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[RP] - J'irai cracher sur vos tombes.

Isaure.beaumont
Recroquevillée dans sa malle, Isaure commençait à trouver le temps long – le temps passe toujours plus lentement quand une vessie est pleine. Et alors qu’elle allait se résigner à sortir de sa malle pour aller s’alléger un peu avant le voyage, elle entendit la porte s’ouvrir. Le départ était imminent. Enfin. Dans quelques interminables heures sans manger, ni boire, sans pouvoir se défouler ou se soulager, elle serait à Florence, en tête à tête avec Aléanore. Elle en ferait des jalouses, c’était certain.

Elle s’imaginait déjà déambulant dans les rues au bras de l’Altérac, écoutant attentivement ses leçons de goût ou ses conseils avisés sur la façon de parler en société. Elles chanteraient ensemble pour le plus grand bonheur des florentins. Elle serait les oreilles d’Aléanore, lui deviendrait indispensable et puis un jour, elle rencontrerait un bel homme et elle l’épouserait. Il serait riche et puissant. Et alors, elle reviendrait en Royaume de France, au bras de cet homme d’exception et ensemble ils éblouiraient la petite noblesse française.

Revenant à réalité, la jeune fille dut plaquer sa main sur sa bouche pour étouffer le pouffement d’excitation qui venait de franchir ses lèvres. Se faire repérer si près du but aurait été bien dommage. Dans quelques instants la malle serait soulevée par des domestiques qu’Aléanore, même sourde, insulterait avec justesse. Pourtant rien ne vint. Elle entendit bien quelqu’un entrer et une voie d’enfant s’éleva. Allait-elle cesser de crier le nom de son idole ? Elle serait bien sortie pour lui ordonner de cesser de brailler mais alors que les pas de la fillette se rapprochèrent avant de cesser, d’autres, plus lourds se firent entendre et une voix d’homme rompit le silence.

Isaure ne pouvait faire qu’écouter…

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Grimoald
Des minutes s’écoulèrent.
Longues…
Pénibles…

Chaque grain de sable s’écoulant dans le sablier du temps était une épreuve pour le jeune Montmorency. Il avait mal. Non pas sur son corps, mais dans son âme. Avec le temps, il s’était habitué aux blessures physiques, cependant, il n’en était pas moins vulnérable aux blessures morales, à celles qui, selon lui, étaient les plus dévastatrices. Pauvre Grimoald… Comme tu as sale mine. Ses joues, d’ordinaires si belles et propres, étaient à présent maculées par ces larmes qui cessaient, petit à petit, de couler. La crasse incrustée ressortait, durcissant sa peau. Les ordres du baron ne furent qu’un lointain échos a peine perceptible. Il était avec sa Nore, et ça, rien ne l’en priverait. Il fallait donc qu’il la porte. En avait-il la force ? Ses jambes n’arrivant même plus à le porter, flanchant sous son poids. Même avec la meilleure volonté du monde, il ne l’aurait pas pu. Alors il regarda le valet qui, aussitôt, comprit. Il devrait porter le corps seul. Mais Grimoald ne voulait pas rester sans rien faire. Il prit donc le chemin de la chambre, ouvrant les portes au valet qui était à présent chargé. Ils demandèrent le chemin, ils se hâtaient dans les couloirs. Lorsque Grimoald voyait que Victor avait du mal, il l’aidait à remonter son fardeau, son magnifique fardeau, sur son épaule. Puis, enfin, ils arrivèrent dans la chambre. Grimoald passa le premier.


« Doucement ! »

Fais doucement, Victor, je t’en conjure. Passant derrière le page, le jeune garçon l’aida à déposer en délicatesse la jeune femme sur son lit. Même morte, elle était belle. Elle resplendissait de grâce, étendue si désinvolte. Alors il la mit correctement, les jambes parallèles, allongées, les bras croisés sur sa poitrine. Oui, comme une reine Egyptienne. Alors, Cléopâtre pourrait passer dans les mains des embaumeurs, pour vivre éternellement, dans l’au-delà. Repose-toi bien, ma belle, tu l’as mérité.
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Jehanne_elissa
Grimoald… En le voyant elle aurait bien eu envie de lui parler. Avoir une discussion enrobée des souvenirs gênants de leur première rencontre pour oublier la drôle de discussion avec Aléanore et son discours. Pour ne pas trop se connecter à la réalité, pour ne pas trop se poser de questions ; ça l’adolescence lui laissait le loisir de s’en poser plein, des questions gênantes. Mais Grimoald avait suivit Aléanore à l’extérieur et Eilinn avait de même, et du bruit, des râles, du mouvement, elle regarde, seule pour un moment dans la pièce, sans trop réagir. Serait-ce la sensibilité exacerbée de cette petite Goupil qui la pousse à ne pas suivre car sait-on jamais, c’est peut-être triste là-bas ? Les larmes… Elle les a toujours fuies, moins il y en a mieux elle se porte, la tristesse a une emprise affreuse sur elle, une emprise qu’elle ne supporte pas, une emprise qui l’empêche d’être joyeuse. Mais petite innocente ça, c’est la base de la peine. On ne sait plus être heureux. Peut-être que la petite Goupil, de part sa naïveté et sa joie de vivre débordante, la vit moins bien que d’autres ? On n’en sait rien. Mais elle se décide à aller voir ce qu’il se passe au dehors, dans le lieu saint.

