Mirwais
Avant de partir sur sa vieille barque de pêcheur, une main posée sur sa tête, le père lui dit
En cas de danger, n'oublies jamais de suivre le vent mon fils, prends soin de ton frère, trouves lui à manger, couvres le, je sais que tu te débrouilleras, longez cette route et partez droit vers les bois d'où personne ne vous séparera, je m'en vais affronter les Dieux, voyage trop périlleux pour vous...
Souvenir lointain qui hante Mirwais tout au long de son épuisante marche suivi du chétif compagnon au visage diforme et à l'allure claudiquante qui l'accompagne. Pieds nus et peau de bête en guise d'habits, ils se dirigent têtes baissées vers la ville de Montauban non sans quelques craintes.
Bien trop habitués à survivre loin des Hommes, ils se faufilent difficilement au milieu de la foule et se dirigent droit vers l'église. Mirwais sait ce qu'il peut attendre de ce lieu sacré pour les habitants mais en connait aussi les risques pour son frère à l'apparence si révulsante. Certains prêtres extrêmistes ont tenté de les séparer et d'enfermer l'enfant sans nom et si laid afin de l'éloigner du regard superstitieux des gens mais toujours Mirwais a réussi à s'échapper avec son frère sur les épaules.
Deux jours s'écoulent et la tradition séculaire du Royaume qui exige d'aider le prêtre pour cette durée afin d'espèrer obtenir un lopin de terre a été accomplie grâce à l'indulgence du cureton en fonction.
Ne reste plus désormais qu'à trouver trois personnes susceptibles de leur accorder leur confiance, toujours selon cette étrange coutume, et de leur permettre de vivre enfin sur un terrain bien à eux, avec un champ dont Mirwais se chargerait et une cabane où son frère pourrait se reposer des milles maux et souffrances qui l'accablent.
Faut-il pour celà trouver une solution, les tavernes ? Mirwais n'est pas doué pour les conversations, taper aux portes des habitants ? Là plutôt, il ne compte pas s'y risquer alors qu'ils sont si proches du but.
Aussi décide-t-il de chercher du travail pour montrer sa bonne volonté mais force est d'admettre que le creusage, le concassage, le transport, le lavage de minerai ne suffit pas à amadouer les citadins.
Epuisé, il s'allonge au coin d'une ruelle.
Il regarde son frère qu'il déteste autant qu'il peut le protéger et, goûtant du raisin qu'il a chapardé, lui crache les pépins dessus en souriant, rire que répéte machinalement le chétif sans comprendre.
Que tu es laid mon frère, seigneur que tu es laid et bête...
Si tu savais comme je te hais, oui, si seulement tu savais...
lance t-il en fermant les yeux tout en frottant lentement son front, la tête penché en arrière, le rire continu et niais du frère en guise de bruit de fond.
Dans le noir des paupières apparaît un Mirwais adolescent patientant près de la maison de ses parents, un cri horrible alors et des pleurs d'un nouveau-né à la suite...
- Elle est morte ! elle est morte ! Regardez l'enfant ! Par Aristote, quelle horreur, c'est l'oeuvre du sans-nom, il faut le noyer afin que le mal nous épargne !
- Non, n'y touchez pas, je m'en charge...
Mirwais rentre alors après le départ de nombreuses femmes pour buter contre son père.
Vas t'en Mirwais, vas t'en vite avant que le vent nous emporte tous !
Mais il ne s'en va pas...
Une nuit et un jour lugubres dans la demeure et toujours les cris du nouveau-né qui s'accroche à la vie en présence du pater familias plongé dans un mutisme morbide.
Une deuxième nuit qui voit le père s'agiter, prendre le bébé diforme dans les bras et indiquer d'un signe de tête le chemin de l'extérieur et de la plage à Mirwais.
Les jambes dans l'eau face à l'Océan près de sa barque, le père hésite puis fait demi tour en confiant le nouveau né à Mirwais et sous le bruit sourd et le vrombissement des vagues, lui dit
En cas de danger...
Un sursaut alors, Mirwais est réveillé par son frère qui tente de se blottir
Vas te réchauffer ailleurs tu pues comme un porc !
Allez vas t'en !
Mais le diforme reste et se pose au creux de l'épaule de son frère...
Mirwais abandonne toute résistance et glisse les yeux dans le vague
Vas t'en vite avant que le vent ne t'emporte...
Demain peut être, des gens viendront nous voir et nous feront confiance, ils nous parleront et nous aideront...
