Felina
Arrivée la veille dans la cité dont elle connait désormais le nom, la Rastignac erre dans les ruelles de la ville, un plan de Montauban dans sa main valide. De sa main gantée elle mène sa vieille carne et la fringante petite jument blanche de Karyl. Il y a quelques heures à peine, sur les recommandations du 'Bourgmestre-Lecteur-Tavernier-Réformé' et si modeste Sieur Sancte (dont elle peine encore à cerner la personnalité sûrement bien trop complexe pour elle), elle est entrée en relation avec la dénommée Asophie, propriétaire dune forge. Un premier pas pour faire avancer leurs affaires, bien en peine depuis leur arrivée. Elle sest donc empressée de dégoter enfin une cartographie précise de la ville auprès du bureau du Cadastre, et cest armée de ce dernier et des indications de la Dame quelle cherche « lEscarboucle ».
Le nez plongé sur son plan, grognant et pestant alors quelle tourne depuis plus dune heure dans cette ville inconnue, elle s'engouffre dans une ruelle. Par trois fois elle est repassée devant son point de départ, soit lauberge des Quatre Vents qui les hébergent depuis leur arrivée en Guyenne. Et elle ne compte plus le nombre de fois où elle a parcouru la place de lHotel de Ville, et ce dans toutes les directions possibles, au point d'en maîtriser désormais chaque détail. Mais soudain, alors quelle relève la tête pour séponger le front et pester intérieurement contre son horrible sens de lorientation, un mince sourire vient éclairer son visage peu affable.
Une enseigne quelle embrasserait presque de joie se dresse fièrement devant elle. La forge quelle cherche ! Enfin ! Elle glisse donc le précieux parchemin dans son ceinturon, nul doute quil lui sera de nouveau utile, puis, avisant un arbre non loin de léchoppe y noue t-elle les rênes des deux principaux intéressés de sa quête.
Sans prendre la peine dépousseter ses fripes empoussiérées par ses allez et venues dans la ville, ni déponger le reste de son visage crasseux et transpirant, la sauvageonne se présente sur le seuil de léchoppe, poussant la porte dun léger coup de botter alors quelle hèle lartisan quelle ne voit pas encore de sa voix si naturellement aimable.
Hey ! Y a quelquun là ddans !?
Félina Rastignac ! C'pour mes ch'vaux !
Et la Féline dattendre que lon veuille bien la recevoir, sans même se préoccuper si ses manières seront une nouvelle fois mal perçues.
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Repose en paix Rastignac ...
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Ljd Falco a écrit : "Jouons. Peu importe la victoire, pourvu que le spectacle soit beau."
Felina
La Rastignac n'eut pas longtemps à attendre, à peine a-t-elle beuglé comme elle sait si bien le faire qu'un jeune homme est sorti du fond de l'échoppe, marteau et tenaille rougeoyante en main, la coloration de ses oreilles en parfait accord avec ses outils d'ailleurs. Et le voilà qui se met à bégayer à a trember de tous ses membres, faisant s'élargir le sourire moqueur de la sauvageonne, immobile au mileu de la forge. Perplexe comme il s'éloigne en lui jetant parfois des oeillades presque désespérées, elle espère qu'il ne prendra pas la poudre d'escampette. C'est qu'elle a encore fort à faire avant de pouvoir partir en direction de La Teste, et ses chevaux ferrés lui enlèveront une première épine du pied.
Mais l'entrée de celle qu'elle cherche et dont l'élégance dénote avec le lieu dans laquelle elle se trouve la rassure aussitôt. La Féline se fend même d'un léger inclinement de tête pour la saluer, marque de respect assez rare chez elle pour être notée.
Un regard vers le jeune homme :
Tu trouveras Cheval, la jument d'mon fils et Diablo mon vieil hongre dehors d'vant la forge. Fais z'y gaffe et méfie toi, mon ch'val est hargneux et y mord !
Lui aussi ... Ne dit pas telle maîtresse tel ... Non ? Hum passons.
Puis, faisant de nouveau face à Asophie, enchaîne-t-elle d'un ton plus aimable.
J'vous remercie ... J'm'habituerai jamais à la chaleur d'votre Sud, pis ça fait des heures que j'cherche votre forge savez ...
Mon fils ? J'sais fichtrement pas où l'est passé ...A vadrouiller sûrement, comme d'habitude ...
Mais ... un p'tit coup de frais, j'dis pas non !!
Déjà alléchée par l'idée qu'elle se fait du "frais", si possible ambré, mousseux et dans une chopine, la Féline s'engage donc à la suite de son hôte du jour, en en oubliant presque qu'elle se doit de négocier un prix à la baisse pour la commande au maréchal ferrant. C'est que notre ex mercenaire ne roule plus sur l'or depuis qu'elle a quitté la grande criminalité. Quel est l'idiot qui disait que le crime ne paye pas ?
