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La réserve du Banastié (Défense d'entrer - Piège à loup)

Guillhem
Une lune et demi plus tôt...


Vous êtes simplement un grand fou mon beau Seigneur!
Prendre ainsi la route, même si bien sellé,
Même dans l'ombre des fourrés, qu'on dit maudits!
Alors qu'ils vous attendent les hommes en armes!
A cent contre un, et Pour quoi? Pour une femme!


Silence, Guérin! Sais tu de qui tu parles!
Elle est sans conteste le soleil de la vie!


Lo Coms de Tolosa... euh l'ex coms, ou encore le coms des tolosans peut être? Bref! Ce Fol qui osait poursuivre un idéal... Etait un peu à vif ces derniers temps, surtout si on voulait l'empêcher d'accomplir son souhait le plus ardent.
Ils s'étaient réunis, lui et sa troupe de braves s' amenuisant au fur et à mesure que le mensonge facile opérait sa percée dans les coeurs même les plus nobles, quel gâchis! ... Au bord de la Garonne en campagne toulousaine, reclus tels des fuyards... Mais n'était ce pas ce qu'ils étaient devenus? Le peuple était trompé, l'Eglise était toujours puissante, oui, suffisamment pour entretenir l'illusion d'un grand mensonge collectif.
Elle était belle l'Eglise, lui avait pu la côtoyer de près ces derniers mois.
Duflan savait. Le pauvre Duflan. Il avait eu le choix et avait voulu savoir. Quelle déception pour tout le monde! Le Coms aussi savait. Et tous les membres du consehl, malgré ce qu'ils en disent.


Oc mes amis, mes chers frères, ce soir je prends la route du Sud. Il n'y a plus rien que l'on puisse faire et je m'en remets à Dieu. Vous autres, partez au Nord par la Guyenne, nous nous retrouverons dans quinze jorns à B***** si Dieu le veut. Si je suis en retard ne m'attendez point. Vous pourrez contacter dona N***** de ma part, elle s'est alliée à nostre noble cause et vous aidera à poursuivre le combat.

Pour ma part... Eh bien je serai fixé sur les intentions de mon cher frère... Folie certes! Mais j'ai foi en le Très Haut et c'est peut être ma grande force.
Allons mes amis! Partez maintenant tant qu'il est encore temps! N'attendez point que les battues vous pourchassent, ces chiens auront tout le loisir de vous faire rechercher dans le royaume par la suite, ne leur donnez pas le plaisir de vous prendre!

Adieùsiatz mes frères, Dieù vous protège!


Il leur lança un dernier regard espiègle et enfourcha sa monture.

Partant par les bois tant redoutés, l'ancien bûcheron voyagea dans le calme et la fraicheur des feuilles et fleurs printanières. Il poussait sa monture, il lui fallait faire vite, arriver avant l'aube, avant qu'Elle s'éveille...
Au bout de quelques heures il arriva en vue de la ville qu'il avait tant chéri. Le feu de camps l'avertit d'un campement établi par l'armée devant la porte Nord. Iurek! Tu es là, quelque part... Si proche... Tu ne dors pas, c'est impossible que tu dormes en pareilles circonstances. A ta place je ne me sentirais pas mieux. Voyons voir si tu as quadrillé la zone en bon capitani...
Il s'enfonça un peu plus dans la forêt pour esquiver le campement et les remparts par l'Est sans croiser âme qui vive, puis sortit des fourrés sur la route de Foix.
Amael s'approcha à lents pas de la Porte de la ciutat, sur sa monture, encapuchonné sur son armure légère. Il entendait les ronflements d'un garde chargé de plus en plus près.


Halte là, qui va là à cette heure? Savez vous que nos frontières sont fermées!
La voix avait retenti telle un couperet juste dans son dos tout près de lui.

Messire passez devant moi et vous verrez le visage d'un gradé qui apporte des nouvelles de la situation au Sud pour l'armée Gara los nostres Crocs! J'ai d'ailleurs un Laissez Passer permanent de la part du Capitani! Je compte bien sûr sur vostre discrét...


Le garde était à présent sur le flanc du Comte lorsqu'il reçut un grand revers de gant maillé sur la tempe et tomba au sol.

Et zute! un homme à terre!

Amael le chargea sur son cheval et l'emmena à l'orée du bois où il entreprit de le ligoter et le bâillonner avant de reprendre sa route vers le Banastie.

Il entra dans l'étable et mit son cheval au box, puis passa prudemment dans la réserve, depuis laquelle il monta les escaliers qui menaient aux chambres au dessus de l'étable.
Doucement il poussa la porte de chêne... Un feu terminait de se consumer dans les crépitements hésitants des dernières braises.
Elle était là étendue sur son lit, les yeux clos et ses joues roses encore marquées par le sel des larmes. Il effleura ses lèvres un court instant, le temps de sentir son souffle chaud chatouiller agréablement ses joues.
Un court instant magique. Il déposa dans le creux de sa main une petite médaille et un mot.


Ne perds jamais espoir ô ma tendre mie, un beau jorn il faudra me la rendre si tu veux bien tojorn me marier.
Je t'aime à tout jamais.
Ton Amael

...
_________________
Paratgejam mos fraires, paratgejam!
Paquita
[Quelques mois plus tard]

Amael, rentré, Paquita peu à peu sent fondre ce pli soucieux entre ses sourcils, se dissoudre cette amertume qu'elle a au coin de la lèvre.
Elle s'est fait tant de souci, a tant pleuré, a tant prié en secret.
Amael, tel un chat qui retrouve son abri, s'est glissé par la fenêtre, repris sa place, regagné son coeur.
Au matin, Paquita, joyeuse, de cette joie que seul procure l'amour partagé prépare la collation.
Amael est là, adossé nonchalamment au montant de la cheminée, qui la dévore du regard tout en lui narrant ses aventures, la fuite, la traque, les bivouacs dans les bois, comment il a déjoué les armées lancées à ses trousses, les compagnons, les peurs, les joies.
Tel que toujours, il parle, haut, fort, avec cette gaieté que lui seul manifeste, même dans les circonstances les plus sombres. Son rire ponctue ses dires. Il résonne, espiègle, malicieux, roublard ou tonitruant selon les passages.