Et les bruits, les bruits nouent sa gorge et serrent son ventre en approchant. Des cris. On parle du Très-Haut. Ce n’est jamais très joyeux lorsque l’on crie et parle du Très-haut alors elle s’arrête devant l’entrée de l’édifice et écoute, simplement. Et c’est la peine qui vient la cueillir… La peine d’entendre ce qu’elle entend, la peine d’imaginer ce qu’il se passe à l’intérieur. La peine de savoir sans avoir besoin de voir. Et l’état second… Contre les portes elle s’adosse, contre les portes elle se tait. Son cœur bat fort, très fort mais son souffle lui reste discret, un simple filet de vie si proche d’une morte. Alors le temps passe. Et elle reste immobile.

...

Mais est-ce une curiosité malsaine, elle qui aime tant fuir la réalité, qui la pousse à entrer ? Est-ce une curiosité déplacée alors qu’elle imagine parfaitement au vu des voix entendues ce qu’il s’est passé ? Le regard vert, trouble de part le drôle d’état dans lequel elle se trouve, se pose sur le lieu. Et la nausée, une affreuse nausée, un haut le cœur suivi de sueurs froides qui la pousse a s’assoir sur un banc, tête baissée, tête entre les mains, cheveux roux devant son visage. Du sang. Tant de sang… Des larmes. Trop de larmes… Et la silhouette de l’Etincelle si mutilée, si déformée, si… Laide. Nouveau hoquet entre haut le cœur et larmes, ses petites mains rondes serrent sa tête, serrent ses cheveux comme une hystérique le ferrait après une crise folie. Le temps passe encore et c'est sonnée de ce qu'elle a vu, même choquée qu'elle ne bouge pas, ne parle pas, ne pense plus à rien à part à ne pas vomir.

Est-ce la même curiosité malsaine qui la pousse à lever la tête quand les mouvements se font plus audibles, quand la nausée passée réveille ses oreilles et ses sens endoloris par le choc? Sourcils froncés, pâle comme un linge elle regarde des gens sans visage ni nom venir et porter le corps, elle regarde celui à avec qui elle voulait tenir une discussion puérile se tenir comme un Homme, qui accompagne le corps. Elle voit l'édifice se vider, elle voit une dernière fois le corps de l'Étincelle éteinte. Et elle baisse à nouveau la tête pour un nouvel hoquet. L'odeur ferreuse du sang vient à ses narines. Dérangeant. Morbide. Elle commence à tordre ses mains et à gesticuler, comme si elle soufrait sur son banc. Irrespirable, irrespirable, ça empeste trop la mort, ça empeste trop la peine, ça empeste trop le mensonge de l'Etincelle. Jamais elle ne ferra d'enfants à Florence. Elle leur a menti à tous.

Puisant dans des forces certainement créées par la colère due aussi bien au mensonge d'Aléanore qu'à la saturation de l'air elle se lève et, chancelante, petite fille fragile face à la cruauté de la vie qui s'avance vers la sortie. Ce sont ses sens qui s'éveillent qui lui font bien distinguer les portes, qui lui font sentir différents appuis pour rester droite, qui donnent ce gout de sang dans la bouche, qui lui font voir une silhouette sur le Prie Dieu...


- « Eilinn !

Une petite silhouette d'adolescente brune épuisée sur un prie-dieu. Et un cœur de meilleure amie qui se serre plus encore qu'à la vue du corps de la suicidée. Est-ce égoïste de sa part, de se montrer plus réactive, plus attentionnée pour sa meilleure amie plutôt que pour une personne venant de mourir qui avait sa place dans son coeur? Face à la scène de mort sa seule réaction avait été physique pour une incommensurable incompréhension morale, une nausée et des sueurs froides pour le décès d'un être apprécié. Mais là elle marche, mais là elle tâtonne, mais là elle traverse de ses si délicates chaussures en cuir de Cordoue brodées de petite fleur champêtres d une flaque de sang noirâtre, en tachant ainsi sa robe, s'imprégnant ainsi de la mort de l'Étincelle.

- « Eilinn.

Elle s'accroupit et touche l'épaule de son amie, nonobstant complètement tout ce qu'il se passe autour. Sa main droite vient serrer fort, très fort, trop fort surement. Elle serre pour la sentir là, elle serre car sortie de l'incompréhension la sensation du sang épais dans ses chaussures la dérange. Et ce contact, ce contact pour des larmes qui viennent remplir ses yeux vert. Mais pourquoi?

- « Eilinn… Ne… » Nouvel hoquet. Et des larmes. « Ne… reste pas là ! Viens... Eilinn vient... ! »
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Eilinn_melani
Vide.

Vide.

Son esprit était vide. Aucune pensée cohérente n'arrivait à faire son chemin dans l'esprit perturbé de la jeune Eilinn.

Ce fut la douleur qui la sortit de son apathie, la prise de la main de Jehanne Elissa sur son épaule, et elle leva un regard presque hagard vers son amie qui la pressait de sortir d'ici.


Oui, oui tu as raison...

La brunette avait du mal à percevoir l'atrocité de la situation, mais elle obéit docilement à la Goupil et se leva de façon chancelante. Elle passa un bras sur l'épaule de son amie, pour trouver une stabilité temporaire et pouvoir sortir de la chapelle.

