Bulle
Et ça posait problème à Bulle.
Parce que, voyez-vous, elle était devenue riche.
Oui, riche. Enfin, elle supposait. Elle ne savait pas compter après 19 (le nombre de doigts qu'elle possédait, toute catégorie confondue) et ne savait pas de combien elle disposait.
Mais ça pesait sacrément lourd dans les poches, les chausses, les guenilles intimes et tout autre endroit où entreposer des écus.
Elle avait pas fait exprès dêtre riche.
Depuis son arrivée à Poitiers, elle sétait fait discrète. Pas de taverne (à cause de Corniaud qui le lui avait interdit) donc pas de tournées à payer.
Pas de champ ni déchoppe donc pas de frais.
Pas de maison à entretenir.
Pas de ramponneau où claquer son argent parce quelle nen avait jamais compris les règles.
Quant à la nourriture, elle préférait la voler.
Bref, elle était bien embêtée. Elle ne pouvait pas continuer dêtre pauvre en étant riche. Cétait pas comme ça que ça se passait.
Aussi se rendit-elle jusqu'à une place fréquentée, marchant lourdement, jambes écartées et cliquetant de partout comme si chaque pas déplaçait une montagne (démarche lui donnant des allures de gardiens de vaches d'un pays pas encore découvert). Vivement l'invention du billet de banque.
Nhabitants dPoitiers ! Comment squon vous zappelle djà ? Ah voui Pictogrammes ! Nan Pictavernes ! Nan plus Picnicdouille c'toi l'andouille ! Fin bref
Léger silence parce que la gueuse sénervait davoir oublié le mot.
Puis :
Chuis riche ! (Bras écartés en signe de toute-puissance)
Pis ça membête un peu paskeuh les sous çpèse trop lourd Jpouvions pu marcher droit pis cpas pratique pour courir près les poules.
Elle se tut pour ménager son effet, farfouillant dans son bas pour en sortir une pleine poignée de pièces quelle jeta sur le pavé.
Alors jvous donne mes sous ! Moi chpquoi en faire.
Et elle continua ainsi, balançant sa fortune sur le sol sale.
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