Dans les escaliers, une cavalcade. Deux trombes. Dans une bourrasque de cris et de rires, Tanita et Pascarel dévalent jusqu'à lui, les bras tendus, les yeux pétillants d'allégresse.


AMAEEEEEEEEEEEEEEELLLLL !

Paquita contemple sa maisonnée, un sourire ravi aux lèvres.
Les deux petits, les pieds nus, en robes de nuit, s'agrippent à lui. Tanita, le contemple, le visage levé, avec une incrédulité et un ravissement égal. Pascarel profite de sa légèreté d'enfançon pour tenter l'escalade.
Amael se penche, les attrape chacun sur un coude et les hisse jusqu'à lui.
Ivres de bonheur, les deux enfants l'enlacent, le pétrissent de leur menottes, le couvrent de baisers, tandis qu'Amael rit et rit encore, d'un rire, cette fois plus tendre.
Avec béatitude, Tanita pose sa tempe contre l'épaule solide, ferme les yeux et soupire d'aise. Pascarel farfouille dans la barbe d'Amael, ses petits doigts s'accrochent aux boucles soyeuses.

Puis avec grand sérieux...


Tu as vu ? moy aussi, j'en ai de la barbe de papa

en tirant sur un duvet blond qui perce à sa lèvre supérieure.
_________________
Paquita
Depuis fort longtemps, Paquita n'allait plus en forêt. Non que l'envie lui manquât mais...
il y avait toujours quelqu'urgente affaire pour lui faire reposer sa cognée au coin du mur.

La ville si calme toute la journée se remplissait soudainement de personnes à l'allure étrange et inquiétante... c'est alors la bardiche dont il fallait d'équiper avant de monter aux remparts.

Les chauriens affamés s'étaient rués sur les pains, laissant le marché vide , quelques miettes et croutons abandonnés aux chiens errants, témoignant d'une opulence enfuie et c'est vers le pétrin qu'il fallait se diriger.

Le Conseil Comtal s'apercevait soudain que les mines avaient besoin de bras et c'est une taillole qu'elle entourait discrètement autour de ses reins pour les soutenir par dessous ses vêtements.

Oui, la forêt manquait à Paquita. Des quelques impressions effrayantes qu'elle y avait eues lors de sa dernière coupe de bois, elle ne gardait point souvenir. Enfuis, le souffle coupé au bruit d'un buisson qui s'agite, de sabots qui passent non loin, s'arrêtent, repartent. Oubliée la frayeur qui lui a noué les entrailles au point de la faire se glisser dans un abri, attendant que le silence inquiétant des chants d'oiseaux cesse et que les vigilants ailés sifflent la fin de l'alarme.

Heureusement, Paquita a Amael. Dans les yeux de celui-ci, elle se perd chaque soir, suit le détour d'un sentier, s'enfonce parmi les fougères sous les hautes futaies.
De la lumière elle pénètre dans le monde de la nuit.
Dans les prunelles de l'aimé, des éclairs de mousse côtoient une eau profonde et calme, parsemée de lentilles claires. C'est le monde paisible et frais d'une sylve sérénité. Elle s'enfonce alors sous la ramée, découvrant des frondaisons paisibles.

Pour elle, le regard d'Amael se fait paysage. Elle s'y engagerait sans retenue si...

Mais voilà, Paquita craint de s'y égarer alors elle baisse les yeux, détourne le visage, trouve n'importe quel sujet à évoquer, se donne une tâche urgente à accomplir.
Quand à la dérobée, elle jette un oeil à son homme, il est là qui la regarde encore de ses yeux celadon, un sourire aux lèvres.

Et Paquita se trouble davantage encore. Est-ce moquerie tendre ? raillerie affectueuse envers elle qui se fait craintive ? Elle pince les lèvres, s'agite, fait bouger ses mains, quitte la forêt en emportant cependant une fraîcheur sur sa peau de ce bain de verdure et de grand air.

Oui, Paquita ne va plus guère en forêt. Pour quoi y faire ? la forêt... elle l'a toute entière dans les yeux de celui qu'elle aime.

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Paquita
Paquita était en souci.
Quelque temps auparavant, elle avait demandé à Amael de faire quelques courses pour la ville. Il s'en était acquitté avec fougue et la réussite de l'aventure lui avait donné goût aux voyages.


Ne t'en fais pas, je serai prudent. Les brigands ne m'auront pas, je suis bien malin... et puis... la pensée que tu m'attends me protègera et me servira de phare lui avait-il dit lui baisant les paupières alors qu'elle tentait de dissmuler son inquiétude.

Il était parti, emportant avec lui une part de sa joie.
Les jours passèrent. Chacun apportant son lot d'occupation, de souci, de menus plaisirs.


Un soir que les clients, effarouchés par l'orage qui grondait au loin, se rencognaient frileusement en leur demeure, Paquita avait entrepris un peu de rangement dans la grande salle. C'est en 'emparant d'un vase vide pour l'aller poser dans la réserve qu'elle se rappela.
Amael et ses bouquets dont il la comblait chaque jorn, la surprenant à chaque fois par leur beauté, leur fraîcheur, leur harmonie... Et à présent, ce vase vide... ohh pas que les fleurs lui manquassent, elle avait assez d'esprit pour ne pas s'attacher à un peu de foin trempant dans de la vase. Ce qu'immanquablement, les belles fleurs devenaient après quelques jours...
Non, c'est plutôt l'esprit qui présidait à ces présents. L'assurance qu'il avait songé à elle en rentrant des champs ou de la forêt. Cette douce certitude qu'elle occupait ses songes éveillés.


Où es-tu, mon tendre ? murmurait-elle en posant le vase évocateur sur une étagère lorsque le doux piquetis de la pluie commença.
Passant rapidement dans la salle pour y vérifier que le carreau avait été fermé, elle comprit son erreur. Une tourterelle piquait le fenestron de son bec, demandant le passage.

L'animal délesté de sa missive et installé devant une coupelle de grain, Paquita revint au message.
D'instinct, ses doigts se mirent à trembler et une grande faiblesse s'empara de ses jambes.