Alors qu'une heure plus tôt elles devisaient encore sur les espérances enfantines, les illusions sur la nature humaine, voilà qu'elles se retrouvaient les pieds dans le sang de leur amie, à tenter d'oublier l'horreur de cette vision dans la chapelle.

Le soleil de la fin de l'été l'éblouit presque, et elle cligna des yeux tout en revenant à la réalité. Comme tout semblait... normal au dehors... Le vent soufflait, le soleil brillait, les oiseaux chantaient.
Eilinn murmura à son amie :


Partons d'ici.

Elle savait très bien ce qui serait dit. Probablement que le baron de Digoine parlerait d'un tragique accident, une chute sur la pierre froide et marmoréenne de la chapelle, chacun pleurerait alors la mort d'Aléanore de façon sincère.
Mais la jeune Melani ne voulait que peu de choses, se débarrasser de tout ce sang sur ses vêtements et ses mains, et oublier. Dormir.

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Alycianne
On vient.

- Doucement !

Son sourire se perd sur le fardeau du valet. On l'a déjà vue, cette robe. On connait ces cheveux. Et ce visage fin, oh !
Puis cette couleur pourpre, tant chérie... Et pourtant à cet instant, tellement redoutée.


- Va-t-en la môme.. Va-t-en.. T'as rien à voir. Va-t-en qu'j'te dis ! Ton père voudrait pas..


Elle se lève, chancelle.
S'approche du lit, ose poser les yeux sur le cadavre. Les poignets sertis de sang coagulé. Les cheveux épars, la face blafarde, la tenue tâchée. La fillette dévore le spectacle des yeux, n'arrive plus à s'en détacher, comme si quelque chose, qu'un la retient, par derrière, et lui souffle à l'oreille :
"Regarde ! Regarde, Alycianne de Blanc-Combaz, et souviens-t-en chaque jour de ta vie !"

La fillette reprend son souffle. Elle devait faire quelque chose. Tout ce sang... Quelque chose d'important. Les mains écarlates... Très important. On lui a coupé les veines. A propos d'Aleanore. Qui a pu faire ça ? Aleanore et elle, quelque chose entre elle et l'Etincelle, c'est cela. Quelqu'un qui ne voulait pas qu'elle parte en Italie ? Elle devait lui parler.
Lui parler.

Et la voilà sous tes yeux, Alycianne, qu'attends-tu ?

- C'est toi qu'a coupé les poignets. Amère conclusion qui franchit les lèvres de la môme.
Elle perd le contrôle.


Cette enveloppe vide, dans ce lit, c'est toujours Toi ? Cette enveloppe vide, juste là, c'est toujours Moi ?
Moi ne suis plus là, et Toi qui es là-haut...
Où suis-je alors ?

Au pied du lit, à vomir ce trop plein d'horreur, une sourde note aux lèvres, longue note, qui ne s'arrête pas, c'est un lancinant appel au secours.
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Clemence.de.lepine
Elles arrivent, et Grimoald et le valet les y ont déjà précédées. Clémence observe Blanche, qui observe le corps, et elle sait alors ce qu’elle ressent pour l’avoir ressenti avant elle.

Maintenant, elle se sent lasse, terriblement lasse, mais le choc, doucement, passe, trépasse, pour laisser place à la détermination. N’est-ce pas ainsi qu’Aléanore voulait la voir ? Elle entend en sourdine le valet demander à quelqu’un de sortir. Qui… ? Mais que fait-elle là, cette petite ? Combien, au juste, y-a-t’il d’enfants dans cette propriété pour qu’il en apparaisse un à chaque fois qu’elle franchit un nouveau seuil ? Après avoir effleuré Eilinn et Grimoald, après avoir lancé un regard douloureux et compatissant vers Cassian, cette jeune femme, celle là même qui ne comprend pas les enfants et les redoute se précipite vers celle qui s’est courbée au pied du lit, exprimant aux yeux de tous sa souffrance et son malheur.


Alycianne… Car elle sait qui elle est. Ne l’a-t-elle pas déjà rencontrée ? Elle s’agenouille à ses côtés, ses boucles blondes volant, sans qu’elle ne s’en préoccupe, au dessus de ce sol maculé et souillé. Clarisse est déjà auprès du lit, linges humides et parfumés nettoyant une dernière fois celle qui lui fut si chère. Clémence se saisit d’un morceau de tissu et dans un instinct protecteur vient humecter le visage de la fillette, nettoyer sa bouche, ses mains, sa robe. Allons… tu ne devrais pas être ici. Veux-tu que nous allions ensemble retrouver ton frère ? Ton père ?

Aléanore a déjà beaucoup de monde pour elle. Blanche, Grimoald et Clarisse. Ils sont bien assez de trois pour la nettoyer, pour prendre soin d’elle. Il faut bien quelqu’un pour s’occuper de cette enfant qui en a trop vu. L’épreuve est déjà bien assez dure pour les adultes : elle n’ose imaginer combien elle doit être terrible pour ces enfants. Oh… comment pourront-ils conserver leur innocence après ce qu’ils auront pu voir ou deviner aujourd’hui ?

