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[RP] L'appel du vide: une enquête

Persevael.louis
Persevael était assis près du corps sans vie de son père. Pour la première fois, il eût pu toucher la mort, il eût pu la contempler. Mais le blondinet n'eut pas cherché en ce moment précis à y réfléchir ; il priait. Le salut de son père lui importait plus que tout en cet instant.

A ses prières se mêlait le regret. Le regret de n'avoir pas connu ce père dont il avait longtemps cherché la présence. Le regret de n'avoir pas pu lui prouver qu'il accomplirait de grandes choses...

Aujourd'hui, tout cela était bel et bien terminé. Il était peiné, certes, car après tout, c'était son père qui était mort... Mais il ressentait encore plus de chagrin en imaginant l'état dans lequel serait sa mère. Elle qui avait déjà perdu un mari et connu un douloureux deuil, elle devrait s'y résoudre à nouveau. Louis réfléchissait à la manière de lui annoncer le décès de Jeanjacob. Il eût beau implorer le Créateur, rien ne lui venait à l'esprit, si ce n'est de dire la pure et simple vérité, tout en la ménageant un maximum.

Mais voilà, le hasard ne fait jamais bien les choses. Il entendit des voix agacés qui semblaient venir de l'entrée de l'Hostel. Il reconnut celle de sa mère et, tout en soupirant, se signa.

Il ne bougea pas d'un cil, mais se contenta d'adresser quelques paroles à son défunt père...


Voyez, Père, la souffrance dans laquelle vous nous laissez. Jamais nous n'oublierons vostre souvenir. Je vous en fais la promesse. A jamais vous...

A peine avait-il pu adresser quelques mots que la porte s'ouvrit. Persevael aperçut sa mère et la vie tomber à terre. Il bondit puis accourut auprès de sa mère qui venait de vaciller.

Tout en lui tenant la main, il la regardait.


Cela va-t-il, Mère ?

Question idiote oui. Il savait bien que cela ne pouvait pas aller vu ce que venait de découvrir la Comtesse. Mais il se voulait réconfortant.

Je suis désolé Mère, nous l'avons retrouvé ainsi... Enfin, il nous a été porté ainsi... Je vous en prie, ayez du courage.

Lui ne voulait pas montrer les sentiments dont il était emprunt. Car il était le dernier élément sur lequel Arielle pouvait s'apppuyer, Laurens n'ayant toujours pas été retrouvé...
Arielle_de_siorac
Elle ne bougeait plus.

Plusieurs heures avaient passé, des heures frissonnantes de veille. Elle ne savait plus quelle heure il était, ni quel jour. La nuit l'étranglait sans fin.

Assise aux côtés de son fils, la main dans celle, rigide et froide, de son époux, la comtesse ne disait rien. Il n'y avait plus rien à dire. Plus tard, peut-être, si le jour se levait ou si la vie lui revenait, elle croyait pouvoir retrouver les mots pour être une mère forte. Peut-être. Mais pour l'heure, l'énormité de ce corps inerte devant elle la laissait aussi figée que le cadavre. Seules les larmes glissaient le long de ses joues.

Elle n'arrivait pas à saisir la réalité. Ces chairs puantes ne pouvaient pas être son doux Jeanjacob! Il y avait erreur, il y avait... c'était une erreur. Absurde. L'homme qu'elle avait épousé était chaud et énergique, toujours vaillant comme un jouvenceau, il incarnait la puissance et la fierté des plus grands chevaliers, il riait, il chantait, il buvait à en suffoquer de joie. Il était la vie même, il était...

Il n'était pas ce mort. Il ne pouvait pas. Et pourtant...

Pourtant Arielle se rappelait ce que Roinathan lui avait dit, à Anvers. "Le comte était malade, il avait une mauvaise toux". Ne voyant nulle trace de violence sur le corps, elle ne pouvait que conclure à une indisposition fatale. Finir ainsi, vaincu par les miasmes, alors qu'on s'était tant illustré par les armes... Quelle tristesse.

C'était inacceptable.

Ses pensées se tournèrent vers ce fils prodigue, muet à ses côtés. Son petit Persevael, qu'elle avait si peu couvé. Né dans la tourmente politique, grandi dans l'absence d'une mère infirme. Sa famille autrefois nombreuse était maintenant décimée, ses membres dispersés. La belle Rose menait sa vie en Guyenne, les cousins Dénéré était si lointains qu'on ne savait plus qui était né, qui était trépassé, et que dire des Gilraen, lignée quasi éteinte... Son héritier, Laurens... qui savait ce qui lui était arrivé?

