Dans un carrosse qui fait route jusqu'à Paris :
Une maison, deux maisons, trois maisons, plus de maison. Une route, elle n'en finissait pas. Un arbre, deux arbres, trois arbres, quatre et puis zut, il y en avait trop, elle ferait mieux de compter des moutons imaginaires.
La jeune fille était totalement étalée sur une banquette arrière et ne s'arrêtait pas de râler. Un carrosse, qui avait eu l'idée saugrenue de la faire voyager dans un truc pareil ? C'est à cheval qu'on voyageait à s'en faire des bleu aux fesses ! Sans tenir plus en place, elle se leva pour finir par se cogner la tête au plafond bas.
Saloperie de .. groumph ! HILDEBURG !
La gamine se réveilla en sursaut, le carrosse devait lui plaire à elle. 12 printemps à peine, mais efficace avec un sale caractère, tout ce qui plaisait à Dame Tifenn, c'est pour cela qu'elle l'avait choisi.
Oui oui ! Dit elle d'un air ronchon.
Sommes nous bientôt arrivées?
Le front vint se coller à la vitre ainsi que le reste de son visage ce qui le déforma passablement, lui donnant un air étrange, la gamine ne put d'ailleurs pas retenir son rire. Tifenn se tourna vers elle le regard noir.
Je t'ai posé une question ! Réponds moi donc au lieu de glousser comme une dinde !
Oh ça va ! Oui, nous sommes bientôt arrivées, d'ailleurs ' lieu de gigoter à dépenser votre énergie sur moi vous f'riez mieux d'vous habiller.
Quoi m'habiller ? Elle ne te convient pas ma tenue ?
Les sourcils se haussèrent, fusillant la gamine du regard. Certes, elle avait mis des habits de voyage : c'est ce qu'on faisait la plupart du temps lorsqu'on voyageait alors pourquoi lui baratinait elle les oreilles celle là ?
Elle n'eut pas de réponse, la môme sortait déjà une robe de je ne sais ou, un truc horrible que portait les autres nobles pour ce donner un certain style, ce qui ne fonctionnait absolument pas aux yeux de Tifenn d'ailleurs, elle les trouvait risible avec leurs fausses bonnes manières qui criaient l'hypocrisie à plein nez, le tout rehaussé de froufrou inutiles.
Hildeburg vint déjà sur elle pour tenter de la déshabiller. En premier temps elle ne se laissa pas faire, se mettant à l'engueuler ferme mais après les explications de la petite, elle se résigna à tenter de mettre cette robe qui n'était pas si horrible que cela. En premier lieu, elle n'avait rien trouvé de plus à dire qu'à Paris, les nobles étaient habillés... comme des nobles. Ce qui n'avait pas convaincu Tifenn, puis elle trouva l'argument valable, celui de ne pas faire honte à Fitzounette qui serait sûrement reconnaissante à sa cousine d'avoir, pour une fois, les manières qu'il convenait.
Elle enfila donc la belle robe, sans froufrou inutile, classe juste comme il fallait, un tissus de soi sûrement, bleu foncé, presque noir. Tifenn était debout et tournait sur elle même, se disant qu'elle était plutôt canon dans ce truc qui lui faisait un décolleté énorme et plongeant, elle qui n'avait pas une grosse poitrine habituellement.
Enfin, elle pensait son calvaire fini lorsque la petite se mit à lui passer un corsage autour de la taille et de serrer de toutes ses forces. Tifenn devint écarlate, le souffle court.
Mais tu veux me tuer ! Enlève moi cet objet de torture tout de suite ou je te fais bouffer ta langue !!!
Mais Dame Tifenn ! Restez tranquille cinq minutes ! Vous verrez vous vous habituerez !
Elle grinça des dents : « vous vous habituerez » sale môme !
Enfin, le temps d'ajuster la tenue, qui lui allait à ravir soit dit en passant, une remise en forme de sa coiffure qui demanda beaucoup de temps pour dresser les boucles rebelles de la jeune Dame et la voilà prête, ressemblant à toutes les nobles du coin, elle était parfaite pour ce rôle là, physiquement du moins.
Il était temps car en effet le carrosse s'arrêta devant une taverne.