Et elle se relève, tendant la main à la brunette, lui offrant un visage amène et souriant, autant qu’il lui était possible de lui donner.
Viens. Ils seront heureux de te voir et je pense que toi aussi.
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Eusaias
Les mains avaient saisi sa suzeraine, l’une par le bras, l’autre dans le haut du dos. Il n’avait pas su trouver les mots justes, les mots doux, ceux qui ne blessent pas. Le balbuzard n’avait jamais su trouver les mots au bon moment, puis en pareille circonstance mot auraient-ils pu être doux ? Ce fut donc de cette voix, froide et distante qui annonça la tragique nouvelle. « Je suis… désolé Marie, tellement désolé. Plus heureuse et sans souci désormais elle sera. » Ces mots de malheur avaient à peine finit de résonner que sa suzeraine vacilla. L’étreinte fut resserrée, Marie plaquée contre son vassal.


Eusaias resta là un moment, raide comme un piquet, sa suzeraine inconsciente dans ses bras. Tout défila devant ses yeux brouillés, l’ennoblissement, les rires en taverne les disputes aussi, lorsqu’il avançait qu’il épouserait Aléanore… Aléanore… il se mordit l’intérieur des joues. Sans vraiment de douceur il souleva sa suzeraine et s’invita dans le château, il devait l’allonger.



De l’eau qu’on me fasse porter de l’eau !


Une chambre fut réquisitionnée, la porte s’ouvrit d’un coup de pied et la suzeraine fut déposée en douceur. La tête du Balbuzard qui passa par l’encadrement lança un second :


« De l’eau ! »


Le coup de semonce fut sans doute de trop, une bonne arriva à petites mais rapides foulées une vasque entre les mains. Le récipient passa des mains aux serres et le balbuzard resta autoritaire.


« Fait moi venir mes enfants et prestement ! »


Ni une ni deux, la vasque rejoint la commode et un tissu imbibé d’eau le visage de Marie.
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Mariealice
Il parait que le noir est confortable, qu'on y est au calme, loin de tout. Plus de peine mais plus de joie non plus. Pas de mort mais pas de vie non plus. Donc elle ne sentit rien, ni le fait qu'Eusaias la prit dans ses bras, ni qu'il la portait, ni la posait. Pas plus qu'elle ne l'entendit. Elle était ailleurs mais nul part en même temps.

L'eau finit par la faire revenir au monde et à ses sensations qui lui firent l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. L'air pénétra ses poumons comme dans ceux d'un presque noyé venant tout juste d'être repêché. Il l'étouffa un instant mais aucune panique n'en résultat, juste une brève pensée pour ceux qu'elle aimait et qui étaient toujours de ce monde, ceux pour qui elle devait vivre encore, quoi qu'à cet instant il lui en coûta.

Elle rouvrit les yeux et ne posa nulle question quant au pourquoi elle était allongée dans une chambre ni au comment elle s'y trouvait. Doucement Marie s'assit, repoussant lentement et sans grande force le linge humide et la main de son ami et vassal. L'air qui entrait et venait lui faisait toujours aussi mal, semblait la brûler de l'intérieur. Aucune illusion en son coeur. Aleanore n'était plus. Et cet au revoir, cette mise en scène n'avaient été là que pour dire adieu.

La colère commença à monter en elle, l'ouragan à souffler comme il savait si bien le faire quand la douleur était trop forte et qu'elle ne pouvait l'endiguer. Violent, terrible, la rendant froide, coupante, lui permettant de tenir debout mais au prix d'un effort qui l'épuisait et la mettrait tôt ou tard à genoux. La brune ferait pour que cela arrive quand elle serait seule et pourrait hurler jusqu'à s'en casser la voix, taper contre les murs jusqu'à s'en mettre les poings en sang. Mais pour l'heure, la couleur de ses yeux renseignait quant à son humeur tout comme le ton de sa voix.


Elle s'est tuée n'est-ce pas? Oui bien sûr qu'elle l'a fait. Elle ne m'a même pas demandé mon aide, n'a rien voulu me dire que cette histoire d'Italie. Que suis-je donc si je ne peux protéger mes enfants et qu'ils préfèrent la mort à me parler, à me demander mon soutien? J'aurais mieux fait d'étouffer Merlin dès sa naissance, de lancer un tueur sur les traces de Maeve pour ensuite trouver quelque chose ou quelqu'un qui me fasse stérile à tout jamais. Ainsi tout serait fini une bonne fois pour toute.

Et d'un coup l'ouragan sortit de sa prison de chair pour envahir la pièce, faisant se lever avec lui la mère qui, de rage, se mit à ravager la chambre, attrapant ce qui lui tombait sous la main pour l'envoyer contre les murs de pierre, renversant sièges et coffres, dévastant le lit jusqu'à n'avoir plus de force contrairement à la tempête qui rugissait toujours en elle.

Debout, les bras ballants, le souffle court, le visage aussi pâle qu'une statue faisant ressortir le vert de ses iris, elle fixait l'ouverture donnant à l'extérieur.