Expéditeur : .amael. du Banastie
Date d'envoi : 16/08/1459 - 01:31:10
Titre : courrier

Chère Paquita,

Les affaires qui me retiennent loin de toi se sont avérées fructueuses.
Je vais bientôt rentrer à la maison et nous aurons de quoi vivre confortablement pour mieux mettre à profit notre temps.

Tanita et Pascarel ont du pousser depuis le temps que je suis parti! Et j'ai bien vu l'attrait de Tani pour les chevaux.
Si tu veux bien je vais commencer à lui apprendre à chevaucher.

Sinon, j'ai reçu pas mal de missives ces derniers temps, on dirait que l'époque des comtales approche et j'ai donné mon accord à Dédé quant à ma participation active à son programme, puis au conseil, si les Toulousains nous réitèrent leur confiance.

J'espère que tu en seras heureuse.

Par ailleurs j'ai appris qu'Uragaan s'évertuait à divaguer et affabuler sur mon compte, ainsi que sur Itario à la caserne. J'espère que tu ne donnes pas trop de crédit à toutes ces fadaises qui manquent cruellement d'humanisme et de subtilité dans le discernement.

Je pense à toi chaque jorn.

Prends bien soin de toi et des enfants.

A tout bientot

l'Amael


D'émotion en émotion, Paquita parcourut la lettre encore et encore, jusqu'à en épuiser la puissance. Quand elle la sut par coeur, elle la plia soigneusement et l'enfouit contre sa peau dans son corsage.

De tout ce qu'il écrivait, elle ne doutait point.
Elle le savait habile commerçant. Qu'il s'inquiéta tout d'abord de la mettre à l'abri du besoin, elle, mais aussi ses enfants la rassurait. Allons, il n'avait pas changé et la générosité qui présidait à tous ses actes familiaux l'habitait encore.
Elle eut un sourire matiné d'inquiétude à le voir reparti à la politique. Ils avaient tant souffert auparavant... qu'adviendrait-il cette fois.
Elle se morigéna.
Allons ! ne pense pas qu'à toi ! il se doit aussi aux autres, à ceux que vous aimez, tous hommes et femmes de ce Comté.....

Elle fronça carrément les sourcils en apprenant que les soldats qui lui avaient dû tant de dévouement se permettaient de le brocarder dans son dos. Elle se promit d'aller voir ce qu'il en était à l'occasion.

Un doux sourire se peignit sur ses lèvres et n'en délogea plus


Il pense à moy, il ne m'a pas oubliée, et ... il m'aime encore autant que je l'aime...

C'est en fredonnant tout bas qu'elle termina ses rangements alors que dehors, l'orage libérait enfin son eau sur la ville.
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Paquita
Paquita s'était tordu les mains en silence tout le soir.
L'armée d'Amael était passée à la taverne, parlant fort, buvant sec, heureux de l'action à venir.
Tous se félicitaient. C'étaient tapes dans le dos, chopes levées et cris vainqueurs...
Paquita serrait les lèvres et servait, s'occupant les mains et l'esprit, fermant son coeur.
Pour ses mains qui tremblaient à l'idée du départ de son homme, elle s'obligea à la colère. Tout était bon pour ne plus penser à ce qui attendait ces hommes, ces femmes qui riaient pour l'heure.

Amael, lui, ne parut point, occupé qu'il devait être aux derniers préparatifs. Si Paquita se réjouissait pour lui de voir le groupe si important qui allait l'accompagner sur les routes, la fierté ressentie alors ferraillait avec la crainte.
Comme à chacun de ses départs, elle ressentait la morsure cuisante qui dévorait son ventre et la laissait sans forces.
S'interdisant de l'aller déranger elle rongea son poing à plus d'une reprise.

Le dernier client parti, elle hésita puis se précipita sur l'écritoire, toute prudence écartée.






Amael, mon béù Capitani

Puissent les ailes de la gloire et de la victoire t'accompagner tout au long de ta route. Le projet que tu mènes, puisse-t-il t'apporter tout ce qui manque à ton bonheur.
Il est tien et fera, j'en suis sûre date dans les histoires du royaume.
Cette page que tu t'apprêtes à écrire, fais qu'elle soit empreinte de noblesse et de magnanimité. C'est à la distinction avec laquelle il agit en toute circonstance que l'on reconnait à une homme une âme trempée à la forge de l'héroïsme.

Tous deux avons offert nos vies à notre peuple. Je t'en prie, reviens en vie. Couvert de gloire ou d'opprobre, peu m'importe. Ce qui m'importe à moy, c'est ta sauvegarde. Tu n'as plus rien à me prouver car je suis conquise.
Peut-être est ce aussi pour cela que tu n'as plus besoin de prendre soin de moy, délesté de ce souci, tu peux te consacrer à de plus nobles projets.

Garde toi de mal te conduire
Je me garderai des pensées qui minent une femme délaissée.

Adessiatz

Paquita


Pliant rageusement le pli, elle l'expédia pour aller ensuite donner libre cours à ses larmes.
Pour de longs mois, la solitude serait à nouveau sa compagne.

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Paquita
Les jours passent, les guerriers donnent de loin en loin des nouvelles. Paquita se sent gâtée. Aux lettres d'Amael, s'ajoutent celles de Yassin, qui, n'ayant personne à l'attendre chez lui écrit à la taverne afin qu'elle en fasse lecture aux habitués. Tous ont ainsi des nouvelles et les commentent à satiété en buvant et riant. Elle garde pour elle seule les missives d'Amael, les lisant encore et encore à chaque moment de liberté. Elle en sait des passages entiers par coeur.




Adissiàtz lo meù amor

Pardonne moi de ne t'avoir pas écrit plus tôt.

Voilà bientôt une semaine que je suis parti affranchir la Cité des Saules du joug d'un Conseil dont elle ne veut plus.
Surprises, traitrises et franches amitiés sont au rendez vous, ce qui m'accapare le plus clair de mon temps, un temps riche en émotions fortes, mais éreintant.