Oui, Laurens. Elle ne l'avait toujours pas retrouvé. Nulle piste n'avait été concluante, néanmoins il fallait bien qu'il lui soit arrivé quelque chose! Il ne pouvait s'être simplement évanoui dans la nature! Arielle devait reprendre son enquête. Sans tarder.


Le temps presse, marmonna-t-elle pour elle-même.

La comtesse ne pouvait se contenter de veiller la dépouille de son époux alors que leur héritier était toujours porté disparu. Il fallait qu'elle agisse.

Elle se leva en jetant à Persevael un regard déterminé. Puis elle s'approcha de son bureau, où elle avait laissées pêle-mêle les notes sur son enquête. Elle allait tout reprendre depuis le début. Ne négliger aucun détail, aussi infime soit-il. La réponse devait certainement se cacher là.

Elle aperçut alors un vieux vélin qu'elle n'avait jamais vu. Déposé là sans qu'elle ne le sache, il était noirci de l'écriture de Laurens.




Étonnée, Arielle interrogea son fils: Qui a mis cette page sur mon bureau? D'où cela vient-il?
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Persevael.louis
Ils étaient restés longtemps, mère et fils, devant ce père éteint. Cet homme qui, de par sa joie de vivre avait toujours rendu les discussions plus intéressantes se tenait là, devant nous, plus immobile qu'un prédateur guettant sa proie. Son teint blafard et son corps dégageant des odeurs nauséabondes dues à la mort figeaient le jeune Gilraen. Il ne pouvait imaginer que son père avait trépassé, mais les faits étaient là, devant lui.

Il se tourna vers sa mère qui était plongée dans un silence intense et comme pour lui montrer son soutient, il lui prit la main et la serra dans la sienne. Certes, ce n'était pas un grand réconfort avec ce qui venait de se produire, mais il voulait lui montrer de par ce geste qu'il était là pour elle.

Lorsque celle-ci, d'un air déterminé, se leva et rejoignit le bureau, il ne pouvait qu'observer la scène. Il aurait voulu se jeter derrière elle pour la soutenir encore un peu, pour pas que ses pas hâtifs n'entraînent une mauvaise chute. Mais il la laissait faire et attendait jusqu'à ce qu'elle revienne vers lui avec un parchemin, visiblement écrit de la main de son frère.

Il regarda l'écrit avec attention, dû relire certains signes plusieurs fois pour comprendre le mot qu'ils formaient, et il fronça des sourcils, avant de se retourner vers sa mère.


Je n'avais jamais vu cet écrit auparavant. Peut-être un laquais l'a-t-il déposé icelieu. Je vais voir cela.

Tout en prenant le parchemin, il se rendit à l'entrée de l'Hostel et alla interroger les laquais sensés recevoir le courrier. Mais bien sûr, cela ne disait rien à l'homme auquel il s'était adressé. Le mot ne devait pas être si récent que cela, après tout.

Allant à la rencontre de tous les laquais de l'Hostel, il se rendit compte que le mot n'avait transité par aucun des domestiques présents. Dans un dernier espoir, il s'adressa aux gardes de l'entrée.

Ah, que oui qu'j'ai vu c'mot-là. C'tune dame blonde qui l'a apporté, et j'savais pas où la déposer, comprenez.

Étonné de sa découverte, il questionna l'homme.

En êtes-vous absolument certain ? C'est d'une importance capitale.

Ce à quoi le garde répondit par la positive. Il était fier de sa découverte, Louis, alors il se rendit en courant jusqu'au bureau où se trouvait sa mère. Il lui tendit à nouveau le parchemin, et la regarda droit dans les yeux, se voulant une fois de plus rassurant.

C'est un mot que Joie, une amie de Laurens, aurait apporté ici. Je ne sais dans quel but, mais ils entretenaient autrefois une bonne relation.
Arielle_de_siorac
Un froncement de sourcils. Que lui avait donc dit cette Joie, déjà?

Je la connais, je l'ai fait venir ici même pour l'interroger...

