qu'elle serait de déchirer ce pli, elle court à la volière et l'expédie par son plus gracieux pigeon.
Puis elle entre en sa cuisine, ranime le feu, projetant de préparer les repas de la journée, une mijotée de viandes, avait-elle décidé la veille.
C'est devant la cheminée qu'elle tombe à genoux, le visage dans les mains, exprimant à longs sanglots silencieux son désespoir.

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Paquita
Paquita n'eut long à trainer sa mine triste et défaite.
Dès le matin, alors qu'après une nuit sans sommeil, les yeux battus de veille, de détresse et de tourment, elle s'apprêtait pour son office, nouant un grand devantier autour de ses reins, en relevant la pointe à la ceinture, un bruit au fenestron la fit sursauter plus que de coutume.
Le bruissement d'aile résonna en elle comme un sinistre présage, aussi, le coeur lourd, eut-elle envie de le chasser.
Quoi... lire qu'Amael acceptait sa proposition ?... voire même qu'il en serait soulagé ?... Paquita ne s'en sentait pas la force.
La raison d'état est parfois chose cruelle qui broie les êtres, leur âme et leurs amours.
Les coups de bec sur le carreau se faisaient insistants... elle alla ouvrir.
Recevoir un courrier n'est pas forcément en prendre connaissance, se disait-elle.

Mais une fois le pli posé sur le meuble de bois ciré, elle eut toutes les peines du monde à en détacher son regard.
Cherchant à occuper son esprit, elle se donnait des tâches à remplir, s'octroyait un surcroit de travail.
Chaque quart d'heure la retrouvait plantée là, devant cette lettre dont elle s'interdisait la lecture.
Ce n'est qu'au bout du jour, que n'y tenant plus, brûlant de savoir, les doigts fébriles, les tempes battantes, elle décacheta le pli.
Dès les premiers mots, ses yeux s'embuèrent.




Amour je pense à toi chaque instant.

Le bras de fer est sérieusement entamé avec l'église. Nous nous marierons sous le soleil ou la protection des grands arbres mais sans la bénédiction de Rome.
Or cela me sied car Aristote n'est pas Rome.

Comment vas tu?

Ton amour fidèle
Amael


Le coeur en liesse, Paquita se mit à rire, pleurer, serrer le vélin contre ses lèvres, contre son coeur.
Le reste de sa journée fut vécu en état d'allégresse. Chaque client en reçut pour témoignage d'abondantes chopes débordantes des vins qu'elle avait de plus gais.

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--Tanita
Tu sais quoi ? L'es folle la Pernette !!! si !! Comme je te dis !!! tu sais pourquoi qu'elle est folle ? parce qu'elle est méchante !

Tanita hoche la tête avec vigueur pour ponctuer ses dires. Guillemine son interlocutrice, à peine plus âgée qu'elle, se montre fort intéressée, aussi Tanita poursuit .

L'aure jour la Pernette, l'est venue me dire... oh ! tu sais pas ?!!! l'est troooop méchante ! elle m'a dit....

Tanita se déhanche et prend une voix pointue pour seriner sans prendre le temps de respirer

Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? Tu veux être ma copine ? ... oc ! elle a dit ça !!! l'est méchante hein ! l'est folle !

Tanita reste songeuse un instant et ajoute

C'est toi ma meilleure amie !

Puis, dès qu'elle a repris son souffle, enchaîne tandis que Guillemine se rengorge

avec Adelaide, Aldegonde, Blanche, Aude, Bathilde, Beatrice, Berengere, Berthe, Clothilde, Eleonore, Gertrude, Godelieve, Hermine, Hildegarde, Isabeau, Isolde, Ludivine, Lutgarde, Adalberte, Bathylle, Brunehaut, Clotilde, Alienor, Guenievre, Yseut, Melusine, Millicent et Adeline !
rien que vous mes meilleures amies !*


Guillemine se renfrogne et lance

T'es rien qu'une fille de traitre pis c'est pour ça que ma mère elle l'a dit ! au Banastié c'est que des traitres ! la Paquita elle se trouve que des traitres ! voilà ! c'est ça qu'elle a dit ma mère ! même que l'Amael c'est le traitre en chef pis on va tous mourir à cause de lui !

Tanita ne la laisse pas achever. Elle bondit et empoigne son ancienne meilleure amie et toute fraîche pire ennemie par les cheveux. Elle tire sec, elle tire fort. et tout en tirant, elle saisit une motte de boue par terre et l'enfonce dans la bouche de Guillemine qui hurle à pleins poumons.
Té !!! à force de dire des bêtises, t'as la bouche sale la Guillemine ! va donc la laver !

et de lui balancer au visage le contenu d'une jarre ébréchée que la pluie a remplie durant la nuit.

Tanita dans son courage tout neuf du haut de ses six ans défend celui qu'elle considère comme son père, celui qui a ramené le bonheur dans le coeur de sa mère et la gaieté dans sa maison.
Elle s'éloigne à grands pas. Elle s'adosse à un arbre tout tandis que Guillemine va se faire consoler chez elle, et tout en coiffant sa poupée, Tanita rumine des vengeances terribles pour qui oserait médire de l'Amael de sa mère devant elle.