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Repose en paix Rastignac ...
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Felina
Féline esquisse un sourire en entendant le mot rafraîchissement. Ainsi donc la Dame a saisit son envie du moment. Il est vrai qu'en cet instant elle tuerait père et mère (enfin s'ils étaient encore de ce monde) pour une bonne bière fraîche.
Avisant du coin de l'oeil le jeune palfrenier comme il se dirige vers ses chevaux, elle emboîte le pas à la propriétaire des lieux, pour découvrir cette fameuse arrière cour. Bien que totalement insensible à la beauté en général, la Rastignac étant une guerrière peu encline à s'extasier sur le matériel, elle ne peut cependant pas nier toute le charme et l'impression de quiétude qui émane de ce endroit, que beaucoup aurait sûrement qualifié de beau.
Mais, tout en délicatesse et en poésie typiquement félinienne, elle se met à siffler avec deux doigts de sa main gauche avant de lâcher un :
Mazette ! Z'êtes rudement riche m'dame pour vous payer un endroit pareil. Si vous voyiez la cabane qu'nous sommes en train d'retaper à Saumur ... Ici c't'un palais à côté.
Et l'ex mercenaire de penser que Karyl rate quelquechose en ne voyant pas cet endroit immense.
Puis, se rendant compte qu'elle manque à tous les codes de politesse, et désireuse, pour une fois, de faire bonne impression à la femme, avant d'entamer les négociations pour le prix du ferrage de ses chevaux, elle prend un ton plus neutre et, non sans trépigner d'impatience à l'idée des rafraïchissements promis, elle plonge son regard noir ébène dans celui de Sophie.
Z'êtes quelqu'un de rudement important ici hein ? Et pourtant vous prenez l'temps de recevoir une étrangère, une mécréante comme moi ... Pourquoi m'dame ?
Une soudaine envie de comprendre cette femme et sa gentillesse si naturelle, dont la sauvageonne n'est vraiment pas coutumière.
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Felina
Le coup de frais promis arrivant, la Rastignac se fend d'un sourire, qui se transforme en une légère moue lorsqu'elle réalise qu'aucune bière ne lui sera servie. Au choix entre la citronnade et le vin local, la Féline n'hésite pas, se décidant pour le vin, qui peut être lui changerai de la piquette angevine qu'elle n'avait jamais pu apprécier. Pas assez de caractère pour elle le vin d'Anjou à n'en pas douter.
Prenant place comme Sophie l'invite à le faire, elle fixe son regard sur son hôte, faisant silence pour l'écouter lui narrer l'histoire de ce lieu au demeurant fort charmant si l'on est sensible à la beauté. Le sourire revient éclairer le visage de l'ex mercenaire en constatant avec quelle passion Sophie lui raconte cette histoire. Elle même serait bien incapable de décrire le moindre lieu où elle a séjourné avec tant de joie dans les yeux. Jamais de toute sa cahotique vie elle ne s'était attachée aux lieux. De sa cabane dans les bois du Béarn à sa masure sur la plage de Dunkerque enFlandres, des géôles de Bourgogne à la forteresse de la Zoko à Saumur, tous les lieux qui lui reviennent en mémoire sont porteurs de sombres souvenirs. Tous synonymes de maheur et de tristesse.
A part peut être, très récemment, la cabane du vieux Georges, la propriété de Karyl, celle là même qu'ils avaient entrepris de retaper tous les deux. Parviendraient ils un jour à en faire une maison où il ferait bon vivre, comme la demeure de l'Escarboucle. Toute absorbée par ce questionnement, la Rastignac se fait moins attentive alors que son interlocutrice est en train de répondre à ses ointerrogations sur l'importance de sa place dans la socièté guyennoise, sursautant presque comme une question lui est posée.
Le regard glissant vers le contenu de son verre qu'elle fait tourner de sa seule main valide, alors que la gauche est dissimulée sous la table, elle laisse quelques longues secondes avant d répondre.
C'que je fais en Guyenne. Et bien disons que j'fuis mon passé et tout c'qui s'y rattache de près où d'loin et j'ai pensé qu'mettre d'la distance s'rait le meilleur moyen d'y r'médier. J'ai ... très récemment tourné une page sombre d'ma vie, et j'ai envie d'changement, pour moi, mais surtout pour mon fils. Je veux tenir Karyl éloigné des guerres, du sang et d'la mort autant qu'possible et lui offrir une vie faite d'joie et d'insouciance, comme il convient à un gamin d'son âge.
Une pause, permettant à la Rastignac d'enfouir au plus profond de son esprit encore tourmenté la vague de souvenir dont elle ne veut plus, puis elle reprend, d'une voix presque douce.
