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[Rp] Adieu sérénité, bienvenue cruauté

Junye
[Au petit matin du 12 septembre..]


Le soleil se lève paisiblement en cette belle matinée de fin d'été en dévoilant une demoiselle au petit ventre rebondit, assise en tailleur sur un lit, oreillers et draps, froissés, éparpillés, rejetés. Des morceaux de vélins griffonnés parsèment son alentour proche, disputant la moindre parcelle de tissu non recouverte à un imposant plat, posé en équilibre sur deux coussins roses.
Ledit plat, composé essentiellement de friandises et gourmandises de toutes sortes, subit l'assaut incessant d'une main droite gourmande, piochant et picorant sans vergogne, la la moindre miette sucrée, qui se retrouve presque instantanément, portée à la bouche affamée.
Et oui, je crois qu'il est inutile de préciser qu'elle est enceinte et donc d'autant plus gourmande, ou devient plus couramment un "ventre sur pattes". Et qu'il n'est jamais bon de contrarier une femme, toute demoiselle qu'elle soit.
Au cas-où. Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenu.


Quoiiii ?!

Ses doigts -poisseux donc- cessent soudainement leur ballet gastronomique, pendant qu'un sourcil se hausse de surprise. Portant ses doigts à sa bouche, dont elle ôte soigneusement le surplus de jus, elle se redresse quelque peu, écoutant attentivement le silence matinal, interrompu quelques instants plus tôt... Fausse alerte?

Junyyyyye !

Eh bien, non.
Junye, se lève donc, une main machinalement posée sur son ventre, après avoir repoussé gâteaux, lettres, draps et coussins, et se dirige, plutôt se précipite, vers la pièce d'où proviennent les cris.
Et c'est inquiète qu'elle pénètre dans la chambre de sa cousine, demandant d'une toute petite voix enfantine..


Alya..?
_________________
Alya
Alya, déjà vêtue de ses habits d'officier, était installée à son bureau. Elle se levait tôt ; pas mal de travail en perspective, un peu comme d'habitude. Mais, ce matin-là, les traditionnels ronchons entrecoupés de bâillements intempestifs (Elle n'était pas du tout de ces gens que l'on pouvait appeler "du matin") laissèrent place à un cri d'étonnement.

Quoiiii ?!

Elle se leva brusquement de sa chaise, manquant de peu de renverser sa tasse de chocolat chaud.

Junyyyyye !

Après avoir appelé à l'aide sa cousine adorée, elle entreprit de relire de nouveau la missive qu'elle tenait fermement dans sa main.

Berthe... Incendie... Eloi... Trop de nouvelles, mauvaises en l'occurrence, d'un coup. Elle réfléchissait à toute vitesse en grimaçant nerveusement : "Comment faire ? Et pourquoi ça retombait sur elle ? Et qui allait aller le chercher ? Et puis qu'est-ce qu'elle allait faire de lui ? "

Alya..?

Elle sourit de soulagement en voyant Junye pénétrer dans la chambre. Sa cousine allait sûrement pouvoir l'aider, ou du moins lui donner de bons conseils.

Regarde ! Regarde cette lettre !

Elle la lui tendit en un regard désespéré.


Citation:
Dame Alya,
Je me présente, sœur Curiette de Briançon. Je vous apprends, par cette missive, une bien funeste nouvelle. Vostre soeur, Berthe de Goudin, de son nom de jeune fille Berthe d'Estresse, a rejoint, en ce 28 août 1458, notre cher et bon Aristote. Son départ brusque se fit aux côtés de son, désormais défunt, mari, Marcellin de Goudin, décédé lui aussi dans le malheureux incendie de leur propriété de Briançon.
Fort heureusement, le Ciel nous a fait grâce d'un véritable présent : il a permis à leur bienheureux fils, Eloi de Goudin, de se sortir vivant de ce tragique accident. Ainsi, il se trouve en ce jour à mes côtés. Je l'ai recueilli et promets de m'en occuper jusqu'à ce que vous veniez le chercher.
Je vous attends donc à Briançon, afin que vous puissiez retrouver votre neveu et ensuite vous charger de lui et de son éducation.
Qu'Aristote vous garde,
Soeur Curiette de Briançon


Tout en jouant avec ses mains pour tenter de se calmer, elle ne quittait pas des yeux sa cousine, attendant un petit signe, une expression, un tic nerveux, qui lui ferait comprendre ce qu'elle en pensait.
Junye
Un nouveau vélin agité devant elle -pas l'un des siens cette fois-ci- pendant qu'elle tente de comprendre le pourquoi du comment des hurlements. Son regard noiseté parcourt allégrement la pièce à la recherche du moindre indice, éventuelles tâches de sang, bêtes de toutes sortes, personne connue ou inconnue, meubles renversés, brisés.. ?