Pourquoi Eusaias? Pourquoi?
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Blanche_
L'horreur était devant Blanche, affalée sur un lit de plumes et de soie.
Mais Blanche n'avait peur de rien, elle s'avança donc. Trois pas en avant... Aucun en arrière. Une main tendue vers elle, pour y saisir les doigts. Qu'elle a plein de sang, poisseux et collants, et alors quand elle regarde dans la pièce, il n'y a plus que elle, et Clarisse, et Grimoald, et n'est ce pas inconvenant pour un homme, de rester ?
Elle se saisit du poignet, pas comme s'il était repoussant, mais comme s'il était sacré ; c'est la vie qui a fui de ces entailles dans la chair, de la même façon que l'on touche un ventre de femme grosse, avec respect et déférence, Blanche prend la main d'Aléanore et la serre tendrement.

Que tu es belle, mon Alterac ! souffle t'elle dans un sourire. Elle ne s'occupe plus du môme près d'elle, seulement l'Étincelle, et son obsédante lumière.
Elle n'a pas besoin de dire, que déjà la domestique lui apporte de l'eau et un linge. Elle grogne pour qu'on la chauffe, cette eau, a t'on idée de mettre de l'eau froide sur un corps parfait ?
Vous êtes tous des ânes, c'est une Duchesse ! a t'elle envie de hurler.


Les minutes passent. Elle a remonté les bombardes tombantes pour y glisser de quoi y ôter l'impureté. La bassine est devenue rouge, et si laide de ce sang de mort, que l'odeur gagne les narines de la Blanche avec une obsession écœurante. Mais Blanche continue, Blanche n'arrête pas : l'Étincelle est si belle, le pourrait elle, seulement, arrêter ? De laver ce corps, de caresser ce corps, le toucher aux bras défaits et mous pour mieux lui dire adieu ?


Elle n'est pas morte, Grimoald.
Morte ! Non pas ! ...elle dort.
Elle dort ! C'est une épouse, vois tu. Elle aime son amant.
Elle est couchée là. C'est sa nuit de noce...
La voix s'éteint et devient chevrotante, première fois, première fois qu'elle se met à pleurer, et elle ne veut pas le montrer, alors elle abandonne soudain le bras pour monter sa main à sa bouche, et retenir le gémissement odieux qui veut en sortir.
C'est un appel ces larmes : que quelqu'un me serre, me prenne, me montre que je vis, s'il vous plait, quelqu'un pour m'aimer, ou je meurs aussi ?
La petite silhouette de la petite bretonne se penche en avant, les larmes retenues, obéissantes, se contentent d'un hoquet indiscret, mais tandis qu'elle veut parler la voix se coupe, se meurt, lutte et revit, serre moi dans tes bras, Grimoald, vois tu comme j'ai peur ?


Ne la réveille pas, de Montmorency!...
Elle est lasse.

Elle se tourne vers lui, et il peut contempler la pâle figure de sa détresse. Elle a du sang jusqu'au cou, à s'être retenue de pleurer. Cette force soudaine, c'est Aléanore qui l'aurait voulue. Et puis, elle n'aura pas partagé que sa mort, cette fois-ci. Il y aura eu des larmes, et du sang, le sang d'une autre, qui gagne les lèvres bretonnes en leur donnant un éclat intense et imprévu.
Nous t'avions bien dit, Blanche, qu'un jour ton sang se mêlerait à la France ?
La Princesse gagne le chevet de son adorée, glisse une main pâle, et rouge de sang aussi à certains endroits, entre les cheveux défaits de l'Alterac. Il faudra tout nettoyer, songe t'elle. Et ces cheveux dénoués, les remettre à leur perfection originelle.
Mais avant, avant !


Mon Alterac, mon amie, ma sœur... Tiens toi vers moi tournée. Plus près, plus près encor !

De ses doigts malhabile, et parce que la mort a rigidifié déjà, le corps blanc et pur, elle tourne la tête vers elle, s'en approche et se penche vers elle.
Tu es une garce, Aléanore ! Tu ne m'as laissé aucun moyen de te rejoindre, Toi !... Tu n'as pas le cœur d'une femme bretonne, tu ne sais pas aimer comme moi je t'aime. J'aurais été la première, si tu l'avais voulu !

Elle tombe au pied du lit.
Bénie sois-tu, Reine des Damnés.

[Hernani, V. Hugo]
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Riches, tenez bon !
Eusaias
…. Et l’ouragan fut !

Le balbuzard recula quelques pas s’adossant à la porte. Une jambe repliée, le dessous de la botte se posa elle aussi contre la porte. « Que dire ? » « Que faire en pareil moment » voilà les questions qui venaient sans cesse le heurter, alors que Marie Alice l’interrogeait. La couleur des pupilles était celle qui annonçait la colère, il aurait pu jurer qu’il allait en sortir des éclairs. Il crispa les mâchoires de toutes ses forces afin de ne pas parler, ne pas lui dire que oui elle avait sans nul doute mis fin à sa vie. Mais il était arrivé le premier, il n’avait été témoin de rien, il pouvait donc sans « mentir » contourner l’idée principale.



Marie, je ne vais pas vous mentir… Oui on peut penser qu’Aléanore nous a caché sa volonté de mourir. Mais non je ne pense pas qu’elle l’ait fait aujourd’hui d’elle-même. Je pense qu’on l’a forcée à cela et qu’elle ne s’est pas battue contre son sort. J’ai vu deux hommes quitter la chapelle et partir en direction du bois, je vais vous les trouver et les faire parler. Pour moi elle est victime de quelque machination. L’Eglise en aura fait une martyre jusqu’au bout. Vous n’y êtes pour rien, vous n’y pouvez rien.