Ah oui, c'était ça: elle s'était énamourée de Laurens malgré leur différence d'âge et avait été jalouse de l'amitié entre lui et Malycia. C'est alors qu'elle avait insinué que Slamjack... C'était d'ailleurs fort possible... Et pourtant cette lettre... Revenant à la page écrite par Laurens, Arielle relut chaque mot posément. Elle sentait qu'il y avait là quelque chose d'important. De capital.

Il parle de son héritage familial, ça c'est clair. Et puis après, il... divague sur... une Révélation? Saincte-Illinda? Une mission sacrée?

Perplexe, Arielle lança un regard à Persevael, comme s'il allait lui révéler le secret de son frère. Elle réfléchit tout haut.

S'agit-il de la mission d'espionnage? Mais que vient faire Saincte-Illinda là-dedans? Et que veut dire "je la retrouverai, elle a été perdue tout près d'ici"? De qui parle-t-il?

Hochement de tête désemparé. Cet extrait de lettre était consternant: il donnait à Arielle une idée de l'ampleur de l'excentricité de son héritier. Quel esprit malade avait été le sien? Était-ce possible que la solitude l'ait à ce point affecté? Comment avait-elle pu permettre que son enfant soit aussi misérable? Quel genre de mère était-elle?

Réprimant un sanglot, Arielle s'efforça de retrouver sa concentration.


Il... Il... Une inspiration. Il dit que... que Saincte-Illinda lui est apparue. Qu'il va lui apporter... C'est... C'est une chose, une chose perdue, c'est ça. Une chose a été perdue près d'ici, il va la retrouver et lui apporter. Et alors, elle l'enveloppera de lumière... Il est question du Sans Nom et d'un héritage divin...

Nouveau coup d'oeil à Persevael, pour ensuite glisser sur le corps de Jeanjacob. Puis machinalement, la comtesse leva son regard vers les tableaux qui surplombaient le petit salon. Entre quelques ancêtres illustres et autres icônes religieuses, il y avait là un portrait magnifique de Saincte-Illinda, patronne des Flandres.



Attends un peu... La Dame Joie n'a-t-elle pas dit autre chose aussi? Quelque chose à propos d'un trésor... Non, non! Ça, c'était Malycia qui... Ou était-ce bien elle? À moins qu'elle n'ait fait allusion à cette histoire d'espionnage?

Laissant s'échapper un soupir d'impatience, Arielle laissa ses mains voleter sur les papiers épars, à la recherche de la clé qui lui manquait.

"... instable, morose, ennui..."
"... Joie - amourette, jalousie, vengeance?..."
"... étrangement triste..."
"... n'aimait pas les sauces du cuistot..."
"... Slamjack - espion, mission dans une guilde ou un parti politique, crime d'honneur?..."
"... passait des heures enfermé dans le petit salon..."
"... voulait être déniaisé, lupanars..."
"... frénétique, euphorique..."
"... se parlait tout seul..."
"... Malycia - relation ambigüe, amour?..."
"... Marthe - solitude, aventure?..."
"... excentrique, bizarre, très secret..."
"... Bathylde - trésor caché dans les souterrains, disparition?..."


Ah voilà! s'exclama-t-elle, la dernière note en main. Elle la relut en entier, le coeur battant.
Citation:
Malycia affirme avoir entendu Laurens parler avec sa fiancée (?) Bathylde - trésor caché dans les souterrains, disparition? Rumeur de décès de la damoiselle.

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Persevael.louis
Persevael regardait sa mère qui semblait réfléchir à plusieurs choses à la fois. Il n'en revenait pas, c'était comme si la vie était revenue en elle après une longue période d'absence, voire d'hibernation. Elle marmonnait quelques mots, puis se remettait à réfléchir. Lui, au milieu de ça, était totalement perdu. Il n'avait plus rien entendu de son frère depuis bien longtemps, mais tenait à assurer sa mère du fait qu'il avait cherché.

Vous savez, Mère, j'ai tenté de trouver quelques indices quant à sa disparition. Je trouvais bizarre qu'il ne soit pas icelieu lorsque je suis arrivé... Et je n'ai rien trouvé...

Il ne voulait pas être blessant, ni même pessimiste, mais se devait de faire face à la réalité. Il avait les idées claires et pour lui, il lui semblait juste de dire que jamais il ne retrouverait son frère. Il s'était fait à l'idée, depuis le temps...

