Gnia
[L'Alabrena - un matin ordinaire ?]
Dans une brume épaisse de vapeur parfumée d'ambre et de jasmin, une matrone rougeaude essuyait d'un linge fin mais avec vigueur la peau laiteuse de la naïade qui venait de sortir de son bain. Bon, évidemment, si l'on prêtait attention aux grognements et protestations agrémentées de jurons qu'émettait la dite naïade, autant dire qu'elle perdait assez vite le statut de charmante et divine. De toutes façons, cela aurait été faire une description mensongère de la Saint Just. Après tout on ne pouvait pas être à la fois Dicé, étrangleuse de l'Injustice, et une Nymphe tout ce qu'il y a de plus mignonne. Concrètement, la dame ne soutenait pas la comparaison.
Une fois étrillée avec moins de délicatesse que pour un cheval, la comtesse fut ointe et parfumée avant de passer à la phase deux de l'instant Narcisse de la journée. Camériste au garde à vous trônant au milieu de coffres béants et dégueulant quantités de tissus, Agnès passa dans la pièce dévolue à l'habillement. D'ordinaire peu difficile, réservant les atours les plus riches pour les occasions et le protocole, elle se contentait de vesture simple et pratique. Sauf que ses derniers temps, cette étape qui d'ordinaire se résolvait rapidement devenait un véritable tout de force.
Agnès avait toujours été particulièrement dodue. La cuisse ferme, les hanches larges, la fesse généreuse, les bras potelés et la poitrine gironde.
Puis, il y avait eu le deuil, la convalescence nécessaire à la longue estafilade qui lui marquait le bas du visage, le cou et le torse, la nourriture frugale du campement militaire, l'inquiétude des mandats et avec eux, le choix de la thériaque et du vin plutôt que de la nourriture. Puis, il y a avait eu l'Angoumois et trois mois encore de convalescence passée à tenter de parvenir à respirer. Autant dire que la dernière année avait fait fondre lentement mais surement les rondeurs de l'enfance et de la grossesse au point que l'on pouvait parfois deviner le dessin des côtes sur ses flancs.
Aussi, l'état récent de la Saint Just transformait donc l'exercice de l'habillage en un véritable tour de force. A mesure que les jours passaient, les chainses devenait trop étroites quand bien même la poitrine était fermement bandée, les robes laissaient deviner un ventre qui s'arrondissait insidieusement quand bien même l'on trichait en serrant la taille très haut d'un banolier.
Et ce matin-là, exaspérée, Agnès décréta que c'en était trop et donna l'ordre qu'on lui ramène sur le champ quelqu'un capable de manier l'aiguille avec dextérité.
C'est ainsi qu'une gaminette aux cheveux filasse et maigre comme un clou traversa le Vieux Pont qui reliait le quartier d'Oane Vira à la ville pour s'en aller quérir la tisserande qui avait son atelier sur les docks.
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Dans une brume épaisse de vapeur parfumée d'ambre et de jasmin, une matrone rougeaude essuyait d'un linge fin mais avec vigueur la peau laiteuse de la naïade qui venait de sortir de son bain. Bon, évidemment, si l'on prêtait attention aux grognements et protestations agrémentées de jurons qu'émettait la dite naïade, autant dire qu'elle perdait assez vite le statut de charmante et divine. De toutes façons, cela aurait été faire une description mensongère de la Saint Just. Après tout on ne pouvait pas être à la fois Dicé, étrangleuse de l'Injustice, et une Nymphe tout ce qu'il y a de plus mignonne. Concrètement, la dame ne soutenait pas la comparaison.
Une fois étrillée avec moins de délicatesse que pour un cheval, la comtesse fut ointe et parfumée avant de passer à la phase deux de l'instant Narcisse de la journée. Camériste au garde à vous trônant au milieu de coffres béants et dégueulant quantités de tissus, Agnès passa dans la pièce dévolue à l'habillement. D'ordinaire peu difficile, réservant les atours les plus riches pour les occasions et le protocole, elle se contentait de vesture simple et pratique. Sauf que ses derniers temps, cette étape qui d'ordinaire se résolvait rapidement devenait un véritable tout de force.
Agnès avait toujours été particulièrement dodue. La cuisse ferme, les hanches larges, la fesse généreuse, les bras potelés et la poitrine gironde.
Puis, il y avait eu le deuil, la convalescence nécessaire à la longue estafilade qui lui marquait le bas du visage, le cou et le torse, la nourriture frugale du campement militaire, l'inquiétude des mandats et avec eux, le choix de la thériaque et du vin plutôt que de la nourriture. Puis, il y a avait eu l'Angoumois et trois mois encore de convalescence passée à tenter de parvenir à respirer. Autant dire que la dernière année avait fait fondre lentement mais surement les rondeurs de l'enfance et de la grossesse au point que l'on pouvait parfois deviner le dessin des côtes sur ses flancs.
Aussi, l'état récent de la Saint Just transformait donc l'exercice de l'habillage en un véritable tour de force. A mesure que les jours passaient, les chainses devenait trop étroites quand bien même la poitrine était fermement bandée, les robes laissaient deviner un ventre qui s'arrondissait insidieusement quand bien même l'on trichait en serrant la taille très haut d'un banolier.
Et ce matin-là, exaspérée, Agnès décréta que c'en était trop et donna l'ordre qu'on lui ramène sur le champ quelqu'un capable de manier l'aiguille avec dextérité.
C'est ainsi qu'une gaminette aux cheveux filasse et maigre comme un clou traversa le Vieux Pont qui reliait le quartier d'Oane Vira à la ville pour s'en aller quérir la tisserande qui avait son atelier sur les docks.
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