Rien de tout cela, si ce n'est une Alya à la limite du désespoir qui tend toujours à sa cousine un parchemin... Un parchemin ?!
Après un léger sourire se voulant aussi rassurant que possible, certaine que rien d'autre ne peut être la cause du tel désarroi de sa cousine adorée, et qu'une lettre ne peut pas être bien méchante, Junye se décide enfin à saisir l'objet tendu. Une lettre, plutôt courte, d'un expéditeur... inconnu...

Ses yeux déchiffrent de plus en plus lentement la lettre, pendant qu'elle se fige. Berthe... Eloi... Un incendie... Le couvent... Et, Eloi... Eloi surtout...
Levant son regard vers sa cousine, les traits du visage rendus inexpressif par un mélange de surprise, d'incompréhension et de tristesse, elle la regarde sans rien dire, laissant les phrases prendre pleinement leurs sens dans son cerveau encore tout embrumé de sommeil et de friandises sucrées.

Quelques secondes après, elle s'anime de nouveau, se dirigeant vers son Estresse, qu'elle prend doucement dans les bras. Caressant paisiblement ses cheveux châtains, elle laisse les secondes s'égrener lentement.. Ne sachant, comme à son habitude, que dire, que faire... Aussi tente t-elle la phrase d'usage, phrase d'usage certes, mais pas non moins sincère pour autant...


Je suis désolée...

Et le silence de se réinstaller entre elles, avant que de nouveau elle tente de le briser, demandant d'une voix la plus douce possible

Que souhaites-tu faire maintenant ?
_________________
Alya
Je suis désolée...

Alya respirait lentement, sentant le parfum framboisé de sa cousine qu'elle serrait doucement dans ses bras. Elle essayait de se souvenir de Berthe. Chose peu aisée, puisque cette dernière était partie avec son Marcellin alors qu'elle n'avait pas encore atteint sa sixième année. Hm... Gros effort de concentration. Il fallait bien se souvenir de quelque chose et être triste. C'est comme ça que ça doit se passer normalement, non ?
Bon... A quoi elle ressemblait... Grande, mince, le teint pâle, les cheveux châtains, comme elle et sa Junye, toujours tirés en arrière et attachés en un affreux chignon, et puis... Euh...
Flou total.
Bon, si le physique bloquait, il fallait se rappeler du tempérament. Affable ? Chaleureuse ? Affectueuse ? Drôle, peut-être ? Hm... Non, même pas en fait. Elle était assez lunatique, ronchonne et sérieuse. La petite Alya d'un lustre avait été assez effrayée par la grande Berthe.
Sinon, pas d'autres souvenirs.

Alya essayait, elle essayait vraiment d'être triste. Mais rien. Elle se trouvait tout de même assez horrible. Mais, après tout, elle n'avait jamais réellement eu de nouvelles de Berthe depuis son départ pour Briançon. Elle était plus une étrangère qu'autre chose.
Alya ressentait tout de même un petit pincement au cœur : elle aurait peut-être dû demander des nouvelles à sa sœur, essayer de la connaître un peu plus... (Enfin, jusque là, cette idée ne lui avait jamais traversé l'esprit).
Se mordant nerveusement la lèvre inférieure, elle replongeait dans son passé pour tenter de retrouver quelques souvenirs qui seraient capables de raviver des sentiments perdus.


Que souhaites-tu faire maintenant ?

Que faire.. Que faire ? Pleurer sa sœur ? Elle allait essayer, elle allait au moins y repenser et prier pour que son âme soit en paix. Et puis, voilà, c'est tout.

Ses yeux s'écarquillèrent, ses mains se crispèrent. Elle se détacha de sa cousine et commença à faire les cent pas.

Non... Ce n'était pas tout justement. Il était là, lui. Et ça, ça changeait tout. Sa vie allait radicalement changer si elle devait s'en occuper.