Il mentait ? Si peu... Sa tête heurta le bois avant qu’il se décolle pleinement pour enlacer sa suzeraine.

J’ai juré de toujours protéger votre famille, j’ai failli. Si vous me demandez d’aller faire rendre gorge au Carmélingue, je le ferai sans l’ombre d’une hésitation. Si vous souhaitez faire de moi votre outil de vengeance, je suis votre homme. Qu’importe désormais ruine et courroux, votre fille je l’aimais. Je tuerai donc en sa mémoire si jamais vous me le demandez.

Les doigts en forme de serres s’enfoncèrent dans la chevelure de sa suzeraine. Désormais il devait la soutenir encore plus, il le souhaitait pour elle et pour elle. Que répondre au Pourquoi ? Rien, aucun mot, juste une étreinte.
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Calyce.
[Le plus important c'était d'être pas mort...]

Plantée comme un arbre au milieu de gens qu'elle ne connait pas ou peu mis à part Trella à qui elle ne lâche la main depuis que Nore avait disparue dans ce coche qui l'emmenait vers Florence... L'angevine devait avoir l'air plus bête encore que d'habitude. La main libre qui vient triturer les doigts de l'étoile en attendant... En attendant quoi ?

C'est bête mais oui, la mioche attend... Peut être le regret de l'Etincelle. Regret qui lui ferait faire demi-tour... L'attente de la voir réapparaitre dans l'encadrement que les émeraudes ne quittent plus. Sauf que la réponse qu'elle attend ne vient pas. Ou bien si, elle vient sous une autre forme... Un cri. Le nom de l'attendu...Cri qui déclenche l'agitation chez certains alors qu'elle a l'impression de prendre encore plus racine alors qu'une boule prend forme dans sa petite gorge...

Et si jusque là elle faisait attention à ne pas faire souffrir les doigts qu'elle tenait prisonnier, c'est différent maintenant. Inconsciemment, les ongles de la môme marquent la chair de son amie jusqu'au sang...Le temps s'arrête alors qu'elle comprend... Les adieux, le cri, cette mère dans les bras d'un homme dont les lèvres se mettent à remuer pour annoncer ce qu'elle avait compris surement :

L'Etincelle ne brillera plus.

La boule dans la gorge ne cesse de grandir et ne demande plus qu'à exploser...


Nore...


-Mais quelle égoïste tu fais, l'Etincelle ! Je te hais !
Te faire aimer pour mieux blesser
Oh oui je t'aime ! Nan ! J'te hais...
Est-ce là le dernier exemple que tu veux me donner ?
L'incarnation de la force à mes yeux... Menteuse ! Faible que tu es !
Te laisser mourir pour quelques paroles d'ensoutanés...-

Les mimines relâchent leur emprise sur Trella et c'est les émeraudes qui viennent se poser sur elle... Émeraudes mornes et brillantes...


On s'en va ?

-Comme si de rien n'était, oui. Juste un départ pour l'Italie.
Oublier ce cri, ces pleurs et cette agitation. C'est moi qui décide.
Et dans ma tête tu es en route pour Florence. Dans ce coche qui t'a engloutie.
Non. Je ne veux pas réaliser. On m'forcera pas-

Tricheuse Calyce, tu as déjà réalisé.
Dernier regard lancé sur le château alors qu'elle est à l'extérieur. Une goutte de pluie qui lui tombe sur le bras...


Même Nogent te pleure...


Hop. A cheval... On s'en va...

En chemin, les reproches laisseront place à la culpabilité dans la tête de la mioche... Tout était de leur faute. Aux angevins. Ce conseil dont elle avait fait partie... Cette coutume qu'ils avaient acceptée sans vraiment faire attention... Cet angevinisme qui n'aura servi à rien en fin de compte. Sa faute à elle et ceux qui avaient retenu la fervente Alterac... Égoïstement.
Faut les comprendre. Quand on a l'étincelle pour soi, on la garde jalousement...

Promesse aussi sourde que la douleur qui l'étreint...

-J'embrasserais cette religion qui t'a rejetée, tuée. Je te prouverais que tu avais tort de nous abandonner pour elle...-

Boule dans la gorge qui se résorbe alors que sur les larmes coulent enfin sur les joues de la Dénéré..
Estrella.iona
Ca y est, elle est partie.
Dans cette voiture tirée par des chevaux qui l'emmènent vers l'Italie, là où elle va s'amuser et oublier le camerlingue, l'excommunication, l'angevinisme, et tant de choses et autres qui ont, ou auraient pu affecter la brillance de l'Etincelle. Mais il n'en est rien, regardez la, elle va bien.
Sa main dans celle de Calyce, Trella l'avait regardée partir avec émotion. Ce n'était pas à n'importe qui qu'elles avaient dit au revoir, quelques minutes auparavant. Non, ce n'était pas n'importe qui, c'était leur amie, la confidente, c'était Nore.

Un cri qui résonne alors que les deux petites angevines attendent on ne sait quoi, au milieu de tous ces gens.
Un brouhaha qui se crée, les gens qui bougent, courent, crient dans tous les sens. Trella qui entraine Calyce légèrement sur le côté pour laisser passer ces gens qui courent... Et la raison de ce tumulte n'est pas bien compliquée à deviner lorsqu'elle parvient à saisir des brides de paroles.