Me voilà Gouverneur de la grande Cité des Saules, une bien belle cité, riche de personnalités attachantes, et économiquement prospère, qui me fait un pe penser à Castelnou d'Arry, bien qu'un peu plus engagée politiquement....
... Comment se passe la vie en notre belle cité de Castel?
Tu me manques.

Ton aimant et tant craint capitaine, Amael


ou encore cet autre où il parle de leur futur mariage, de comment il cherche un lieu, un prêtre... Et elle, elle aimerait y croire, s'étourdit à y songer, vogue sur ce rêve éveillé et en revient, baignée d'espoir et de larmes. Elle sait au fond d'elle que cela ne sera point. Qu'il faudrait un pape et que celui ci accorde le pardon.... Autant dire que ce n'est pas pour les mois à venir.

Chaque soir, elle redoute d'aller se coucher. Le lit lui parait soudain trop vaste, hostile, trop sage, trop calme et inhospitalier. Elle ne s'y abat qu'épuisée, exténuée et s'engloutit dans la fatigue d'un sommeil sans tendresse.
Au matin, les cheveux poisseux du sel des larmes, elle étend la main vers ce creux qu'il a façonné à ses côtés. Et chaque fois, ses doigts tâtent le vide et le froid qu'il a laissé en partant. Elle plonge son visage dans les draps et goûte longuement le parfum dont il les a imprégnés. Puis se lève, se compose un visage avenant et rassurant, s'apprête pour le service et descend.
La plupart du temps, elle en oublie de prendre de quoi combler une faim qui ne la tenaille plus.
Ainsi est le réveil de la femme d'un guerrier.
Paquita, languide, perd quelques rondeurs, ses joues se creusent et ses yeux se cernent, prenant un éclat sombre qui est celui du tourment.
Ses tâches diverses la détournent tout au long du jour de l'angoisse d'une nouvelle funeste.
Ainsi est la journée de la femme d'un guerrier.
Et chaque soir, elle s'étourdit de travaux inutiles pour retarder l'heure de retrouver sa couche désertée.
Ainsi est la nuit de la femme d'un guerrier.




_________________
Paquita
[Dans la réserve du Banastié, auberge de Castelnaudary]


Le soir tombait. Un ciel rouge, saignant l'épouvante envahissait la plaine.
Paquita venait de fermer les volets intérieurs de la grande salle lorsqu'elle entendit toquer au vantail de la porte de la réserve.
Attrapant un chandelier, elle s'en fut ouvrir, le coeur battant.
Elle n'avait pas perdu espoir qu'un soir, peut-être...
L'ombre qui se dessinait dans le couchant la fit reculer d'un pas.
L'homme avança et sa trogne s'illumina à la lueur de la chandelle. Non, certes, ce n'était pas son compagnon !
D'une voix cassée, il entreprit :


- C'est vous Dame Paqui ?
- Si fait, entrez...
- Je vous apporte des nouvelles... de la part de votre homme.

Le coeur serré à lâcher, elle le fit entrer au logis. Elle le mena à la cuisine et lui servit des restes du repas, qu'elle réservait aux vagabonds.
L'homme se jeta sur la nourriture, enfournant tout ce qui passait à portée de ses doigts sales dans sa bouche à moitié édentée.
Paquita le regardait manger, l'impatience la gagnait mais elle n'osait le brusquer.

Quand, enfin, il eut terminé, il s'essuya les lèvres d'un revers de manche, frotta ses doigts graisseux sur sa chemise et releva la tête vers l'aubergiste.

Il a parlé de vous souvent, l'Amael.... L'a bien dit comme vous étiez... Je vous aurais reconnue sans forcer.

Paquita ne tenait plus en place.
Elle n'osait montrer quelque humeur, de crainte qu'il ne prolongea son attente. Avec un grognement étouffé, pour dissimuler son empressement, elle attrapa son mortier, son pilon, l'emplit de feuilles d'épinards qu'elle destinait à un verjus. Elle se mit à cogner, cela passa un peu ses nerfs.
« Mieux vaut haché qu'entier, mieux vaut pilé que haché » se récitait-elle pour tromper son attente.


Enfin, dans le rythme sonore du pilon qui battait la cadence, il se mit à parler :

Nos lances sortaient toujours en nombre de cent ou six-vingt :
bien armés, avec boucliers, coutelas, arbalètes et pistoles, piques, pertuisanes et hallebardes ;
lesquels allaient jusqu'aux tranchées réveiller les ennemis en sursaut !
Les canons se mettent à ronfler, les tambours à battre...

Là où l'alarme se donnait en tout camp, leurs tambourins sonnaient

Le pilon martelait : plan plan ta ti ta ta ti ta touf touf,
La voix de l'homme enflait.

Pareillement leurs trompettes et clairons ronflaient et sonnaient :
boute selle boute selle
monte à cheval monte à cheval,
à caval, à caval


Et tous les soldats criaient en divers langages selon leurs nations :
à l'arme à l'arme aux armes

Et les voyait-on sortir de leurs tentes et petites loges ?
Drus comme fourmillons lorsqu'on découvre leurs fourmilières,
pour secourir leurs compagnons qu'on égorgeait comme des moutons.


La cavalerie pareillement venait de toutes parts au grand galop

Le pilon accéléra.
Patati patata, patati patata, patata, patata,

Et leur tardait bien qu'ils ne fussent à la mêlée où les coups se déportaient pour en donner et en recevoir...*

Il cessa de parler, le gosier desséché. Paquita cessa de taper, les mots l'avaient imprégnée. Sans rien dire, elle reposa le mortier sur la table, se leva, servit à boire au soldat. Puis dans un coin près de l'âtre, dans la salle commune, elle installa une paillasse qu'elle lui désigna. L'homme acquiesça sans bruit. Il voyait bien le trouble où il l'avait mise.
Elle alla au pas de la porte, se retourna. L'homme la regardait. Dans ses yeux sombres une flamme brillait. Tremblante comme une feuille, elle lâcha :

- Il est...
- Il va bien... Il m'a chargé de vous dire qu'il vous aime à jamais.


