[LouisHubert]
Et une fraction de seconde trop tard, il esquiva un nouveau coup, si bien que la lame lancée avec acharnement sur le Cerf frôla son bras droit à la hauteur de lépaule, venant fendre très légèrement le tissu et couper très superficiellement la peau sous celle-ci, si bien, que lon aurait pu y voir quelques gouttes dun sang âcre et quelque peu noirâtre perler sur la peau et teinter la chemise, si elles navaient pas aussitôt été emporté par le déluge qui fracassait la capitale. Ce nétait pas tellement la douleur du coup; elle était bien minime, mais plutôt lorgueil qui était blessé : il venait de le toucher! Sen était trop, ce jeu avait assez duré. Le sourire amusé du Cerf disparu avant même que les premières gouttes aient été emporté par la pluie, laissant place à une expression froide, et des yeux brulants derrières le rideau de pluie, si bien que le contraste si flagrant entre feu et glace en était terrifiant.
Deldor avait déjà repris sa position, et allait renchaîner dun coup puissant et prévisible. Lépée était levée haut dans le ciel de plomb, et les sens du Cerf étaient tous prêts à bondir. La lame tomba au même endroit que le coup précédent qui avait à peine fait mouche, le Vicomte pivota vers larrière en prenant appuie sur son pied gauche, de manière quil était maintenant à la gauche du coup dépée. Emporté dans son élan, Deldor perdit légèrement léquilibre vers lavant, sa main armée se retrouvant au niveau de sa cuisse droite; cétait ce quil attendait, et malgré sa position éloignée, il tenta un coup fin qui devait atteindre le thorax. Le mouvement lancé, il vit clairement que la distance était trop grande, mais il pouvait atteindre le poignet et la cuisse
Le coup fin et puissant tomba, sec et dur, sur le poignet de Deldor, le coupant dun trait et continuant son chemin dans sa cuisse, pour aller sarrêter un peu avant le fémur. La main ainsi coupé se détendit, laissant tomber lépée quelle tenait sur le sol mou et poreux de terre et deau, pour ensuite sétendre non-loin. Le sang quelle contenait se rependait tranquillement sur le sol, tel un léger ruisseau dilué par leau de pluie, qui suivait les mille et un reliefs du sol ramolli. Un cri de douleur étouffé aussi bien par la pluie que lhomme retentit dans la cour intérieure, et de son poignet maintenant coupé, on pouvait y voir un long fluide rougeâtre et sombre qui y coulait doucement, dentre les chairs déchirées et dos tranché, mais le plus morbide restait létat de sa cuisse, ou lon pouvait voir une longue plaie béante de la largeur de la lame du Cerf, profonde et ruisselante de sang, la peau déchiré sauvagement et certains nerfs sectionnés dans un mélange burlesque. Sa jambe droite seffondra sous son poids et il se retrouva un genou au sol, tenant son poignet tranché dune main et vociférant mille insulte au travers de la pluie.
Et malgré cela, le sourire du Cerf ne revint pas
Il prit son épée de la main gauche et sapprocha dun pas rapide vers lhomme souffrant, à une portée de bras, le regard en feu, perçant le déluge continuel. Il était maintenant insensible aux mille et une gouttelettes qui avaient tombé et continuait encore de tomber, sur sa tête. Deldor vociférait tellement dinsulte et dexpression de douleur quil ne vit pas que le Vicomte était si proche de lui. Peut-être voyait-il le bout de ses bottes de cuir, à genou ainsi penché, mais il nen dit mot, surement parce ce que la souffrance prenait toutes ses pensées. Le Cerf leva sa main droite, et, du revers de la main, il envoya une gifle monumentale sur la joue gauche de Deldor; sa chevalière laboura la joue du chevalier déchu, le contact froid du métal sur sa peau bientôt remplacé par celui de la longue entaille dune bonne dizaine de centimètre de long, assez profonde et brulante que les armoiries dHarlegnan venait dy laisser. Et doucement, le sang suintait de celle-ci, aussitôt balayé par les gouttes de pluie qui coulaient le long de son visage. Sous le choc, sa tête avait été projetée vers larrière, lui tordant douloureusement les vertèbres du cou et du début du dos.
Relève-toi Deldor, et fais face à ta mort comme un homme, ou abandonne tout de suite dans la honte et le déshonneur, le choix te revient!