* conversation surprise sous mes fenêtres entre deux pimprenelles de mon village, à qui j'offrirai un panier de cerises en guise de royalties, vu qu'elles m'ont bien fait marrer
--Tanita


Tanita déteste les mains de sa mère.
Pour tout dire, elle en a honte.
Les mains de Paquita sont pour elle, inélégantes, des mains de paysanne, rougies par les lessives, crevassées par les travaux de la maison et des champs,
A force de travaux, les mains de Paquita sont devenues rudes et noueuses, dures à la peine. Tanita voit les mains des mères de ses amies, fines et blanches, aux ongles polis. Elle ne peut s'empêcher de faire la comparaison. Elle ne comprend pas pourquoi, Paquita s'obstine à travailler chaque jour. La famille, si elle ne vit pas dans l'opulence a, cependant, une certaine aisance. Il serait facile à Paquita d'engager des journaliers pour les travaux des champs et des commis, au fournil, pour le travail quotidien de la maison comme de la taverne. Alors, pourquoi s'abîmer ainsi. Cela dépasse Tanita.
Les bourgeoises de Castelnaudary ont des mains agréables à regarder. Elles les soignent, évitant les travaux salissants ou qui pourraient entamer la beauté de leurs doigts.
On dirait que Paquita ne voit pas cela.
Elle a pourtant des amis dans la bourgeoisie de la ville, et même parmi les érudits, qui eux, ne se servent de leurs mains que pour écrire ou tourner des pages.
Ce que Tanita déteste par dessus tout, c'est ce petit doigt de la main gauche. Celui que Paquita a laissé prendre sous la meule, il y a fort longtemps. Elle s'en souvient encore !
C'était à Toulon, juste après le départ de son père pour un long voyage. Tanita sentait bien que sa mère était meurtrie par cette absence. Elle jouait dans un coin du moulin, assise par terre, avec les objets de bois que Tancrel avait sculpté pour elle.
Le bruit de la meule donnait un fond sonore à son jeu. Sa mère s'activait, tirant des sacs, les versant, en remplissant d'autres... Tanita n'y prêtait pas attention.
Lorsqu'elle avait entendu un cri, bref, sonore. Elle avait tourné la tête. Paquita tenait sa main, les yeux écarquillés, incrédules.
Un liquide épais coulait et se répandait sur le sol.
En quelques mots brefs et impérieux, Paquita lui avait ordonné de la suivre et elle était partie très vite, marchant rapidement. Tanita avait peiné à garder la distance, ses petites jambes courant et martelant le sol irrégulier pour ne point perdre sa mère de vue.
Le village approchait, Paquita pressait le pas d'avantage encore. A la première ruelle, elle avait tourné, s'enfonçant dans la rue des forgerons. Tanita l'avait perdue de vue. En pleurant, elle avait regardé dans toutes les échoppes et avait fini par apercevoir sa mère au moment où on lui appliquait le fer rouge sur la plaie, au moment où elle perdait connaissance et où on l'allongeait au sol.
Oui ! Tanita déteste les mains de sa mère ... Ce petit doigt plus court d'une phalange lui fait horreur.
--Pascarel


Pascarel raffole des mains de sa mère. Pour tout dire, il ne trouve qu'il n'y a rien d'égalable !
Les mains de Paquita ont les paumes douces. Quand elle lui caresse la joue, il a l'impression qu'un oiseau le frôle de son aile. C'est si doux qu'il n'arrive pas à garder les yeux ouverts. Quand il a la fièvre, et qu'elle pose sa paume sur son front brûlant, la fraîcheur et le calme qui l'envahissent alors, sont parmi les sensations les plus agréables qui soient.
L'hiver, quand il a les mains gelées, elle les prend entre les siennes et les réchauffe en un instant.
Oui, les mains de Paquita sont douces, fraîches et chaudes.
Sur le dessus, des veines forment des dessins, des paysages de collines et de vallons, de ruisseaux et de forêts. Ce sont des mains qui font rêver Pascarel. Les doigts sont devenus noueux à force et on dirait les branches d'un arbre. Des branches qui bougent avec le vent parce que Paquita ponctue ses phrases de mouvements et cela fait comme un ballet. Un fois Pascarel s'est amusé à boucher ses oreilles et à ne regarder que le langage des mains qui virevoltaient en l'air. L'histoire qu'elles racontaient était belle et émouvante.
Quand Paquita rajuste les vêtements qu'il a mis à la va-vite, qu'elle le secoue un peu en remettant le col de la chemise ou du bliaut en place, qu'elle fait tomber les plis le long de son corps en les lissant, Pascarel a l'impression qu'elle vient de lui poser une armure et il se sent fort et plein de courage.
Les mains de Paquita peuvent tout, rien ne leur est impossible. Elle sait coudre et broder avec, même si elle jure entre ses dents chaque fois qu'elle se pique. Elle s'en sert pour rouler et caler des tonneaux en taverne, pour soulever au pétrin des sacs qui impressionnent Pascarel ! Lui aussi veut pouvoir en faire autant plus grand !
Et puis surtout, elle sait s'en servir pour faire des délicieux repas. Il se plaît à la regarder éplucher, couper, hacher, piler, les mains de Paquita dégagent alors une puissance qui l'impressionnent. Mais jamais autant que lorsqu'elle pétrit la pâte à massepain, qu'elle prépare les gâteaux et que, détail qui le fait rire, elle enfonce son drôle de petit doigt dans le biscuit terminé pour signer. Personne d'autre au village n'a ça !
Pascarel est fier de sa mère et de ses mains.
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