Songeant un instant à faire part de ses pensées à sa mère, il vit qu'elle était en plein déchiffrage de la lettre. Il se tut un instant encore. A ses interrogations, il se contentait de hocher la tête...

Les discussions s'étaient maintenant portées sur Sainte Illinda. La missive faisait état d'une quête, d'une recherche voulue par elle, la Sainte-Patronne des Flandres. Persevael hésita alors entre deux possibilités : soit son frère était devenu fou, soit il avait eu une apparition divine. Il penchant plutôt pour la première des solutions, mais ne voulait blesser sa mère. Il gardait donc le silence dans lequel il s'était terré.

Mais lorsque sa mère fixa l'image de la Sainte, Persevael fut surpris. Jamais dans son Séminaire on lui avait appris que Illinda avait été Comtesse. Or, elle portait une réplique exacte de la couronne de Comte. Il regarda sa mère, et lança d'un air interrogateur.


Mais, comment expliquer une telle couronne, Mère ?

Il regrettait déjà d'avoir posé cette question. Comment lui, le Séminariste, avait pu négliger un tel détail dans la vie de la Sainte Patronne ? Il ne se le pardonnerait jamais si il avait mal appris. Après tout, il fallait faire honneur à sa grande distinction.

Regardant sa mère avec vif intérêt, il analysait ses gestes pour ne pas que, tout à coup, elle faiblisse. Il ne savait pas ce qui se tramait dans l'esprit de cette mère tant-aimée...
Arielle_de_siorac
La couronne?

Arielle fronça les sourcils. Revenant au tableau, elle put enfin mettre le doigt sur ce qui la chicotait.

La couronne... Attends un peu...

Cette couronne était en effet une incongruité sur la tête d'une sainte aussi pieuse et modeste que Saincte-Illinda. Il était douteux qu'oncques la religieuse ait déjà porté tel ornement! Et pourtant, Arielle croyait se rappeler de quelque conte autrefois lu au détour d'un recueil de légendes...

Tout en farfouillant dans les étagères encadrant la pièce, la comtesse tenta d'expliquer à son fils:
Il me semble avoir vu quelque part une fable à propos de cette couronne, je dois l'avoir ici quelque part... La couronne de Saincte-Illinda. Ça fait partie du folklore local, comme quoi ce serait un... Ah, j'ai trouvé!

Arielle brandit une reliure de cuir avec, à l'intérieur, une série d'histoires mythiques sur les Flandres d'autrefois. Elle ne tarda pas à retrouver la page qu'elle cherchait. Icelle était froissée et copieusement annotée en marge.

C'est l'écriture de Laurens!

Un regard luisant vint se planter dans les yeux de Persevael. La comtesse avait vu juste.

Voilà... la légende dit que Saincte-Illinda aurait possédé une couronne sacrée d'une valeur inestimable... lut la comtesse dans un murmure. On ne précise pas l'origine d'un tel joyau, mais il est dit que la chapelle où on l'aurait conservé après le décès de Saincte-Illinda aurait été la proie de pillards... de pillards qui auraient été punis par le Très Haut. Ils auraient perdu la couronne non loin de là... Et que depuis, nul ne l'aurait plus revue.

Arielle était consternée.

Un trésor... Laurens cherchait un trésor. C'est ça.

La lettre de l'héritier était toujours sur le bureau. La comtesse la reprit pour la citer: "Je la retrouverai, je lui ai promis. Elle a été perdue tout près d'ici, je la retrouverai, je lui apporterai."
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Arielle_de_siorac
Persevael était resté coi. L'esprit tourné vers sa trouvaille, la comtesse n'y prêta guère attention. Elle se replongea avec avidité dans le conte, non sans péniblement déchiffrer les pattes de mouches laissées par son héritier disparu.

Le silence les enveloppa.

Puis après un moment, Arielle fronça les sourcils, le nez collé à un nom gribouillé dans le coin d'une page où il était question de cette couronne perdue.


Eggewaartskapelle... murmura-t-elle. La chapelle Eggewaart... Je connais cela...