Ca y est, elle est partie.
Et dans tous les sens du terme. Dans la tête de Trella, c'est pas vraiment la joie. Elle n'était pas sensée mourir, elle était sencée aller en Italie ! Que s'est il donc passé après la départ de l'Etincelle ? Toutes ses questions compressent les idées déjà brouillées de l'Etoile, tant et si bien que c'est à peine si elle sent les ongles de Calyce s'enfoncer dans la chair de ses doigts. La douleur se fait pourtant sentir à un moment et son attention revient sur son amie.


Oui, on rentre...

Oui, elles s'en vont. Grâce à de nouvelles brides de conversation, et parce qu'elle n'ose pas intercepter quelqu'un pour lui demander la cause de la mort de Nore de peur de déranger à un moment pareil, elle parvient à comprendre qu'il s'agirait d'un suicide. Et là, elle ne comprend plus rien. Pourquoi toute cette mise en scène, pourquoi avoir prétexté un départ à l'étranger ? Elles auraient pu en discuter... Elle aurait pu leur en parler à elle et à Calyce, elles auraient pu la convaincre de ne rien faire, de supporter, de... De ne pas commettre l'irréparable. Là, les faux au-revoirs laissent un gout amer dans la gorge de l'Etoile. Bien sur elle avait ses raisons de leur cacher la vérité, et après tout elle l'a fait même à sa propre mère... Ne plus chercher à comprendre, ça ne sert à rien. Juste prier pour que l'âme d'Aléanore trouve enfin la paix. Après la pluie vient toujours le beau temps.

Ca y est, elles sont parties. Elles quittent le lieu d'où elles auraient dû garder un bon souvenir. Et à la place...
Une prière silencieuse adressée aux nuages. Peut être que l'esprit de l'Etincelle s'y trouve déjà, entrain d'observer tous les amis qu'elle a laissé sur terre, entrain de regarder toute la peine qu'elle cause, entrain de voir à quel point elle était aimée ?
Adieu, Nore. Tu as été courageuse, et à ta place, je sais pas si j'aurai tenu la moitié de ce que tu as enduré. Tu nous as dit que tu partais, t'as pas menti, tu t'es juste trompée sur la destination... J't'oublierai jamais, et ta filleule non plus...
A croire qu'elle avait épuisé tout son stock de larmes les jours précédents, vu qu'elle n'arrivait même pas à pleurer. Elle pleurait de l'intérieur.
C'est fou comme tout peut s'arrêter en un clin d'oeil...

Direction l'Anjou.
Ca y est, c'est fini.

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Mariealice
Elle écoutait, livide, en rage. Elle écoutait et l'observait attentivement, détaillant chaque expression de ce visage qu'elle connaissait bien depuis le temps. Que savait-il? Que lui cachait-il? Vu les liens particuliers qu'il avait avec Aleanore il devait savoir, forcément. Sinon qui pourrait lui répondre, qui pourrait lui indiquer vers qui tourner la haine qui se faisait jour en elle? Qui pour recevoir les coups que ses mains brûlaient de donner? Qui pour entendre ses reproches tandis qu'il gémirait, l'implorerait pour qu'elle le laisse en vie? Qui tuer tout simplement? Qui pour mourir pour lui avoir ravi son enfant?

Que faisait-elle dans cette chapelle alors qu'elle partait en Italie en ce cas Eusaias? Pourquoi avoir dévié sa route? Ne me dites pas qu'elle fut soudain prise d'une envie de prier, elle pouvait l'avoir largement fait avant. Pourquoi?!

Il s'approcha d'elle et vint la serrer contre lui, elle se raidit un peu plus tandis que le sang encore frais de sa fille finissait de tâcher ses vêtements, déjà touchés lorsqu'il l'avait portée. Ses yeux se plantèrent à nouveau dans ceux d'Eusaias, sans ciller.

Si quelqu'un a failli ici c'est moi. Moi qui n'ai pas su la garder en vie parce que je n'ai jamais su m'y prendre avec elle, parce que son monde et le mien m'ont toujours paru étrangers, parce que je n'ai jamais compris ses choix.

Il la serra un peu plus et glissa ses doigts dans ses cheveux.

Personne ne me retira ma vengeance. Je veux tout savoir Eusaias. Tout. Comment, pourquoi, qui. Et ensuite je frapperai.

Il suffisait au bourguignon de voir le visage de son amie pour voir la détermination de celle-ci. Quiconque avait précipité son aînée dans ce précipice payerait en temps et en heure.

Pour l'heure personne ne doit savoir ce qu'il s'est passé. Trop de gens sont déjà au courant. Personne ne doit quitter ce lieu sans l'assurance qu'il tiendra sa langue. Et il faudra s'occuper de son enterrement. Je ne sais si elle avait fait un testament ni si elle avait émis un souhait mais elle ne sera certainement pas mis en terre en ce lieu.

Faire les choses les unes après les autres, se donner un but pour avancer, s'occuper d'elle en tout premier lieu.

