.mahaut.
[Un petit matin, au lever du soleil, quand la brume se détache avec lenteur des bosquets, caressant amoureusement les étangs, ouais je sais, je suis trop poète quand je veux.]
Le père Gaspard ajusta sa cape et appela son chien. Le jour était idéal, les pièges quil avait placés la veille devaient être remplis, hors des sentiers, histoire de ne pas se faire chopper par le garde chasse des terres du Comte dAubeterre.
On disait que le comte était clément avec les braconniers, quil fermait les yeux tant quon restait raisonnable. Mais le garde chasse, lui, cétait une autre paire de manches. A croire quil considérait que le gibier en entier lui appartenait et quon le menait à la famine en capturant un tout petit faisan de rien du tout. Alors que bon, les faisans, ça courrait les rues en PA.
A ce quil avait vu hier en taverne, le garde chasse ne serait pas en état de faire sa tournée matinale. Un fin sourire se dessina sur le visage du père Gaspard tandis quil se mettait en route, direction Aubeterre.
- Bordel, ça caille grave !
Gaspard sarrêta dans la ruelle. Devant lui, le cauchemar de tout homme. Enfin de tout homme noble. Lui se sentait assez tranquille en la voyant. Vue lheure, elle devait sortir de taverne. Le fait quelle se tienne obstinément à un poteau lui confirma la chose.
- Bjour à vous, damoiselle Mahaut.
- Wouuuuh, jai failli boumber, là, vous avez vu ? Jai bailli bomter. fin bref, zavez compris. Bjour Père Gaspard. Zallez où ?
- Hmm Je vais Ben je vais
- Ah ouais. Cpatouprès. Oh la, les pavés cest traitre, hein, vous avez vu ? Je suis fûre quils ont pavassé les rues juste pour me voir ma fiander.
- Holaaaa, attention ! tendez, attrapez ma main. Le truc qui bouge, là, devant votre visage. Voilàààà.
Elle gloussa tandis quil la tractait sur une route en terre battue, un tantinet plus sûre pour son état.
- Mci à vous Père Gaspard. Zêtes un chipe type. Mdame Jeanne va bien ?
- Elle va, elle va on rajeunit pas vous savez. On a plus votre vitalité, nous autres. Elle vous rmercie pour la mirabelle au fait. Ses crêpes étaient nettment plus plus ça donne chaud !
- Oh de rien. Ça accommode bien, hein ? Elle en a fait cmatin ?
- Non, jai mangé froid, jai pas vlu la réveiller.
Oui, jusque là vous vous dites « cest follement intéressant, à quoi ça sert quelle me dédicace un rp si cest pour quil soit chiant comme un jour sans vin ? »
Vous navez pas tout à fait tort.
Elle agrippa le bras du Père Gaspard qui grimaça.
- Cest pas qujveux pas vous raccompagner, damoiselle, mais
- Père Gaspaaaard !
- Oui ?
- Zêtes mon copain.
- Ah. Ben cest bien aimab à vous. Je vous dépose sur le banc, là ? Votre écrivain viendra vous chercher ?
- Nan ! Jvous quitte pu ! Zêtes mon copain !
- Ah Mais jallais voir mes champs. Cest loin. Il fait froid. Cest mouillé.
- Ah, ben jvous accompagne. Paraît quil faut sy connaître en culture quand on est noble. Moi jai fait du blé, pis des cochons après. Ils me regardent bizarre quand jle dis. Les nobles, pas les cochons. Notez, cest pas si différent. Surtout en fin de soirée gâteaux.
Ils commencèrent à avancer sur le chemin. Le père Gaspard commençait à être bien embêté.
- Non mais Comment vous dire ?
- Oh regardez ! Des diamants ! Partout ! A nous la gloire ! Sonnez, trompettes de la renommée !
- Non cest la rosée sur les feuilles.
- Du roséééééé ! Encore mieux ! Ouaiiiiiis !
- De LA rosée. Cest de leau qui vient de la brume, voyez.
- Erk. Oh regardez là bas ! Quécéssé ?
- Ben cest une meule de foin qui sest affaissée. Cest à cause des jeunes, ça, ils passent leur temps à y farfouiner pour
- Pour ?
- Pour rien, pour rien. Vous ne voulez pas rentrer chez votre père, vous êtes sûre ?
- Non non non non. Ca va me faire du bien de marcher. Orka dit que jai des grosses fesses.
Le père Gaspard déglutit péniblement. Cétait déjà difficile de se faire accompagner par la fille de lhomme qui peut vous faire fouetter en place publique pour ce que vous étiez en train de faire, mais si en plus elle commençait à parler de ses fesses, il préférait encore sarrêter immédiatement.
- Damoiselle Mahaut ? Damoiselle Mahaut ! Hé ! Jvous parle !
- Hein ? Vous avez entendu ? Cétait quoi ce bruit ?
- Un arbre qui craque. Dites je voulais
- Ouf ! Jai cru que cétait mes braies. Alors que bon, jai quand même pas forci à ce point hein ?
- Euh Je voulais vous dire
- Pis dabord, cest pas de ma faute si on met du gras dans le foie gras hein. Jen ai demandé de lallégé et on ma ri au nez.
- En fait, là, je ne vais pas voir mes champs.
- Cest bizarre comme expression « rire au nez », non ? Parce quon ne rit pas dans le nez des gens. Ou leur rit dans les oreilles. Ou alors on rit du nez, mais je suis à peu près sûre quon parle du sien et pas de celui qui écoute quand on dit ça.
- Je vais relever les pièges que jai mis hier soir sur les terres de votre père.
- Remarquez, rire dans le nez, je suis pas contre, mais ça implique de prévoir un tabouret. Moi jai Anatole qui me fait la courte échelle des fois mais le temps quon sorganise cest pas toujours facile, voyez.
- Je nai pas le droit daller chasser sur les terres de votre père. Vous ne lui direz pas ?
- Il faut dire quAnatole est limousin. Ca explique son retard hein.
- Damoiselle Mahaut, je
- Ouais, ouais, jai entendu. Boarf, on va pas en mourir, hein. Sauf si ça nous force à manger de la salade de choux. Jaime pas la salade de choux.
- Vous ne lui direz rien alors ?
- A la salade de choux ?
- A votre père ! Au garde chasse !
-Ah, lui ? Vous en faites pas, il ronfle en taverne, là. Je lai délesté de 17 écus aux dés hier soir. Il arrive pas à concevoir quune fille de noble puisse tricher.
Petit sourire du père Gaspard. Lidée que cet abruti imbu de lui-même allait se réveiller avec un mal de crâne et une bourse plus légère le ravit intérieurement.
- Bon, mais vous maccompagnez ?
- Ah ben oui ! Jai jamais braconné. Ramassé des champignons, oui, mais jamais braconné. On commence quand ?
- Ben maintenant. Règle n°1 !
Oui ?
- Rester discrets.
- Pas de soucis, chef, pour ça chuis imparable.
Des années plus tard, le père Gaspard jura avoir entendu une pie moqueuse à ce moment précis, comme un présage funeste.
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