Elle laissa son regard caresser le profil du corps de son époux, l'air ailleurs. Il lui semblait entendre encore la voix de Jeanjacob lui narrer quelque chose... Il lui racontait l'amour qu'il vouait à sa baronnie, à ces bourgades de dentelle cachant sous un ciel maussade une vie chaleureuse et bonne, et surtout bien arrosée de bière fraîche. L'air y était pur et les gens étaient vrais. Un coin de pays sans prétention, qui semblait si plat et banal qu'on pouvait aisément passer au travers sans se douter des trésors qu'il recelait. Une terre qui convenait parfaitement à cet homme lumineux.

Et parmi les lieux improbables qu'il avait cités, Arielle était presque certaine qu'il avait prononcé ce nom.


Je crois que c'est à Veurne.

La comtesse leva la tête vers son cadet. N'eût été ces circonstances déchirantes, elle aurait presque souri. Elle avait enfin une vraie piste à suivre!


[Veurne]

Le curé transpirait à grosses gouttes malgré la bruine froide. Il secouait la tête d'un air malheureux.

Ja, Gravin, ik herinner me hem. Een... opmerkelijke jonge man. Alstublieft, het spijt me, ik genegeerd dat het was uw zoon.*

Arielle s'agrippait à la main de Persevael. Elle avait du mal à le croire. Cet homme avait vu Laurens!

Où est-il? Waar moet hij? Est-il resté dans la région? Heeft hij... hij verblijf... dans la région? À Veurne?

Ik denk van niet. Longtemps pas voir. Hij kwam tot mij vragen... Questions.**

Un malaise vint l'interrompre. Il semblait tout à coup gêné, comme s'il répugnait à en dire plus. Il lança un regard vers le jeune Persevael, pensant peut-être que ce dernier allait l'aider à éluder les interrogations de la comtesse.


* Oui, Comtesse, je me souviens de lui. Un jeune homme... remarquable. S'il-vous-plaît, pardonnez-moi, j'ignorais que c'était votre fils.
** Je ne pense pas. Il était venu me poser des questions.
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Persevael.louis
[Bruges, encore]

Persevael n'avait rien dit depuis quelques minutes. Il réfléchissait, argumentait intérieurement, pensait à son frère... Pourquoi avait-il disparu de cette manière ? Avait-il une quelconque raison de s'en aller sans laisser, ou très peu, de traces ? Le Gilraen n'imaginait pas qu'après tant de temps son frère puisse encore être en vie. Mais une lueur d'espoir subsistait, au travers de l'implication de sa mère dans cette enquête...

Comme à son habitude, le cadet priait. Cette fois, c'était pour le destin de sa famille... Cette famille, qui perdait de plus en plus de membres, avait besoin d'un héritier, qui redorerait le blason de cette illustre Maison ; un héritier qui redonnerait aussi d'autres héritiers et ainsi de suite. Mais personne n'avait plus de nouvelle du patriarche depuis la mort du Comte de Hoorn.

Cherchant à se retrouver dans les explications prononcées à demi-mot par sa mère, Persevael regardait de manière sceptique les pages laissées par son frère. Mais il ne dit rien à propos de cela, il valait mieux qu'Arielle s'accrochât à un nouveau but, en cette période endeuillée.

Puis, celle-ci se leva d'une manière déterminée. Louis ne put que la suivre sur les routes de Veurnes.



[Veurnes]

Le trajet n'avait pas été long, et le Gilraen le connaissait bien : après la petite forêt, l'on voyait apparaitre la baronnie qu'il appréciait tant où durant quelques temps il avait rassemblé une cour d'ecclésiastiques. Après cet événement, les gens l'avaient surnommé le Dévot. Il était plus facile pour les paysans de se souvenir d'un surnom que d'une particule à rallonge, raison pour laquelle tout le monde l'appelait ainsi à Veurnes.

Rencontrant le Curé, il lui avait sourit, le reconnaissant. Cet homme avait été d'une précieuse aide à Persevael, car il lui avait vendu plusieurs parchemins contant les valeurs aristotéliciennes flamandes et hollandaises, l'homme ayant fait son séminaire à Rotterdam.

La Comtesse avait engagé la conversation et Persevael vint à comprendre qu'un malaise s'était installé entre sa mère et le religieux. Il prit donc la parole.


Mijn broer vroeg hij u opdringerige vragen, mijn Vader? *

Le curé était pensif.