Quand au fait de vouloir voir la mer, c't'une promesse qu'j'lui ai fait il y a de c'la trop longtemps et que j'n'avais jamais pu honorer. La vie nous a bien souvent séparés, et fût une époque ou l'môme n'passait pas avant l'reste. Mais c'temps là est révolu et aujourd'hui j'veux t'nir toutes les promesses que j'lui ai fait ...
Elle n'a pas regardé un seul instant Sophie tout le temps de son monoloqgue dont elle est peu coutumière, et c'est d'une large rasade de vin qu'elle le conclue, comme pour calmer le feu de sa gorge asséchée d'avoir tant parlé. Ce n'est qu'après qu'elle se décide à plonger son regard noir ébène dans celui de son homologue, guettant sa réaction.
Et nous voilà donc dans cette ville que vous nommez Montauban la Réformée, parce que je ne sais pas lire une carte.
Petit sourire en coin, rarement l'ex mercenaire ne se confiait aussi rapidement à quelqu'un qui finalement, n'est encore qu'une inconnue. Aussi une envie soudaine de changer de sujet de conversation lui prend.
Vivez seule ici M'dame Sophie ?
Curiosité quand tu nous tiens ...
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Felina
La réponse ne se fait pas attendre, et la curieuse a soudain le sentiment davoir peut être été un peu loin à la réaction de Sophie qui soudain lui apparaît mélancolique. Mais on ne la refera plus notre ex mercenaire, ses trop grandes oreilles ayant toujours eu cette propension maladive à traîner un peu trop. Mais le silence évocateur de la brune lui fait réaliser quil est grand temps de changer de sujet de conversation et den revenir à la raison de sa visite, qui si elle a pris lapparence dune discussion de salon mondain entre deux amies nen reste pas moins purement commerciale au départ.
Elle est venue monnayer un service et maintenant arrive lheure de faire des affaires. La Rastignac na jamais été particulièrement douée à cet exercice, étant nettement plus rompue à la corruption de fonctionnaires de type mâle à grands renforts dillades enjôleuses et de roulement de hanche indécents. Elle ne comptait plus le nombre de relaxe, vice de procédure et autres arrangements obtenus par ce seul moyen et depuis quelle avait lâge douvrir les cuisses, elle avait toujours su le faire à bon escient, sans aucun complexe.
Mais là, face à une femme, et de noble condition, le jeu était tout autre. La gentillesse de Sophie la, même si jamais elle ne se lavouera, ébranlée, et lespace dun instant elle hésite à vouloir en profiter. Pourtant, elle ne peut se payer le luxe dêtre généreuse, ses maigres richesses et ses poches percées ne lui permettant guère. Alors, elle opte pour la pitié, et commence un long monologue dans lequel la sauvageonne expose quelle est sans le sou, quelle ne parvient quavec difficulté à nourrir son fils (bien largument des enfants pour faire flancher les dames, imparable !), et que si elle ne parvient pas à se faire pardonner lerreur de parcours qui les ont ainsi éloignés de lOcéan, jamais Karyl ne sen remettra. Toute à ses simagrées, théatrale, la Rastignac na même pas réalisé que tout cela est inutile et que dès le départ son hôte du jour était toute disposée à ne lui faire payer que le prix du fer nécessaire à louvrage. Totalement convaincue davoir fait une excellente négociation, et presque fière davoir ainsi su rouler dans la farine la si gentille Sophie, notre Rastignac se fend même dun geste généreux en rajoutant quelques pièces pour lapprenti. Pour un peu elle se persuaderait quelle a enfin acheté sa place au Paradis, si tant est quelle croit en son existence.
Scellant la négociation dun serrement de main, la gauche bien évidemment, il eut été de très mauvais ton dachever cette fructueuse séance dun coup de griffes malheureux, Félina se lève alors en souriant, étrangement aimable.
Mdame De LEscarboucle, oserai je encore abuser de vot'gentillesse en d'mandant à vot'palefrenier de m'ner mes bêtes Aux Quatre Vents lorsquil aura achevé son uvre.
Et pourquoi pas les étriller, les choyer tant quil y est ? Hum non
nabusons pas plus, à force ça finira par se voir.
En tout cas jvous remercie beaucoup d'vot' diligence.
Et oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, cest quelle savait (à peu près) bien parler la vagabonde lorsquil sagissait daffaires de sous.
J'vous souhaite une belle fin de journée et jsuis persuadée qu'nous nous reverrons bien souvent lors d'mon séjour dans votre patelin.
Elle ne croyait alors pas si bien dire et qu'au fil de leurs rencontres un profond respect naîtrait chez elle pour cette femme d'une simplicité et d'une générosité déconcertante, même pour la Rastignac.
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Repose en paix Rastignac ...
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Ljd Falco a écrit : "Jouons. Peu importe la victoire, pourvu que le spectacle soit beau."