Où est-elle?
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Gnia
Une fois sortie de la chambre d'Aléanore, Agnès était restée un peu avec les autres, parlant peu. Puis l'Etincelle quitta enfin ses appartements, lui remit missive, ce qui fit sourciller la Saint Just, plaça quelques bons mots et s'en fut, éclat furtif qui disparait comme il est apparu.
Dès que les chevaux qui tiraient le coche s'ébrouèrent, elle quitta la salle où ils l'avaient tous attendu. Un irrépressible besoin de réfléchir, comme si quelque chose lui échappait alors que pourtant il était si proche. S'emparant de la pipe que la Jagellon Alterac lui avait mis d'autorité dans les main et d'un gobelet de vin, la lettre à la main, elle retourna s'isoler dans son coche.
Tirant nerveusement sur la pipe qu'elle avait rallumé, sirotant pensivement le vin, au milieu des épaisses volutes de fumée, Agnès triturait le pli que lui avait remis Aléanore quelques instants plutôt, en proie à un malaise grandissant.

Et plus l'agitation extérieure grandissait plus l'imminence d'une catastrophe étreignait la poitrine de la Saint Just, insidieuse, puissante, lui écrasant la poitrine, à l'instar de ces violentes crises d'angoisse qu'elle avait éprouvé chaque nuit de ses mandats de Comtessa du Béarn et qui l'avaient assujettie à la thériaque.
Et tandis que ignorant tout de la fable macabre qui se jouait non loin, alors que le corps exsangue de la Concèze suivait le chemin menant de la chapelle à sa chambre, Agnès fit sauter d'un coup d'ongle nerveux le scel vert au papillon.
Dernière hésitation. Il fallait qu'elle en ait le coeur net.

A la première ligne parcourue, l'étau qui oppressait le coeur acheva de le tordre encore plus. La Saint Just ne pu dépasser les premières lignes. Elle s'éjecta de sa voiture et, observant la cour et le seuil de la demeure, prit enfin la mesure de la situation.
Il était trop tard.

Pourtant de tous, c'est elle qui aurait dû comprendre. Les fausses excuses, les mensonges maladroits, la lettre. Jusqu'à quel point Agnès avait-elle fermé les yeux sur une réalité pourtant palpable ? Mais l'Etincelle avait bien fait les choses, la faire passer en premier, ne pas la recevoir seule, ne laisser que peu de temps pour analyser, l'effet de surprise.

Agnès entra la lettre toujours à la main, cherchant désespérément du regard au milieu des va-et-vients d'une maisonnée accablée la Souveraine de Bolchen, le baron de Digoine, Marie Alice, quelqu'un à qui confier et avec qui partager l'immense charge dont elle était à présent dépositaire. Hiératique, aussi immobile qu'une statue au milieu du hall, devant les escaliers qui menaient à l'étage, Agnès levait un regard sur les marches, tandis que virevoltaient autour d'elle valets et soubrettes silencieux et aux yeux déjà humides et rouges, incapable de bouger.

Puis, brusquement, elle saisit par le bras un vieux domestique qui passait devant elle et d'une voix sourde, dure, qui ne souffrait aucune protestation, elle lui intima


Trouve moi le baron de Digoine et la Souveraine de Bolchen. Fais aussi savoir à Marie Alice Alterac que je demande à être reçue, si elle le peut...

Puis, comme si ces simples mots lui avaient coûté un effort immense, elle laissa retomber mollement son bras le long de son corps, son autre main continuant de serrer à s'en faire blanchir les jointures de doigts le parchemin, le visage austère toujours tourné vers les marches qui menaient à l'étage.

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Beatritz
Croira-t-on que la Souveraine de Bolchen ignorait encore tout ce qu'il s'était passé ? Elle s'était faite conduire dans les appartements qu'on lui avait dévolus, bon gré mal gré, dans ce château d'un Duc absent, où l'on avait bien du mal à trouver à tout le monde un logement. Elle avait pour elle la hauteur de sa noblesse, sa proximité avec l'Etincelle, et surtout, ultime argument, une santé fragilisée par le début d'une grossesse.

La chambre n'était pas spécialement grande, mais bien tenue, et les draps sentant bon le propre.
Allongée vêtue sur le lit, la Souveraine s'était assoupie, rêvant à l'Italie. Il lui faudrait un jour s'y rendre. Elle prendrait le prétexte de visiter la Concèze pour marcher dans les pas de sa mère. Elle verrait Pise et sa tour penchée, elle verrait le Piémont, elle verrait... La campagne italienne dansait dans ses rêveries, quand le vieux domestique vint la chercher. Allons bon ! Qui et pourquoi la chercherait-on ?

C'était la Comtesse du Lavedan. Bon.
Elle se leva, vérifia sa coiffure dans un miroir poli, et descendit. Arrivée au haut du grand escalier, là où s'était tenue Aléanore un peu plus tôt, elle avisa la Comtesse au bas, dans le vestibule, le visage défait. Dévasté, peut-être.

Alors, une crainte l'envahit. Combien de temps avait-elle dormi ? Le coche de l'Etincelle avait-il versé tout près du château, dans ce maudit pays d'Alençon ?
Elle descendit, vite, les marches, sa main gantée glissant sur la rampe. Venue près de l'Artésienne, dans un souffle, elle murmura :


-"Qu'est-ce ? Que se passe-t-il, qui nous requière ?"
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Bisous, bisous, gentil béa-nours !
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