Nee, maar hij was op zoek naar iets... Een oude legende. Leert de geschiedenis van deze schat, maar volgens het laatste nieuws, het niet zou bestaan. **

Le Gilraen, peu sûr que sa mère avait suivit la réponse formulée par le Père, s'empressa de le lui expliquer plus clairement.

Il semblerait que le trésor que notre cher Laurens cherchait n'existe pas... Selon les docteurs de l'Eglise, évidemment... Mais il a posé des questions à propos de cela à nostre bon Curé.

Il regarda sa mère, cherchant une réaction de sa part...


* Mon frère vous a-t-il posé des questions importunes, mon Père ?
** Non, mais il cherchait quelque chose... Une vieille légende. On nous a enseigné l'histoire de ce trésor, mais selon les dernières nouvelles, il n'existerait pas.
Arielle_de_siorac
Il lui semblait qu'elle savait déjà ce que le curé voulait lui dire. Tout cela avait un parfum de déjà vu, comme si Arielle revivait un cauchemar qui l'aurait hantée depuis belle heurette.

Elle regardait cet homme fixement, attendant qu'il lui assène le coup de grâce.


Gravin, uw zoon... Hij was niet goed. Toen ik zei tegen hem dat de kroon niet bestond, hij werd... Il hésita. Comment dire de telles choses à sa suzeraine? ... wanhopige persoon. Volkomen waanzinnige.*

Le pauvre ecclésiaste se tordait les mains. Il s'efforçait de faire comprendre l'horrible vérité à cette vénérable mère, et redoutait à la fois de la voir saisir ce qu'il pressentait.

Moi triste. Homme fou, buiten zichzelf. Dat de Zeer Hoge voelt zielig voor hem.**

Elle acquiesça, le regard vide. Elle ne savait plus qui était son fils, pourquoi elle était là. Dans son esprit riait encore l'enfançon qu'elle avait aimé sous le ciel brûlant d'Orthez, ces grand yeux de fille aux cils doux, l'oisillon comme on l'appelait. Tant d'intelligence et de sérieux dans ce petit bout d'homme qui savait transformer leur verger de la cour en quelque pays mystérieux, théâtre des plus grandes aventures chevaleresques...

Quel rapport avec ce névrosé que tous lui décrivaient en Flandres? La solitude seule avait-elle pu le transformer à ce point? À moins que la folie n'ait couvé tout ce temps derrière ce front pur et ces prunelles perçantes? À ce compte-là, n'était-on pas tous fous à lier?

Ce n'était pas impossible. Maintes fois, sous les coups du sort, Arielle avait senti son esprit sur le point de vaciller dans quelque gouffre sombre. Peut-être elle-même était-elle démente.


Dank u, mijn Vader, murmura-t-elle enfin. Il n'y avait plus rien à chercher céans. Dans quelle direction se trouve la Eggewaartskapelle?


[Eggewaartskapelle]

Un haut clocher surplombait quelques masures délabrées. À part un chat qui avait filé à leur vue, il ne semblait guère y avoir âme qui vive aux alentours. Le temple morose était vide. Si l'ensemble n'était guère en ruines, il s'en fallait néanmoins de peu.

La comtesse traînait sa canne devant les fenêtres aveugles. Nulle trace de Laurens, et encore moins d'un fabuleux trésor.


Nous perdons notre temps.

Le vent agitait la cime des arbres enserrant le hameau. Puis, un froncement de sourcils. Ses prunelles s'étaient arrêtées quelque part vers la forêt.

Persevael... Il semble y avoir un sentier derrière la chapelle.



* Comtesse, votre fils... Il n'allait pas bien. Quand je lui ai dit que la couronne n'existait pas, il est devenu... désespéré. Complètement fou.
** Hystérique. Que le Très Haut ait pitié de lui.
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Arielle_de_siorac
Un ange était passé. Long flottement, comme si le monde retenait son souffle.

Une seule minute venait de s'écouler et pourtant, il semblait à la comtesse que le temps s'était ralenti. Sans plus attendre d'explications de son fils ou de quiconque, elle avait fini par avancer sa canne à travers le silence, devenu plus épais et opaque à mesure qu'elle s'était enfoncée dans le boisé.

Un sentier oublié sous le couvert de branchages. Nul oiseau, nulle fleur. Seule l'odeur organique de l'humus et de l'humidité.

