La cérémonie avait déjà débuté depuis un certain temps.
Le calme et le silence régnaient dans la salle, enfin si l'on exceptait le chuchotis ininterrompu de l'assistance bavarde.
C'est sur ces entrefaites qu'un grincement de porte se fit entendre, et que Guilhem apparu discrètement (enfin il essayait de l'être) dans la salle.
D'aucun aurait pu croire qu'il était méchamment en retard... Que nenni! Il était même en avance!... Sauf qu'il attendait dans une autre salle depuis bientôt deux heures. Un laquais passant par là l'avait finalement informé de sa bourde. Enfin... sa bourde... on n'avait pas idée de changer de salle à chaque allégeance aussi...
Et cette attente, seul dans une salle vide (tiens c'est vrai qu'elle était vide cette salle, il aurait quand même pu se rendre compte qu'il s'était planté) lui avait permis de cogiter un peu.
Cogiter... ca lui arrivait pas si souvent.
Voilà quelques jours il avait reçu une missive quelque peu particulière. On voulait lui présenter quelqu'un, une inconnue, une teutonne à marier. Et paraissait il, Guilhem était un bon parti. Lui l'homme usé par la vie publique, désabusé, ne songeant plus qu'à prendre la mer pour découvrir de nouveaux horizons, partir loin... pour fuir quoi... fuir de cette société à laquelle il avait jadis essayé d'apporter sa pierre, mais dans laquelle il ne se sentait plus vraiment à sa place, désillusion après désillusion... un bon parti... l'homme ne devait pas bien le connaitre.
Guilhem, dont la curiosité avait été titillée, avait décidé de venir.
Toute sa vie il avait espéré trouver l'amour, le vrai, le
fin'amor tant célébré par les
trobador de son enfance.
Plusieurs fois il avait cru le trouver. Mais il avait tout gâché à chaque fois.
Il fallait dire que le
fin'amor des
trobador jamais n'était assouvis, dans aucune histoire.
Et à y repenser c'était peut-être bien ca qui le rendait si beau... l'inaccessible... l'interdit... L'amour d'une Dame appartenant à un autre, un Suzerain de préférence, une Dame qu'on servait de toute son âme sans rien attendre en retour, sans rien espérer d'autre qu'un regard, un sourire, ou la vision d'une épaule dénudée.
C'était bien loin de ses expériences, qu'il se débrouillait toujours pour finir par saborder dès que les choses commençaient à devenir sérieuses. Ce n'était pas volontaire bien sûr, inconscient peut-être, mais ca finissait toujours ainsi, par sa faute, causant plus de mal que de bien... et cela il ne le supportait plus.
C'est pourquoi il avait pris la décision de se reclure, de ne plus aimer et de ne plus essayer d'aimer, afin de ne plus causer malheurs, peines et larmes pour lui mais surtout pour un être aimé... Car il n'y avait rien de pire que de profondément décevoir un être aimé...
Le seul hic, le seul remord, était que cette décision impliquait de mourir sans héritier... et ca, Guilhem avait beau se dire qu'il avait pris la bonne décision, ca avait du mal à passer.
C'est à peu près dans cette situation que vint le trouver cette missive, lui offrant une alternative à laquelle il n'avait jamais sérieusement songé. Ou plutôt l'avait il toujours rejetée sans vouloir la considérer.
Le mariage... sans amour.
Il se dit finalement que ce pourrait être une solution, mais n'était pas vraiment convaincu. Tant de question se posaient.
Et si la Dame finissait par en aimer un autre?
De cela il conclu vite qu'il pourrait s'en accommoder, mais une autre question, une autre hypothèse ne trouvait pas réponse:
Et si -même si le mariage était arrangé- l'amour, ce dangereux destructeur, finissait par poindre le bout de son nez?
C'etait donc plus ou moins dans cet état d'esprit qu'il entra dans la salle. Plein de doutes et d'appréhensions mêlés à la curiosité et à un certain espoir diffus. Mais il n'en laissait rien paraitre. Au fil du temps il était passé maitre en l'art de la dissimulation, ou plutôt du refoulement de ses doutes et émotions, laissant toujours paraitre un masque de sérénité et de fausse confiance en soi.
Il sourit aux quelques personnes qui s'étaient retournées en l'entendant, les salua d'un sec mouvement du chef, et vint se placer à l'arrière de l'assemblée qu'il observait.
Il se demandait qui ce pouvait bien être... peut être elle? Il espérait secrètement qu'elle soit laide et bête. Ce serait sans doute plus simple de ne point sombrer à nouveau dans l'amour, surtout si elle était bête... encore que... on ne savait jamais vraiment...
_________________