Elle se détourna sans mot dire, le laissant s'installer près de la cheminée où rougeoyait des braises et grimpa l'escalier. Entrant dans la chambre éclairée d'une simple lampe à huile, elle se dirigea vers le lit. Cette nuit là, le sommeil fut long à venir lui apporter le réconfort du néant.
C'est dans un souffle qu'elle glissa dans le monde des rêves.
Amael !...

* texte inspiré librement d'une oeuvre de Ambroise Paré.
_________________
--Tanita


Enervée au possible, le cheveu au vent, le regard acéré, elle se précipite dans la cuisine, son frère sur les talons.

Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan !!!!! Il m'embête !!!!!!!


La mère se retourne, une casserole dans une main, la cuiller dans l'autre.

Mince elle est occupée, va falloir jouer serré pour le faire punir, ce ... ce ... ce....

Tanita ne trouve pas les mots, oscillant entre la colère qui bout en elle et l'affection qu'elle porte malgré tout à son adorable abomination de frère.


La mère les regarde l'un, puis l'autre.
Tanita se retourne vers Pascarel. La bouille hilare de celui-ci porte ses nerfs à l'incandescence.


Il dit que je suis bête !!!! larmoie-t-elle en espérant que sa mère prendra sa défense.

Tabadabadaï Dabada,
Tabadabadaï Dabadaïda Daïda,
Tabadabadaï Dabada,
Tabadabadaïda Daïda.*
ricane Pascarel, réjoui.

Paquita s'assied et les attire près d'elle, chacun d'un côté de son accueillant giron.
Avec un bon sourire apaisant, elle commence.


Les Garçons arrivent dans les choux,
Et les filles arrivent dans les roses, roses.*

Mais Pascarel lui coupe la parole

Dans la vie les garçons savent tout,
Et les filles pas grand-chose.*


Paquita lance un regard sévère au petit fanfaron et lui clôt la bouche d'un index posé sur les lèvres.

Elles ont des larmes de crocodile,
Elles ont des dents de loups.
Elles ont des armes un peu faciles,
Qui vous mettent à genoux.*


Mais le brimborion, remonté comme un ludion ne s'en laisse pas conter.

Elles ont moins d'esprit qu'un kilo de riz...*
Mais elles sont plus jolies le coupe sa mère.
Hey ! crie Tanita outrée...

Paquita a les mots pour défendre sa fille

Elles ont des rires de pensionnaires,
Et des rêves en couleur.
Elles savent écrire même à l'envers,
Des mots en accroche-cœur.*


Tanita se sent plus gaie tout à coup. Se savoir ainsi reconnue et valorisée la fait se redresser. Du coup, elle regarde ses ongles soigneusement polis et brillants comme des nacres, ignore son imbécile de frère et poursuit

Elles ont chacune, au bout des doigts,
Des trésors de bijoux.
Des trucs en plumes, des choses en soie,
Et des ruses de ....*


Poux !!!! lance Pascarel dans un hurlement de rire

Le garnement s'enfuit avant que la main leste de sa mère n'atteigne son espiègle fessier. Tanita en profite pour se faire câliner par sa mère que son fada de frère vient de lui laisser à elle toute seule.

Maman ? sont tous bêtes comme ça les garçons ?
Sa mère la presse contre son coeur et poursuit sa ritournelle....

Les Garçons arrivent dans les choux,
Et les filles arrivent dans les roses, roses.*



*
Titre : Les garçons arrivent dans les choux
Interprète : Petit Matin
Année : 1973
Auteurs compositeurs : J. Geedes - J.P. Ten Hoppen / Vline Buggy
Isalineardais.
Sous le ciel étoilé dans lequel s’accroche désespérément un dernier morceau de lune, sur le chemin qui mène en Armagnac, des voyageurs venant de Foix font halte à la dernière croisée avant d’entrer dans le village.
Après un moment de réflexion, l’homme tire sur les rênes, indique à l’animal de prendre vers la gauche.

-Tout droit, Yanc !
-Enfin isaline, il est bien trop tard !!
-Comment, trop tard ? … Exclamation d’un ton vaguement offusqué … Paquita nous attend sûrement, Yanc ; hier, tu as prévenu de notre arrivée.
-C’était sans prévoir ces maudites ornières !! Nous devions atteindre Castelnaudary dans la matinée, isaline … Et là, je me demande depuis combien de temps matines ont sonnés ?
-Pfffff …
Haussement d’épaules, soupir lourd.
Silence râleur, visage renfrogné, récrimination.

-Essayons quand même, afin d’être certains. Après, et si nécessaire, nous irons finir la nuit au Camp nomade … Donne-moi les rênes, Yanc.

Le chariot bâché s’ébranle en direction de la Porte vieille, tiré par une jument harassée mais courageuse, un percheron à la robe blanc sale pommelé, et aussitôt reprend le gémissement plaintif qui les accompagne depuis plusieurs heures.
-Hiii … Hiii … Hiii … Hiii … Hiii …
Le grincement vient de l’essieu.



Au lever du jour, il avait fallu traverser un gué dont la montée d'en face était escarpée. Lancé à toute vitesse, l’équipage lourdement chargé avait aisément franchi l’obstacle, avait ravalé la pente sans difficulté.
Mais un traître creux, invisible auparavant, l’attendait derrière le sommet : le raidillon s’achevait par une brusque bifurcation bordée de deux profonds sillons remplis d’eau. Coincé dans les ornières, le chariot avait failli chavirer, une roue quittant momentanément le sol.
Le poids des marchandises pesa trop fort à cet instant sur l’autre roue qui fit entendre un sinistre craquement, faussant l’axe.




-Hiii … Hiii … Hiii …
Par prudence ils progressent au pas depuis le matin mais pourtant la roue oscille et fatigue à chaque tour, se fendille petit à petit au centre, près du moyeu.
-Hiii … Hiii … Hiii …
Dans la cité, le bruit semble amplifié par les rebonds d’un mur à l’autre ... Et les sabots de la jument qui battent le pavé en rajoutent.
-On va réveiller toute la bourgade ! Murmure Eugénie.