À peine cinq toises derrière la chapelle, Arielle sentit sa canne heurter quelque chose en frôlant un buisson. Une racine? Le feuillage fut écarté du bout de la canne.

Non, pas une racine. Un os. Humain.

Un fémur.

La comtesse ferma les yeux un instant. C'était là, elle le savait. C'était lui. C'était le fou dont tout le monde lui avait parlé, le dément issu du petit garçon qu'elle avait mis au monde. C'était cet inconnu, Laurens. Elle le savait.

Tout à coup, elle était là aussi, à genoux dans la terre grasse, ses mains ridées fouillant la mousse, la poussière et la pénombre. Un autre os, puis un autre. Encore un, et là, un lambeau de vêtement d'une couleur indéfinissable. Et puis encore des os, et puis un crâne. Et là, dans des restes de phalanges, un anneau.

La chevalière de Laurens.

Sans dire un mot, Arielle tira le tout à elle pour serrer ces objets inertes sur son coeur. Elle ne pleurait pas. Pas encore. Ce squelette était la fin de l'angoisse, la réponse qu'elle avait tant cherché. Comment? Pourquoi? Elle n'en savait rien, ne comprenait pas. C'était inutile, il était là, dans ses bras. Elle berçait à nouveau son enfant, une dernière fois. Elle voulait le consoler.

Lui dire que la vie est belle.
Lui dire qu'elle l'aimait de toute son âme.

Elle marmonna une berceuse sans s'en rendre compte. Dors, mon trésor, je suis là, maintenant. Je ne te lâcherai plus. Plus de tristesse, plus de froid, c'est fini. Je suis là.

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Persevael.louis
Persevael avait suivi sa mère sans mots dire... Il était perplexe. Cette enquête avait pris une tournure des plus étranges. Sans même avoir le temps de parler au prêtre, le Gilraen et sa mère s'étaient retrouvés près d'une petite Chapelle où toute vie semblait impossible.

Il acquiesçait aux propos d'Arielle, mais ne semblait pas rassuré à emprunter le sentier qui se dessinait quelques mètres plus loin, au milieu de la nature verdoyante. Mais c'était là que se trouvait la chose... ou plutôt le cadavre.

Le cadet n'en revenait pas ; il était bouche-bée. Il ne reconnaissait pas le corps, il ne pouvait mettre un nom derrière ce squelette en état de décomposition. Le jeune homme se sentit mal à force d'inhaler les vapeurs que pouvait encore émettre un mort éparpillé en plusieurs os.

Mais ses pensées se dirigeaient maintenant vers sa mère. Elle vieillissait, et même s'il ne le voulait pas, Persevael devait s'y résoudre. Comment allait-elle encaisser un nouveau choc, après la mort de son époux ? Il voulut trouver les mots pour la réconforter, mais ils ne vinrent pas. Or, dans un élan d'affection, il prit la main de sa mère et la baisa, tout en lui murmurant quelques mots.


Mère, c'est difficile pour vous, j'en suis conscient... Mais moi, je suis là, toujours près à vous épauler. Et cela, à jamais.

Il la regardait, tout en souriant et en espérant être un repère pour cette mère plongée dans tant de tristesse...
Arielle_de_siorac
[De retour à Bruges]

Arielle ne savait pas comment ils étaient retournés en la demeure familiale de la Place Sainct-Ange. Elle ne prêtait plus attention à ces détails, à part ces os issus de sa propre chair, et cette chevalière, preuve irréfutable de son chagrin. Peu importait la route puisque désormais, elle ne mènerait nulle part où on voudrait aller.

On avait dû user de mille douceurs pour arracher la mère aux restes du fils et de l'époux, à présent côte-à-côte sur une table du petit salon. On avait soigneusement couché la comtesse en sa chambre, avec une infusion de valériane. La nuit s'était passée ainsi, dans l'émoi glacé des réponses obtenues.

À présent, les étoiles fuyaient devant l'aurore. Éveillée malgré le somnifère, Arielle laissait son regard morne errer d'une forme à l'autre. Elle était calme, laissant sans y toucher les larmes mouiller ses joues et son cou.