Elle se laissa tomber sur son lit, regardant le baldaquin bleu nuit. Des centaines de pensées commençaient déjà à faire bouillir son cerveau. Respire ! Respire...


Elle soupire avant de murmurer, angoissée :

Junye... Qu'est-ce que je vais faire ?
Junye
Junye regardait longuement Alya, semblant perdue dans ses pensées, observant minutieusement son regard empreint d'une certaine mélancolie, teinté d'une légère tristesse... Ou tout comme, allait savoir ce qui se tramait en ce moment même dans la tête de sa belle cousine. Aussi opta t-elle pour la tristesse, en toute logique.

Et soudain, elle la vit se crisper tout d'abord, puis se lever et se mettre à marcher pour finalement préférer se laisser choir sur son lit.
Ne sachant que dire ou que faire, elle se prit à espérer que sa cousine lui réponde enfin, pour pouvoir savoir à quoi s'en tenir plus ou moins...
Et c'est ainsi que...


Junye... Qu'est-ce que je vais faire ?

A son plus grand soulagement, le miracle s'était produit, Alya était sortie de sa langueur... Sauf que son espérance fut de courte durée lorsqu'elle nota le ton angoissé sur lequel la réponse avait été énoncée.

Sa lèvre inférieur soigneusement mordillée, elle se leva à son tour et vient s'asseoir à côté de sa Presque-Marraine sur le bord du lit, assez près d'elle au cas-ou, mais en même temps éloignée au cas-ou aussi. Et c'est avec la plus grande douceur dont elle était capable -ce qui n'est pas peu de chose !- qu'elle posa son regard sur elle, pendant qu'un mince sourire étirait ses lèvres, et arrêtait pour un temps le massacre dentaire.

Après quelques nouvelles minutes de réflexions mentales actives, après avoir une nouvelle fois relue la missive, elle lui répondit..


Je crois... qu'il n'y a plus grand chose à faire pour elle... et Marcellin... Prier... Leur rendre hommage... Et parler, évoquer tout cela, si tu en ressens le besoin...

Quelques secondes de plus afin de choisir soigneusement les mots qui allaient suivre...

Mais... Eloi est là... Et... Il a besoin... De toi...

Et nouveau top départ aux mordillements de la lèvre inférieure, pendant que ses mains se rejoignent inconsciemment et se resserrent entre elles, histoire d'évacuer autant que possible toute l'anxiété découlant de la dernière phrase...
Parce qu'Alya et les enfants... C'est une toute autre histoire...

_________________
Alya
Mais... Eloi est là... Et... Il a besoin... De toi...

Alya cacha son visage derrière ses mains. Elle priait pour que ce ne soit qu'un rêve.

*Aller, tu es en train de dormir ! Voilà, calme-toi, ce n'est qu'un cauchemar ! Un très très mauvais cauchemar, c'est sûr. Berthe, morte ? Tss... Mais non ! N'importe quoi ! Et puis, même si c'était le cas, ce n'allait pas être à toi que l'on allait confier le petit Eloi. Surtout, que tu ne l'as jamais vu ! C'est seulement ta mère qui t'avait appris que Berthe avait mis un petit garçon au monde, il y a... dix ans de cela environ. A part ça, tu n'en avais pas entendu parler. Tout va s'arranger. Tu vas te calmer, compter jusqu'à cinq et te réveiller. Tout sera comme d'habitude*

Elle resta quelques secondes à essayer de se convaincre mentalement, compta, puis rouvrit les yeux.

De nouveau, elle voyait le baldaquin bleu. Elle posa les bras le long de son corps. Elle sentait qu'elle n'était pas sous les couvertures, qu'elle était allongée en travers du lit. Bon, déjà, ça commençait mal pour que ce soit seulement un rêve. Normalement, elle aurait du être allongée sous les édredons, et dans le bon sens, tant qu'à faire.
Grande respiration pour se donner du courage.
Elle tourna légèrement la tête sur le côté et aperçu Junye, au regard débordant de tendresse, même si elle semblait quelque peu anxieuse.
C'était mauvais tout ça, très très mauvais. Elle ne rêvait donc pas. Mais vraiment pas.
Une grimace de découragement déforma son visage.
Lentement, elle se redressa et s'assit en tailleur, faisant face à sa cousine. Elle serrait machinalement dans ses bras un coussin vert émeraude auquel elle transmettait toute sa nervosité.