Le ton était puissant, teinté de colère et de haine. Ce nétait plus le Vicomte galant en ce moment; cétat le gracieux prédateur, celui des premiers jours à Dunkerque dans son enfance, en mieux habillé, un plus de printemps et des coups descrime plus adéquats. Deldor se releva péniblement, tentant de mettre tout son poids sur sa jambe gauche. Au moins ce misérable avait encore de lhonneur, et il laffronterait jusquau dernier moment! Il ramassa son épée sur le sol avec sa main gauche, qui nétait pas coupé, et se mis en une semi-position de combat, la seule chose quil pouvait faire dans létat de son corps, ruisselant de sang et de souffrance. Sa respiration était haletante et pénible, on voyait facilement aux traits crispés de son visage quil vivait un martyre, mais il avait de lhonneur, et nabandonnerait pas. Ainsi, il leva son épée haut dans les airs. Un léger sourire traversa le visage du Cerf, une sorte de légère marque de respect pour cet homme qui sur ses dernières minutes. Et il fonça, un long cri sortant de sa bouche, avançant le plus rapidement quil pouvait, courant même sur sa jambe à moitié coupé qui se disloquait et se tordait dans de long craquement lugubre sous le poids de leffort. Et il voulu abattre son épée sur le Cerf, mais il ne finit jamais son mouvement. On entendit le bruit des côtes qui se fracturaient, de la chair qui cédait. Dun coup puissant, il avait planté son épée dans le thorax de Deldor, sur son flanc gauche, vers le haut. Sa respiration fut coupée, et un long ruissellement de sang rosé dû à la perforation du poumon sortait de la plaie. Le cur nétait pas touché, mais ses vêtements étaient teintés de point de sang à certains endroits, là où les côtes cassées avaient perforés les tissus. Un éclair transperça le ciel figeant le temps et découvrant, lespace dun instant, la scène épique: Deldor lépée haute dans les airs, le souffle coupé, les yeux exhorbités, le Cerf, sa lame planté dans le thorax de Deldor, le regard flamboyant. Et leurs regards se croisèrent, une dernière fois surment, car le temps reprit sa vitesse normale, au moment même où il délogeait son épée du thorax, laissant le pauvre pantin mourant seffondrer à genou sur le sol, mouillé de pluie et de sang. Il avait le regard perdu et brumeux, les bras le long du corps, son épée reposant à côté de lui.
Et dun coup sec, tout fut terminé. Sa lame fendit lair, et du même coup, la gorge du mourant. Ce qui restait de sang dans le corps détruit de lhomme sortit en un long jet de la coupure, venant teinter les vêtements mouillés du Vicomte, sa lame, et son visage de quelques gouttelettes éparses. Et il seffondra tête première dans la boue, la terre et leau, un long ruisseau de sang coulant sur le sol et venant rejoindre les bottes du Cerf. Il savança tranquillement vers le corps maintenant inerte, dos aux témoins, si bien quils ne pouvaient pas voir ce quil faisait. Il se racla la gorge bruyamment, mais la pluie avait pris le monopole du son, et il cracha sur Deldor, maintenant mort. Le crachat tomba sur les cheveux mouillés du défunt, aussitôt balayés par la pluie torrentielle. Il se pencha sur le corps, et vit quil portait toujours son collier de chevalier... Chevalier déchu, reste chevalier, un dun coup sec, il larracha et lenfourna dans une de ses poches. Tous se tenaient à distance, attendant quil leur fasse un signe signifiant que cétait bel et bien terminé. Il se releva lentement et cria assez fort pour enterrer la pluie.
Ce duel na jamais eu lieu! Le corps de Sebastien Deldor de Plantagenet a été retrouvé dans cet état, sa bourse en moins, sur une route des Flandres, et a été rapporté ici par ceux qui lont trouvé, ils ont été récompensé comme il se doit. Me suis-je bien fait comprendre? Cela vaut aussi pour les membres de la domesticité, et je sais avoir la main très lourde!
Le ton était sans équivoque, impérial. Le Cerf reprenait le contrôle de la situation, et nul ne devait déroger à cela. Il ne faisait pas vraiment cela pour lui, car il était dans son droit, mais pour le fils du défunt; sil apprenait que son père était mort en duel, il vouerait surement sa vie pour le venger, ce qui serait bien inutile. Et sans aucune autre forme, il quitta dun pas rapide vers lhostel.