[Au Palais des Gilraen, à Bruges]
Persevael était enfin revenu de son long périple dans le sud... Il avait quitté les Flandres après avoir décidé d'aider les Provençaux et le Marquisat dans leur quête d'indépendance. Puis, il avait continué la route et s'était installé en Guyenne, afin de passer l'hiver au sud. Mais sa province natale lui manquait et lorsque le Comte de Hollande fit appel à lui pour défendre le territoire, il n'hésita pas un instant et prit la route.
Mais c'était aussi dans un but de se renseigner qu'il s'était résigné à quitter le doux climat du Golfe de Gascogne... A dire vrai, il n'avait aucune nouvelle ni de son frère, ni de son père. Et cela l'inquiétait au plus au point.
Embarquant donc à Bordeaux en un bateau commercial, il fit plusieurs jours de voyage en mer. Quelle révolution étaient ces nouveaux moyens de transport, filant comme le vent aux larges des côtes du Royaume... En un moindre temps, il fut débarqué à Bruges. Il traversa la capitale des Flandres, dévisageant les passants pour reconnaitre certains de ses anciens amis, mais rien n'y fit.
Il arriva enfin devant le palais des Gilraen, et ce n'est pas sans grande hâte qu'il se dirigea vers le garde pour s'annoncer, ce dernier l'ayant oublié.
Allons, ne me reconnaissez-vous point ? Je suis Persevael Louis, le frère cadet de Laurens ! Réside-t-il toujours icelieu ?
Malheureusement, sire d'Gilraen, vot' frère est parti y'a fort longtemps. J'la pas revu par là d'puis un bout d'temps.
Le blondinet fut pris colère à cette dernière phrase, et abattu par la fatigue, passa ses nerfs sur le garde qui lui n'en pouvait pas grand chose.
N'avez-vous pas assez d'esprit pour aller à sa recherche ? C'est aberrant. Je vais occuper les lieux en attendant le retour de Laurens, et je vous demande de ne laisser entrer personne en ce Palais car je ne recevrai pas.
Il continua sa route dans les longs couloirs du Palais, avant de retrouver l'une des chambres d'ami qui lui servit autrefois. Il s'y installa à son aise et commença à écrire des missives par-ci, par-là dans le but de retrouver son frère tout d'abord, et accessoirement son père.
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[Au Palais des Gilraen de Bruges, quelques jours plus tard]
Un samedi matin, alors qu'il était en train de louer le Très-Haut au sein d'une Chapelle qu'il avait fait construire en l'enceinte du Palais, il fut dérangé par un des laquais qui annonçaient une visite des plus suspectes, taisant le nom de l'homme. Le Gilraen, qui avait dit ne pas recevoir, fut pris d'un grand courroux ; de quel droit le domestique interpellait-il le blondinet, pris dans une grave prière ?
Vous n'êtes peut-être pas croyant, et Deos me préserve de votre sottise, mais comment osez-vous venir en ces lieux et à cette heure ? Vous savez très bien que je la consacre à notre Seigneur.
Le valet, quelque peu gêné, repris avec un air de soumission.
Et bien, Messire, c'est qu'un moine est à la porte de notre Palais et qu'il demande audience au plus vite, sans en donner la raison. Cependant, il semble chargé d'une diligence transportant... quelque chose de lourd.
Le jeune Seigneur bondit de sa position.
Mais cela change tout ! Ce Palais ne doit pas être fermé aux plus profonds religieux ! Faites le entrer, et au plus vite. Je le rejoindrais dans le salon.
S'en allant rapidement mettre une tenue sobre pour ne pas choquer le religieux - bah oui, les vêtements du jeune noble étaient particulièrement étincelants car il aimait la mode - il jeta un coup d'oeil au convoi en dehors qui semblait transporter une lourde malle. Mais il ne fallait pas faire attendre ses invités, Persevael le savait bien. Ni une ni deux, il enfila une tenue noire et se rendit accueillir le mystérieux en le salon.
Mon Frère, c'est une grande joie que de vous accueillir en l'humble Palais de ma famille. Mais que me vaut l'honneur de votre visite ?
L'homme, vêtu lui aussi de noir, prit un air grave.
On a retrouvé il y a peu un corps... Et après l'avoir identifié, nous pensons qu'il s'agit de celui du Comte de Hoorn, votre père.
Le Gilraen fut profondément choqué sur le coup, mais rationalisa. On ne pouvait être sûr de la personne que c'était si l'on ne l'avait jamais vu, et le moine ne prétendait pas l'avoir vu. Or, il s'adressa calmement au religieux.
Êtes-vous sûr de ce que vous avancez ? Est-ce bien Jeanjacob ? Je veux voir le corps !
Il fit signe aux domestiques de l'accompagner car si identification il devait y avoir, tous devaient le reconnaitre. Lorsqu'ils furent arrivés à la diligence, on ouvra la malle transportant le corps... Le blondinet s'évanouit.