Je ne peux pas m'occuper lui.
Junye
Je ne peux pas m'occuper lui.

Repliant ses jambes sous elle, Junye vient se lover bien en face d'Alya, appuyant légèrement sa tête contre son épaule gauche, pendant qu'elle dessinait mécaniquement du bout des doigts des arabesques sur les couvertures. Ses noisettes, s'employant à contempler longuement le visage de sa cousine, puis le coussin, les mains, le visage encore, puis les dessins imaginaires puis de nouveau le visage...

Elle prit une profonde inspiration avant de lui répondre, avec un mélange de douceur et de conviction..


Si, tu le peux.. Tu le sais, tout aussi bien que moi... C'est ton neveu, le fils de ta sœur.. Et il n'a plus que toi...

Agrémentant le tout d'un petit sourire mi-navré, mi-compatissant, mi-chaleureux, mi-compréhensif, en la regardant de nouveau, elle avança timidement sa main vers une mèche de cheveux rebelle d'Alya et s'amusa l'espace d'une seconde à la tournicoter autour de son index droit.
_________________
Alya
Peut-être que c'est mon neveu... Mais je ne l'ai jamais vu. Je connais juste son nom et son âge, et encore, seulement de façon approximative.

Elle recommençait à se mordiller la lèvre, le regard perdu dans le vide, jouant nerveusement avec les pompons du coussin vert. Elle ? Avoir un enfant ? Ou du moins s'occuper d'un enfant comme si c'était le sien ? ... Il ne fallait peut-être pas trop lui en demander.
Alya n'avait pas ce que l'on pouvait appeler "l'instinct maternel". Les cris, les pleurs, les caprices et compagnie, très peu pour elle. Et puis, même si cet Eloi était bien sage et poli, cela importait peu. Il dérangerait son petit train train habituel, ajouterait toutes sortes de complications.


Et puis... Tu sais très bien que les enfants et moi... Ce n'est vraiment pas compatible. Puis, esquissant un sourire. J'avais enfin réussi à me faire à l'idée que, bientôt, tu serais maman. Mais moi, avoir à m'occuper d'un enfant, c'est tout autre chose... Je ne suis pas faite pour ça. Il faudra trouver une autre solution pour ce pauvre Eloi...
Junye
Elle pouffa en entendant Alya argumenter longuement, essayant de la et de se convaincre des bienfaits de ne pas garder Eloi avec elle.
Allons bon, sa peur bleue des enfants et de tout ce qui se rapportent à eux pouvait être aisément surmonter, fallait juste essayer de se laisser persuader du contraire.
C'est donc avec un sourire non feint et hautement persuasif qu'elle reprit.


Eh bien moi, je crois, ma très chère, que tu seras parfaite, ou tout comme. Tu seras certainement d'accord avec moi pour dire que tu n'es ni plus sotte ni moins adaptée qu'une autre pour le faire.
D'autant plus qu'Eloi n'est plus vraiment un enfant...


Elle réfléchit quelques secondes, les sourcils légèrement froncés avant de poursuivre.

Quel âge a t-il ? Onze ans si je me souviens bien ? Ou douze ? Et sans attendre le moindre acquiescement/désaccord de sa part.. Tu vois, il est grand, presque un homme !
Il te suffira de lui apprendre ce qui lui reste à savoir, et puis, je suis certaine qu'il sera ravi de s'employer au métier des armes.. Il pourrait venir avec toi à la caserne, et te servir d'écuyer, en attendant que sa formation débute pour de bon.


Arrivée à ce stade de son plaidoyer, il ne lui restait plus qu'à utiliser son argument imparable, ou du moins ce qui lui semblait être comme tel, ce qu'elle s'empressa de faire. Inutile de préciser que sa main se posa inconsciemment sur son ventre et que son regard s'illumina au moment ou elle reprit la parole d'un ton doux mais néanmoins convaincu.

Et puis... Je crois que vous allez pouvoir vous apporter une multitude de choses tous les deux...
Tu devrais écouter ton cœur ma Alya...