Oui...Demain...
En cas de danger, n'oublies jamais de suivre le vent mon fils, prends soin de ton frère, trouves lui à manger, couvres le, je sais que tu te débrouilleras, longez cette route et partez droit vers les bois d'où personne ne vous séparera, je m'en vais affronter les Dieux, voyage trop périlleux pour vous...
Souvenir lointain qui hante Mirwais tout au long de son épuisante marche suivi du chétif compagnon au visage diforme et à l'allure claudiquante qui l'accompagne. Pieds nus et peau de bête en guise d'habits, ils se dirigent têtes baissées vers la ville de Montauban non sans quelques craintes.
Bien trop habitués à survivre loin des Hommes, ils se faufilent difficilement au milieu de la foule et se dirigent droit vers l'église. Mirwais sait ce qu'il peut attendre de ce lieu sacré pour les habitants mais en connait aussi les risques pour son frère à l'apparence si révulsante. Certains prêtres extrêmistes ont tenté de les séparer et d'enfermer l'enfant sans nom et si laid afin de l'éloigner du regard superstitieux des gens mais toujours Mirwais a réussi à s'échapper avec son frère sur les épaules.
Deux jours s'écoulent et la tradition séculaire du Royaume qui exige d'aider le prêtre pour cette durée afin d'espèrer obtenir un lopin de terre a été accomplie grâce à l'indulgence du cureton en fonction.
Ne reste plus désormais qu'à trouver trois personnes susceptibles de leur accorder leur confiance, toujours selon cette étrange coutume, et de leur permettre de vivre enfin sur un terrain bien à eux, avec un champ dont Mirwais se chargerait et une cabane où son frère pourrait se reposer des milles maux et souffrances qui l'accablent.
Faut-il pour celà trouver une solution, les tavernes ? Mirwais n'est pas doué pour les conversations, taper aux portes des habitants ? Là plutôt, il ne compte pas s'y risquer alors qu'ils sont si proches du but.
Aussi décide-t-il de chercher du travail pour montrer sa bonne volonté mais force est d'admettre que le creusage, le concassage, le transport, le lavage de minerai ne suffit pas à amadouer les citadins.
Epuisé, il s'allonge au coin d'une ruelle.
Il regarde son frère qu'il déteste autant qu'il peut le protéger et, goûtant du raisin qu'il a chapardé, lui crache les pépins dessus en souriant, rire que répéte machinalement le chétif sans comprendre.
Que tu es laid mon frère, seigneur que tu es laid et bête...
Si tu savais comme je te hais, oui, si seulement tu savais...
lance t-il en fermant les yeux tout en frottant lentement son front, la tête penché en arrière, le rire continu et niais du frère en guise de bruit de fond.
Dans le noir des paupières apparaît un Mirwais adolescent patientant près de la maison de ses parents, un cri horrible alors et des pleurs d'un nouveau-né à la suite...
- Elle est morte ! elle est morte ! Regardez l'enfant ! Par Aristote, quelle horreur, c'est l'oeuvre du sans-nom, il faut le noyer afin que le mal nous épargne !
- Non, n'y touchez pas, je m'en charge...
Mirwais rentre alors après le départ de nombreuses femmes pour buter contre son père.
Vas t'en Mirwais, vas t'en vite avant que le vent nous emporte tous !
Mais il ne s'en va pas...
Une nuit et un jour lugubres dans la demeure et toujours les cris du nouveau-né qui s'accroche à la vie en présence du pater familias plongé dans un mutisme morbide.
Une deuxième nuit qui voit le père s'agiter, prendre le bébé diforme dans les bras et indiquer d'un signe de tête le chemin de l'extérieur et de la plage à Mirwais.
Les jambes dans l'eau face à l'Océan près de sa barque, le père hésite puis fait demi tour en confiant le nouveau né à Mirwais et sous le bruit sourd et le vrombissement des vagues, lui dit
En cas de danger...
Un sursaut alors, Mirwais est réveillé par son frère qui tente de se blottir
Vas te réchauffer ailleurs tu pues comme un porc !
Allez vas t'en !
Mais le diforme reste et se pose au creux de l'épaule de son frère...
Mirwais abandonne toute résistance et glisse les yeux dans le vague
Vas t'en vite avant que le vent ne t'emporte...
Demain peut être, des gens viendront nous voir et nous feront confiance, ils nous parleront et nous aideront...
Oui...Demain...