-Regardez, c’est ici !
-Hooo, Caracole ...
Devant leurs yeux fatigués, le fronton faiblement éclairé par la lune arbore fièrement le nom de l’auberge :
Lo Banastié

Hélas, pas une seule lueur aux fenêtres. L’auberge est bel et bien close pour la nuit.
La déception d’isaline est visible et Yancugazsciù retient son commentaire ; « Tu vois, je te l’avais dit ! » …
Eugénie demande en baillant :

-Alors, on dort où ?
-Au Camp nomade, c’est le seul endroit … Mais faut lui laisser un mot, Yanc. Prend un bout de parchemin.
-Minute, minute … Eugénie, allume une chandelle, s’il te plaît.

-Encore un moment, j’écris l’introd…

-Pas la peine, Yanc, Paquita sait que tu écris pour moi ; et je suis épuisée. J’ai envie de dormir. Dis-lui seulement que je viendrai demain, passé Complies mais avant Matines, une … Non, … deux heures avant …
Citation:
… Ce qui - selon mon calcul - représente environ dix heures du soir, demain jeudi le vingt octobre.
isaline tient fermement à vous rencontrer à cette occasion, ne serait-ce que pour vous remettre les fruits qu’elle apporte.

Je vous salue respectueusement, Dame Paquita.


Yancugazsciù, scribe.

isaline file glisser le message sous la porte de l’auberge puis regagne prestement le banc de conduite, reprend les rênes, annonce à mi-voix « Tant pis … On va au Camp nomade », lance sur le même ton :
-Hue, Caracole … Hue, ma belle, … On y est, on arrive …

-Hiii … Hiii … Hiii …
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La langue des Royaumes est l’écriture et on l’entend par les yeux.
Paquita
Les jours sont rarement tissés d'une seule pièce. On y trouve des teintes très différentes. Certaines aux tons chauds, d'autres sombres comme la nuit, d'autres encore, glaçant tels une pluie d'hiver....

Ce matin là, Paquita se lève après une nouvelle nuit sans sommeil. Elle que l'on ne voit plus trop à l'église se dirige dans un coin de sa chambre. Là, un petit autel est érigé où désormais, elle adresse ses prières au Très-Haut. La fréquence élevée où elle vient s'y recueillir lui interdit d'aller en l'église - elle y passerait ses jours et ses nuits- tant elle a besoin de réassurance.
Les yeux rougis par le tourment autant que par le manque de sommeil, elle se tient droite, les bras ballants, marmonnant plus que priant.

La vie a ses exigences. Il lui faut ouvrir l'établissement, aller au marché, y choisir les produits qu'elle jugera les plus dignes de remplir ses marmites, cuisiner, recevoir le monde, faire bonne figure et se montrer avenante malgré le mal qui la ronge.

Oui, le manque d'Amael la ronge, elle le sait mais agit comme s'il allait passer la porte et poser une brassée de bûches près de l'âtre avant de lui prendre la main et la forcer à esquisser quelques pas de danses.

Elle se fait de plus en plus absente aux conversations, sursautant à la moindre ombre qui s'encadre dans l'huis, le coeur battant dès qu'une voix au timbre proche retentit.

Ce matin là, une tache blanche, près de la porte, étincelante de clarté dans un rai de lumière, amène Paquita à se pencher, à ramasser un pli.
De près, la lactescence de la missive laisse apparaître des tavelures brunes. Le message est corné, froissé. d'avoir été passé en force sous le vantail.

Une rapide lecture, un sourire, une caresse tiède sur le coeur.
Isaline est arrivée.
Paquita s'en veut de n'avoir pas entendu la charrette, de n'être pas descendue lui ouvrir à temps, de l'avoir laissée au froid et aux étoiles. Elle s'empresse de donner des ordres. Les chambres sont prêtes depuis quelques jours, elle y veut des fleurs, elle y veut des fruits, elle y veut des douceurs. Paquita s'est redressée, toute vigueur revenue et mène sa maisonnée de main de maître.

De l'attente qu'elle a d'Amael, subsiste au coin de sa lèvre un petit pli, juste là où il a posé son dernier baiser. Il ne la quitte pas, lui imprimant une sortie de sourire doux et nostalgique. Au regard, l'éclat fugace de la crainte, qu'elle combat aussitôt. Il va bien, elle le sait, elle le sent.


Le contrepoint obscur de cette nouvelle chaleureuse ne tarde point à lui parvenir. Un pigeon, à tire d'aile, s'est délesté de son billet. Cette fois, c'est le coeur serré et les mains tremblantes, elle a reconnu la plume, qu'elle en prend connaissance.




Paquita, Tanita, Pascarel.
C'est avec force émoi que ce soir je prends la plume, peut être une dernière fois.
Les jours passèrent, et nous les vécûmes toujours intensément, selon nos convictions, amoureusement et passionnément. Chacun de ces jours.
Si le péché originel était vraiment d'avoir croqué dans la pomme, eh bien, on peut dire que nous avons mangé tous deux des pommes pour un verger. Et comme c'était exquis!
Je te souhaite d'en croquer bien encore quelques milliers, et d'en donner moult aux enfants, de bien sucrées, bien charnues et juteuses à mourir de plaisir.

Ce soir... erf... Ce soir la Lune est absente. C'est soir de victoire pour les ténèbres.
Nous allons nous défendre, oh oui, héroïquement tu t'en doutes. Tes chauriens sont vraiment des braves. Les meilleurs. Je suis bien fier de pouvoir me battre côte à côte avec eux.
Si tu nous voyais! L'ennemi n'a pas droit de vie, encore moins de réplique! Cette terre est à nous, les Montalbanais sont aussi opiniâtres que des chauriens. Aucun doute, ceux là sont bien occitans.

J'entends la clameur des étoiles. Je dois te laisser et répondre à l'appel. Je ne t'ai jamais aimé lorsque tu me cabossais le crâne à grandes envolées de poêles!

Embrasse bien les enfants.