Elle lui sourit de nouveau et attendit, priant, espérant que ses paroles la touchent et empruntent le chemin menant à l'acceptation ou ne serais-ce qu'à la résignation.
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Alya
Plus Junye parlait, plus Alya affichait une tête qui pourrait s'assimiler à celle d'un chien battu.
S'occuper d'Eloi était impossible. Jamais elle n'aurait la patience, le sérieux, ni même l'envie, pour le faire. Avec, il serait malheureux : elle n'allait jamais être là, ne pourrait pas s'occuper de lui convenablement. De plus, Junye était enceinte. Un garçon de douze ans allait la fatiguer, chose qu'il fallait surtout éviter. C'était décidé, il ne fallait pas qu'il vienne ici. Elle allait trouver une autre solution.


Tu devrais écouter ton cœur ma Alya...


Elle ne put s'empêcher de rire nerveusement.

Écouter mon cœur ? C'est simple alors. Il restera à Briançon. Je ne peux pas m'en occuper et ma fonction m'empêche d'aller le chercher.

Elle s'interrompit quelques instants, se trouvant de nouveau horrible. Après tout, ce n'était qu'un enfant, il n'y pouvait rien. Elle ramena ses jambes près de son corps, les entourant de ses mains et posant son menton sur ses genoux.


Junye... C'est ainsi. Je n'ai pas l'instinct maternel. Toi tu l'as... Tu peux donner tout ton amour à un enfant. Moi, c'est impossible. Je n'ai pas envie qu'il vienne. J'ai peur de ne pas être capable de l'aimer, et que ce soit réciproque. J'ai peur de ne pas réussir à m'en occuper, et qu'il soit malheureux. C'est aussi bien pour lui que pour moi qu'il reste à Briançon.

Elle réfléchit quelques instants tout en évitant soigneusement de regarder sa cousine dans les yeux. Un simple regard tendre et suppliant de sa part pouvait la faire changer d'avis. Elle le savait, elle n'était pas en position de force face à Junye, puisqu'elle était incapable de lui refuser quoique ce soit. Elle prit alors un air sérieux et convaincu.

Je vais écrire à soeur Curiette et lui dire qu'à cause de ma fonction, je ne puis venir chercher Eloi et qu'elle devra donc le garder encore un peu avec elle. J'agrémenterai le tout d'une bourse avec assez d'écus pour subvenir à leurs besoins et prendrai de ses nouvelles de temps à autres. Et puis, quand il sera grand, il pourra toujours venir nous rejoindre ici si cela lui chante.

Elle risqua un regard vers sa cousine et devina facilement qu'elle n'adhérait pas vraiment à cette solution, elle ajouta alors avec un semblant d'assurance :
C'est une bonne idée, n'est-ce pas ?
Junye
Arf... Manqué ! Loupé ! Argument miteux ! Zut de zut... Et hop, nouveau mordillage de lèvres, pendant qu'elle écoute attentivement les arguments irréfutables d'Alya.
Elle se laisserait presque convaincre d'abandonner Eloi aux mains de Sœur Curiette, moyennant tout de même une éducation et des conditions de vies digne de celle de sa parenté. Presque..

Sauf que... Sauf que non, cela n'est pas possible, impensable, inimaginable. Pourquoi ? Tout simplement pour une intuition, ou plus communément "la petite voix intérieure de la raison", celle qui sermonne, et qui pousse à reprendre la "lutte". Pourquoi ? Eh bien, parce que ce n'est qu'un enfant, non-responsable de ce qui lui arrive, et qu'en bonne Aristotélicienne qui se respecte, elle ne peut pas. Et qu'en plus le neurone relié à l'instinct maternel, elle l'a et pas qu'un peu.

Aussi, devant son air convaincu, presque intimidant, elle reprit d'une voix douce au possible


Alya... Es-tu sûre ? Es-tu bien certaine que cela soit le bon choix ?

Si seulement elle savait lire dans les pensées, elle saurait comment parvenir à la convaincre pour de bon. Un regard pleinement bisounouresque et le tour serait joué. Seulement, pas de chance, elle ne sait pas, donc elle va de nouveau devoir se dépatouiller avec des arguments guère convaincants.

Réfléchis... Ce n'est qu'un enfant, qui vient de perdre ses parents, les personnes comptant le plus au monde pour lui. Il se retrouve seul, entre les mains de parfaites inconnues, et la seule personne qui pourrait lui apporter une famille, de l'amour, ou du moins de l'affection, et un bien-être non négligeable, aurait le cœur de lui refuser tout cela ?