Lorsque le cocher vint ouvrir la porte du carrosse, il surprit Tifenn au milieu d'un problème qui lui était existentiel. Elle fixait tour à tour ses armes, l'oeil plus pétillant encore lorsqu'il passait à sa hache fétiche. Sa hache, sa meilleure amie, en seconde position puisque Fitzounette tenait la première, mais sa seule amie qui ne la contredisait jamais. Elle ne pouvait pas sortir sans arme, elle qui les aimait tant. Il fallait qu'elle trouve vite une solution, ce qui fit son esprit bien aiguisé. Elle attrapa la hache, puis la reposa d'un geste de regret, prit sa lame et la tendit à Hildeburg.
Tiens, prends ça et tais toi.
Entrée de la taverne :
Ce qu'elle aimait particulièrement, c'était inverser les rôles. En effet, lorsqu'elle se trouvait parmi les gueux, elle jouait la noble exécrable et odieuse, mais lorsqu'elle se trouvait avec les nobles, elle jouait la gueuse sans manière, mais pour une fois, elle décida de jouer la noble parmi les nobles. Ce qu'elle ne ferait pas pour sa presque soeur !
C'est donc la tête haute qu'elle descendit du carrosse, laissant même le cocher l'aider en lui tendant sa main. Elle avait l'impression de jouer un rôle mais cela l'amusait grandement, pourtant, son visage restait sans expression, mis à part un petit air hautain qu'elle aimait prendre.
Elle pénétra donc dans la dite taverne et un homme, personnel de la maison sûrement, vint l'accueillir tout sourire, propre sur lui.
Il jeta ensuite un regard à Hildeburg, puis sur l'épée qu'elle tenait à la ceinture, beaucoup trop longue pour sa petite taille, il s'apprêtait à faire réflexion quand Tifenn le coupa net.
Ma garde du corps, allons donc !
L'homme fixa la rouquine d'à peine 12 printemps, pas plus haute que trois pomme et toute menue alors qu'un sourire moqueur se dessinait sur ses lèvres.
Tifenn balança son regard de la môme à l'homme un bon moment sachant pertinemment que la crédibilité de ses propos était mise en doute mais elle n'en avait cure, son visage resta de marbre et elle finit par reprendre la parole d'un ton froid et cassant, c'est qu'elle tenait à avoir son jouet près d'elle.
Veuillez retirer ce sourire idiot de vos lèvres et faire votre travail, conduisez moi auprès de sa grasce Fiztounette de Dénéré-Penthièvre.
Salle commune :
Il les mena jusqu'à une table isolée où se trouvait effectivement sa cousine, meilleure amie, presque soeur, son père adoré ainsi que deux demoiselles qu'elle ne connaissait pas.
Le pauvre cerveau de la jeune fille était en pleine ébullition et plusieurs souvenir de son enfance revinrent l'envahir. Oui, fille de Duchesse, elle avait eu le droit à toute l'éducation possible et inimaginable, pourtant, elle n'avait jamais écouté, elle se souvenait d'ailleurs plus des gifles de sa mère pour toutes les conneries qu'elle pouvait imaginer que les dites leçons. Quelques brides revenait pourtant : La tête haute, marche lentement, tiens toi droite, sourit, soit charmante, parle que lorsqu'on te donne la permission, flatte la genre masculin ... Elle leva les yeux au ciel, que des conneries tout ça ! En plus, c'est qu'elle suffoquait dans ce foutu corsage !
Mais ce n'était qu'un petit effort, un tout petit, elle souriait, un sourire forcé pour enfin arriver à la dite table. Exagérément, elle s'inclina bien bas, prenant chaque pan de sa robe pour les tirer quelque peu vers le haut dans une magnifique révérence tout à fait lèche cul, le sourire jusqu'au oreilles en regardant sa cousine, prête à exploser de rire.
Votre Grasce, vous me feriez un grand honneur en acceptant que je me joigne à votre tablée.
D'un signe de tête tout aussi exagérément poli , elle salua les deux jeunes femmes qu'elle ne connaissait pas puis se tourna vers son père.
Père, je vous salue bien bas.
Elle jubilait, tentant de se maîtriser pour ne pas rire.