Ton amour
Ama


Cette forme d'adieu qu'il lui fait, ce testament, ces derniers souhaits d'un homme qui part au combat lui tirent autant de sourires que de larmes. Elle laisse tout en plan et retourne à son autel particulier. Abimée dans la prière, elle joint son souffle à celui de son amour. Tandis qu'il donne du fer, elle donne de l'âme.
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Duflan, incarné par Paquita
Posté à la demande du joueur de Duflan pour faire avancer l'histoire, lui étant bloqué à Montauban


Voila plusieurs jours qu'il était coincé dans la ville de Moutauban, le peu de nourriture qu'on trouvait était vendu par le duc Dragonnet à des prix prohibitifs.
Heureusement Duflan en avait vu d'autres, des champs de bataille, et il savait comment s'en procurer dans le dos de l'ennemi. Son air bêta était sa meilleur arme...
Il se dirigea vers la camp adversaire et se présenta comme l'aide cuisinier du duc, il venait chercher les poulets et viande pour le souper de ce soir.
Les gardes le laissèrent passer et ordonnèrent qu'on le serve, qu'on l'aide ....


Service du Duc !

Non seulement Duflan les volaient mais en plus ils chargeaient eux mêmes la charrette et puis quelque chose l'attira, un corps exposé non loin de là, à la vue de tous.
Duflan s'approcha et son visage devient blême quand il reconnut le visage de son ami. Mort !


On l'exposait à la vue de tous, certains riaient à voir son cadavre, la colère l'envahit.


" Le duc demande aussi le corps de cet homme, il veut qu'on le montre à toute la ville de Montauban, chargez-le aussi et vite"

Aussitôt embarqué , Duflan partit rapidement avec sa charrette, il trouva un petit coin de campagne en allant vers la ville, et déposa vite fait le corps de son ami sous un chêne et l'ensevelit sous un amas de pierres.

"Excuse-moy Amael, mon ami, j'ai point le temps de faire mieux. Voilà repose en paix et je te promets de vider un tonneau en ton honneur dès que je peux, en attendant té je va vider c'te bouteille !"

Et puis de retour dans la ville, il se cacha et rédigea une lettre pour Paquita.




Paquita
Il y des moments difficile dans la vie et tu les connais, en voila un de nouveau que tu a déjà vécu avec Tancrel !
Je dois t'annoncer la mort d' Amael, crois moy j'aurais préférer t'annoncer le vol de jambons ou de ta caisse mais voilà...
J'ai trouvé un joli endroit pour l'enterrer, loin des regards près d'un arbre, je suis sûr que le chêne saura se nourrir de lui et ainsi chaque nouvelle branche sera un appel à la liberté !
Les racines de cet arbre sont centenaires ainsi que les idées de liberté prônées par Amael !
Le silence qui suit la mort parle plus que de nombreux mots....

Duflan !


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Paquita
Un cri.

Rauque, sauvage.
Qui jaillit tel un torrent furieux et déchainé.
Les yeux exorbités, fous d'horreur et d'épouvante, Paquita hurle.
La gorge tendue à rompre, elle vomit son effroi à grands traits sonores.
Une main crispée entre ses seins, une autre sur son ventre, elle tente d'arracher et de jeter au loin ces parts d'elle qui lui sont si douloureuses.
Pliée sous le coup, elle hurle sa souffrance. Son corps est devenu bois, devenu pierre, noueux, tordu, déchiré.
Longtemps, elle s'époumone, puis son souffle la trahit, sa gorge brûlante s'éteint.
Elle gémit se tenant à pleins bras, s'enlaçant elle même à se rompre les os.
Tout en se balançant, elle gémit.

Alors... Alors, le chien d'Amael se campe face à elle et, la gueule levée au ciel hurle à son tour.

Autour d'eux, le silence s'est fait.
Les marmitons, les servantes, les femmes de chambres, tous se sont figés et regarde leur maîtresse qui clame sa détresse.
Aucun n'ose bouger. Ils attendent, se regardant les uns les autres, désorientés, impuissants, incrédules.

Un silence tonitruant s'installe. La maîtresse et le chien échangent un regard. Tous deux savent à présent qu'ils sont liés par le lien de la peine et de la vengeance.

Paquita s'aperçoit que ses gens attendent. La rage monte en elle.

Contre ceux qui lui ont ôté l'homme qu'elle aime, contre les politiques, contre les éléments. Elle balaie d'un grand revers une étagère à sa portée. Les pots, les jarres, les écuelles éclatent au sol, le jonchant de farine, de sel, de tessons, de graines. Avec méthode, elle brise tout ce qui est à sa portée.

Personne n'ose l'arrêter. Ses cheveux défaits volent autour d'elle. Folle de souffrance, elle fracasse tout ce qu'elle peut saisir.

Quand épuisée, elle s'arrête, elle fait face à ses gens.


Je veux les noms de ceux qui ont tué Amael. J'en fais le serment. Un jorn, je les tuerai de ma main. Je serai derrière eux... et je les tuerai... un à un.

L'oeil sec, dure, raidie, elle ajoute.

Les nôtres sont assiégés à Montauban. Certains sont blessés. Rassemblez tous mes biens. Videz les coffres, les corbeilles, le saloir. Tout doit leur parvenir dans les meilleurs délais !

Elle les laisse, abasourdis, et monte se changer. Les serviteurs se regardent, puis, lentement se mettent en mouvement, s'activent à lui obéir.
Un commis plus audacieux que les autres empêche qu'un coffre ne rejoigne le reste du chargement.
Il sait d'instinct que si la maîtresse n'a plus de quoi faire tourner l'auberge, eux se retrouveront à mendier sur la place. Il lui désobéit sciemment pour préserver ce qui est leur quotidien.

Plus tard, tandis que le convoi s'ébranle, Paquita paraît, la mâchoire crispée, tendue. sans un mot, elle sort et se rend aux remparts. De là, elle restera sans parler, les mains sur la pierre qui lui restitue la chaleur du jour. Le regard vers Montauban, elle reste là trois jours, trois nuits, statue immobile.
L'oeil reste dur, au coin de sa lèvre un pli s'est imprimé. Le dernier baiser d'Amael.

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Isalineardais.
Au matin de leur nuit frileuse dans le Camp nomade, isaline décréta que le marché passait avant tout alors que Yancugazsciù penchait pour la réparation de la charrette.
Ils étaient partis chacun de leur côté, sitôt le petit déjeuner avalé, ayant débattu de l’organisation des choses : les femmes feraient appel aux commis du marché pour vider la charrette et emporter les marchandises ainsi que les divers éléments de l’étal ; on verrait au soir la possibilité de tout déposer à l’entrepôt des marchandises réservées, puisque maintenant il était gardé.
Pour sa part, Yancugazsciù se chargerait de trouver un forgeron et un charpentier ; il était probable qu’on devrait les mettre tous deux à contribution.

