Grimoald
Lorsquil était descendu, il avait passé son temps avec Agnès. Ils étaient restés de longues minutes à attendre, sans parler. Grimoald était rassuré. Oui, pour lui, il ny avait aucun doute : Aleanore ne mentirait pas. En fait, il ne se posait même pas la question. Elle laimait, il laimait, et à présent, il le savait. Pourquoi introduire le mensonge dans une telle relation ? Non, non. Aleanore devait se ressourcer, partir à Firenze, et, même, elle y serait bien. Oui, il ny avait pas de doutes là-dessus. Elle serait heureuse, là bas, bien quelle soit loin de ses amis. Alors il attendait. Que devrait-il se passer ? Il nen savait rien. La seule chose dont il avait la certitude était que les personnes passaient, les unes après les autres. Dans la salle « dattente » planait un silence lourd, pesant. LAlterac ferait un dernier discours, les remerciant, sûrement, ou bien les priant de prendre soin deux. Rien de bien innovant. Or, Grimoald, comme tous, attendait ce moment. Il voulait lentendre, encore et encore, sa voix douce et fluette Celle quil aimait tant, et qui mainte fois lavait fait rire, pleurer, chanté
Puis enfin, lorsque tous furent passés, elle apparut dans la salle. Belle, gracieuse, comme tous laimaient. Son visage ne traduisait rien de sa souffrance, rien de son envie den finir. Elle avait toujours été une bonne actrice. Alors, létincelle sortie de la salle, leur adressant un dernier au revoir, qui en réalité était un adieu. Oh, triste providence Pourquoi nous quittes-tu, belle demoiselle ? Tu ne te doutes pas du mal que tu pourrais faire Tu ne veux plus avoir mal, mais veux-tu vraiment que lon souffre pour toi ? Le mieux naurait-il pas été de garder au fond de toi cette souffrance, et que tous vivent heureux ? Serais-tu égoïste, Aleanore ?
Ainsi, donc, elle est partie. Elle reviendra, Grimoald en a la certitude. A son retour, il laimera autant, il laimera même plus. Souris, Grimoald, la vie tattend. Mais ce fut sans compter sur la misère humaine. Les humains sont pauvres, dénués de courage. Alors que certains animaux tuent pour survivre, lhumain se donne la mort, fuyant ce qui, pour certains, est un trésor. Il allait monter dans le coche, lorsquun cri fut poussé. Ce nétait pas un cri de femme (ce qui eut pour effet de rassurer le môme). Un cri dhomme, viril, dont la signification nétait pas audible. La chapelle Montmorency laissa là la comtesse du Lavedan, se fondant en excuses, et il courut vers la chapelle. Les portes étaient ouvertes, et le peu de lumières quoffrait cette ouverture éclairait le sinistre tableau.
« Non non »
Et si, Grimoald. Pauvre petit Elle ta mentit. Ne fais confiance en personne. La vie te la déjà montré, non ? Et maintenant, il te reste à pleurer. A la pleurer, en espérant quelle monte avec les anges. Ni une ni deux, le gosse se dirige vers elle, courant, bousculant tout sur son passage. Il nen croit pas ses yeux écarquillés, et ne se soucie même plus du titre de noblesse de lhomme qui est déjà près delle. Il sen moque, sa reine nest plus. Poussant de lépaule (mais non sans volonté) le Baron, il secoua le corps sans vie de létincelle. Nessayes pas, Grimoald, cela nen vaut plus la peine. Pourtant, il la secoue, lappelant, criant son nom Et les larmes de lui venir aux yeux Et le jeune homme de pleurer Ses habits sont souillés de sang, mais il sen moque. Le sang na jamais tué personne Et il crie, encore, se vidant de toutes les larmes que son corps pouvait produire. Il lembrasse, létreint, lui murmure des choses. Mais ceci ne la fera pas revenir.
Et cest ainsi que, en quelques instants passés aux côtés de celle qui nétait à présent quun fantôme, Grimoald devint un homme. Oui, le môme a grandit. Jamais plus il ne pleurera, jamais plus il ne sera triste. Parce quaujourdhui, sa raison de vivre est partie.
Adieu, belle Poupée Sanglante.
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