Posant sa main droite sur la sienne, elle poursuivit en la serrant doucement

Certes, je ne te dis pas que tout ne va être que plénitude, joies et satisfaction que de l'avoir avec toi...
Mais tu ne seras pas seule, je suis et serais là. Tu peux compter sur moi.

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Alya
La regarde un instant puis baisse la tête, un peu honteuse de ne pas vouloir de l'innocent Eloi. Il n'y était pour rien, il n'avait jamais voulu cette situation. Le malheur s'était abattu sur le garçon de la même façon que ce dernier lui tombait littéralement dessus.
Mais elle n'avait jamais voulu d'enfant, et puis, devoir s'occuper de lui lui rappellerait un peu trop à son goût qu'elle était désormais seule, qu'il était parti.
Mordillements de lèvre. Évacuation de ces dernières mauvaises pensées. Il y avait assez de problèmes comme ça, pas besoin de repenser à ses peines de cœur.

De son regard baissé, elle pouvait voir le petit ventre rond de Junye. Un faible sourire s'inscrivit sur son visage. Elle serait vraiment une bonne mère, elle. Douce, aimante, compréhensive, elle serait merveilleuse.


Junye, tu dois surtout t'occuper de toi... S'il vient ici, cela provoquera du bruit, de l'agitation... Tu n'as pas besoin de tout ça !

Elle entreprit de nouveau de tresser les pompons du coussin avec une application déconcertante. Bon, fallait vraiment trouver quelque chose là. Un dernier argument qui rendrait tout le monde d'accord.
Les méninges chauffaient, sans grand résultat. Aller, tant pis, il ne restait plus qu'à ressortir le prétexte simple et indiscutable.


De toutes manières, le problème est réglé : je ne peux pas aller le chercher. Donc à moins que Soeur Curiette ait un moyen de le faire venir ici, il restera à Briançon.

Elle esquissa un petit sourire triste.

Je lui enverrai de l'argent et correspondrait avec... Je suis désolée de ne pas pouvoir faire plus, mais, après tout, ce n'est pas comme s'il allait être malheureux avec Sœur Curiette...
Junye
S’il y en a bien une dans la pièce qui est plus que convaincue du potentiel maternel d’Alya, c’est bien elle ! Oui, promis, juré, croix de bois, croix de fer, toussa toussa... Personne ne pourra lui ôter de la tête que sa cousine est faîte, ou de façon plus convaincante : à tout pour être maman, malgré la gêne qu’elle éprouve devant les enfants, et encore plus les bébés. Il suffit juste de forcer un peu les choses pour lui prouver. Et puis, en bonne bisounours aristotélicienne, et éternelle adepte de la « positive attitude », comment douter qu’un enfant ne peut être source de joie ?
Aussi poursuivit-elle, d’un ton fervent et encore convaincu…


Bah ! Ce sera un bon entraînement tu ne crois pas ? Autant se faire au plus vite aux cris, aux énervements, aux disputes et aux réactions caractérielles, qui suivront inévitablement dans quelques années.
Et puis, il pourra s'occuper de sa jeune cousine ou de son petit cousin, quand il est ou elle viendra au monde.


Junye la regarda, un doux sourire aux lèvres, évacuer toute son inquiétude en tortillonnant son coussin. Un nouvel argument déjà utilisé réapparaissant de nouveau... Une moue boudeuse déforma légèrement son visage pendant qu'elle commençait lentement à s'appesantir dans une plausible renonciation.

Quand soudain... Tilt ! Enfin ! L’idée génialliscime et parfaitement irréfutable !

Et c'est avec un sourire plus radieux que jamais, qu'elle reprit, en clapotant des mains avec enthousiasme


Si c'est là le seul véritable obstacle... J'ai de quoi te le résoudre facilement ma très chère !

Quelques secondes de suspense supplémentaires… Ben oui, quoi, faut bien se faire désirer un peu et attendre que l’attention de sa cousine lui soit pleinement accordée.

Je n'ai qu'à aller le chercher moi !

*Mode monologue intérieur on: *Héhé ! Alors ma Alya, prête à devenir maman ? Et non, non, pas de petit regard triste s'il te plaît. Tu le sais, au fond, tout au fond de toi, que j'ai raison... N'est-ce pas ? ... *Mode monologue intérieur off *
... Ou pas ? Ou bien est-elle dans un petit rêve dégoulinant de bons sentiments, de bonnes intentions, et en fin de compte, simplement égoïste ?

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