Cela c’était passé l’avant-veille et la journée avait mornement coulé sans rien apporter de nouveau.
Ils avaient dormi une seconde nuit au Camp nomade.
Heureusement, le jour d’après, les recherches du scribe se couronnèrent de succès ; la charrette à réparer fut remise en de bonnes mains et le forgeron offrit d’héberger Caracole dans son écurie jusqu’à la fin des réparations.

-Il faudra l’en remercier justement, Yanc … dit isaline.
Puis elle ajouta, satisfaite :
-Et maintenant, direction « Lo Banastié » !!! … Tu viens, Eugénie ?

Le moment des retrouvailles avec Paquita fut un enchantement ; isaline, les yeux brillants de bonheur, ne put s’empêcher de serrer fortement la tenancière dans ses bras en découvrant sa chambre.
-Paquita, c’est merveilleux !! … J’ai l’impression d’être une princesse …
Eugénie aurait bien dit pareil si elle n’avait éprouvé l’impérieux besoin de se transformer en fontaine larmoyante. Elle peinait à imaginer que cette fois c’était elle l’invitée et l’ampleur de cette évidence la dépassait, ne lui laissait d’autre issue que des larmes pour exprimer son sentiment.
« Pourtant, je ne suis qu’une fille de cuisine … » se répétait-elle, incrédule.

-Alors, Yanc, qu’en pense-tu ?
-Mmmm, oui. Cela me convient, merci.
-C’est tout ??
-Maiiis, … « Que voulait-elle dire ? » … oui. C’est très bien …
isaline pinça les lèvres et regarda le plafond en soupirant.
-Aaaaaah les hommes !!!
-Ils ne savent jamais dire ce qu’ils pensent : « non », « oui », « mm-mmm » …

Elle le regarda et lui tira la langue, faisant une grimace de meschinette impertinente, puis éclata de rire et couru l’embrasser sur les joues.
-Pardonne-moi, Yanc, je te taquine !
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La langue des Royaumes est l’écriture et on l’entend par les yeux.
Isalineardais.
Le lendemain de leur installation à l’auberge, en sortant, isaline remarqua la présence de débris divers éparpillés sur le sol, ainsi que plusieurs traînées blanchâtres, signes évidents qu’une bagarre avait eu lieu. La jeune marchande n’avait rien entendu, se demanda comment cela fut possible à Lo Banastié, puis – car c’était le cadet de ses soucis - elle n’y pensa plus.
Ce jour-là, elle fit d’excellentes affaires qu’elle s’empressa de fêter en prolongeant tard dans la nuit sa présence dans les tavernes du village.

La lune n’est plus, couchée déjà ou cachée derrière les nuées qui galopent dans le ciel.
isaline rabat son capuchon sur ses oreilles, serre le col de sa main, frissonne.
Elle est un peu ivre, de son point de vue, beaucoup trop selon l’estime des quelques tardifs qui la voient passer titubante.
Mais quand les gens paient des tournées à tour de bras … Et qu’on apprécie largement le vin blanc, comme elle …

-Hiiiiiiiiii, hi, hi, hi, hi, hi …

Par habitude, elle se dirige vers le Camp nomade, prend conscience de sa distraction à la Porte de l’Echelle.
-Crénom … !!
Elle sourit pour elle-même à sa méprise, se souvient qu’elle est l’invitée de la Mairesse et loge dans son auberge.
-Z’est à gause du vin bl –blanc ! Bafouille-t-elle.

Cependant, là-haut sur les remparts il lui semble apercevoir, immobile, un soldat qui monte la garde, les mains posées sur le rebord extérieur.
« On dirait Paquita … » Songe-t-elle un court instant avant de rebrousser chemin.

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La langue des Royaumes est l’écriture et on l’entend par les yeux.
Paquita
Un gémissement à ses pieds. Paquita baisse la tête et s'aperçoit qu'elle n'est pas seule. Son coeur se serre. Ram'dam, le chien d'Amael est là, aplati, le museau entre les pattes, l'air pitoyable.
Depuis quand est-il là ?
Elle ne le sait, depuis qu'elle est montée aux remparts, probable...
Le voyant, aplati près d'elle, levant vers elle un regard misérable et suppliant , elle comprend qu'elle a charge d'âmes. Ses enfants aussi, ont besoin de leur mère. Il leur suffit bien d'avoir perdu deux pères.

Alors, avec l'infinie lassitude des êtres blessés, elle se tourne vers la ville. Eux tous, en bas, attendent d'elle qu'elle gère leur ville, régissent leurs affaires, veille à leur sécurité. Cette charge qui l'a tenue loin des combats et lui a probablement sauvé la vie... cette charge, elle se doit de la remplir ... jusqu'au bout.

Un dernier regard vers Montauban... là-bas aussi, des chauriens comptent sur elle, blessés, otages, prisonniers de guerre. Elle leur doit assistance autant qu'aux autres.

Elle s'ébranle.


Viens Ram'dam, nous rentrons.

Derrière elle, l'animal n'a pas bougé. Léger mouvement de dépit chez Paquita.
Cette bête n'obéit donc qu'à son maître ? et à ce surnom stupide qu'il lui a donné lors de leurs jeux ?!
Elle tente encore


Ram'Dam ? Viens le chien, viens mon beau ....

Pas plus de résultat... seuls les sourcils du chien montent et descendent, signe qu'il attend quelque chose d'elle.

Paquita soupire longuement... après tout, c'est un peu de lui qui restera si...


Zou ! Niarf ! on y va !

Aussitôt, le chien d'Amael s'attache à ses talons. C'est désormais là qu'on le trouvera, aux mollets de sa maîtresse.

La femme s'arrête et le regarde.


On va prendre des forces.. puis... toi et moy... quand on sera prêts...on ira le venger .... en route !
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