Le vide l'aspirait avec fureur. Sans le moindre geste, elle se sentait glisser inexorablement vers l'abîme. Fascinée, elle était fascinée par ce néant, ce manque, cette absence tangible. Les morts n'étaient pas que là où on les voyait. Ils étaient dans son corps à elle. Dans son ventre et sa tête, irrémédiablement vides. C'était avec détachement qu'elle se voyait plonger. Elle était en terrain connu. Il lui semblait revoir écumer l'eau sous son saule brugeois, prêt à l'aspirer.

Le vide l'appelait comme autrefois, après la mort de Sébastien Deldor. Et cette fois, elle se savait incapable d'y résister.

Elle coulait à pic.

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--Laetitia


Pourquoi elle s'était levée de son lit? Pourquoi elle était descendue en cachette, partant à l'aventure dans la maison encore endormie? Pourquoi, précisément ce matin-là, elle avait eu l'audace de braver les interdictions et de s'introduire, par la porte entrouverte, dans la chambre de Dame Arielle?

Bah, trop de questions! Elle n'en savait rien de toute façon. L'instinct, sûrement.

Bref, la petite souris s'était faufilée dans l'ombre, attirée par la vague idée d'une plaisanterie, ou peut-être du plaisir de faire le contraire de ce qu'on lui disait tous les jours de faire. Ou rien aussi, c'était possible.

En fait, elle agissait sans y penser, laissant sa curiosité naturelle la mener là où le jour aurait tôt fait de la chasser. Et c'est là qu'elle trouva la chaleur qu'elle avait peut-être cherchée, sous les draps, dans le grand lit de cette vieille dame qu'elle prenait pour sa mère, ou bien une fée, ou les deux. Elle tâtonna de sa main et de l'autre, avec le gant. Une forme vivante était là.

Pas de réaction. C'était bon signe, et pourtant elle était sûre que Dame Arielle ne dormait pas. Que se passait-il? En temps normal, une telle infraction aux règles lui aurait valu la fessée de sa vie... mais ça brillait sur le visage de la femme. Les yeux étaient ouverts.


Oh mais tu pleures! s'écria-t-elle tout haut.

Mais voilà qu'avant même de pouvoir élaborer sur cette surprise quasi surnaturelle, elle était prise dans l'étau de deux bras maigres. C'était bizarre, c'était comme si Dame Arielle s'accrochait à elle. Comme si elle allait tomber.


Aïe!

L'étreinte se radoucit alors, reprenant l'allure d'une caresse, une main plissée en coquille sur son front. Elles restaient embrassées, inertes. La petite était bien dans ce creux tout chaud, si bien qu'elle se rendormit avec satisfaction.
Persevael.louis
[A Bruges, dans une pièce annexe mais qui ne jouxte pas celle d'Arielle]


Persevael était sous le choc. D'abord son père, puis son frère... Sa famille se réduisait au fil des mois, et il ne pouvait rien faire, ce qui lui donnait une impression d'impuissance. Aussi, n'avait-il plus de nouvelles de sa soeur Rose, échouée quelque part en France... Ne lui restait qu'Arielle, sa mère, vieillissant au rythme des saisons. Il était horrifié de la perdre ; il ne s'y résolvait pas, mais devait paraître fort devant elle, pour lui servir de soutient et d'appui dans ces épreuves ô combien éprouvantes pour elle.

Le bonheur du Gilraen ne reposait désormais que sur le travail, qui l'éloignait un peu de ses soucis familiaux. Son poste de porte-parole l'aidait à penser à autre chose, à s'évader dans une autre sphère. Mais toujours, le futur venait s'interposer dans l'esprit de Persevael, qui assurait désormais la place d'héritier de la Famille Gilraen, prochain Baron de Veurnes et Comte de Hoorn. Il était préparé à cela, mais tout lui semblait aller trop vite. Bientôt, ses décisions auraient une valeur sur ses gens ; bientôt, il lui faudrait administrer des terres dans le Nord de la France. Lui qui rêvait secrètement de liberté, de s'en aller vers les contrées du Sud, près de Venise, il voyait ses dessein quelque peu entachés par ses nouvelles prérogatives.

Mais après tout, c'était un passage obligatoire. Il fallait maintenant annoncer son décès à tous et préparer la cérémonie finale. Lettres avaient été envoyées aux personnes concernées...

En attendant, le Gilraen ne pouvait se reposer. Il restait à prier pour le salut de son père, qui avait, quoi que bon aristotélicien, peu participé à la vie de l'Eglise.
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